Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

C'est ici que les artistes (en herbe ou confirmés) peuvent présenter leurs compositions personnelles : images, musiques, figurines, etc.
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yupanqui
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

Oui c’est Jean-Pierre Mader mais c’est « disparue » au féminin.
« On sera jamais séparés » :Zia: :-@ :Esteban:
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TEEGER59
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 4.

L'écurie était en adéquation avec le reste de la bourgade. Un bâtiment décrépit de planches disjointes. L'endroit semblait aussi insalubre que les douves d'un château fort et puait au moins autant. Mendoza plaignit les chevaux.
Le nommé Maréchal était conforme à ce qu'il en attendait. Un homme de corpulence moyenne au teint brouillé, mal rasé, avec des cheveux en bataille, le regard calculateur et la mine faussement accueillante. Ses mains maigres ne s'éloignaient jamais longtemps de sa ceinture où, sous la lumière glauque des lanternes, brillaient le métal d'un grand poignard. Ses vêtements râpés renseignaient sur ce qu'il avait mangé dans la journée, et même la veille. Il dégageait un relent offensant, une addition de crottin de cheval et de sueur.
Hormis le vendeur et ses montures, l'écurie semblait déserte.
Maréchal fit montre d'un enthousiasme de commande:
Mar: Pour toi, étranger, le meilleur! Regarde ce magnifique étalon noir!
Il désigna fièrement un Minorquin aux membres déliés, à la robe luisante, à la fière allure. Les oreilles en arrière, l'animal battait nerveusement des sabots.
Mar: Vois comme il a hâte de se dégourdir les pattes. Il galope comme souffle le vent! Pas cher pour toi. Un prix d'ami.
:Mendoza: : Ne me prends pas pour un amateur! Les noirs dans son genre ne sont pas fiables, ils ont le caractère ombrageux. Je n'ai que faire d'une bête de parade trop anxieuse. Pousse-toi, je vais choisir moi-même.
Macumba contemplait le manège, amusée par la mine contrariée de Maréchal. Si celui-ci pensait pouvoir escroquer l'inconnu comme ses clients habituels, il n'allait pas être déçu.
L'Espagnol inspecta divers équidés avant de se décider. Toutefois, avec une moue dubitative, il demanda:
:Mendoza: : Tu en as d'autres? Ceux-là ne sont pas bons à grand-chose pour le voyage qui m'attend.
Mar: Au pâturage. Mon frère peut les amener pour demain soir. De très belles bêtes.
:Mendoza: : Trop tard pour moi. Tant pis... Je vais me contenter de ceux-là. Ce gris, par exemple, il vient d'où?
Il désignait un grand cheval aux membres musculeux, à la robe anthracite, dont l'épaisse crinière couleur ardoise était taillée en crans irréguliers.
Mar: Ah! Un mercenaire dans ton genre l'a perdu aux dés le mois dernier. Un bon choix pour toi!
:Mendoza: : Mouais... C'est toi qui le dis. Sa robe est terne. Il a les membres lourds et semble hors de forme. Je vais me traîner avec lui. Mais les autres ne valent pas mieux.
Comme s'il sentait que l'on parlait de lui, le cheval poussa un bref hennissement. Mendoza en profita:
:Mendoza: : En plus, il n'a pas l'air d'avoir meilleur caractère que le noir. Enfin, je n'ai pas de temps à perdre. Je vais le prendre.
Il poursuivit son examen, délaissant plusieurs possibilités. Dans un coin, une petite jument baie aux yeux doux attira son attention. Elle hennit doucement, saluant son approche. Juan examina son allure, ses jambes, ses fers, ses dents.
:Mendoza: : Elle n'est plus toute jeune, celle-là. Néanmoins, elle a l'air paisible.
Il se dit:
:Mendoza: : Une monture idéale pour une femme. (Pensée).
Séduit par son air affectueux, il annonça:
:Mendoza: : Elle aussi, je la prends. Avec cette mule. Combien pour les trois, sellés?
La danseuse retint une exclamation. Il avait bien dit trois!
Maréchal fourragea dans sa toison brune, embrouillé par les bénéfices qu'il espérait encore engranger.
Mar: Parce que tu es venu avec Macumba, le moins cher. Trois écus d'or.
Le Catalan cracha devant l'une des bottes du marchand:
:Mendoza: : Tu as forcé sur la boisson! Qui, dans la région, pourrait prétendre posséder une telle somme? J'offre dix écus d'argent. Et encore parce que je suis pressé...
Le vendeur glapit comme s'il se faisait égorger:
Mar: Dieu du ciel, tu veux ma ruine? Cinquante d'argent! C'est mon dernier prix.
:Mendoza: : Quinze, pas plus...
Maréchal en loucha d'indignation.
Mar: À moins de quarante, j'y perds.
:Mendoza: : Je ne peux pas monter plus haut que vingt d'argent. Avec le fourrage...
Le vendeur lui tendit la main.
Mar: Vingt-cinq et nous faisons affaire!
Il fit un clin d'œil complice à la jeune femme. Mendoza capitula:
:Mendoza: : D'accord. C'est bon, voici un tiers de la somme. Je vais aller faire un tour avec le gris, histoire de voir ce qu'il vaut. Je viendrai reprendre les autres d'ici quelques heures. Alors, je te paierai le complément. Prépare-les et tu auras un supplément.
Mar: Pas de problème, mon ami. Tes montures seront prêtes.
Le vendeur se demandait s'il avait réellement bien mené son marchandage.
Mais comme de toute façon, l'homme allait repasser, il aurait l'occasion de se refaire. D'une manière ou d'une autre.

☼☼☼

À l'extérieur de l'écurie, la Gitane interpella Mendoza qui menait le Boulonnais par la bride. Elle lui glissa à l'oreille:
Mac: Tu aurais pu l'avoir pour encore moins cher.
:Mendoza: : Tu crois? Tu as vu sa crinière dentelée? C'est la marque d'un cheval de guerre. À lui seul, il vaut au minimum dix fois plus que le prix que j'ai payé. Je ne pouvais espérer mieux, en vérité. Il manque juste d'exercice et de grand air. Maréchal est peut-être un bon voleur, mais il ne semble pas connaître grand-chose aux équidés!
Mac: Maréchal?
Macumba éclata de rire. S'il l'apprenait, il ferait une de ces poussées de fièvre!
Juan sangla le destrier. Flattant son garrot et ses flancs, il lui parla doucement, établissant le contact. Il s'était toujours bien entendu avec les animaux, quels qu'ils soient. Bien plus qu'avec les hommes. Le cheval le regardait avec curiosité. Le Yeoman caressa le chanfrein avant de revenir à Macumba. Il lui glissa quelques pièces d'argent dans la main.
:Mendoza: : Achète de la nourriture pour cinq jours, une outre d'eau et une gourde d'alcool fort. Tu feras livrer le tout à l'écurie et Maréchal chargera les montures. Tu me retrouveras ici, disons dans trois heures. Si je ne suis pas là, attends-moi...
Il sauta souplement en selle, sans se servir des étriers. Il déplaça sa jambe gauche en arrière et se pencha légèrement du même côté. Répondant aussitôt à son ordre, le Boulonnais prit le petit galop.
L'ébauche d'un sourire aux lèvres, l'espoir retrouvé, la danseuse regarda la silhouette montée s'engager sur la piste de l'est. La délicate jeune femme aurait pu s'interroger sur son avenir proche, mais elle se sentait rassurée. Il allait revenir... Et l'emmener.
Si Mendoza avait effectivement mis à jour la nature des deux hommes chassés du relais, il s'était mépris sur leur réaction.
Mortifiés de quitter ainsi la taverne, les usurpateurs galopèrent dans la nuit incertaine en direction de leur campement. Ruminant leur dépit. Dans l'auberge, face à ce regard qui leur promettait la mort, leur instinct de survie avait pris le pas sur leur fierté et ils avaient fui. Mais au fil de leur chevauchée, la peur provoquée par l'étranger s'estompa. Puis, elle céda la place à la honte. Avec celle-ci, vint la colère.
Aussi, lorsqu'ils débouchèrent sur l'entrée de la caverne occupée par le reste de leur bande de renégats, les deux guerriers s'empressèrent-ils de cracher des ordres, ralliant les spadassins étendus ça et là, hébétés par l'ennui de cette morne soirée.
La vitesse à laquelle leur bivouac se vida témoigna clairement de l'étendue de leur courroux.

CHAPITRE 5.

Comté de Ponthieu, aux alentours de Thuison.

Chevauchant à travers bois, Mendoza exultait presque. Il n'avait pas monté une telle bête depuis des années. Il ne s'était pas trompé sur l'excellence de l'animal, qui répondait à la moindre pression de ses mollets. L'homme et sa monture avalèrent les lieues. Ravi de l'exercice, le destrier gris martelait d'un pas sûr le sol détrempé. En dépit du mauvais temps, il filait sous le vent. La lune, en partie voilée par de lourds nuages, diffusait tout de même sa lumière nacrée sur la campagne.

