Une vie au-delà des codes

C'est ici que les artistes (en herbe ou confirmés) peuvent présenter leurs compositions personnelles : images, musiques, figurines, etc.
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IsaGuerra
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Une vie au-delà des codes

Message par IsaGuerra »

Bonsoir par là !

Voilà un petit moment que je prépare ce petit projet MCO. J'arrive enfin à en voir le bout je me permets donc de lancer un topic rien que pour lui.
Au début que je me suis inscrite sur ce forum, j'avais entamé une fiction dédiée à Isabella puisque j'ai adoré ce nouveau personnage de la saison 3.
Et comme cela à pu se voir j'ai très vite laissé tomber ce projet pour raison perso' et du fait que je n'aimais pas ce que je faisais (comme d'autre débuts de fictions :lol: ).

Mais ce soir je reviens avec ce sujet pour recommencer à zéro.
Ça ne se sera pas une véritable fiction mais une série de One-Shot abordant des points éparpillés dans la vie de notre aventurière.
Bref vous découvrirez tout ça assez vite. Pour le moment je vous laisse avec ce dernier fanart que je viens tout juste de terminer.

La famille Mendoza profitant d'un magnifique voyage en mer.
Cela me permet donc de vous présenter Fernando, Ana et Leonor (de droite à gauche)
La mer dans le sang.png
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TEEGER59
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Re: Une vie au-delà des codes

Message par TEEGER59 »

Magnifique fanart!
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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IsaGuerra
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Re: Une vie au-delà des codes

Message par IsaGuerra »

Bonsoir par là !
Voilà ce soir commence ma petite série de One-Shot. J'espère que ça vous plaira.

Un début difficile


1510, un village non loin de Barcelone. La nuit s'est installée depuis plusieurs heures maintenant, le froid hivernal n'avait pas tardé à se faire seigneur.
Chaque villageois tentait de passer cette nuit glacée, blottit dans son couchage, les laines avaient été sorties de leurs malles. Les époux se serraient les uns aux autres et les enfants se cachaient ensemble sous leurs courtepointes riant de bon cœur avant de rejoindre le monde des songes.
Pourtant, une fenêtre restait éclairée dans la noirceur des ténèbres, on pouvait y voir un corps s'agiter.
Cela n'allait plus tarder, les événements devraient s'accélérer dans les minutes à venir : Il n'y avait pas une seconde à perdre.
Malgré le froid, une silhouette traversa le village entier, une lanterne à la main, une pèlerine sur le dos dont le capuchon couvrait la moitié de son visage. Le coureur passa devant la petite taverne et la boulangerie dont les enseignes claquaient sous l'effet du vent puis il atteignit la fontaine au centre de la bourgade. L'espace de quelques secondes, le jeune garçon se stoppa : L'air glacé lui brûlait les joues et la poitrine, la douleur était si forte : Il n'était pas habitué à faire cela malgré les nombreuses courses que lui demandait son maître. Miguel se ressaisit, resserra son manteau sur lui et reprit son chemin.
Tout droit jusqu'au clocher puis à droite et enfin à gauche, la porte verte. Sans aucune hésitation, l'apprenti frappa à plusieurs reprises. Après quelques instants, la porte s'ouvrit dans un léger grincement.

« Dios mios ! Miguel que fais-tu dehors par ce temps ?
- C'est mon maître, le Docteur Laguerra, qui m'envoie. Le travail a commencé, nous avons besoin de toi, Ingrid.
- Que me racontes-tu là ? C'est bien trop tôt pour que le travail ne commence.
- Crois-tu que je me serais risqué dans le froid pour une fausse alerte ?
- Bien... Ana ! Rassemble nos affaires et couvre toi, nous avons du travail !
- Bien Señora. »


Très vite, les deux femmes se chargèrent de leurs matériels et se couvrirent pour suivre Miguel jusqu'à la demeure des Laguerra.
Ingrid était inquiète : L'accouchement aurait dû avoir lieu seulement dans quelques semaines. S'il ne s'agissait pas d'une fausse alerte, il faudrait agir vite.
Miguel portait les affaires de la sage-femme pour qu'elle et sa disciple puissent s'abriter du froid rude de l'hiver.
La jeune Ana, âgée de 15 ans, sursauta vivement lorsqu'un vieux chat passa devant elle en courant, lui aussi pour se mettre à l'abri. Ana avait une sainte horreur de ces bêtes-là, de jour comme de nuit. Miguel aurait volontiers ri si la femme de son maître ne requérait pas une aide rapide.
Le trio poursuivit son chemin jusqu'au domicile des Laguerra, l'élève du Docteur fit entrer les deux femmes et les guida vers la chambre des maîtres de maison.

« Maître, nous voilà.
- Ingrid, pardonne-moi de t'avoir fait venir à une heure si tardive.
- Ne t'en fais pas. Laisse-moi voir Elena. »


Sans plus attendre, l'accoucheuse du village pénétra dans la chambre suivit de près par Fernando et Ana.
Ingrid s'approcha de la jeune femme sur le lit. Cette dernière était en sueur, incapable de retenir des cris déchirant de douleur. Ses mains se cramponnaient aux draps au-dessous d'elle, ses longs cheveux bruns collés sur sa nuque.
Fernando s'empressa de se mettre à ses côtés, de la prendre contre lui pour tenter d'apaiser ses souffrances, lui tenant la main et écartant les quelques mèches de cheveux lui couvrant le front. Bien que Docteur de profession, l'homme se sentait complètement dépourvus face à cette situation... Comment pouvait-il être capable de soigner des inconnus, mais incapable de soulager les contractions de sa douce épouse ?
Ingrid, après avoir constaté les faits inévitables, avait installé son matériel et envoyé Ana chercher deux bassines, l'une d'eau froide et l'une d'eau chaude. L'accoucheuse rassura la future mère comme elle le pouvait.
Miguel et Ana revinrent avec les deux bassines, le jeune homme déposa la sienne auprès de son maître, encouragea sa bienfaitrice et sortit de la chambre pour les laisser agir. Il resta néanmoins de l'autre côté de la porte au cas où son aide serait nécessaire.
Fernando épongea le front d'Elena, il ne lui lâchait pas la main et lui communiquait encouragement et mot doux en permanence.
Ingrid sentit l'anxiété de son élève et lui demanda de se ressaisir : Elle avait besoin qu'elle soit concentrée et sereine pour que le travail se passe de la meilleure des façons possibles.
Ana s'excusa et prit une grande inspiration afin d'épauler au mieux sa préceptrice.

Un long moment s'écoula, un temps incroyablement long et accompagné de hurlement et d'agitation.
A l'extérieur, le vent s'était arrêté, l'aube commençait à faire son apparition à l'horizon mais personne n'y prêtait attention dans la demeure.
Elena était épuisée, des larmes coulaient le long de son visage fin. Elle se tourna vers son amant et agrippa sa chemise, se collant contre son torse.

« Fernando... Je n'en peux plus... Je... Je ne vais pas y arriver...
- Si tu peux y arriver mon amour. Sois forte, tu y es presque.
- Non... C'est impossible... Je...
- Elena, soyez courageuse, vous y êtes presque, je vois le bébé. Encore quelques efforts.
- C'est bientôt terminé mon amour, ne lâche rien. »


Fernando déposa un baiser sur les lèvres chaudes d'Elena. Il avait conscience du supplice qu'elle subissait en ce moment même. Il continua ses encouragements et se mit à prier intérieurement. Le Docteur ne supportait pas de voir son épouse, sa bien-aimée souffrir de la sorte.
Et puis soudain... La délivrance.
Des cris d'un autre genre se firent entendre dans la pièce.
Ingrid s'empressa d'envelopper le nouveau-né dans une serviette et le nettoya avec une grande délicatesse à l'aide d'une petite éponge trempée dans l'eau tiède puis elle le confia à Ana pour que celle-ci coupe le cordon et enveloppe le petit criard dans un drap de lin propre.
Pendant ce temps, Fernando félicitait son épouse, larmes aux yeux et sourire aux lèvres et la serra contre lui.

« Mon amour, je te l'avais dit : Tu as réussi. Notre bébé est là, il a l'air en bonne santé.
- Fernando... Une fille ou un garçon ?...
- Une jolie petite princesse. »


Ana s'approchait déjà avec le nourrisson dans les bras et le confia à sa mère avant de venir se poster aux côtés d'Ingrid et de poser sa tête contre son épaule. Cette dernière félicita son apprentie, son aide lui avait été précieuse puis elles décidèrent de sortir un instant pour laisser les jeunes parents profiter de ce moment unique et prévenir Miguel qui attendait toujours sur le palier.
Les jeunes parents étaient l'un contre l'autre, Fernando embrassa son épouse sur son front encore humide de sueur et passa sa main pour écarter le drap du visage de son enfant.

P'tit miracle.png

Il entendit la petite voix d'Elena marmonner quelques mots.

« Qu'as-tu dit ?
- J'aurais aimé te donner un garçon...
- Ne dis pas ça, notre fille est parfaite. Je suis sûr qu'elle sera aussi belle que toi.
- Et qu'elle aura ton intelligence...
- Elle sera parfaite. »


Prononçant ces mots, Fernando sentit le corps de son épouse se relâcher complètement dans ses bras. Quelque chose d'étrange se passait, l'homme s'écarta tout en appelant son épouse. Elle n'avait plus aucune réaction, le Docteur attrapa son enfant en continuant d'appeler Elena.
A l'écoute des appels, Ingrid et les deux adolescents entrèrent dans la pièce pour découvrir la scène.
Fernando mit le bébé dans les bras d'Ingrid et se précipita à nouveau aux côtés d'Elena et tenta de la faire réagir, de lui faire reprendre conscience mais rien n'y fit...
Il était déjà trop tard et Elena les avait quittés.
Les larmes envahirent les yeux de tous ceux présents dans la pièce, Ana se réfugia dans les bras de Miguel.
Ingrid s'approcha du Docteur, posa sa main sur son épaule.
Fernando tenait la main encore tiède de la jeune brune, meurtris de la perte de sa femme...
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Re: Une vie au-delà des codes

Message par IsaGuerra »