18.PNG

Le renseignement que le Catalan avait payé se révélait juste. Le campement des Wallons ne fut pas difficile à repérer. Suivant les instructions, Juan ralentit l'allure et obliqua pour longer la rivière Scardon qui coupait le chemin, vers l'est, à couvert sous les frondaisons des arbres. Au bout de quelques toises, il sauta à terre et récompensa le cheval d'une série de caresses, puis passa les rênes autour d'une branche de saule, à l'abri des éléments. Il terminerait à pied. Accrochant le fourreau de son épée à la selle, il se débarrassa de sa cape alourdie par l'averse qui venait de s'interrompre. Un surcroît de mobilité faciliterait son approche. Il se permit encore quelques caresses, tout en chuchotant pour assurer le Boulonnais de son retour. Ce dernier le regarda partir avec placidité avant de s'intéresser aux feuillages qui l'entouraient.
L'Espagnol remonta encore le long du courant sur une centaine d'enjambées. Le sol mouillé étouffait les sons. Soudain, une odeur de fumée l'alerta. Se dissimulant derrière les troncs, il se rapprocha prudemment de son objectif, éclairé par des braseros. Redoublant de précautions, il atteignit enfin les abords du camp.
Étudier le ballet des sentinelles ne lui posa aucun problème. Ballet pour le moins imparfait, put-il constater avec mépris. De son temps, quand il œuvrait à la cour d'Espagne, les mesures de sécurité étaient d'un tout autre calibre. En effet, le camp de base établi par les gardes Wallonnes de l'Empire pour accueillir le questeur présentait de sérieuses lacunes. Au moins trois zones restaient mal couvertes, sinon pas du tout. Les tentes étaient trop rapprochées les unes des autres. Les chevaux, à l'écart et trop près du Scardon.
La pluie et le froid conjugués avaient annihilé toute velléité de zèle. Les soldats usaient leur énergie à tenter de se réchauffer, plutôt qu'à surveiller efficacement leur périmètre.
Le borgne ruminait sa peine, détenu dans un chariot-cage sous lequel trois hommes s'étaient recroquevillés pour partager une bouteille d'eau-de-vie. Ceux-là, parmi lesquels Mendoza crut reconnaître le sous-officier de la taverne, ne risquaient pas de bouger. Tant pis pour le prisonnier, Juan ne pouvait rien pour lui. Du reste, le destin de son contact lui importait peu. Le Catalan avait uniquement besoin de la carte qu'il devait lui remettre. Un plan précis du territoire avec les emplacements des forts de garde, des routes et des chemins forestiers, permettant de définir les différents itinéraires possibles pour rejoindre son but:
Le Sud. La cité couronnée, capitale de la Catalogne, l'un des bastions de l'Empire tout-puissant sur le Vieux Continent.
Cette carte, le borgne devait l'avoir sur lui, lorsqu'il avait été arrêté. Selon toute probabilité, elle devait à présent être détenue avec ses autres affaires... dans la tente dévolue au questeur, Pero Laxo.
Le capitaine avisa le pavillon de commandement, dressé à l'écart sur une hauteur, sous les ramures d'un immense tilleul, à l'opposé de la cage. Mais même sans cette fichue carte, indispensable au bon déroulement de sa mission, Mendoza aurait décidé d'y aller, sous cette tente. L'attirance était par trop forte de renouer avec ce passé qui le hantait jusque dans son sommeil.
Juan-Carlos Mendoza n'y tint plus. Il revint sur ses pas pour se diriger vers l'habitat temporaire du questeur.

☼☼☼

Après avoir effectué une sommaire inspection du camp une heure auparavant, Pero Laxo s'était retiré dans ses quartiers, sur la petite butte herbue. La chevauchée que l'officier venait d'effectuer l'avait vidé de ses forces et rendu mauvais, d'une humeur de chien!
Une bouteille renflée à la main, il renvoya son écuyer après lui avoir adressé quelques sévères reproches à propos de sa tenue, pourtant impeccable. Le garçon ne fut que trop heureux de quitter les lieux. Pero Laxo s'octroya une large gorgée, savourant la chaleur du breuvage. Une deuxième rasade suivit, puis une troisième... Ce bon cépage d'Espagne, seul capable d'atténuer l'amertume de sa vie. Heureusement, ses réserves de vins étaient pleines. Tassé dans son fauteuil, protégé sous l'auvent, le questeur s'affala totalement et entreprit de vider la bouteille. Par-dessus sa veste d'uniforme, l'officier portait une grosse pelisse de fourrure. Un pantalon de cavalier à bandes latérales bleu foncé et de hautes bottes parachevaient sa tenue.
Parfaitement éclairé par la lampe tempête surplombant l'entrée de sa tente, il faisait une bien belle cible. Mendoza fut convaincu. C'était bien Pero Laxo, cet homme brun, aux cheveux courts frisés, à la peau pâle, au visage grêlé. Reconnaissable à sa manie de pencher sa tête de côté. Que pouvait-il bien faire ici? Pero en questeur? C'était risible!
Le Yeoman n'eut pas à forcer son talent pour déjouer l'attention des sentinelles transies. Choisissant le moment approprié, il rampa dans l'herbe mouillée jusqu'à atteindre le bas de la butte.
Chacune de ses reptations le rapprochait de son passé.
Une fois derrière la tente, le Catalan sonda l'air ambiant. Personne ne l'avait découvert. Il sortit la dague de sa botte et découpa une issue dans le fond de la toile, au ras du sol.
Pero jeta distraitement sa bouteille vide dans l'herbe et réintégra le logis afin d'en chercher une autre. Il avait dédaigné souper et l'ivresse le tenait. Comme chaque soir. Déçu par l'existence, l'homme s'était depuis longtemps tourné vers la boisson. Tant et si bien qu'il faillit se faire chasser de l'armée de l'Empire où il était capitaine, pour abandon de poste. Son ami et protecteur, Pedro Folc de Cardona, dut intervenir. Il fit jouer ses relations pour lui faire intégrer la Confrérie du Rosaire, en tant que haut-questeur. Pero ne profita pas de l'expérience. Il continua à boire tant et plus. Jusqu'à se retrouver déchu de ses nouveaux privilèges, dégradé au rang inférieur et muté en patrouille sur le territoire de l'Artois, bien loin de Barcelone.
Une ombre se détacha du fond de la tente. Vive et déterminée. Les réflexes noyés par l'alcool, le questeur réagit avec un retard accablant. De la pointe de ses doigts raidis, Mendoza le frappa sèchement dans la région épigastrique, provoquant un vomissement subit, suivi d'une brutale perte de conscience.

☼☼☼

Pero se réveilla, la bouche pâteuse, attaché sur son fauteuil à l'intérieur de la tente à présent fermée. Il hoqueta de stupéfaction en reconnaissant son agresseur:
Laxo: Moustique? Ju... Juan, c'est toi?
:Mendoza: : C'est moi, en effet...
Le Catalan plaqua sa dague sur la gorge exposée de son ancien condisciple.
Laxo: Attention, mes hommes vont venir! J'attends un rapport...
:Mendoza: : Toujours aussi menteur, Pero! Tu as ordonné qu'on te laisse pour la nuit. Afin de savourer ton vin en paix. Ttt-ttt-ttt. N'espère pas appeler. Au moindre mouvement de ta part, je t'égorge.
Mendoza sourit largement, exhibant une dentition parfaite. Mais ses yeux restaient glacés.
:Mendoza: : Alors comme ça, tu es devenu questeur? Je ne te savais pas la fibre religieuse! Mais peu importe, en vérité. Ton ami Pedro... et les autres... Donne-moi de leurs nouvelles. Comment se portent les Compagnons?
Laxo: Pitié, Moustique. Pour l'amour de Dieu, nous étions jeunes... Pedro nous a poussés...
:Mendoza: : Mais c'est bien de jeunesse que l'on parle. Cette jeunesse que vous m'avez volée! Parle-moi, Pero, parle-moi des Compagnons. Où puis-je les trouver?
Il marqua une pause, octroyant un court répit à son prisonnier.
:Mendoza: : Tu ne veux rien dire? Parfait.
L'Espagnol changea de position pour bâillonner Pero.
Il se rassit en face de lui, sur les talons, le fixant de ses prunelles noires, un large sourire aux lèvres. Laxo n'avait jamais vu une expression aussi effrayante.

19.PNG

Durant la période d'inconscience du questeur, Juan était ressorti vérifier les abords de la tente. Toujours aussi calmes. Seules les sentinelles se maintenaient dans un éveil relatif. Il avait tout le loisir de s'occuper de Laxo. Ensuite, il avait fouillé les affaires de l'officier pour découvrir la carte qu'il convoitait, ainsi qu'une bourse de cent réaux d'or. Une petite fortune représentant les économies que Pero avait pu emporter dans son exil.
Mendoza poursuivit d'une voix douce, faussement amicale:
:Mendoza: : Je vais t'expliquer ce que je te réserve. En souvenir du bon vieux temps... Je vais te couper tous les doigts. Un par un. En commençant par une main. Puis l'autre. Si cela ne suffit pas, je passerai après à ton visage. Jusqu'à ce que tu parles. Avec ce bâillon, nous ne devrions pas être dérangés. Tu ne sembles pas me croire... Mais Pero, je ne suis plus aussi gentil que naguère, tu sais. Et pour te prouver que je ne mens pas...
D'un geste sûr, inflexible, l'Espagnol trancha le pouce droit de Laxo sans pour autant le sectionner. Le questeur ne s'attendait pas à une telle douleur. Il s'étouffa presque dans son bandeau en pleurant d'impuissance.
Mendoza lui libéra la bouche et dit:
:Mendoza: : Allons, ça ne fait pas si mal que ça? Si? Désolé. Tu devrais parler...
Le supplicié tenta:
Laxo: Pitié!
Mais la pitié et l'amour de son prochain, Juan-Carlos Mendoza les avait perdus dix années auparavant... alors qu'il gisait le corps brisé, dans une flaque de son propre sang. Trahi.
Il rajusta le bâillon puis posa le tranchant de sa lame sur l'index de son prisonnier et commença à appuyer.
La chancelante loyauté que pouvait conserver Pero Laxo pour ses complices s'effaça devant cette douleur effroyable. Terrifié par la transformation de son ancien camarade, les yeux exorbités, le questeur agita la tête pour indiquer qu'il désirait s'exprimer. Le Catalan lui ôta de nouveau le morceau d'étoffe noué sur sa bouche.
Laxo: Je vais parler. Donne-moi un verre et je dirai tout!
:Mendoza: : Apprends-moi ce que je veux savoir et tu auras tout le vin que tu veux.
Laxo commença à s'épancher, répondant aux attentes de son bourreau. Ses aveux achevés, le Yeoman lui tendit un verre de vin. Le prisonnier but avidement, sans se soucier des éclaboussures sur son torse.
:Mendoza: : C'est bien, Pero. Très bien. Je vais aller transmettre tes amitiés aux autres puisqu'ils sont à Barcelone. J'ai eu plaisir à te revoir...
Il se pencha sur le questeur, comme pour lui délivrer une fraternelle étreinte. Comme avant.
Tout à coup, Pero fut en proie à d'étranges malaises: troubles digestifs, vertiges, diminution de la force musculaire, et enfin une paralysie ascendante qui allait entraîner la mort. Ayant incorporé dans le vin une dose démesurée de ciguë, Mendoza détailla même son agonie avec une satisfaction certaine. Son forfait perpétré, il quitta le camp aussi furtivement qu'il était venu, profitant des ombres de la nuit pour rejoindre sa monture. Celle-ci agita son encolure pour l'accueillir. Il l'avait adoptée. Un sentiment réciproque. À peine Juan était-il en selle que l'étalon gris piaffait, ne demandant qu'à galoper. Le cœur léger, la carte du borgne en poche, Mendoza le lui accorda de bon gré.
Durant toute la chevauchée vers Thuison, l'Espagnol ne songeait qu'aux confidences de Pero.
La vengeance avait un avant-goût troublant.

À suivre...
Modifié en dernier par TEEGER59 le 11 juin 2020, 09:24, modifié 3 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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yupanqui
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

Bien écrit. Ménageant l’intrigue et le suspens.
Attention Mendoza, tu vas avoir une surprise à ton retour !
L’occasion d’un combat où, à lui tout seul, comme dans la dernière fanfiction, il va mettre à mal 10 combattants. Ça risque d’être violent...
Ce n’est pas un gentil capitaine mais un homme plein de haine et de rancune...
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IsaGuerra
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par IsaGuerra »

C'est prenant comme histoire, là dessus rien à dire
Par contre j'ai du mal à voir Mendoza commettre un meurtre de sang froid, par vengeance. La torture ne me dérange guère mais le meurtre c'est... Surprenant!

Sinon c'est très bien écrit comme toujours
« On le fait parce qu'on sait le faire » Don Flack
« Ne te met pas en travers de ceux qui veulent t'aider » Sara Sidle

« J'ai de bonnes raisons de faire ce que je fais » Isabella Laguerra
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TEEGER59
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 6.

Comme il l'avait annoncé à Macumba, Mendoza revint à Thuison. Un peu moins de trois heures venaient de s'écouler depuis son départ. L'Espagnol se positionna au même endroit que dans l'après-midi afin de scruter les parages. Aucune trace de la Garde Wallonne. Sa longue-vue se déplaça jusqu'à l'écurie. Personne. Et surtout, aucun signe de la jeune femme.
L'avait-elle trahi? Avait-elle changé d'avis? Il ne le pensait pas. Elle pouvait cependant avoir été manipulée par ce Côme. Servir d'appât ou de leurre. Il n'y avait qu'un moyen d'être fixé.
Le Catalan laissa son cheval derrière un arbre avec sa cape et son épée, qui ne feraient que l'encombrer, et descendit la pente en veillant à rester camouflé par les ombres. La pluie renaissante rendait la progression difficile. Il aurait préféré passer des vêtements secs, mais n'en n'aurait pas le loisir de sitôt. Il s'en accommoderait, ayant supporté de bien pires conditions quand il avait fait le tour du monde sur la Victoria. Avançant avec prudence, il gagna l'arrière de l'écurie. Toujours aucun signe de vie.
L'Espagnol escalada le mur sans peine pour atteindre le toit. Parvenu en haut, il découpa un carré de chaume qu'il retira pour pénétrer à l'intérieur du bâtiment. Il dut relever le col de sa tunique pour protéger sa bouche de la poussière omniprésente. Juan ne devait surtout pas tousser. Il entendit un échange de murmures provenant d'en bas. Rampant jusqu'à la rambarde, il passa prudemment la tête pour découvrir une bien repoussante assemblée.
Maréchal faisait les cent pas et semblait attendre quelque chose ou quelqu'un. Il y avait également deux autres hommes en pleine partie de cartes. Pour finir, Mendoza en vit un dernier en train de faire le guet à la porte. Macumba, elle, était liée sur une chaise et bâillonnée.
En somme, rien de très surprenant.
Le capitaine regarda autour de lui. Le grenier servait à stocker le fourrage. Un système de poulies permettait de monter et descendre les ballots. L'un d'eux y était resté accroché.
:Mendoza: : C'est presque trop facile. (Pensée).
Le Catalan défit la corde et, d'un coup de botte, fit basculer la grosse pièce de foin, droit sur la table de jeu avant de sauter.

☼☼☼

Conformément à ses calculs, Mendoza atterrit non loin de Maréchal. Un roulé-boulé pour amortir sa chute et il se releva à côté du voleur. Il le saisit et le plaqua contre lui. Comme surgi de nulle part, son stylet apparut dans sa main gauche pour aller piquer la pointe de son menton. Le ballot de paille libéré avait renversé la table ainsi que les joueurs et détourné l'attention du guetteur.
Revenus de leur surprise, les coupe-jarrets vinrent se ranger devant l'inconnu, lames brandies, la mine hostile. Mendoza ordonna à son captif:
:Mendoza: : Dis à tes compagnons de se calmer et de jeter leurs armes. Sinon, le premier à mourir, ce sera toi. Es-tu sûr que cela en vaille la peine?
Maréchal hésita. Il pensait à Côme Fournier et à sa Francisque.
D'un ton impérieux, le Yeoman ordonna:
:Mendoza: : Lâchez vos armes! Dépêchez-vous!
Il enfonça sa lame dans le cou de Maréchal pour provoquer quelques gouttes de sang. Celui-ci glapit un ordre bref. Ses comparses obtempérèrent enfin.
:Mendoza: : Bien... Détachez-la maintenant et reculez... Macumba, viens là, derrière moi.
La danseuse ne se fit pas prier.
:Mendoza: : Tu vas bien?
Elle hocha la tête. Sans remarquer cette marque de sollicitude, surprenante de la part de Mendson. Les yeux courroucés de la Gitane ne lâchaient pas l'un des hommes, un individu râblé, à la tenue répugnante, affligé d'une tonsure.
:Mendoza: : Voilà ce qui va se passer. Je prends mes montures avec les provisions. Je ne paierai rien de plus, puisque tu as cherché à me piéger... Mais tu restes en vie.
La peur du présent l'emporta sur celle dévolue du futur. Maussade, Maréchal souffla:
Mar: D'accord.
:Mendoza: : Une dernière chose... J'emmène Macumba.
La nouvelle stupéfia le marchand.
Mar: Tu es fou, étranger! Fournier ne le permettra jamais!
Mendoza parcourut la salle du regard.
:Mendoza: : Fournier? Je ne vois aucun Fournier ici.
Il accentua la pression de son stylet d'un demi-pouce supplémentaire contre la chair de Maréchal, et poursuivit:
:Mendoza: : Macumba, va chercher les chevaux... Le mien est dehors, en haut de la colline, sous les sapins. Laisse les portes ouvertes. Je crois que mes nouveaux amis vont rester sages, ou ils le regretteront.
Les hommes de Fournier bougonnèrent leur capitulation, le regard éteint par la défaite. Ils ne voyaient que trop bien le sang de Maréchal goutter sur son tablier et aucun d'eux n'avait l'étoffe d'un héros.