Salut par là.
Voilà la seconde partie du premier One-Shot.
~~~~~~~

Quelque temps s'était écoulé depuis le décès d'Elena...
Fernando l'avait veillé jusqu'au dernier instant, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus le faire. L'homme tentait tant bien que mal de paraître digne mais personne ne fut dupe de son état psychologique.
Les deux amants se connaissaient depuis leur plus tendre enfance et ne s'étaient jamais quittés depuis le retour du docteur. Maintenant, tout était fini.

« Et ça, il ne le supporte absolument pas Ingrid...
- Je le conçois mon cher Miguel... Elena et Fernando se sont toujours promis de rester ensemble depuis leur plus jeune âge. Lorsqu'il nous est revenu de France, nous pensions tous, les anciens et moi-même, que cela serait le cas... C'était une enfant si douce, si joyeuse... »


La vieille femme essuya sa joue avec ses longs doigts fins et se reprit quand elle sentit la main compatissante du jeune disciple se saisir de son autre main.

« Comment va l'enfant ? Elle ne risque plus rien.
- Je ne dirais pas cela mais elle a l'air en bonne santé malgré tout.
- Mon maître refuse de venir la voir... Avant de venir, je suis allé le voir à son bureau : Il a catégoriquement refusé d'en sortir.
- Je crains fortement, mon cher Miguel, qu'il désigne la petite comme responsable de ce qui est arrivé à Elena...
- Comment peut-on le convaincre du contraire ? Et doit-on le faire ? »


Miguel regarda son interlocutrice, espérant une réponse de sa part. Cependant, tout ce qu'il vit fut des yeux signifiant qu'elle n'en avait aucune.
L'accoucheuse savait pertinemment que rien ne ferait changer d'avis le docteur...

Ingrid finit par proposer au jeune disciple de rendre une petite visite à la nouvelle-née, chose qu'il accepta immédiatement.
Miguel suivit son aînée à l'étage de la petite bâtisse, l'escalier grinça légèrement sous leurs poids ; Seule la quatrième marche en partant du haut ne fit aucun bruit.
Le duo s'arrêta devant l'une des deux portes trônant sur le palier, Ingrid l'ouvrit avec précaution afin de ne pas faire trop de bruit.
La pièce était plongée dans la pénombre, seule un peu de lumière filtrait à travers le fin rideau suspendu à l'unique fenêtre de la petite chambre. Elle n'était meublée que d'un lit simple recouvert d'une épaisse couverture d'une laine teintée d'un vert profond, à l'opposé se tenait un petit couffin en osier, recouvert de draps en lin beige. Pour seul autre meuble, une petite table avec une bougie à moitié consumée...
Ana avait les cheveux dressés en un petit chignon bas, quelques petites mèches rebelles s'en échappaient. La jeune femme se tenait au-dessus du petit lit, fredonnant une berceuse tout en recouvrant le bébé endormi. Elle resta un instant à contempler ce petit visage, cette petite bouche légèrement entrouverte la fit fondre de bonheur.
Puis, la jeune apprentie accoucheuse se rendit compte des présences derrière elle et se retourna pour retrouver une Ingrid attendrie.

« Elle a mangé un peu sans régurgiter, je l'ai changée et bercée un peu. Elle s'est endormie il y a peu.
- Très bien Ana. A-t-elle eu une quelconque réaction ?
- Non aucune... Elle n'observe pas son environnement, elle n'a fait que me fixer. Pas un seul petit bruit. Elle semble aussi un peu... Éteinte...
- As-tu dû encore la réveiller ? »


Ana hocha la tête, légèrement désemparée... Elle n'avait jamais vu un nourrisson se désintéresser de tout contrairement à Ingrid. Cette dernière avait procédé à presque tous les accouchements datant de vingt ans au moins de leur village, la sage-femme savait que chaque naissance, chaque enfant était différent.
Cependant, le seul autre bébé ayant eu un début de vie similaire avait grandi avec de grosses difficultés relationnelles, impossible pour lui de se lier d'amitié avec d'autres enfants. Le garçon rejetant toute socialisation – enfant ou adulte – avait fini par s'exiler à l'écart du village. On ne le voyait plus que très rarement.
La vieille femme observa les deux jeunes avec elle puis s'approcha du berceau : Elle refusait de voir une autre enfant souffrir d'une telle sorte.
Ingrid passa sa fine main sur ce petit bébé.

« Señora Ingrid... Qu'allons-nous faire ?
- Vous deux ? Rien si ce n'est continuer à veiller sur cette petite demoiselle pendant mon absence.
- Votre absence ? Maîtresse, où allez-vous ?
- Chercher la seule personne qui peut aider cette petite mieux que nous trois réunis. »


La femme sortit de la pièce et redescendit, elle se coiffa de son foulard pourpre, cadeau de son propre fils et quitta son domicile.
D'un pas plus que déterminé, Ingrid traversa le village ignorant l'averse qui débutait et les habitants lui demandant de se mettre à l'abri.
Il fallait vite se rendre jusqu'au domicile Laguerra, l'avenir d'un nourrisson était en jeu.
Ingrid n'avait aucune idée de ce qu'elle allait dire à Fernando mais, une chose était certaine, elle le ramènerait auprès de sa fille de gré ou de force afin qu'il assume son rôle de père ou l'abandonne dans les règles.
Arrivée devant la propriété, la vieille femme poussa le portillon et parcourut les derniers mètres qui la séparaient de la porte d'entrée de la demeure. Ingrid ne prit pas le temps de s'annoncer et entra. L'intérieur étant plongé dans la pénombre, elle alluma une bougie et se dirigea immédiatement vers le cabinet de travail du docteur, bien décidée à le faire sortir de cet espace morose.
Ingrid ouvrit d'un coup sec la porte, la faisant claquer violemment contre le mur.

« Fernando Camilo Louis Laguerra !!
- Ingrid ?! Que fais-tu ici ? Va-t-en !!
- Oh non, je ne m'en irai pas ! Pas avant de t'avoir fait sermon !
- Je sais très bien de quoi ou plutôt de qui tu veux me parler mais épargne ta salive : Je ne changerai pas d'avis. »


Les deux locuteurs se faisaient face. L'une le regard plein de détermination, l'autre était empli d'une colère cachant un chagrin certain.
Bien que plus âgée d'une vingtaine d'années, Ingrid était encore une femme à l'esprit et au corps vifs. Fernando en fit l'expérience en étant heurté par une forte main, il fut surpris mais n'eut pas le temps de riposter et de stopper la seconde.
Puis la voix cinglante de la sage-femme se fit à nouveau entendre.

« Tu as tout à fait le droit d'être en colère, d'avoir du chagrin d'avoir perdu ton Elena, sa mort nous affecte tous ! Mais pour le moment, une petite fille qui n'a absolument rien demandé est en train de se laisser mourir. Ta fille se laisse mourir ! Elle a déjà perdu sa mère ne la laisse pas perdre son père !
- Et moi j'ai perdu mon épouse ! Comment peux-tu imaginer que je puisse aimer une enfant qui a tué sa propre mère ?!
- Je ne te demande pas de l'aimer, je te demande de ton comporter comme un homme ! Cette enfant qui est la tienne a besoin de toi ! »


Ingrid le pointait du doigt, plus en colère qu'elle n'aurait pu croire, elle sentit sa gorge se nouer peu à peu et les larmes lui monter aux yeux. Elle continua de crier sur le docteur et elle prononça les quelques mots de trop... Elle ne s'en rendit pas compte sur le moment. Ce ne fut qu'après une poignée de secondes éternelles de silence que son esprit assimila les mots, chose que le docteur avait déjà compris et qui résonnait dans sa tête.
Il se laissa tomber à genoux, les larmes coulant enfin sur son visage après tant de temps... Fernando enserra son torse, en proie à ce chagrin enfin révélé... Les derniers mots de la femme en face de lui l'avaient brisé instantanément. Des cris de souffrances se noyèrent dans les sanglots. Fernando serra les poings sur ses cuisses froissant son pantalon, se mordit la lèvre inférieure tandis que les larmes continuèrent à couler...
Bien que ses articulations la fassent souffrir, Ingrid se baissa et attrapa le menton de Fernando afin qu'il relève la tête. Elle lui trouva un air miséreux mais ne pouvait pas le lui reprocher...

« Fernando pardonne-moi mes derniers mots... Mais je t'en supplie, tu dois aller voir ta fille.
- Je ne peux pas Ingrid. Si je le faisais cela signifierait accepter qu'Elena ne soit plus là... Je ne peux pas.
- Petit idiot. Elena sera toujours avec nous. »


La sage-femme affichait désormais un petit sourire triste tout en pointant la tête et le cœur de l'homme. Ce dernier comprit ce que ces petits gestes voulaient dire et se saisit de cette fine main fraîche.
Ingrid encouragea encore une fois son ami à se rendre chez elle pour rencontrer son enfant.
Ce fut un soulagement certain lorsque l'homme accepta enfin, résigné dans les faits.
La vieille femme conseilla à Fernando de se rafraîchir ainsi que de se changer avant de la rejoindre dans l'entrée, là où elle l'attendrait.

Miguel commençait à tourner en rond lorsqu'il entendit la porte d'entrée s'ouvrir enfin sur la propriétaire des lieux suivie de près par le docteur. Le jeune homme cacha au mieux sa joie : Il était ravi de voir son maître après tout ce temps enfermé dans son bureau et le voilà enfin.
Fernando semblait néanmoins plus résigné que réjouit de sa présence ici mais le plus important était qu'il soit présent.
Ingrid ne perdit pas de temps en explication et poussa le docteur dans les escaliers.
L'homme au bouc se tint devant la porte pendant un instant : Ouvrir cette porte impliquait d'accepter la mort de sa bien-aimée... Fernando tendit la main vers la poignée et stoppa son geste. Baissant le regard, il s'aperçut d'un tremblement incontrôlable venant de sa main. Le docteur se concentra pour ne rien laisser paraître devant qui que ce soit, il n'était pas question que la vieille femme remarque cette faiblesse.
L'homme finit par attraper la poignée de porte et la tourna.
Entrant dans la pièce, Fernando découvrit une jeune fille endormie aux côtés d'un berceau. Le docteur s'approcha du petit lit le plus silencieusement possible, il sentait son cœur battre un peu plus fort à chaque pas.
Fernando s'attendait à trouver un bébé endormi pourtant lorsqu'il passa la tête au-dessus du couffin, son regard croisa instantanément celui d'une petite créature, deux yeux d'un brun profond le fixait.
L'homme tendit la main vers le nourrisson puis se ravisa et tourna les talons près à repartir. Cependant, Ingrid lui barra le passage bien décidée à lui faire toucher son enfant.
Le grincement du parquet réveilla Ana et elle se dressa immédiatement sur ses jambes tout en replaçant son tablier correctement. La jeunette fut tout autant surprise que Miguel de voir le père de l'enfant présent dans la pièce.
Les deux apprentis se rapprochèrent de leurs maîtres respectifs, entourant Fernando afin de l'empêcher de fuir à nouveau. Ils échangèrent un regard essayant de savoir comment aider leurs aînés.
Ingrid se saisit des mains du docteur, tentant de lui transmettre une once de courage, l'aidant à accepter un geste qui serait pour lui libérateur.
Fernando ferma les yeux, secouant la tête : Il n'était pas prêt ! Il ne le serait probablement jamais. L'homme sentit une main ferme s'appuyer sur son épaule, il jeta un œil à son détenteur : Miguel. Ce jeunot semblait finalement plus mature qu'il n'y paraissait. Le docteur gratifia son disciple en posant sa main sur la sienne.
Dans ce silence attendrissant, de petits gémissements inattendus emplir la pièce presque instantanément suivis de pleurs.
Tous se tournèrent vers le berceau, surpris de cette petite voix aiguë. Était-ce possible ?
Ana se précipita vers l'enfant et la prit dans ses bras : Pour la première fois depuis sa naissance, le nourrisson s'exprimait pleinement, des larmes coulaient depuis ses petits yeux sur ses joues maintenant rouge.
Sans aucune concertation avec sa préceptrice, l'adolescente s'approcha du jeune père et lui adressa un regard plein de douceur ainsi qu'un sourire serein. Elle lui déposa le bébé dans les bras sans qu'il puisse refuser.
Semblant réagir au contact, l'enfant commença à se calmer gardant les yeux rivés sur le visage au-dessus d'elle.

Quelques jours passèrent depuis cet instant et, désormais, Miguel se rendait chez Ingrid accompagné de son maître.
Ingrid et Ana s'assuraient toujours que Fernando ne reste pas seul avec la petite et lui soumettaient toujours plus de conseils et d'avertissement concernant le bien-être de cette dernière.
Préparer d'un biberon en veillant à ce qu'il soit à température parfaite, changer le lange, assurer un sommeil idéal, garder un contact important qu'il soit visuel ou physique, éveiller l'intérêt du bébé pour ce qui l'entoure...
Fernando se sentait incroyablement perdu dans tant de nouveautés malgré le fait qu'Ingrid le rassure sans cesse qu'il s'en sortait à merveilles.

Un soir, Ingrid congédia les deux apprentis prétextant qu'ils en avaient déjà fait beaucoup et qu'ils avaient besoin de voir leur propre famille. Par politesse, les adolescents insistèrent pour rester encore mais furent bien trop contents d'être mis à la porte.
La vieille femme ne put s'empêcher de rire, ce n'était encore que des enfants : Il fallait qu'ils puissent grandir comme tel, qu'ils s'amusent comme les autres le feraient. Depuis la naissance de la petite locataire, ni Ana ni Miguel n'avait pu profiter même un court instant de leurs temps libre pour être avec leur famille, ils avaient toujours voulu prendre soin de la petite fille et aider Ingrid à convaincre le nouveau père de lui rendre visite.
La sage-femme patienta un peu puis monta les marches lentement voulant s'assurer de ne pas réveiller l'enfant ou de déranger un moment précieux d'amour paternel.
Dans la pièce, elle découvrit un Fernando assoupi au fond d'un fauteuil à bascule avec sa fille dans les bras. La vieille femme fut attendrie devant toute cette douceur et ne voulut pas rester plus longtemps dans la pièce.
Cependant, elle s'approcha quand même du duo en attrapant la couverture de laine outremer. Ingrid les couvrit comme une mère bordant ses enfants.
Au moment où elle allait quitter la pièce, Ingrid fut interrompue par le grincement du parquet et un léger grognement.
Elle se retourna pour voir que Fernando s'était réveillé en sentant sa présence. Ingrid lui fit comprendre qu'elle sortait avec un petit sourire.
Avant que la vieille femme ne referme complètement la porte, elle entendit le nouveau père l'interpeller :

« Ingrid ?...
- Oui ?
- Je ne sais pas si j'en suis capable.
- Être parent ne s'improvise pas Fernando. Il te faudra du temps pour apprendre à connaître ta fille.
- Puis-je te demander une faveur ?
- Je t'écoute.
- Peut-elle rester ici le temps que je... Que je m'habitue ?
- Cela va de soi. »


Ingrid souriait, elle était ravie d'avoir convaincu un père d'accepter son enfant.
Plus de doute possible, l'enfant allait recevoir les meilleurs enseignements et surtout un amour inconditionnel.
Fernando se leva de son siège et s'approcha du berceau pour coucher sa fille. Il la borda et lui caressa la joue du bout des doigts.
La sage-femme s'apprêtait à sortir de la pièce lorsqu'elle se retourna vers le docteur.

« Fernando ? Aviez-vous choisi un prénom pour cette petite princesse ?
- Non, nous n'avions évoqué que quelques prénoms pour un garçon...
- Et pour une fille ?
- Je ne sais pas...
- Peut-être que ceci t'aidera : L'accouchement a eu lieu le 22 février, le jour de la Sainte Isabella.
- Isabella... La grand-mère d'Elena se nommait ainsi, elles s'adoraient... Je crois qu'Elena apprécierait grandement qu'on appelle notre fille Isabella.
- Je le pense aussi. »


La vieille femme sortit, laissant un père et sa fille seuls.
Fernando se sentait étrangement mieux depuis un long moment, il souffrait encore pourtant un sentiment de bonheur semblait envahir peu à peu son corps fatigué...
Cela prendrait du temps mais il parviendrait à reconstruire sa vie, construire la meilleure existence possible pour sa fille.
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Re: Une vie au-delà des codes

Message par IsaGuerra »

Joyeux Noël à tous!
Voilà un petit cadeau : 3 aquarelles, chacune accompagnée de sa petite situation.