☼☼☼

Macumba revint quelques minutes plus tard avec le Boulonnais. Puis, elle s'occupa de harnacher la jument et la mule. Une fois les montures prêtes, elle les attacha à un poteau à l'extérieur. Elle fit un geste pour capter l'attention de son sauveur. Du menton, elle désigna l'homme à la tonsure, dont les traits grossiers s'ornaient d'un nez épaté avec une narine plus large que l'autre.
Mendoza haussa un sourcil. À son tour, il hocha la tête pour répondre à la question muette.
La Gitane s'approcha de l'individu en question. Sans prévenir, elle lui flanqua un violent coup de pied dans l'entrejambe. Foudroyé, le tonsuré s'écroula sur le côté et se roula par terre.
Penchée sur sa victime, la jeune femme s'exclama:
Mac: Ne t'avise plus jamais de poser la main sur moi!
Le bas-ventre en feu, il ne semblait pas en mesure de répondre.
Sans plus attendre, le Catalan et la Gitane se mirent en selle. Macumba avait l'assiette d'une cavalière chevronnée. Elle ne devrait pas trop le retarder. De toute manière, Juan ne pourrait aller bien vite avec la mule.
Du haut de sa selle, il toisa les brigands un à un et lâcha d'un ton funèbre:
:Mendoza: : Le premier qui me suit, je le tue...
La morsure impitoyable de son regard noir et la haine qui tordait diaboliquement sa bouche les clouèrent sur place.

20.PNG

Son avertissement résonna dans l'écurie alors que le couple se lança sur la route détrempée, la mule sur leurs talons.
Un silence stupéfait mêlé d'abattement plana dans le bâtiment. Depuis le sol, les mains plaquées sur ses bijoux, le tonsuré commenta enfin:
:?: : Fournier ne va pas être content!
Tout en épongeant sa blessure au moyen d'un linge à la propreté douteuse, Maréchal rétorqua:
Mar: La ferme, Jacquet! Brossard, va voir quelle direction ils vont choisir pour quitter le coin. Pasquier, file réunir les gars et rejoignez-moi chez Fournier. Jacquet, puisque tu es si malin, tu viens avec moi. On va faire notre rapport. Et dépêchez-vous! Si on les retrouve, La Panse pourra passer ses nerfs sur eux. Sinon...
Livides, les autres s'exécutèrent aussitôt. Même Jacquet. Ils connaissaient parfaitement les conséquences de l'affront qui venait d'être fait à leur chef. Torture et trépas. Tels étaient les adages de Fournier, dit La Panse. Également connu en d'autres lieux comme le Boucher de Thuison.

CHAPITRE 7.

Côme Fournier. Semblable à un ours, immense, hirsute et couvert de poils grisonnants. La poitrine couverte d'une cotte de velours vert sombre tombant jusqu'aux genoux, mais distendue par une bedaine proéminente. Des chausses de la même couleur. Pour seul ornement, un large collier d'or ciselé au cou. À portée de sa main, de jour comme de nuit, sa fidèle compagne, la Francisque, une courte hache de jet. Tel était Côme Fournier.
La Panse, comme le surnommaient ses hommes dans son dos, se tenait assis au balcon intérieur du premier étage de l'auberge de la Couronne. À sa place préférée, d'où il disposait d'une vue imprenable sur son petit univers. La nuit, l'établissement ne désemplissait pas. Que faire d'autre par ce temps pluvieux? Néanmoins, l'endroit rapportait peu, générait trop de frais. Il permettait en revanche à Fournier de réinjecter les revenus de sa principale activité. Le crime.
Un beau jour, il était arrivé dans la bourgade, à pied, les traits tirés, le regard traqué, et porteur d'une sacoche remplie de livres Tournois sur l'épaule, la main assurée sur le manche de sa hache.
Appréciant la rusticité de quelques autochtones et l'absence totale d'ordre, il avait débuté une nouvelle carrière en tant qu'associé du légitime propriétaire de l'auberge, avant d'en prendre le contrôle total en assassinant son partenaire, d'en changer le nom et de lancer ses petites affaires: vols, pillages, prostitution et contrebande. Le tout à petite échelle pour ne pas attirer l'attention, la diversité produisant un rendement bien suffisant à ses besoins. Pour l'instant, Côme avait retrouvé confiance. Il voyait grand, tentant obstinément de retrouver sa gloire passée.
Le soldat Wallon avait-il dit vrai en annonçant l'établissement de l'Empire dans le pays Picard? En plein territoire Français? Fournier gratta la longue cicatrice qui courait sur sa joue. Cela demanderait tout de même un certain temps ainsi qu'une sacrée dose d'organisation pour arriver jusqu'ici en établissant des voies de communication sûres. Un plan à plus grande échelle alors. Et quelle serait la réaction du roi face à cette manœuvre d'envergure?
Fournier songea qu'il allait devoir mettre ses affaires en veilleuse. Le temps de voir venir. Il allait également falloir prévoir une nouvelle voie de repli. Qui choisir pour l'aider dans cette tâche capitale? Aucun de ses servants n'en avait l'étoffe.
Depuis son auberge, le chef de bande avait rassemblé ses champions, comme tout véritable chef doit le faire. Côme Fournier et son clan. Son clan! Terme bien pompeux pour désigner le sinistre ramassis de brigands de toutes sortes dont s'était entouré le colosse ventru.
Tel était le Boucher de Thuison. Violent, vantard, puant et querelleur. Au centre de l'existence de Macumba, depuis un an. La jeune femme avait été enlevée lors d'une attaque de caravane, et séquestrée depuis lors, avec un minimum d'égards depuis qu'on avait découvert son Don. Côme obligeait la Gitane à lui livrer les proies les plus intéressantes. La surveillant en conséquence de très près. Son petit bijou, comme il l'appelait.
Et voilà que Maréchal et Jacquet venaient lui apprendre qu'un mercenaire aux allures de loup sauvage venait de lui enlever la danseuse! Fournier tapa du poing sur la table en les fusillant du regard et en poussant des rugissements rauques et menaçants. Ses petits yeux noirs jetaient des éclairs de fureur. Il proféra d'abominables jurons et assena un revers à Jacquet, qui n'avait pas mis suffisamment de distance entre sa colère et lui-même, lui fracturant la mâchoire au passage. Il saisit sa Francisque, se couvrit de sa pelisse et sonna le rappel de ses troupes.
Des os brisés, du sang et des lamentations, voilà ce que réclamait le Boucher de Thuison pour laver cette injure à son autorité, cet affront à son honneur.

☼☼☼

Mendoza et Macumba chevauchaient sur la route. Ils se préparaient à franchir la rivière. La lune diffusait heureusement une lumière suffisante pour voyager de nuit. L'Espagnol ne voulait pas s'attarder. La Gitane semblait inquiète.
Un résonnement sourd éclipsa le sifflement du vent. Juan se retourna.

21.PNG

Il ne s'y trompa pas.
:Mendoza: : Au galop, vite!
D'un coup de talon, il accéléra l'allure, suivi par Macumba et la mule au bout de sa longe.
De l'ouest, monté sur un grand cheval bai, Fournier surgit à toute vitesse d'un monticule, talonné par tous ses hommes. Le Catalan dirigeait la fuite à l'opposé, vers un pont de pierre.
Menés par les deux guerriers chassés de l'auberge, les brigands débouchèrent de l'est par l'autre côté de l'ouvrage traversant le Scardon, leur coupant la retraite. Leurs armes brandies et l'expression de leurs visages valaient bien celles de Fournier et de sa troupe.
Mendoza se décida en une fraction de seconde. D'une pression du talon, il força sa monture à obliquer à droite du pont, sur un sentier pentu, parallèle à la rivière. Macumba passa tout juste à sa suite.

☼☼☼

La Panse et ses séides côtoyaient régulièrement les brigands à l'auberge. Fournier avait plus d'une fois trinqué avec Aernouts le sang-mêlé et Eicher le blond, les deux meneurs. Ils auraient dû se reconnaître. S'allier contre leur ennemi commun. La lumière lunaire, trop imparfaite, la vitesse de leurs courses et leur soif conjointe d'entendre le fracas des armes en décida autrement. Sans plus se préoccuper des deux fuyards, forts de leur élan, les deux groupes hurlèrent de concert avant de se jeter l'un sur l'autre dans une féroce mêlée qui s'épanouit au beau milieu du pont.

☼☼☼

Constatant qu'ils s'en étaient tirés, la Gitane demanda:
Mac: Es-tu terriblement chanceux ou efficace?
Le couple venait de s'arrêter à une confortable distance du pont d'où résonnaient clairement les bruits de bataille. Un rictus en guise de sourire, Juan répondit:
:Mendoza: : Les deux, je crois... Pas de vision? Ton Don fonctionne-t-il?
Mac: Pas pour le moment. Je t'avertirai s'il se manifeste. Nos destins sont liés, ne l'oublie pas.
:Mendoza: : Liés jusqu'à quel point? (Pensée).
C'était ce que se demandait Mendoza, stupéfait quant à sa décision de s'encombrer de la jeune femme. Sèchement, il ordonna:
:Mendoza: : Allez, on repart!

☼☼☼

Sous une pluie de nouveau battante, des hommes s'affrontaient et mouraient. Les pires individus de la région se livraient à un corps à corps sanglant, ponctué de cris de douleurs, de jurons ou de harangues. L'acier frappait l'acier. Parfois, le vide. La chair, souvent.
Fournier se battait avec une vaillance insoupçonnée. On pouvait l'accuser de bien des torts, certes pas de manquer de courage. Dressé sur le pont, il avait déjà régurgité deux fois sa bière. Deux fois, en plein combat, sans que cela nuise à son efficacité. Sa hache avait déjà fait verser son content de sang et, cependant, les ennemis continuaient à l'assaillir.
Fournier n'avait pas l'esprit à se demander d'où venaient ces adversaires. Il luttait pour sa survie. Il avait vu tomber Maréchal, Jacquet, Brossard, Pasquier et les autres. Eicher, le faux Suisse, gisait à ses pieds, la tête fendue de part en part.
Son ami, Aernouts, le sang-mêlé Flamand, parvint à contourner le colosse en rampant, pour lui sectionner les jarrets. La Panse tomba à la renverse, incapable de conserver son équilibre. Il ne restait plus que quatre hommes en vie sur le pont. Côme face au Flamand et deux autres guerriers. Aernouts avait fait sa part de travail en le mutilant. Il laissa les deux autres achever leur ennemi à coups de poignards. Entamer son deuil de ses pleurs lui parut prioritaire. Pauvre Eicher!
Agonisant, Fournier réussit à emporter l'un de ses bourreaux avec lui dans la mort. Le Boucher de Thuison n'était plus.
Son trépas concluait l'arrivée de Mendoza dans la région. Les trois quarts des brigands infestant les lieux venaient de s'entretuer. Et la moitié des survivants avait fui à l'arrivée de la Garde Wallonne.

☼☼☼

À quelques lieues du drame, Macumba s'écria:
Mac: Fournier est mort! Je viens d'avoir une vision.

22.PNG

:Mendoza: : Un souci de moins... Te voilà véritablement libre. Car je doute maintenant que quiconque te poursuive.
La Gitane réalisa tout à coup ce que cela signifiait. Libre! Sans avoir à se retourner à chaque coin de rue. Fournier, cet être immonde, ne lui manquerait certainement pas. Sa liberté lui tournait la tête. Même si, pour le moment, sa destinée restait entre les mains du mystérieux Mendson. Doucement, elle lui dit:
Mac: Si tu le veux bien, je reste avec toi. Le moment de nous séparer n'est pas venu. Je le sens.
:Mendoza: : Alors viens.
Le capitaine prit la tête, traînant la mule au bout de la longe. Macumba le suivit docilement en direction du sud. Ils allaient tenter de rejoindre les états de Languedoc en passant entre le Périgord et le Rouergue. Pour arriver à Toulouse, ils devaient avant tout atteindre le Lot, le longer jusqu'à Cahors et le franchir en empruntant le pont du Diable.

CHAPITRE 8.

Une vingtaine de jours plus tard, province du Quercy.

La matinée était bien entamée. Mendoza et Macumba galopaient parmi les herbes hautes de l'immense vallée de la Dordogne. L'ondée cinglante qui s’était abattue sur eux venait de cesser. Pas de vent. Couchés sur leur selle, les deux voyageurs obliquèrent vers la pente ascendante d'un plateau de calcaire blanc, cerné de taillis et d'arbustes.
De dimensions conséquentes, le causse de Gramat (faisant partie des causses du Quercy) se rétrécissait jusqu'à un épais bosquet de chênes pubescents. Seuls habitants des lieux, les oiseaux cessèrent toute activité pour épier les intrus.
Grâce à la vitesse de sa monture, Mendoza arriva le premier. La Gitane aurait pu le suivre sans peine mais la mule qui portait les vivres la ralentissait. Plus loin, un détachement de l'armée du Saint Empire, composé de huit hommes, convergeait en deux lignes mouvantes, à bride abattue. La pluie avait cessé son pilonnage durant la nuit, et l'air du jour paraissait plus chaud. Mais l'Espagnol n'avait pas le loisir de s'en réjouir. Malgré leur avance, ils ne parviendraient pas à semer les rapides impériaux, à leur poursuite depuis une heure. L'étalon de Juan aurait pu se jouer de ses congénères, mais il lui aurait alors fallu abandonner Macumba. Macumba qui connaissait sa destination. Il devait prendre une décision.
Le Catalan finit par trancher. Laissant la jeune femme le rattraper, il lui indiqua:
:Mendoza: : Pars en avant, jusqu'au bosquet, là-bas. Je vais retarder cette lance*. Je te rejoins après.
Mendoza sauta de sa selle et guetta leur arrivée, quand tout à coup, il entendit de sinistres grognements sur la nature desquels il ne put se méprendre. Ces grommellements provoquèrent l'envol des oiseaux et leur fuite. À ce moment, à une centaine de toises devant lui, le capitaine aperçut une énorme bête qui elle, ne détecta pas sa présence. C'était un ours brun, de haute taille, qui marchait sur ses quatre pattes en longeant le chemin. Il était probablement en quête d'un abri afin de pouvoir hiverner avec ses deux oursons.
:Mendoza: : Une femelle et ses petits! C'est la providence qui vous envoie... (Pensée).
La créature lança un autre cri. Debout, oreilles rondes dressées, ses griffes giflant l'air de manière spasmodique, elle sentait parfaitement les impériaux approcher grâce à ses capacités olfactives et son audition. La vibration de leur cavalcade à travers le sol les avaient trahis bien avant qu'ils ne soient en vue.
Juan sauta en selle, talonna le Boulonnais pour rejoindre le bosquet où se tenait la Gitane. Derrière elle, la mule broutait un buisson de genêts, bien aise de pouvoir se reposer de sa course. À peine arrivé, Mendoza sauta de nouveau à terre pour couper quelques branchages. Sans perdre de temps, il rebroussa chemin, effaçant leurs dernières traces. Enfin, il fit reculer la jeune femme et les montures à l'abri du bosquet.
Ils n'attendirent pas pour voir ce qui allait arriver. C'était le moment de prendre de l'avance.
Dans un roulement de sabots, six combattants accédaient au plateau. L'ours avait disparu.
Le jeune officier qui menait la poursuite, un commandant équipé d'une salade *, d'un harnois blanc*, d'une épée et d'une lance, éructa ses ordres d'une voix pointue. Les quatre archers et le coutilier se déployèrent à la recherche de traces.
Un grognement résonna dans les taillis. Un son propre à ébranler les nerfs. Aucun des hommes de l'Empire ne s'était auparavant aventuré sur les landes de Gramat, territoire de chasse des plantigrades. S'ils avaient su...

☼☼☼

Réaction prévisible, afin de défendre sa progéniture, la maman ourse chargea les nouveaux venus. Elle sauta du haut d'un arbre directement sur l'un des cavaliers et l'égorgea d'un coup de griffe avant de s'en prendre à un autre. Les chevaux apeurés ruaient des quatre fers, jetant leur maître à bas. En quelques secondes, elle avait semé un affolement total au sein de la petite unité.
Plus rien ne pouvait l'arrêter. Ses griffes et ses crocs déchiraient les barbutes* et les armures comme du papier.
Habituelle alliée des ursidés, la peur régnait sur le plateau. La prédatrice frappait les hommes sans accuser de fatigue. Elle semblait plus grande, plus puissante à mesure qu'elle tuait. Son grognement résonnait de plus en plus fort.
Les soldats étaient incapables de mener une action concertée. À quoi bon? Dans la panique, la lance, les flèches et les épées ne parvenaient pas à l'égratigner.
Le coutilier qui accompagnait la colonne tenta sa chance. En vain. D'un seul coup de griffe, l'ourse lui arracha la tête et en profita pour dévorer la moitié de son visage, figé en plein cri.
Ce fut un massacre.
Seuls les deux derniers impériaux, le page et le valet d'armes, restés en arrière-garde pour se soulager d'un besoin pressant, eurent la vie sauve. Et ce uniquement parce qu'ils ne montèrent pas jusqu'au plateau.
Affamés, les trois ours s'étaient mis à déguster les victimes, avalant goulûment morceau après morceau.

☼☼☼

Mendoza menait la route qui s'éloignait du carnage, veillant à rester caché par les amas de broussailles. Les bruits du combat résonnaient à travers les arbres, de plus en plus indistincts. L'Espagnol pressait la Gitane à forcer le train. Les deux cavaliers devaient absolument sortir du territoire de la bête carnassière, sans quoi elle pourrait avoir envie de les attaquer, eux aussi.
Leurs poursuivants ne constituaient plus une menace, maintenant. Mais la présence d'un ours allait monopoliser les esprits. La région allait grouiller de patrouilles obligeant le couple à se faufiler en douceur vers le sud et atteindre le Lot tout en restant hors de vue.
Macumba attira son attention:
Mac: Regarde... Là!
Le Catalan dirigea son regard dans la direction indiquée. Il repéra en contrebas une file de trois formes indistinctes, naviguant sur l'herbe grasse de la vallée, encore gorgée des pluies passées. Il tira sa longue-vue de sa sacoche de selle et fit le point. Il obtint la vision nette de trois roulottes aux tentures colorées cheminant à petite allure vers le sud.
Le capitaine tendit son instrument à Macumba afin qu'elle constate l'origine du conducteur de tête: un Gitan âgé, en train de mâchouiller un brin d'herbe.
:Mendoza: : Ce sont les tiens. Probablement en route pour les grandes foires de l'hiver.
Mac: On pourrait les rejoindre. Ils nous cacheraient, sans aucun doute: les Tziganes s'entraident toujours.
Mendoza songea qu'en se mêlant à eux, ils pourraient suivre une voie directe jusqu'à Cahors... Un gain de temps, sans compter qu'ils risqueraient moins l'attention des patrouilles.
:Mendoza: : D'accord, on va essayer.
La danseuse ne put cacher la joie qu'elle éprouvait à côtoyer les siens.
Ils firent obliquer leurs montures sur une sente pierreuse qui descendait en lacets sur la plaine. Mendoza savoura l'ondulation puissante de son étalon jouant des muscles pour contrôler sa descente.