~~~~

Noël 1517

Fernando était à genoux devant l'âtre de la cheminée. Armé d'un tisonnier, le docteur assurait la bonne tenue de son feu.
Avec la nuit, la température intérieure avait radicalement baissé et il était très agréable de se trouver devant les flammes dansantes.
L'homme reposa le pique-feu à son emplacement et se laissa tomber sur la chaise la plus proche. Il regrettait sincèrement de ne pas avoir pris de somnifères en revenant de la Messe de Minuit : Fernando avait bien essayé de s'endormir seulement le souvenir de sa femme l'avait obnubilé à chaque instant.
Finalement, le docteur s'était résigné un peu avant l'aube et avait quitté le lit pour se rendre dans son bureau. Avant de descendre les escaliers, il s'était assuré que sa petite fille dormait à poings fermés. Pour une fois, Isabella semblait plonger dans un sommeil sans faille, ce qui avait soulagé le père.
Fernando était alors descendu dans son officine simplement pour se saisir d'un petit paquet qu'il souhaitait offrir à sa fille. Puis il avait attendu son réveil en lui préparant son petit-déjeuner préféré.

L'homme somnolait un peu sur sa chaise, caressant avec l'anneau dont il ne pouvait se défaire, lorsqu'il s'aperçut qu'Isabella n'était toujours pas venue le saluer malgré l'heure tardive.
Pas vraiment inquiet, Fernando se leva, attrapa le paquet brun sur la table et se dirigea à l'étage.
Arrivé devant la porte, le père se saisit de la poignée et ouvrit doucement la pièce. Son regard se posa sur le lit : Il était défait et Mila, la poupée de porcelaine de sa fille, était encore posée sur le matelas.
Fernando aperçut ensuite son enfant : Isabella était assise sur le rebord de la fenêtre et observait l'extérieur.
La petite fille ne se rendit compte de la présence de son père qu'au moment où celui-ci s'installa sur la méridienne à côté d'elle. Elle s'excusa de ne pas être descendue plus tôt mais elle avait voulu profiter de la quiétude matinale.

« Père ?
- Oui ma princesse ?
- Pensez-vous que les anges fêtent Noël ?
- Pourquoi me poses-tu une telle question ?
- Il y a quelques jours, vous m'avez dit que mère adorait cette fête alors je me demandais si elle pouvait continuer à la célébrer depuis qu'elle a rejoint les cieux. »

Dans l'immédiat, Fernando fut surpris et ne sut quoi répondre à sa fille.
Après quelque temps de silence et de réflexion, l'homme trouva une réponse :

« Je vais être franche Isabella, je n'ai aucune de ce que font les anges en ce jour. Néanmoins, en ce qui concerne ta chère mère, je suis certain qu'elle célèbre ce moment. Parce qu'elle est avec nous.
- Vous croyez ?
- Oui. J'imagine qu'elle est à nos côtés en ce moment. Elle veille sur nous depuis ta venue au monde.
- J'aurais tellement aimé la rencontrer. Père parlez moi d'elle : Je veux tout savoir de celle qui est mon ange gardien. »

La petite affichait un large sourire. Cette vision troubla le docteur : Un peu plus chaque jour, il retrouvait un peu d'Elena dans sa petite fille.
Noël 1517.png


Noël 1534

Le feu crépitait dans le foyer de la cheminée rendant l'atmosphère très chaleureuse et faisant presque oublier la neige qui tombait à l'extérieur.
Pour la première fois depuis longtemps, Juan-Carlos était revenu au sein du foyer familial pour fêter la fin d'année en compagnie de ses parents et de son jeune frère. La mère du marin ne pouvait être de plus ravie de revoir son aîné accompagné de sa belle-fille.
Le séjour des voyageurs se déroulait à merveilles : La marin passait beaucoup de temps avec son petit frère et son père, chose qu'il n'avait pas pu faire depuis son départ vers le Nouveau Monde deux ans auparavant. Isabella, quant à elle, ne s'attendait pas à être accueillie aussi chaudement. Dolorès l'incluait dans toutes ses activités, lui enseignait quelques recettes de familles ce que la jeune femme adorait. La catalane ressentait, depuis la première fois en vingt-quatre ans, ce que pouvait être l'amour maternel.
Le jeune couple Mendoza profitait du silence presque total de la demeure. Ils étaient allongés sur la méridienne, blottit l'un contre l'autre sous une petite couverture.
Les amants discutaient de tout et de rien, partageant notamment sur ce que pourrait être leur avenir.
Ils allaient bien sûr aider Tao avec la fondation de l'Ordre du Condor mais c'était un projet qui ne les occuperait pas éternellement. Juan-Carlos évoqua alors l'idée de voyager ensemble et de découvrir davantage le monde. Ils pourraient même envisager de partir à la fin de leur séjour en Catalogne.
La jeune femme approuvait cette proposition, cela lui convenait tout à fait pourtant elle déclina l'offre.
Devant ce refus incompréhensible, Mendoza interrogea son épouse.
Pour toute réponse, Isabella exprima que le destin avait déjà fait certains choix pour eux et qu'un tel voyage n'était pas compatible.
Noël 1534.png


Noël 1536

Cette année encore, la famille Mendoza avait regagné leur précieuse Catalogne pour les célébrations de fin d'année.
Isabella avait tenu à se rendre dans son village natal afin de revoir le couple Perez et leurs trois enfants. Ces derniers étaient également ravis de cette visite, surtout Miguel qui ne s'était pas attendu à découvrir une Isabella mère de famille et enceinte.
Les deux familles avaient profité de quelques jours calmes et bonne ambiance.
La catalane tenait vraiment à ce que son fils connaisse sa terre natale. Le petit garçon était toujours rieur et buvait les paroles de sa mère.
Juan-Carlos était en admiration devant cette relation fusionnelle notamment lorsqu'il songeait à l'attitude de son épouse pendant les deux mois qui avaient suivi la naissance de Fernando. Pendant cette période, Isabella refusait tout contact superficiel avec le nourrisson comme si celui-ci la répugnait. La jeune femme n'était plus que l'ombre d'elle-même : Elle savait que son fils en pâtissait mais elle se sentait incapable de le regarder, de prendre soin de lui. Si Juan n'avait pas été à ses côtés, elle aurait pu commettre la même erreur que son propre père avait failli faire.
Tout avait changé le jour où Ambrosius avait tenté de les éliminer une nouvelle fois : Elle avait senti son cœur se déchirer en pensant à son bébé et au fait qu'il risquait de grandir sans sa mère. Cela l'avait obligé à se battre et, dès son retour au palais de Pattala, elle n'avait plus quitté son enfant afin de rattraper le temps perdu et choyer ce trésor.
Aujourd'hui, mère et fils étaient presque inséparables.