☼☼☼

Sur le plateau régnait à présent le calme. Les trois ours étaient partis. Assis devant les corps qu'il avait soigneusement assemblés, l'homme hésitait. Devait-il encore suivre le couple qui s'éloignait vers l'ouest, puis le sud, à travers les broussailles ou tenter de rattraper les deux survivants qui fuyaient dans la direction opposée, vers le fort le plus proche? L'indécision le perturbait. Il se leva, se mit à tourner en rond sans pouvoir s'arrêter.
Une heure plus tard, après avoir empaqueté les dépouilles dans une toile cirée qu'il avait trouvée parmi les restes, Ciarán Macken prit le temps de se désaltérer. Les soldats défunts devraient être brûlés dans un endroit approprié.
Il récupéra ses affaires, prêt à reprendre sa course. Le sac mortuaire hissé sur son cheval de bât, il grimpa sur sa monture. Celle-ci se mit à trotter. Suivant les traces invisibles de son ami, Poil-de-Carotte sifflota une gigue aux consonances guerrières.

À suivre...

*
*Lance: unité militaire composée de huit hommes.
*Salade: casque à visière.
*Harnois: armure de plates.
*Barbutes: casques sans visière.
Modifié en dernier par TEEGER59 le 11 juin 2020, 09:28, modifié 2 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par IsaGuerra »

Trois chapitres fort en événements
La bataille du pont bien sanglante (tout comme l'attaque défensive de Maman Ourse)

En tout très bien écrit comme d'habitude !
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Message par Este »

Tout à fait je pense que ce sont mes préférés !!
Saison 1 : 18/20 :D
Saison 2 : 13/20 :roll:
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

Toujours aussi bien écrit.
Mais quel veinard ce Mendson !
Les bandits qui s’entretuent au pont. Les ours qui s’occupent des soldats.
Une caravane de gitans au bon moment.
Mais, suspens, il reste un poursuivant !
« On sera jamais séparés » :Zia: :-@ :Esteban:
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par Este »

Oui mais quelle belle scène !!
Saison 1 : 18/20 :D
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Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 9.

Vallée de l'Authre*, causses du Quercy.

Après avoir descendu prudemment la pente, Mendoza et Macumba galopèrent à la rencontre des roulottes. Les trois véhicules cahotaient à faible allure dans la plaine. Aucun signe, ni des ours, ni de la patrouille qui les avait pourchassés. La danseuse proposa:
Mac: Il vaudrait mieux que je leur parle, non?
:Mendoza: : À ta guise.
Le capitaine ne craignait rien des nomades. Ils étaient reconnus tant pour leur probité que leur hospitalité. Encore qu'ils soient méprisés par la plupart des gens en raison de leurs mœurs singulières.
La Gitane s'approcha à portée de voix de la caravane et débuta les salutations d'usage:
Mac: Que le vent vous guide, Père du Convoi.
;) : Que les étoiles éclairent ta route, Petite Sœur.
Le chef de famille avait un visage tanné par le soleil et plissé par des rides où la gaieté entrait pour une bonne part. Une expression de franchise et de sagesse animait ses traits usés. Avec lui, une femme, un garçon et deux jeunes filles. Leurs enfants, très certainement.
:Mendoza: : Une famille inoffensive, protégée par sa pauvreté. (Pensée).
;) : Petite Sœur, que puis-je pour toi?
Mac: Père du Convoi, mon compagnon et moi te demandons l'hospitalité de la route. Nous avons besoin d'aide.
;) : Mes biens sont les tiens. Demande...
Macumba lui raconta qu'ils étaient recherchés par les troupes de l'Empire, sans plus d'explications. Elle demanda à pouvoir descendre la route du sud avec eux, cachés dans les roulottes.
Le chef Gitan se tourna vers Mendoza, qu'il dévisagea intensément mais sans hostilité ni méfiance.
;) : Et si ces soldats nous arrêtent et fouillent les roulottes? Ton ami ne ressemble pas vraiment à un Tzigane. Il sera découvert. Sauf...
Mac: Sauf?
;) : Laissez-moi faire. Je ne peux refuser mon aide à l'une des nôtres. Vous êtes les bienvenus. Je m'appelle Vinko. Et voici ma compagne, Mariska. Douchka et Romica, les jumelles, et Django, mon cadet.
Mendoza annonça:
:Mendoza: : Je te paierai en retour.
Vinko: Je n'ai pas demandé d'argent, gadjo. Nous sommes pauvres, mais pas pour autant dépourvus d'honneur!
:Mendoza: : En effet. Je ne voulais pas t'insulter.
Le chef de famille sourit.
Vinko: Je ne me sens aucunement insulté. Mais je parle trop. Venez plutôt vous désaltérer, notre eau est fraîche. Nous partirons juste après. Django, tu conduiras le chariot de ta mère. Mariska va s'occuper de vous. Elle vous donnera de quoi vous déguiser et vous maquillera. Vous verrez, elle sait y faire. Vous serez... nos oncle et tante. Toi, gadjo, tu devras te tasser un peu. Prends l'air idiot. Plus tu en auras l'apparence, moins on te remarquera. Macumba, couvre-toi de ce châle. Tu es désormais une vieille femme...

☼☼☼

Enfin grimés, vieillis par la main habile et douce de Mariska, l'épée du capitaine dissimulée sous l'un des chariots, ils reprirent la route. Le soleil ne parvenait pas à véritablement s'imposer. Des bandes de nuages moutonneux parcouraient le ciel à vive allure, poussés par un fort vent d'altitude.

23.PNG

Leur course aérienne vers l'ouest créait une impression d'altération du temps.
Vinko leur avait confié une roulotte. Enduit de boue, le Boulonnais avait été recouvert d'une vieille couverture et, comme la mule et la jument, mis à l'attache à l'arrière du chariot de l'Espagnol. Le Gitan menait son véhicule parallèlement à celui que conduisait le capitaine afin de converser.
Vinko: Je passe ici chaque année, à la même époque. Nous allons à la foire de Perpignan où je suis attendu par d'autres familles. Je suis connu des patrouilles et je n'ai jamais eu de problème.
Haussant les épaules, Juan répondit:
:Mendoza: : Nous verrons bien. Si tu me le permets, je vais me reposer un peu dans la roulotte. Notre nuit a été mouvementée.
Mendoza était en effet harassé de fatigue et absolument pas d'humeur à bavarder.
Vinko: Dors, mon ami, dors. Je te réveillerai en cas de besoin. Nous ferons halte ce soir. Je connais un bon endroit.
Le Catalan confia les rênes à Macumba, et gagna l'intérieur de l'habitat nomade où il s'allongea comme il put. Caressant du pouce le médaillon du soleil, il s'endormit bientôt, bercé par le roulis de la verdine et les voix gaies de Vinko et de la danseuse.

Profitant des bonnes prises que lui offrait la pierre, il grimpait, s'élevant toujours plus haut sur la paroi de granit. "Moustique" était si haut qu'il ne voyait plus le sol. Le fait qu'il soit harnaché de sa lourde armure d'écuyer pour escalader la falaise en rappel ne le surprenait pas, c'était dans la normalité du rêve.
La première partie de l'ascension se déroula sans problème. À l'exception de la chaleur. L'astre du jour martelait sa cuirasse d'acier et Juan-Carlos était trempé de sueur. Malgré tout, il était heureux d'être avec les autres, de relever le défi de la falaise en leur compagnie.
Pourtant, à la halte du déjeuner, il se rendit compte que quelque chose n'allait pas.
Mendoza était assis en face des autres. Ils se tenaient en demi-cercle et étaient installés sur une langue de roche qui surplombait le vide. Les Compagnons ne lui adressaient pas la parole et ne répondaient à ses tentatives de conversation que par des gloussements narquois. Ils échangeaient des murmures complices et le regardaient par en dessous.
La suite du trajet tourna au calvaire. Les bonnes prises se raréfiaient, la roche devenait friable. Les Compagnons avaient pris de l'avance. Ils se moquaient ouvertement de lui à présent. Le soleil avait disparu derrière les nuages et le jeune écuyer était transi par le souffle glacé du vent des hauteurs. Son armure pesait de plus en plus lourd, entravant ses efforts.
Le sommet n'était plus très loin, et Mendoza soupira de soulagement en l'apercevant.
Soudain, Pedro Folc de Cardona s'écria:
-Maintenant!
À cet ordre, Diricq et Alfonso redescendirent à sa hauteur, se plaçant de chaque côté. Mais au lieu de l'aider, ils se mirent à l'accabler de coups de piolet. Juan s'accrochait tant bien que mal à sa corde, les attaques des autres le ballotaient de droite à gauche. Un rire s'éleva, toujours le même. Il se mêla au vent mauvais et gagna en puissance.
D'un coup particulièrement puissant, Diricq perfora sa spalière*, et son piolet s'enfonça dans l'épaule du jeune homme.
Ils le frappaient, sans pitié. Mendoza n'avait même plus la force de les supplier d'arrêter. Il mobilisait le peu de ressources qui lui restait pour s'accrocher à la corde. Pedro encourageait ses complices de sa voix charmeuse.
Alors que Juan ne tenait plus que par un bras, Cardona rappela les autres et descendit à son niveau. Il lui sourit et lui cracha au visage. Il dégaina une dague et entreprit de trancher fiévreusement l'épaisse corde qui soutenait Mendoza.
D'en haut, Diego le regardait d'un air apitoyé mais sans rien tenté pour l'aider.
La corde s'effilocha sous le tranchant de Pedro.
"Moustique" chuta en tournoyant. Il tomba, hurlant sa colère et sa détresse, secoué par le rire...


Le capitaine s'éveilla en sueur. Il haussa les épaules, fataliste. Ce n'était pas le premier assaut du genre qu'il subissait et probablement pas le dernier. Il reprit sa place aux commandes de la roulotte. Macumba semblait bien plus détendue. Elle lui adressa un chaleureux sourire auquel il ne répondit pas. Il ne savait toujours pas trop quoi penser de cette jeune femme. Quel était son rôle exact? Qu'allait-il faire d'elle, la laisser avec les siens ou l'emmener avec lui? Il n'eut pas davantage le loisir d'y songer.
Une escouade de mercenaires, un contingent de cavalerie légère, apparut au sud, remontant la route à toute allure sur deux files compactes, venant à la rencontre de la modeste caravane des Gitans.
:Mendoza: : Ils servent qui, ceux-là? La France ou l'Empire? (Pensée).
Un ordre fut brièvement lâché par l'officier supérieur et, sans que les hommes ne ralentissent, un sous-officier et quatre combattants se détachèrent de la colonne pour obliquer vers les roulottes, leurs longues lances à pointe de fer au côté. Le gros de la troupe continua vivement sa route et ne tarda pas à disparaître derrière une colline.
Les cinq cavaliers approchaient. Vinko tira sur les rênes pour arrêter la caravane. Le caporal, un brun athlétique, salua négligemment les nomades. Avec flegme, il délaissa sa lance et son écu, ôta son casque à cimier et accrocha le tout à l'arrière de sa selle.
Ils avaient une drôle d'allure.
Capuche tirée sur son visage, Mendoza gardait la tête baissée. Il s'exhortait au calme car il devait donner le change. Son instinct lui soufflait pourtant que les choses allaient mal tourner.
En temps de paix, les mercenaires se regroupaient souvent en clans et en bandes. Leur fonction principale étant leur instabilité, ils ne revendiquaient aucune appartenance à un camp précis. Sans emplois, désargentés, parcourant les routes, ils vivaient sur le territoire à la grande frayeur des populations. Ces meutes de brigands, d’écorcheurs et de malandrins de tous poils étaient appelées routiers ou Grandes Compagnies. Elles étaient redoutées par les petites gens. Ce phénomène prenait des proportions alarmantes. Parmi ces hommes de provenances géographiques issus en majorité de contrées pauvres, telles la Provence et les Pyrénées, on trouvait des paysans loqueteux réduits à la misère, des soudards débauchés après les combats. Rameutés en clans, ils s’adonnaient à toutes les exactions inimaginables: razzia, brigandage, viol et meurtre faisaient partie de leur passe-temps favori. Bien vite les populations ne faisaient plus guère de différence entre les soldats amis et ennemis.
Néanmoins, le meneur avait tout d'un militaire de carrière. Il jeta un œil méprisant sur la famille.
:?: : Je suis le caporal Suárez, du troisième régiment des lanciers de l'Empire. Nous sommes à la recherche d'alliés de la France. Un ours - maudit soit-il! - a attaqué l'une de nos patrouilles sur les hauteurs, non loin d'ici. Il était probablement apprivoisé par un couple. Un homme et une femme, ou un adolescent. Tu as remarqué quelque chose, le vieux?
Le chef Gitans avait mis pied à terre pour les accueillir. Il haussa ses maigres épaules, le regard humble, jouant à merveille les imbéciles:
Vinko: Non, mon prince. Nous sommes restés sur la plaine. Nous n'avons rien remarqué. Personne ne s'est approché de nous depuis au moins une semaine.
Le sous-officier, qui ne cachait pas son mépris pour les nomades, ricana:
Suárez: Je m'en doute! Enfin... Jiménez, Horrach, fouillez-moi ces chariots. On ne sait jamais!
Mendoza se répétait mentalement:
:Mendoza: : Du calme. Ne pas bouger. Surtout ne pas bouger. Faire l'impotent.
Les soldats manifestèrent aussi peu d'enthousiasme que leur supérieur.
Il était clair qu'ils perdaient leur temps. Ils savaient peu probable qu'un ours puisse se cacher dans une des roulottes. Aucun Gitans n'avait jamais servi quelconque armée et un plantigrade, même domestiqué, restait malgré tout une bête sauvage. Sans une cage, elle n'aurait pu se retenir de les massacrer.
L'un d'eux vint examiner le Catalan. Celui-ci loucha, se mit à tousser comme un perdu et finit par baver sur la main du militaire.
:? : Quel vieux dégoûtant!
Après cette exclamation, le lancier Horrach eut un sursaut de répugnance. Il ne prit même pas la peine de frapper le repoussant personnage. Effaçant aussitôt l'incident de sa mémoire, il se hissa dans le chariot pour effectuer une fouille aussi rapide qu'infructueuse. À l'arrière, Macumba, grimée en vieille femme, attira encore moins son attention.
Jiménez fouilla la deuxième roulotte où se tenaient Mariska et Django, en vain. Par contre, il se montra fortement intéressé par le contenu du véhicule de Vinko. Il s'exclama:
Jiménez: Suárez! Regarde ce que j'ai trouvé! Quelle belle prise! Venez mes mignonnes, venez voir l'oncle Jiménez.
Tout en parlant, il força les jumelles à descendre de la roulotte.
Jusqu'alors, le caporal Suárez s'ennuyait. Mais cette absence d'intérêt disparut soudainement lorsqu'il découvrit ce que recelait le chariot de Vinko. Deux appétissantes jeunes femmes. Il se retourna sur sa selle pour lancer un clin d'œil égrillard à l'un de ses compagnons d'armes, un barbu dont la chevelure châtain commençait à se dégarnir.
Suárez: Eh, Borges! Regarde ce que Jiménez vient de nous dégoter. Voyez ces belles donzelles! Finalement, on ne va pas perdre notre journée... À terre, les gars!
Le barbu s'esclaffa:
Borges: Sûr, Suárez, sûr! On va bien s'en donner.
Sans attendre, le mercenaire se rapprocha des deux sœurs que Jiménez avait poussées dans l'herbe, l'une à côté de l'autre. Son regard s'alluma et commença à dégrafer son baudrier.
Suárez: Les pouilleux, tenez-vous tranquilles, et tout ira bien, sinon...
La main du caporal esquissa un geste en travers de sa gorge, menace universelle que saisirent parfaitement les Tziganes.
Vinko: Non, je vous en supplie, mon prince...
Croyant que le Gitan allait le dénoncer, Mendoza posa lentement les doigts sur sa botte afin d'en extraire sa dague. Il se trompait...
Le père reprenait:
Vinko: S'il vous plaît! Mes filles... elles sont encore innocentes!
Suárez: Des vierges! Encore mieux!
Le sourire de Suárez s'accrut. S'accrochant à la manche du sous-officier, Vinko reprit:
Vinko: Non, ce n'est pas bien...
Suárez haussa la voix:
Suárez: Tu commences à m'énerver, le vieux!
Il dégaina sa dague et, du pommeau, asséna un coup violent sur la tempe du Gitan, plongeant ce dernier dans l'inconscience, une plaie sanglante au visage.
Le caporal essuya son arme, nettement réjoui.
À grandes enjambées, il rejoignit son compère Borges sur le point de dénouer ses aiguillettes.
Les autres prenaient part au spectacle. Sûrs de leur impunité, les lanciers dévisageaient les deux jeunes femmes apeurées. En un instant, horrifiées, elles se retrouvèrent la poitrine à l'air. Mendoza resta de marbre. Son rôle de grand-père débile le contraignait à l'inertie. La réussite de sa mission en dépendait. Toujours inconscient, Vinko nourrissait l'herbe de son sang. Dans le deuxième chariot, Django tentait de se défaire de l'étreinte de sa mère. Mariska ne savait que trop bien que son fils se ferait tuer s'il tentait de s'opposer aux soldats de l'Empire.
Puis, un sourire de mauvais augure aux lèvres, Suárez se pencha sur Douchka pour lui pincer méchamment le mamelon. Le cri aigu de la jeune fille, ponctué par les rires gras des mercenaires, traversa l'air jusqu'aux épaules immobiles de l'Espagnol qui se contractèrent douloureusement, frappées de ce trait sonore.
Suárez: Pas tant d'histoire, la fille, tu n'en mourras pas! Nous ne sommes que cinq!
Macumba enfonça ses ongles dans le bras du Yeoman. Elle ne pouvait clamer son indignation sans attirer l'attention. Impuissante, elle se mit à sangloter de rage.
:Mendoza: : Et puis merde!
Le Catalan ôta la main de la danseuse de son bras, rejeta la pèlerine qui couvrait sa cape sur le banc. Un instant plus tard, il touchait souplement le sol.