Le matin de Noël, Isabella était assise devant la cheminée en compagnie d'Ana. Les deux femmes discutaient de ce qu'était le fait d'être mère tout en partageant quelques souvenirs.
Les deux femmes s'interrompirent lorsque les enfants d'Ana arrivèrent dans la pièce réclamant leur petit-déjeuner. Le jeune trio fut suivi de Mendoza portant Fernando.
Isabella se leva de sa chaise et les rejoint à l'entrée de la pièce.
Le benjamin de la fratrie Perez fit la remarque que les Mendoza devaient s'embrasser puisqu'ils se trouvaient en dessous de la branche de gui.
Les amants échangèrent un regard et obtempérèrent, échangeant un doux baiser. 7
Le petit garçon que tenait Juan-Carlos fit entendre son mécontentement, lui aussi semblait vouloir participer. Pour toute réaction, ses parents déposèrent sur sa petite tête deux baisers. Provoquant un petit rire chez le chérubin.
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Retrouvailles entre disciples

Août 1518, Vilanova i la Geltrú

L'homme se tamponna le front avec son mouchoir, la chaleur de la forêt était étouffante. Son compagnon de voyage avala une énième rasade d'eau désormais tiédie et se pencha en avant pour en donner à sa monture.
D'un simple regard, les deux hommes décidèrent de faire un nouvel arrêt pour laisser les chevaux reprendre leurs souffles.
Le plus petit d'entre eux s'était adossé à un arbre, fatigué d'être assis sur une selle depuis plusieurs jours : Sa douleur au fessier lui était insupportable. Il regarda son acolyte sortir une carte de la région qu'il déploya et posa au sol. Forcés de l'admettre, ils s'étaient probablement égarés depuis un long moment, sans doute depuis ce fameux embranchement pris deux heures auparavant.

« Bon sang, mais quel enfer cette forêt !
- Tais-toi donc Ambrosius. Nous allons bien finir par retrouver notre chemin.
- Le plus tôt sera le mieux. Les pauvres bêtes-là ne vont pas tenir longtemps sinon.
- Je sais... Bon écoute, je pense que nous sommes dans ce coin-ci et il y a un village ici. En suivant ce sentier-là, on devrait le trouver.
- Et après ?
- Et après, il nous suffira de demander notre chemin et de quoi rafraîchir ces braves chevaux. »

Ambrosius soupira, son ami avait raison : Sans village pas de ravitaillement possible.
Quelques minutes après, les deux hommes se remirent en route.
Bien que la chaleur insoutenable gâche un peu ce voyage, la forêt catalane restait splendide. De grands arbres au vert profond, quelques oiseaux chantaient et s'envolaient dès que les cavaliers approchaient.
Après un petit moment, ils quittèrent enfin les bois. Retrouver la lumière du soleil sans filtre les éblouit durant quelques secondes. Lorsque leurs yeux furent habitués à cette clarté aveuglante, Ambrosius désigna de son index l'endroit espéré : Un village se tenait à quelques centaines de mètres de leur position actuelle. Athanaos était bien meilleur que lui en orientation. Grâce à lui, ils n'allaient pas finir rôtis sous le soleil. Ce dernier s'essuya le front, rassuré de ne pas s'être trompé.
Les deux hommes échangèrent une tape de main avant de continuer leur chemin.

Atteignant le village, Athanaos et Ambrosius mirent pied à terre et s'approchèrent de l'abreuvoir afin que les chevaux puissent avoir accès à une eau bien fraîche.
Athanaos s'approcha du maître des lieux et s'excusa d'être entré sur sa propriété. L'homme rit : Il n'y avait pas beaucoup de visiteurs ces temps-ci et ceux prenant soin de leurs montures étaient toujours les bienvenus à Vilanova i la Geltrú.
Entendre le nom de l'endroit, ravis les deux étrangers : Malgré leur détour, ils avaient fini par trouver le bon village.
Aussitôt, Athanaos se renseigna auprès de l'homme.

« Connaissez-vous un homme se nommant Fernando Laguerra ?
- Pour sûr mon gars ! C'est le médecin de ce village.
- Vraiment ?
- Bien sûr. Allez au centre du village. Vous l'y trouverez sûrement.
- Merci beaucoup. »

Les voyageurs attrapèrent leurs bardas et remercièrent à nouveau l'homme, lui laissant les chevaux.
Ambrosius et Athanaos s'avancèrent dans la grande rue, appréciant de ne plus être à cheval et surtout d'avoir retrouvé la civilisation.
Ils croisèrent quelques enfants qui, malgré la chaleur, couraient dans tous les sens. Exaspérant légèrement Ambrosius qui ne pouvait supporter la présence de ces jeunes humains.

Arrivés près de la fontaine, les deux hommes posèrent leurs sacs à leurs pieds. Ambrosius s'essuya encore une fois les grosses gouttes de sueurs perlant sur son front.
Aucun des deux voyageurs ne voulut passer des heures entières à scruter chaque visage passant devant eux alors Athanaos se dirigea vers une vieille femme assisse sur le bord de la fontaine.

« Bonjour Señora ? Je suis navré de vous importunez mais puis-je vous un renseignement ?
- Allez-y jeune homme. Je vous écoute.
- Voyez-vous, mon ami et moi cherchons Fernando Laguerra, l'homme que nous avons vu à l'entrée de votre village nous a confirmé qu'il était ici. Accepteriez-vous de nous indiquer où trouver sa demeure ?
- Mais tout à fait. Cependant, à cette heure-ci, vous n'y trouverez personne.
- Vraiment ?
- Oui, il s'est absenté pour la matinée mais... »

La vieille femme regarda autour d'elle et interpella deux adolescents. Ces derniers vinrent à elle presque aussitôt.

« Qu'y a-t-il Ingrid ? Est-ce que je peux t'aider ?
- Oui mon garçon. Peux-tu conduire ces deux hommes chez ton maître et les faire patienter jusqu'à son retour ? »

Athanaos et Ambrosius échangèrent un regard : Son maître ? Fernando s'était dégoté un disciple depuis son départ ? Ils allaient devoir obtenir de sacrées explications. Avait-il quitté l'Ordre uniquement pour devenir le maître de quelqu'un ?
Cependant, ce qui interloqua le plus le français, était probablement l'absence totale de méfiance de cette femme : Deux inconnus débarquaient dans son village et elle laissait un enfant les guider jusqu'au domicile de leur ami.
Ambrosius choisit tout de même de se concentrer à nouveau sur ce qu'il se disait autour de lui. Il entendit donc que le gamin se prénommait Miguel et que son maître devrait rentrer d'ici une petite heure.
Les deux hommes remercièrent ladite Ingrid pour son aide et récupérèrent leurs sacs avant de suivre l'apprenti. Ce dernier rappelait étrangement un autre apprenti, tout aussi enthousiaste et sautillant.
Miguel était excité : Ce n'était pas souvent que son maître recevait de la visite. Pour ainsi dire, il n'avait vu défiler que quelques amis proches comme Ingrid ou Ana pendant ces dernières années.
Alors qu'ils avançaient dans les rues, Miguel se retint. Cependant, sa curiosité éveillée, le jeune homme tourna la tête dans un premier temps, puis fit volte-face franchement. Une étincelle dans les yeux et un sourire plaqué aux lèvres, Miguel se décida à interroger ces étrangers. Il avait mille questions à leur poser.

« Señores ? Serait-ce indiscret de vous demander d'où vous venez ?
- Pas du tout mon garçon. Nous arrivons de la frontière française.
- D'aussi loin ?
- Pour être tout à fait honnête, nous venons d'encore plus loin que la frontière.
- Et... Mais pourquoi avoir fait tant de route pour rencontrer mon maître ? La France n'a-t-elle point de médecin ? »

Au sourire espiègle de l'apprenti, Athanaos et Ambrosius se mirent à rire. Ce dernier pinça sa moustache du bout des doigts et reprit :

« Vois-tu Miguel, nous ne venons pas ici pour voir le docteur Laguerra. Non, nous venons rendre visite à Fernando Laguerra. Ce n'est pas tout à fait la même chose.
- Je vois... Et qui êtes-vous pour lui ? Si vous ne venez pas pour le consulter ?
- De vieux amis. Cela fait déjà un moment que...
- Des amis ? Bah ça alors ! Moi qui croyais qu'il n'en avait aucun. Hormis ses patients et quelques notables, il ne côtoie personne.
- Tu ne pensais tout de même pas qu'il avait vécu ici toute...
- Toute sa vie ? Non mais je ne pensais pas qu'il avait vécu en France.
- Dit voir, cela t'arrive de couper la parole...
- Désolé señores, je ne fais que ça. Un peu trop selon mon maître mais ça arrive surtout quand je suis excité. »

Miguel afficha à nouveau un large sourire. Combien de fois avait-il pu se faire réprimander par ses parents ou le docteur ? Beaucoup trop ! C'était de loin son plus gros défaut bien qu'il fasse de gros efforts pour s'en débarrasser.
Toujours plein d'entrain, l'adolescent continua sa série de questions auxquelles les deux hommes étaient ravis de répondre tout en gardant pour eux la véritable raison de leur venue.

Toutefois, Athanaos fut soulagé d'arriver enfin à la demeure du docteur. Répondre à l'apprenti ne lui déplaisait pas loin de là, passant de leur prénom à l'origine de leur amitié avec le docteur, mais cela l'épuisait encore davantage.
Miguel fit entrer les hommes et les dirigea dans la foulée dans la pièce de vie à gauche de l'entrée. Les laissant s'installer, se reposer un instant, le jeune homme se rendit dans la réserve afin de récupérer un pichet d'eau et trois godets.
Miguel retourna vers ses invités et les servit avant de retourner chercher un plateau empli de quelques en-cas.
Les deux voyageurs le remercièrent et apprécièrent grandement l'eau, les quelques morceaux de touron et cerises bien mûres.

Le temps passa assez rapidement et Miguel s'excusa auprès de ses invités pour préparer le retour de son maître. Il leur proposa de profiter de ce petit temps pour se reposer et s'éclipsa de la pièce.
Comme chaque matin, Miguel se rendit dans le cabinet de Fernando afin d'accomplir ses tâches matinales. Le jeune homme prit les manuels d'anatomie et de médecine encombrant le bureau et les replaça dans la grande bibliothèque à sa gauche.

Midi passé, la porte d'entrée s'ouvrit laissant entrer une vague d'air chaud. Le propriétaire des lieux rentrait enfin, il n'eut pas à appeler Miguel car celui-ci pénétrait déjà dans le vestibule.
Les deux hommes discutèrent des formalités habituelles. Le docteur voulut rejoindre son bureau pour y déposer ses affaires mais son apprenti lui annonça la présence des voyageurs.
Entendant les deux prénoms chers à son cœur, Fernando se dirigea prestement dans la grande pièce.
Les deux autres hommes se levèrent de leurs chaises dès qu'ils le virent, un large sourire gravé sur leurs visages.
Bien que cela ne soit pas courant, les trois hommes s'étreignirent.

« Bon sang ! Mais que faites-vous là ?
- Nous sommes venus voir si tu allais bien. Nous n'avons plus eu de tes nouvelles depuis presque dix ans.
- Oui, je ne vous cacherai pas que j'ai été plutôt occupé ces dernières années.
- Et tu comptes nous raconter tout ça ? Et surtout pourquoi as-tu quitté l'Ordre ?
- Deux questions aux réponses assez longues. »

Fernando s'appuya sur la table derrière lui et croisa les bras sur son torse ne sachant pas par quel récit commencer.
Au même instant, la porte s'ouvrit à nouveau permettant au catalan de faire son choix. Il se déplaça vers l'arche à l'entrée de la pièce et fit signe à quelqu'un de s'approcher.
Une petite demoiselle apparut et Fernando la saisit par les épaules. La timidité apparente de la gamine et le regard interrogateur des deux voyageurs fit sourire le docteur.
Ce dernier s'avança à nouveau vers le centre de la pièce, forçant la fillette à avancer également.

« Athanaos, Ambrosius. Je vous présente Isabella. Ma fille.
- Ta fille ?! »
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Message par IsaGuerra »

Les deux voyageurs haussèrent chacun un sourcil et s'échangèrent un regard surpris. Leur ami était devenu père après son départ.
Fernando, le seul amusé de la situation, présenta à sa fille ces deux inconnus comme étant de vieux amis d'avant sa naissance.
Le Docteur congédia Miguel pour le reste de la journée. Ce dernier le remercia, embrassa la jeune Isabella et quitta la demeure.
Dans la pièce de vie, les trois adultes et la fillette étaient assis autour de la table appréciant grandement un verre d'eau fraîche accompagné de quelques biscuits secs et de cerises rouges cueillies le matin même par le duo père-fille.
Fernando profita du moment pour expliquer la présence d'Isabella.

« Toute cette histoire m'est parvenu grâce à une lettre que j'ai reçue, je crois, quatre jours avant mon départ. Elle venait d'une amie d'enfance : Elena. Dans ce courrier, elle m'annonçait le décès de son fiancé et j'en fus heureux bien que cela soit malsain. Cela signifiait que j'avais désormais une chance de pouvoir la faire mienne. Ce jour-là, je dus prendre la décision la plus rapide de mon existence et je suis allé voir Maître Léonard pour lui expliquer que je quittais les rangs, il se montra tout de même réticent mais compréhensif. Il ne m'avait demandé qu'une seule chose : Continuer mes recherches. De mon côté, je lui avais promis de finir mes expériences en cours avant de m'en aller. »

Les disciples de De Vinci purent enfin comprendre le comportement et la presque disparition de leur compagnon et ami.
Isabella, quant à elle, écoutait avec la plus grande attention les dires de son père. Il était très rare que ce dernier s'épanche sur son passé avec elle. La gamine ne manquerait pas l'occasion exceptionnelle d'en apprendre plus sur son parent et sur les deux hommes en face.

« Après tout ça, je n'avais plus qu'à revenir ici. Je me rendis immédiatement à son domicile. J'aurai donné tout ce que je possédai pour revoir ne serait-ce qu'une fois son doux visage. À l'instant où elle me vit, je ne perdis plus de temps en vaines conjonctures et lui fit ma demande. Elle l'accepta sans aucune hésitation. Je sais que cela peut paraître soudain mais Elena et moi avions grandi ensemble. Enfants, nous étions inséparables, toujours fourrés à deux, comme cul et chemise ! Ainsi, lorsque je suis parti poursuivre ma formation, nous sommes restés en contact grâce un échange épistolaire. Finalement, les courriers ont commencé à s'espacer, notamment avec mon entrée dans l'Ordre. Pourtant, dès mon retour, ce fut comme si je n'avais jamais quitté ce village...
- Et donc, à ce qu'on peut voir, tu as fondé ta petite famille.
- Petite... C'est le mot oui, il n'y a que ma petite Isabella et moi. »

Bien sûr, les deux voyageurs se regardèrent, comprenant rapidement ce que cette dernière phrase signifiait.
D'un ton mélancolique, Fernando expliqua ce qui était arrivé à son épouse... Il resta néanmoins vague puisque sa plaie intérieure était encore béante et surtout pour préserver sa petite princesse qui commençait déjà à pleurer.
Le docteur consola sa fille, il avait pleinement conscience qu'elle souffrait de ne pas avoir de mère.
Il lui replaça une mèche derrière l'oreille et lui proposa d'aller jouer dehors plutôt que d'écouter trois vieux hommes. La gamine essuya ses yeux et refusa de sortir, elle voulait rester avec lui et écouter le récit d'aventures qu'il avait vécu avant sa naissance. Isabella afficha un grand sourire et attrapa quelques cerises.
Fernando sourit, appréciant silencieusement de voir un peu de sa bien-aimée dans les gestes et le regard de leur fille.
Athanaos fut tout d'abord abasourdi, puis ravi. Jamais il n'aurait cru son meilleur ami capable d'altruisme en se montrant aussi attentionné envers une autre personne que lui-même et s'intéresser à autre chose que ses petites expériences d'alchimiste.

Le reste de la journée se déroula dans une joie certaine, Fernando se sentait bien voire même très bien. Malgré la présence d'Isabella et de sa gaieté sans appel, la bâtisse n'avait pas été aussi joyeuse depuis des années.
Sa princesse s'amusait et questionnait sans interruption les deux hommes, notamment avec Ambrosius. Ce dernier fut stupéfait de la curiosité vorace d'une petite fille pour la science.
Le dîner fut rapide, personne n'avait faim du fait de la chaleur alors ils se contentèrent de quelques tranches de jambon sec sur d'épaisses tranches de pain et quelques tomates.
Au moment de profiter d'une tarte réalisée par Ana, Fernando interrogea ses amis, chose qu'il n'avait pas encore faite malgré le temps passé à ressasser le passé.

« Et du coup les amis, que me vaut l'honneur de votre visite ? Pourquoi avoir fait un tel voyage ?
- Ma foi, c'est vrai que nous n'avons toujours pas abordé ce point avec toi. »

Ambrosius caressa son bouc en souriant, ravis de pouvoir présenter enfin leur projet.

« Te souviens-tu du socle en forme de pyramide inversée ?
- Comment pourrais-je oublier une telle étrangeté ? Vous avez trouvé son utilité ?
- Pas exactement. En fait, Athanaos a probablement trouvé son origine.
- Oui. En rangeant de vieux documents de Maître Léonard, j'en ai trouvé un reportant les mêmes symboles présents sur le socle. Et ce document a bien sûr d'autres écritures que j'ai pu traduire : De l'arabe. Je n'ai malheureusement pas tout compris mais je connais la personne qui pourrait nous aider. Cependant, pour ça, il faudrait qu'on se rende sur l'île d'Oman.
- Qu'on se rende ? Qu'entends-tu par ce on ? »

Le docteur avait posé cette question alors que la réponse fut assez claire dans son esprit. Pour autant, il laissa son ami répondre.
Bien sûr, les deux hommes voulaient reconstituer le trio d'intrépides qu'ils formaient auparavant. Fernando apprécia grandement l'idée mais n'en montra rien et écouta ses comparses parler de cette expédition : Ils avaient tout prévu dans les moindres détails que ce soit le voyage en lui-même, la destination ou encore les personnes à trouver.
Plus les deux hommes parlaient plus Fernando semblait enjoué par ce voyage jusqu'à ce que la petite voix ensommeillée d'Isabella le ramène à la réalité.

« Père ?... Vous allez partir ?...
- Non enfin je... Je ne sais pas Isabella... »

Malheureusement, la petite pleurait déjà. Des larmes coulaient le long de son visage alors qu'elle se hissait dans les bras de son père... Le suppliant de ne pas partir, de ne pas l'abandonner...
Ces mots poignardèrent Fernando, il caressa les cheveux de sa princesse et s'excusa auprès de ses amis. Gardant Isabella contre lui, il quitta la table et se dirigea à l'étage puis dans la chambre de sa fille.
Le duo s'assit sur la petite banquette installée en dessous de la fenêtre, Isabella attrapa l'un des coussins et le serra contre sa poitrine, tentant vainement de calmer ses pleurs.
Pourtant, lorsqu'elle sentit la main de son père passer dans ses cheveux, la petite fille s'efforça de relever la tête.
Père et fille se regardèrent droit dans les yeux pendant quelques secondes jusqu'à ce que le docteur interrompe ce silence :

« Écoute ma princesse...
- Ne m'abandonnez pas s'il vous plaît !..
- T'abandonner ? Mais enfin, pourquoi ferais-je une chose pareille ?
- Vous voulez partir avec vos amis... Et je sais que vous ne voudrez pas que je vous accompagne...
- Certes, je souhaite me joindre à eux pour cette expédition et sans toi bien sûr puisque cela serait bien trop dangereux...
- Vous allez m'abandonner alors...
- Mais pas du tout. Enfin Isabella, tu sais que je t'aime. Si je n'ai pas fait une telle chose lorsque ta mère nous a quittée, c'est que jamais je ne le ferais. N'as-tu pas encore compris que tu es mon bien le plus précieux ? Je pense en effet partir avec Athanaos et Ambrosius, nos aventures me manquent. Mais je te promets de revenir, et ce, avant ton onzième anniversaire.
- Vous... Vous me le promettez ?
- Je te le jure. »

Fernando tendit son petit doigt à Isabella et cette dernière comprit ce qu'il voulait alors elle tendit également le sien, scellant cette promesse.
Aussitôt que leurs mains se séparèrent, la jeune fille enlaça son père. Ce dernier profita de cette étreinte avant d'inciter sa fille à se coucher.
Pendant qu'elle enfilait son linge de nuit, Fernando entrouvrit légèrement la fenêtre afin de laisser entrer l'air frais et tira le rideau. Il s'approcha ensuite du lit d'Isabella et la borda comme tous les soirs sous un drap fin. Il l'embrassa sur le front et quitta la chambre, laissant sa fille se reposer.

Au rez-de-chaussée, les deux voyageurs s'inquiétaient : Fernando allait-il vraiment refuser leur proposition ? Ils stoppèrent toutes créations d'hypothèses lorsqu'ils aperçurent leur ami revenir vers eux.
Fernando s'assit à nouveau à table et adressa un sourire à ses convives.

« Bien, mes amis... J'accepte. Je me joins à vous pour cette expédition.
- Tu nous en vois ravis Fernando, c'est un vrai plaisir de pouvoir reformer notre trio.
- Je n'ai qu'une seule condition.
- Laquelle ?
- Que vous me laissiez quelques jours pour organiser la garde d'Isabella.
- Cela va te demander combien de temps ? Notre navire doit quitter Barcelone dans un peu moins de deux semaines.
- Je te l'ai dit, quelques jours. Je pense savoir à qui confier ma fille.
- Parfait. Tout cela va nous rappeler des souvenirs. »

Les trois hommes opinèrent. Afin de fêter leurs retrouvailles, Fernando alla dans la cuisine et revint avec une bouteille de vin rouge. Il servit ses amis et les trois hommes trinquèrent.

~~~~
Et c'est ainsi que se termine les retrouvailles entre les trois disciples.
Dans la bonne humeur avant que papa Laguerra retrouve le goût de l'aventure !
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Message par IsaGuerra »

Salut par là.
Nouveau One-Shot basé principalement sur une bonne blague entre ma sœur et moi

~~~~~
Rencontre à la taverne

Avril 1523, Barcelone.

Elle venait de toucher les pavés lorsqu'elle entendit des pas dans son dos. Isabella se figea sur place laissant tomber sa petite lanterne. La jeune fille se demanda si elle devait fuir ou simplement se cacher. Finalement, elle décida de se retourner vers cette personne qui l'observait.
La gamine tira sur son capuchon pour rester cachée et aperçut la silhouette d'un homme appuyé au coin du mur. Ce dernier leva son bras, haussant une lanterne qui éclaira son visage. Ça n'était pas un adulte, un jeune homme d'environ trois à quatre ans son aîné, il souriait.
Isabella ne sut trop comment réagir mais lorsqu'elle entendit un rire échappé des lèvres de ce personnage, elle ne put s'empêcher de lui lancer :

« Pourquoi ris-tu ??
- Simplement de ta réaction. Que fais-tu ici ? A te cacher...
- Ça ne te regarde pas. »

L'homme s'approcha d'elle, toujours amusé de cette situation inopinée. Il s'assit sur un vieux tonneau qui traînait derrière la taverne et posa sa lanterne sur une caisse à côté. C'est là qu'il se présenta sous le nom de Juan-Carlos tout en essayant d'apercevoir le visage sous cette pèlerine.
Isabella hésita à répondre pendant un instant mais se rappela les leçons de politesse et de bienséance reçues et se présenta donc également, se gardant de révéler son patronyme.
Malgré la demande répétée du garçon, la jeune fille refusa catégoriquement d'enlever son capuchon.

« Et que fait une jeune fille comme toi fait dehors au beau milieu de la nuit ?
- Il me semble avoir déjà répondu à cette question : Ça ne vous regarde pas.
- ''Vous'' ? Oulà ! Mais c'est que tu es bien élevée pour me donner du ''vous''.
- Mieux que vous, semble-t-il. Veuillez m'excuser mais je me dois de rentrer. »

La brunette s'apprêta à partir lorsqu'elle se fit retenir. Le serveur de la taverne avait sauté de son tonneau et lui avait saisit le bras. Un vague frisson de peur lui parcourut le dos : Allait-il lui faire du mal ?

« Dans ce cas, laisse-moi te raccompagner. Pas question que je laisse une gamine déambuler dans les rues à cette heure-ci.
- Gamine ?? Comment osez-vous me traiter de la sorte ? »

Ce terme offusqua Isabella et cette réaction amusa Juan-Carlos. Il leva les mains en signes de résignation. La mine froissée de la jeune fille le fit grandement sourire.

« Très bien, très bien. Je m'excuse gente demoiselle »

Pour en rajouter, le jeune homme fit une sorte de révérence. Isabella fut incapable de retenir un éclat de rire et accepta ses excuses.

« Bien. Je conçois ne plus t'appeler ''gamine'' mais en retour ne me donne plus de ''vous'', ça me donne l'impression d'être vieux et de ressembler à mon père.
- C'est d'accord Juan-Carlos.
- Juan. Il n'y a que mes parents pour utiliser mon prénom complet. »

Le jeune homme sourit et attrapa sa lanterne avant de raccompagner cette nouvelle rencontre chez elle.
Le début du trajet se fit dans un silence de plomb : Aucun des deux jeunes n'osait parler l'une par une timidité ignorée, l'autre par un brin d'indifférence.
Finalement, Isabella se décida et, d'une voix calme presque imperceptible, questionna son garde du corps pour un soir.

« Pourquoi travaillez-vo... Travailles-tu dans une taverne ? »

N'obtenant pas de réponse, la jeune fille pensa qu'elle n'avait pas été entendue et baissa la tête. Pourquoi lui répondrait-il ? Elle avait été bien indiscrète...
Isabella fut cependant surprise quand elle entendit la voix à la fois grave et douce du serveur.

« J'aide mes parents à garder leur maison, je fais des petits boulots ici et là, mais je suis avant tout marin.
- Marin ? Toi ?
- Oui et je peux même te dire avec fierté que j'ai fait partie de l'équipage du Commandant Magellan.
- Magellan ? Tu veux dire LE commandant Magellan qui a eu l'idée folle de partir faire le tour du monde ? C'est impressionnant !
- C'est vrai. Ça a été une expérience pleinement formatrice. Et dès que mon père sera remis sur pied, je reprendrais la mer.
- Tu as l'air d'aimer l'aventure...
- Oui, je n'ai qu'une seule envie : En faire ma façon de vivre. Je veux parcourir le monde entier ! Faire comme les grands explorateurs et découvrir des terres encore inconnues ! »

Juan-Carlos avait dit cela avec un tel aplomb qu'il semblait déjà y croire.
Isabella tourna la tête vers son nouvel ami, elle l'enviait... Il n'avait que quelques années de plus qu'elle mais avait déjà vécu une grande aventure sans pareille et était prêt à repartir dès qu'il en aurait l'occasion. L'adolescente aurait aimé avoir cette possibilité de vivre à son tour de belles aventures, à l'instar de son père et de ses oncles.
Elle n'avait jamais quitté son village natal avant ce séjour à Barcelone. Sa soif d'aventure ne s'étanchait qu'avec les récits de son père et les romans qu'elle dévorait les uns après les autres. Isabella avait conscience que cela ne suffirait bientôt plus...

« Et toi ? Que faisais-tu sur ces tonneaux de vin ?
- Je n'en sais trop rien, j'arpentais les rues, j'ai entendu les voix des hommes à l'intérieur et je suis entrée pour écouter. C'était assez drôle et intéressant de les entendre discuter de leurs aventures ou encore de les voir se disputer pour une simple chopine. Du vrai théâtre de vivant ! Bien plus intéressant que les pièces à l'eau de rose que j'ai pu voir ou étudier.
- Donc tu es vraiment de bonne famille toi ! Pour avoir assisté à des représentations théâtrales.
- Disons plutôt que mon père connaît les bonnes personnes... »

Isabella sourit et joua avec une mèche de cheveux. Elle ne pouvait nier que les relations de son père lui avait permis beaucoup de choses.
La voix de Juan-Carlos la fit revenir à la conversation :

« Et ton père accepte que tu sortes seule de nuit ?
- Tu te doutes bien que non, il n'est au courant de rien. Il est tellement protecteur avec moi que j'ai dû attendre qu'il parte voir son patient pour m'éclipser de ma chambre. Et encore... Son second m'a aidé. Il doit attendre que je rentre avec impatience.
- C'est pour ça que tu as voulu fuir aussi vite la taverne.
- Oui, et aussi parce que tu m'as vu. Je ne voulais pas avoir de problème. »

Ils continuèrent à parler pendant le reste du trajet.
Juan-Carlos fut stupéfait de voir le lieu de résidence de sa protégée, jamais il ne pourrait mettre les pieds dans une telle bâtisse.
Isabella commença à en faire le tour et il la suivit.
Derrière la maison, la jeune fille attrapa un drap blanc qui pendait depuis une fenêtre ouverte et, au moment de commencer à escalader la façade, elle se ravisa pour se tourner vers son garde du corps.

« Merci de m'avoir raccompagnée.
- Ce fut un plaisir Isabella. Puis-je espérer te revoir un jour ?
- J'aimerais beaucoup mais je doute que cela puisse se faire. Mon père n'est ici que pour un patient très important et après nous rentrons dans notre village, loin de Barcelone.
- Quel dommage... Et bien référons en nous au destin : Si nous devons nous revoir, la vie nous le fera savoir.
- Sans doute oui... »

Isabella esquissa un sourire et salua son ami une dernière fois.

« Cher Juan, je fus enchantée de faire votre connaissance et j'ai grandement apprécié votre compagnie pendant cette petite balade au clair de lune.
- Chère Isabella, le plaisir fut entièrement partagé. Il n'est pas aisé de rencontrer une demoiselle aussi charmante que vous. »

Les deux jeunes laissèrent échapper un rire sur cet échange de politesse.
Le jeune Juan-Carlos se saisit de la petite main de la fille du Docteur et lui fit un baise-main. Cela surprit cette dernière et lorsque le protecteur se redressa, leurs regards se croisèrent et Isabella sentit son cœur se serrer dans sa poitrine.
La demoiselle se reprit, s'empara de la corde de fortune avant de commencer à escalader la façade et de regagner sa chambre.
Juan-Carlos resta en bas, à attendre de la savoir en sécurité. Dès que la jeune fille fut entrée dans sa chambre, il s'éclipsa.

~~~

Juin 1543

« Donc tu es en train de me dire que tu m'as vu uniquement parce qu'une fille a fait la même chose que moi dix ans avant ?
- Aussi fou que cela puisse paraître ? Tout à fait. »

Esteban resta sidéré un instant : Mendoza, l'homme qui l'avait sauvé du naufrage lorsqu'il n'était qu'un nourrisson, ne l'avait retrouvé que par pure coïncidence.
Mendoza riait de la situation, le destin avait remis le gamin pleurnicheur sur sa route après plus d'une décennie.
Leonor, qui était à assise juste à côté, interrogea alors son père : Elle voulait en savoir plus sur cette adolescente qui portait le même prénom que sa propre mère.
Cette dernière venait, d'ailleurs de rejoindre son époux et le parrain de sa fille aînée sur le chantier. Les deux hommes s'étaient laissé convaincre par les enfants de construire une cabane dans un des eucalyptus bordant le village. Juan s'amusait à l'idée d'ajouter un monte-moi-dans-les-arbres en plus de l'échelle.
Isabella était accompagnée de Fernando et Ana. Petite demoiselle qui émergeait à peine de sa sieste.

« C'est ainsi que vous pensez construire la cabane que vous avez promise aux enfants ?
- Leonor nous a apporté une outre, on a profité du moment pour faire une pause.
- Et papa nous à raconter sa rencontre avec une autre Isabella !
- Ah vraiment ?
- Oui, enfin, ce n'était pas vraiment le but de mon histoire, mi amor. »

La femme fut intriguée et s'assit à la droite de son époux. Elle posa Ana par terre et cette dernière se pressa de rejoindre ses aînés. Ils s'installèrent par terre : Les deux fillettes de part et d'autre de leur grand frère adoré.

« Bien et maintenant, si vous m'expliquiez le véritable but de ce récit ?
- Est-ce que Mendoza t'as déjà raconté comment il m'avait retrouvé avant de m'embarquer sur l'Esperanza ?
- Il me semble que oui : Tu étais perché au-dessus de tonneaux dans la taverne de votre ami Rico.
- Exact. Et du coup, je lui ai demandé comment, à l'époque, il avait pu avoir l'idée de regarder dans ma direction ce jour-là. Parce qu'il faut se l'avouer, ce fut une sacrée coïncidence.
- En quelques sortes. C'est là qu'intervient ma petite histoire et cette autre Isabella. Il s'agit juste d'une gamine que j'ai rencontrée un soir en bossant à la taverne, perchée elle aussi sur l'un des tonneaux... Une gamine qui n'avait pas froid aux yeux d'ailleurs, un peu comme toi. »

Le rire franc de l'ancienne épéiste fit se rejoindre tous les regards vers elle.
Le petit auditoire resta surpris encore quelques secondes.

« Mi amor, peut-on savoir ce qui te fait rire ?
- Simplement le fait que le destin possède un sens de l'humour particulier. J'en avais presque oublié cette escapade. »

Isabella laissa échapper un nouveau rire, amusée de la révélation mais surtout de la tête des hommes face à elle.

« Isabella ne me dit pas que...
- Et si mon cher Esteban. Cette gamine comme ose le dire Juan : C'était moi.
- Bah ça alors... Et aucun de vous deux ne se souvenait avoir rencontré l'autre ?
- Tout cela s'est déroulé il y a des années... Jamais je n'aurais pu imaginer que cette gamine intrépide deviendrait ma femme.
- Quant à moi, si j'avais su que tu étais la même personne que ce jeunot insolent, je ne t'aurais jamais épouser. »

Les conjoints échangèrent un regard puis se mirent à rire de bon cœur. Très vite, Esteban les rejoint.
Fernando délaissa ses jeunes sœurs et alla s'asseoir aux côtés d'Isabella. Le petit garçon de huit ans s'empara de la main de sa mère et releva la tête dans sa direction, des yeux toujours emplis d'étoiles lorsqu'il la regardait.
De sa petite voix, Fernando adressa quelques mots :

« Maman ? Crois-tu que mes sœurs et moi-même pourrons connaître le même bonheur que toi et papa ?
- Bien sûr ! Pourquoi ne pourriez-vous pas ?
- Le destin a fait le choix de nous réunir votre mère et moi, tout comme il a fait avec Esteban et Zia, nos élus, et Tao et Indali, les bienfaiteurs de ce royaume. Ce même destin vous fera vivre de nombreuses rencontres : Profitez de chacune d'entre-elles. »
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Re: Une vie au-delà des codes

Message par IsaGuerra »

Un conseil avisé

Novembre 1550, aux abords du palais de Patala.

Mendoza appréciait l'air frais de la matinée, le soleil chauffant doucement au-dessus de lui. L'homme était réveillé depuis l'aurore et, ne souhaitant pas réveiller son épouse, s'était levé.
Après un court brin de toilette, Juan avait rejoint l'arrière-cour de son domicile et s'était saisit de sa hache. Il souhaitait couper davantage de bois pour la saison fraîche et savait pertinemment qu'une fois ses gamins réveillés, il serait sollicité de toute part.
Mendoza appréciait ses moments de solitude matinale : Depuis qu'il avait endossé son rôle d'époux et père, il n'en avait plus beaucoup néanmoins le catalan ne s'en plaignait pas, il adorait sa famille.
Juan-Carlos plaça une nouvelle bûche sur son point d'appui, hissa la hache au-dessus de sa tête et l'abatis d'un coup sec fendant le tronc en deux. L'homme réitéra son action à plusieurs reprises jusqu'à ce qu'il remarque l'agitation à l'étage de son logis.
Mendoza bloqua alors sa hache dans une souche et voulut entamer le rangement des bûches. Il termina d'abord la rotation du bois déjà entreposé puis déposa les tronçons fraîchement coupés sur l'espace qu'il venait de libérer. Juan aligna soigneusement chaque morceau parallèlement, optimisant le séchage autant que possible.
En allant chercher d'autres bûchettes, l'ancien navigateur aperçut l'un de ses fils venir dans sa direction.
Le gamin n'en était plus vraiment un, les traits de son visage restaient fins, un fin duvet recouvrait désormais son menton. Du haut de ses quinze ans, Fernando était presque aussi grand que son père mais bien moins athlétique. L'aîné des Mendoza préférait les livres à une course dans la jungle. Ce qui passionnait plus particulièrement l'adolescent était la littérature française. Une fascination qu'il parvenait à combler en compagnie de Nostradamus.
Père et fils se saluèrent.
L'espace d'un instant, Fernando fixa son père : Le torse luisant de sueur sous les rayons du soleil. Quelques-unes des mèches noires s'étaient collées dans sa nuque.
Le navigateur haussa un sourcil devant le regard fixe de son fils puis l'interrogea sur sa venue au fond du jardin.
Sortant de cette fausse hypnose, l'aîné de la fratrie Mendoza répondit simplement :

« Maman m'envoie te chercher pour le petit-déjeuner.
- Très bien. Dit lui que je vous rejoins sous peu. Je voudrais finir de ranger ça.
- Veux-tu que je t'aide ? A nous deux, nous irons plus vite. »

Juan-Carlos fut un peu étonné de cette proposition. Habituellement, le gamin se serait contenté d'acquiescer et d'aller prévenir Isabella.
Cependant, l'homme sourit et accepta volontiers l'aide de son fils. Affichant tous deux un sourire complice.
Fernando s'aperçut très vite qu'il ne pourrait pas porter plus de trois bûches à la fois contrairement à son père. Le jeune homme écouta avec assiduité les conseils de son aîné quant à la taille et le stockage du bois. Cela n'était pas quelque chose qui le passionnait néanmoins il enregistra mentalement la moindre astuce. Tout cela lui serait sans doute utile lorsqu'il sera devenu adulte.

Mendoza rangea les derniers tronçons de bois et ferma la remise tout en assurant un courant d'air avec l'une des petites fenêtres.
En sortant du cabanon, il attrapa sa chemise et l'enfila. Le marin se dirigea vers sa demeure mais s'arrêta après seulement quelques pas. Il se retourna pour voir que son fils ne bougeait pas et le regardait les lèvres s'entrouvrant légèrement sans pour autant laissé sortir le moindre son.

« Qu'attends-tu Fernando ?
- Je... »

Le garçon vit son père revenir vers lui, intrigué. Fernando ne savait pas comment s'exprimer et baissa la tête...

« Fils, y a-t-il quelque chose que tu voudrais me dire ?
- Dire ? Non... Je... Je voudrais plus te demander une faveur...
- Je t'écoute vas-y. Mais lève la tête et regarde-moi. »

L'adolescent s'exécuta. Croisant le regard de son père, il hésita à nouveau, serra le poing et se lança :

« Je... J'aimerais que tu m'entraînes. Papa, je veux devenir plus fort. »

Mendoza fut quelque peu décontenancé. Fernando le plus calme de ses fils, celui qui ne supportait pas de transpirer lui demandait de l'entraîner.
Afin d'être certain d'avoir bien entendu, l'ancien navigateur le fit répéter. Ce fut si soudain qu'il resta silencieux quelques secondes, secondes qui parurent une éternité pour Fernando.
Mendoza rompit le silence avec une simple question afin de mieux comprendre cette soudaine requête. Bien sûr, l'homme qu'il était accepterait de lui venir en aide mais il avait besoin de connaître sa motivation.
Juan se rendit compte de la gêne ressentie et choisit d'encourager Fernando.

« Vas-y mon fils. Sache qu'il n'y a pas de bonnes ou mauvaises réponses.
- Et bien... Ne te fâche pas mais... Il y a quelques jours, je vous ai entendu, maman et toi, parler encore une fois de cet Ambrosius et maman disait qu'elle avait peur qu'il revienne pour se venger.
- Fernando... Ambrosius est loin, tu n'as pas à avoir peur. Nous serons là pour te protéger.
- Ce n'est pas pour moi que j'ai peur. Mais pour mes frères et sœurs. Je ne suis pas assez fort pour les protéger ! Je veux être capable de défendre ceux que j'aime ! »

Les deux Mendoza se regardèrent, l'aîné afficha un large sourire. Juan-Carlos comprit enfin la motivation profonde de son fils et laissa même échapper un petit rire.

« Pourquoi ris-tu ?
- Je pense avoir compris que ta fratrie n'est pas la seule raison pour laquelle tu souhaites suivre un entraînement.
- Mais...
- Il y a une jeune fille derrière cette envie subite, n'est-ce pas ? »

Fernando resta interdit puis sentit le rose lui monter aux joues. En effet, ce qui avait poussé l'adolescent à venir voir son père, c'était bel et bien une demoiselle et l'envie folle de lui plaire.
Sans s'en rendre compte, le jeune garçon entama une tirade amoureuse dans laquelle il décrit avec passion la jeune fille qui faisait battre son cœur plus que de raison : Il aimait se plonger dans ses yeux couleur émeraude, l'écouter lire et voir ses cheveux onduler lorsque cette dernière pratiquait le kathak.
Juan écouta avec attention chaque mot que prononçait son fils et, au fur et à mesure qu'il rassemblait les informations, son regard s'éclaira. L'ancien marin identifia enfin la demoiselle en question et ne manqua pas de le faire savoir.

« Tu es amoureux de Jaya, je me trompe ?
- Oui. Elle est superbe !
- Je ne peux qu'être d'accord avec toi mon fils. Et je me dois d'ajouter que ta mère et moi nous en doutions un peu. Et tu me vois ravi de cette nouvelle mon garçon. »

Fernando afficha un grand sourire, il se sentait plus léger, ce qui illumina davantage son visage.
Les deux jeunes gens se connaissaient depuis leur plus tendre enfance et jouaient ensemble presque tous les jours sans aucune exception. Ce qui valait aux deux adolescents d'être si proche provenait sans doute de leurs naissances : Fait assez surprenant, ils étaient venus au monde le même jour avec seulement quelques minutes de différence. Et depuis, les deux gamins ne se quittaient plus et célébraient même leurs anniversaires ensemble.
Pendant leurs grossesses, Isabella et Akhila avaient longuement discuté et étaient devenues de proches amies, chacune apportant son soutien à l'autre. La catalane fut la plus grande bénéficiaire de cette nouvelle relation. Grâce aux encouragements et conseils de l'indienne, Isabella put vaincre les angoisses qui la hantait...

De retour au temps présent, Juan aperçut sa femme sortir de la bâtisse principale sans doute parce qu'elle s'impatientait. L'homme lui fit comprendre de ne pas les attendre afin que les deux hommes puissent terminer leur conversation.
Aussitôt, Mendoza redirigea son regard vers Fernando et, croisant les bras sur son torse, poursuivit son petit interrogatoire.

« Maintenant, j'aimerais que tu m'expliques pourquoi tu souhaites devenir plus fort.
- Je te l'ai dit... Si besoin, je veux pouvoir la défendre. Tout comme je veux pouvoir protéger ma famille.
- Fernando, je te connais bien assez pour savoir que ce n'est pas la raison première. Tu n'es peut-être pas très costaud mais ton intelligence te permettra de mettre à l'abri ceux que tu chérie. Par conséquent, je te le redemande : Quelle est ta motivation ?
- Je... Promets-moi que tu m'entraîneras quand même.
- Oui, je te le promets. »

Fernando prit une grande inspiration et se frotta les mains, signe de sa gêne. Le gamin savait que son motif n'était pas des plus honorables.
Néanmoins, il ne comptait pas reculer et se lança.

«Tu n'es pas sans savoir que Jaya est la fille cadette du Capitaine Dhiran. Et je suis convaincu qu'il ne laissera pas un gringalet comme moi approcher sa fille autrement que pour une amitié... Si... Si je deviens plus costaud peut-être que le capitaine acceptera et, en plus, je pourrais plaire davantage à Jaya comme ça, tu ne crois pas ?
- Sottise mon fils.
- Quoi ? Pourquoi dis-tu ça ?
- Que tu veuilles plaire à Dhiran en t'entraînant, je peux le comprendre. En revanche, si tu souhaites plaire à Jaya, il te suffit de rester toi-même.
- Mais... Et si elle n'aime pas les gringalets littéraires ?.. »

Devant l'inquiétude de Fernando, Juan-Carlos ne put qu'afficher un petit sourire et s'agenouilla face à son fils en le prenant par les épaules.
Le navigateur se revit quelques années auparavant lorsqu'un autre gamin était venu lui demander conseil pour charmer sa belle. Les deux gamins se ressemblaient en de nombreux points.
D'une voix douce, il expliqua alors à Fernando ce que son parrain avait ressenti depuis sa rencontre avec Indali jusqu'à ce qu'il soit capable de lui avouer ses sentiments.

« Tu vois Fernando : Tout comme toi, Tao ne s'est pas senti à la hauteur, il avait peur que la famille d'Indali, particulièrement son père, refuse leur mariage car il n'était qu'un jeune passionné de sciences. Et exactement comme tu viens de le faire, il était venu me demander conseil.
- Et que lui as-tu dit ?
- Exactement ce que je vais te dire : Vouloir plaire est une chose mais tu dois avant tout rester toi-même. L'apparence n'est pas le plus important, il faut trouver des choses que vous aimez tous les deux, passer du temps ensemble tout en restant naturel. Exactement comme tu l'as fait jusqu'à maintenant. »

Juan se redressa et passa sa main dans les cheveux de son fils. Ce dernier avait retrouvé le sourire et ne semblait plus stressé par toute cette histoire.
Avait-il compris qu'il ne devait pas changer, rester celui qu'il était déjà ?
Mendoza l'espérait, d'autant plus qu'il savait très bien que le capitaine de la garde appréciait beaucoup Fernando.
Ce dernier, le cœur léger, se jeta dans les bras de son père, le remerciant abondamment. Se détachant de son père, Fernando le regarda avec un grand sourire : Pourra-t-il un jour devenir un homme de sa trempe ? Sans doute jamais, l'adolescent n'était pas dupe : Jamais il ne pourrait atteindre le niveau de force, d'intellect et de grandeur d'âme de son père. Néanmoins, il ferait tout pour se rapprocher de son modèle.
De son côté, Mendoza était ravis de voir son premier-né devenir un beau jeune homme responsable.
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Re: Une vie au-delà des codes

Message par IsaGuerra »

Et si la rancœur d'Isabella envers les hommes avait une origine (premier acte) ;)

Une proposition dérangeante

Septembre 1525, lisière de la forêt de Vilanova i la Geltrú

« Isabella, veux-tu bien descendre de là ?
- Encore quelques minutes Miguel.
- Ton père ne serait pas ravi de voir que tu tentes encore une fois de fuir tes corvées. »

L'adolescente descendit de quelques branches et se suspendit, tête en bas, à la branche la plus basse de son chêne favori. Voyant que le jeune médecin l'attendait, Isabella souffla et mit pied à terre.

« Tu sais bien que ton père ne supporte pas de te voir grimper absolument partout.
- A ton avis, qui m'a appris à grimper aux arbres ?
- Sûrement pas lui. C'était bien tenté mais je sais aussi bien que toi qu'il est sujet au vertige. »

La jeune fille rit, accompagnée presque aussitôt de celui qu'elle considérait comme un grand-frère.
Bien sûr, ni l'un ni l'autre n'ignorait le vertige de Fernando mais Isabella ne pouvait s'empêcher d'escalader arbres et murs dès qu'elle en avait l'occasion. Cela lui procurait un sentiment de liberté immense dont elle avait tant besoin. Bien que la catalane ait conscience d'effrayer son père, tout cela était bien plus fort qu'elle.
Miguel retira une brindille coincée dans la natte d'Isabella.

« Il vaut mieux que tu n'aies rien dans tes cheveux.
- Pourquoi ça ? Ce n'est certainement pas la première ni la dernière fois que je monte à un arbre...
- Mais cette fois-ci, ton père souhaite te parler. Il t'attend justement dans son bureau.
- Son... Dans son bureau ? »

La jeune Laguerra fut confuse. Jamais elle n'avait eu le droit d'entrer dans l'antre de son père. Cette invitation, si cela en était une, l'excitait autant qu'elle l'angoissait.
Jusqu'à ce qu'elle regagne son domicile, Isabella ne cessa d'imaginer ce dont son père souhaitait l'entretenir. Serait-ce pour l'informer qu'elle partirait avec lui pour son prochain voyage ? La catalane rêvait de ce voyage depuis des jours puisque Fernando avait malencontreusement évoqué la possibilité de la laisser venir avec lui. Cette simple pensée la fit sautiller de joie.

Lorsque Miguel eut raccompagné la jeune fille chez elle, il la laissa et continua sa route pour s'engouffrer dans le village.
Isabella, quant à elle, franchis le petit portillon entourant son domicile et traversa la minuscule allée avant de rentrer. Une fois à l'intérieur, l'adolescente s'assura qu'elle ne s'était point salie et se recoiffa légèrement en envoyant ses petites mèches en arrière. Puis elle s'engouffra dans l'étroit couloir à sa droite.
Isabella se tint devant la porte interdite, inspira profondément et, après un moment d'hésitation, frappa trois coups secs.
Elle entendit la voix de son père l'autoriser à entrer. Tremblante, la catalane ouvrit la porte.
Fernando reposa sa plume et se redressa sur son fauteuil, demandant à sa fille de se rapprocher.

« Vous souhaitiez me voir père ?
- Tout à fait. J'aimerais te faire part d'une nouvelle.
- Quelle est telle ? »

La catalane trépignait d'impatience. Pourquoi diable son père faisait-il durer le suspense ? Il devait trouver amusant de la faire attendre.
Son géniteur la sortit de sa rêverie et la ramena à la réalité.

« Te souviens-tu du Vicomte de Aguilar ? »

Isabella afficha un sourire très discret. Comment pouvait-elle oublier cet homme ? Pendant que le docteur s'occupait de lui, elle en avait profité pour filer et explorer les rues de Barcelone. Exploration qui lui avait permis de rencontrer un jeune marin aux yeux sombres mais hypnotiques.
Sans faire attendre son père plus longtemps, la catalane lui répondit.

« Oui, bien sûr. Il s'agit de l'homme que vous avez guéri de la petite vérole il y a deux ans et qui a fait appel à vous lorsque son fils est tombé de cheval en début d'année.
- Exact. Je viens de recevoir un courrier de sa main. Un courrier dans lequel cet homme remarquable m'accorde, nous accorde, une véritable faveur. »

L'adolescente ne parvenait pas à comprendre où son père souhaitait en venir tant celui-ci parvenait à garder un visage impassible.
Devant son air dubitatif, Fernando expliqua alors à sa fille que le Vicomte désirait enfin remercier l'homme qui avait sauvé sa vie et surtout celle de son fils. Contre toute attente, le noble offrait au médecin la possibilité de marier son unique fille à son fils aîné.
Isabella vacilla... Un mariage ?
Malgré sa grande imagination, elle n'aurait jamais pu croire qu'un noble accepterait de marier son héritier à une simple fille de la campagne...
Fernando se mit à lire la missive dans son intégralité afin que sa fille puisse avoir tous les détails. Cependant, cette dernière n'en avait cure. Elle ne voulait pas se marier, qu'importe le rang de l'homme.
Isabella sentit sa gorge se serrer et les larmes monter lorsqu'elle entendit son père annoncer qu'ils devraient se rendre à Barcelone pour organiser les fiançailles.

« Pourquoi ? Père, allez-vous réellement accepter cela ?
- Pourquoi ne le ferais-je pas ? C'est une opportunité unique pour notre famille, pour toi de devenir une jeune noble. Cela t'assurerait un avenir serein dans lequel tu ne manqueras plus jamais de rien.
- Je ne manque déjà de rien. Je suis très heureuse de la vie que je mène ici avec vous. Je me moque bien de devenir vicomtesse ! »

La jeune catalane s'était un peu emportée, le choc de l'annonce remplacée par une colère naissante.
Isabella n'avait pas pour habitude de hausser le ton avec son père, cela ne lui était même jamais arrivé. Elle avait toujours accepté ce que son père lui disait sans broncher néanmoins ce jour-là, la jeune fille fut bien décidée à riposter.

« Je ne veux pas épouser cet homme. Peu importe qui il est.
- Penses-tu sincèrement que nous soyons en mesure de refuser ?
- Ce n'est qu'une proposition ! Vous n'êtes pas obligé d'accepter. Je vous en prie Père, je ne veux pas me marier.
- Et donc, que voudrais-tu ?
- Vous aviez promis de m'emmener avec vous lors de votre prochain voyage. C'est cela que je souhaite : Partir à l'aventure avec vous, vivre ce que vous avez vécu avant de vous installer avec mère.
- Isabella, je ne tiendrais pas cette promesse. J'ai eu tort de te la faire, tu es bien trop jeune et fragile. »

Entendant cela, l'adolescente se sentit flouée, par son propre père. Comment pouvait-il lui dire ça ?
Sans réfléchir, Isabella se mit à hurler : Elle n'épouserait pas ce nobliau, peu importe ce que cela lui coûterait. L'adolescente argua que ce n'était qu'une proposition, ils n'étaient pas obligés d'accepter. Elle ordonna d'ailleurs à Fernando de refuser ce mariage, le menaçant de ne plus jamais lui adresser la parole voire même de fuir le domicile.
Elle eut à peine fini sa diatribe qu'Isabella entendit un claquement. Le choc physique et émotionnel calma la jeune fille instantanément.
Cette dernière apposa sa main sur sa joue encore chaude. Isabella fixa son père, totalement incrédule : Fernando venait-il vraiment de la gifler ? C'était la première fois qu'il levait la main sur elle...
Tout à fait conscient de ce geste, le Docteur ne prit cependant pas le temps de s'excuser.

« Isabella écoute bien ce qui va suivre. C'est une offre que je ne peux refuser et pour laquelle tu oublieras ce sale caractère. Te rends-tu compte de la chance de cette demande en mariage ?! Une jeune fille comme toi accédant à un titre de noblesse. C'est inespéré ! Par conséquent, et que tu le veuilles ou non comme tu sembles le dire, tu épouseras ce jeune homme. »

Les mots de Laguerra résonnèrent dans la pièce mais surtout dans les oreilles de l'adolescente. La voix de son père avait été si dure, sans une once de compassion... La jeune fille comprit immédiatement qu'il ne reculerait pas et que, dans quelque temps, elle serait en robe blanche devant un homme d'Eglise.
Dépassée par les événements, Isabella se laissa tomber à terre : Elle ne pouvait croire ce qu'il lui arrivait. Des larmes interminables coulaient le long de son visage...
Fernando, comprenant l'état d'esprit de sa fille, s'adoucit et s'agenouilla face à elle. Il la prit par les épaules, lui intimant de relever la tête pour la regarder.

« Isabella, ma chérie... Je comprends que tout cela te chamboule mais, lorsque ta mère nous a quitté, je lui ai promis de te donner la meilleure éducation et de m'assurer que tu es le meilleur avenir possible. Accepter cette proposition me permettra de tenir cette promesse.
- Mais... Et si ce Vicomte ne m'aime pas ? Quel noble accepterait de se marier à une campagnarde ? De plus, je ne me ferais jamais à la vie des nobles...
- Ne dis pas ça. Tu te feras à cette vie : Même sans être des beaux quartiers, tu es une jeune fille tout à fait remarquable et ta beauté est sans égal.
- Je ne veux pas...
- Malheureusement, tu ne feras pas toujours ce qu'il te plaît. Accepte ce mariage et deviens une femme respectable avec un minimum de pouvoir. »

Résignée, Isabella se blottit dans les bras de son père. Les larmes coulant encore sur son visage et à contre-cœur, la jeune fille murmura :

« C'est d'accord... Si ce mariage peut vous rendre heureux, j'épouserai cet homme... »
« On le fait parce qu'on sait le faire » Don Flack
« Ne te met pas en travers de ceux qui veulent t'aider » Sara Sidle

« J'ai de bonnes raisons de faire ce que je fais » Isabella Laguerra
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