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Était-ce la vue de ses anciens compagnons d'arme en train de souiller la bannière qui naguère avait été la sienne? La bonté bafouée de cette innocente famille ou son impuissance? Le souvenir proche du campement des Gitans, massacrés par les loups? Ou tout simplement l'envie d'en découdre?
Toujours est-il que le capitaine ne fit preuve d'aucune pitié.

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À peine sur le plancher des vaches, il lança d'une main sûre sa dague entre les épaules du lancier posté le plus près des chevaux. Foudroyé par la mort, celui-ci s'abattit face contre terre en poussant un bref cri rauque.
Écœurant, le son de la lame fit bondir Horrach. Le soldat se dressa devant Mendoza, épée dégainée. Il était rapide. Il faut dire que, contrairement à Suárez et Borges, il était encore habillé. À peine à portée, Horrach amorça aussitôt un coup de taille vers le prétendu vieil homme qui lui avait bavé dessus.
L'Espagnol contra de son avant-bras droit pour détourner la lame vers le sol, exposant le visage du lancier. Du plat de la main, Juan frappa sèchement la base de son nez. Un ensemble de mouvements exécutés avec une telle fluidité que son adversaire ne vit rien. Horrach s'effondra à son tour dans l'herbe piétinée, son appendice nasal broyé par l'explosion de ses cartilages.
Il n'eut pas l'occasion de hurler sa souffrance. Soudain, son corps se raidit, tétanisé, tandis que ses yeux s'exorbitaient et que sa bouche s'ouvrait sur un râle. Du sang coula à la commissure de ses lèvres distendues. Couché sur le dos dans son uniforme souillé, Horrach ne bougeait plus. Seule dépassait, plantée dans son cœur, la poignée de sa propre dague.
Suárez et Borges avaient baissé leurs chausses jusqu'aux mollets. Leurs virilités dardées en l'honneur des jumelles perdirent de leur ardeur lorsqu'ils se rendirent compte qu'on les attaquait. Ils se retournèrent pour faire face au danger, tout en essayant à la fois de se rhabiller et de dégainer leurs armes, posées à leurs pieds.
Jiménez, le cinquième lancier, un grand costaud aux cheveux courts, arrivait enfin à la rescousse, épée haute. Mendoza flanqua un coup de pied latéral dans le sternum de Suárez qui s'était redressé, sa dague dans une main, l'autre occupée à retenir ses culottes. Le caporal décolla du sol pour aller percuter le lancier, tombant avec lui sur la dépouille de leur premier camarade abattu.
Juan agrippa Borges, toujours penché sur le fourreau de son arme, bloqué par son baudrier. Le barbu sentit une main se placer sous son menton, une autre sur sa nuque. Une rotation irrésistible força son cou, suivie d'un sinistre craquement sec. Une explosion de douleur, et les vertèbres de Borges se rompirent, provoquant sa mort immédiate.
Décidément tenace, le costaud revenait à la charge. Mendoza esquiva un coup de pointe, fit un pas de côté. Il riposta d'une frappe mortelle de sa main droite, ses doigts raidis écrasant sèchement la glotte de Jiménez.
Seul Suárez restait en lice.
Alors qu'il tentait de se redresser, Mariska se jeta dans ses jambes par-derrière, et le fit tomber à la renverse. Au-dessus de lui se dressa Django. Les traits figés, armé de son courroux en sus d'une dague récoltée sur l'un des cadavres. Celui qui n'était plus un enfant et pas tout à fait un homme put enfin défendre sa famille. Il laissa parler sa fureur en frappant à coups redoublés l'agresseur des siens.
La tête du caporal finit par se détacher de son corps, tomba dans l'herbe et dévala la pente, laissant dans son sillage une traînée de sang frais.

☼☼☼

Tandis que se déchaînait Mendson, Macumba n'était pas restée inactive. La tête de Vinko sur ses genoux, elle le pensait avec une douceur particulière. Le chef de famille venait à peine de reprendre ses esprits. Rejoint par sa femme, il parvint à se relever. Ses filles accoururent dans ses bras, saines et sauves.
Mendoza les laissa à leurs retrouvailles. Il entreprit de s'occuper sans perdre de temps des cadavres et de leur équipement. Tout devait disparaître. Après avoir jeté les corps dans sa roulotte, il y entassa leurs affaires. Les chevaux furent attachés, eux aussi, à la traîne. S'il les laissait en liberté, les équidés retourneraient à leur écurie après avoir brouté leur content d'herbe grasse et provoqueraient une nouvelle alerte.
Puis, il déclara au Gitan qui émergeait encore des brumes de l'inconscience:
:Mendoza: : Vinko, dès que j'aurai fait disparaître les corps, nous nous séparerons. C'est trop dangereux pour vous. Aussitôt que l'absence de ces hommes aura été signalée, d'autres patrouilles viendront. Si je reste, je risque de vous causer du tort. Dès que tu auras rejoint la route, tes traces se mêleront à celles des autres caravanes. Vous serez libres de continuer en paix.
Vinko: Ce n'est pas après toi qu'ils en avaient, Mendson, mais à mes filles. J'ai une dette envers toi. Sans ton intervention...
:Mendoza: : Tu ne me dois rien. Tu m'as aidé, je l'ai fait à mon tour. N'en parlons plus.
Vinko: J'en informerai les familles, lors du rassemblement. Invoque mon nom, gadjo, et tu trouveras toujours un refuge parmi les nôtres. Mais continuez tout de même avec nous ce soir. Si tu me permets un conseil... Je connais bien la région. Demain matin, nous longerons la grande forêt de la Braunhie. Un bon endroit pour dissimuler les morts et poursuivre ta route en sécurité, à l'abri des regards.
Juan concéda:
:Mendoza: : Soit! Demain matin.
Vinko: Parfait. Tout le monde dans les chariots. Mariska, en route!
Ils ne croisèrent plus de patrouilles et le soir venu, Vinko arrêta sa petite troupe auprès d'une élévation de terrain en forme de fer à cheval, surmontée de plusieurs rangées de pins.
Le chef de famille avait bien choisi l'endroit. Un abri contre le vent de la plaine, de l'herbe pour les chevaux, du bois pour le feu et même un modeste lac de Saint-Namphaise* afin se laver. Pour Macumba et Mendoza, c'était loin d'être un luxe.
Mariska fouilla dans ses provisions pour préparer ce qui pour les Gitans constituait un véritable festin. Les deux sœurs dansèrent en l'honneur de leurs invités, accompagnées par Django qui jouait de la guiterne et de la flûte avec une égale maîtrise. Sa mère chanta, et fut bientôt rejointe par Macumba. Leurs voix mêlées s'élevèrent dans la nuit pour célébrer la liberté, le vent et les étoiles. Après quoi, le regard pétillant, Vinko conta les légendes des Tziganes.
Lorsque Django et les jumelles finirent par aller se coucher, leur père fumait sa pipe, tout en caressant la chevelure de sa femme, la tête posée sur ses genoux.
Macumba vint se blottir contre le Yeoman pour s'endormir. Fragilisée par ce déchaînement de violence, elle ressentait visiblement le besoin d'être rassurée. Mendoza se surprit à apprécier ce contact sans toutefois songer à en profiter. Il ne pensait qu'à trois choses. Sa mission, sa vengeance et au petit porteur du médaillon, cet emblème du soleil qu'il caressait entre ses doigts...

☼☼☼

Le lendemain matin, comme Vinko l'avait annoncé, ils atteignirent la lisière des bois.

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Un rideau touffu d'orgueilleuse végétation dans un paysage karstique étonnant. La forêt de la Braunhie était parsemée de cavernes verticales, de grottes et d’abris sous roche utilisés depuis la nuit des temps par l'Homme.
Après un bref repas de viande froide, Mendoza prit la danseuse à part.
:Mendoza: : Tu devrais rester avec eux. Tu serais en sécurité. Personne ne soupçonnera que des Gitans soient responsables de la disparition des lanciers. Vous passerez aisément les contrôles. Vinko m'a dit qu'il maquillerait ses filles pour qu'elles n'attirent plus l'attention.
Le fixant intensément, Macumba lui répondit:
Mac: Ce n'est pas le moment de nous séparer. Laisse-moi te suivre, Mendson... Je t'en conjure!
Le Catalan sonda le visage suppliant de la jeune femme. Après une brève hésitation, il soupira:
:Mendoza: : Bon... D'accord. Mais tu vas donner cet argent à Mariska. Discrètement.
Empochant la bourse que lui tendait son compagnon, elle demanda:
Mac: Pourquoi?
:Mendoza: : Parce que Vinko, lui, ne l'acceptera pas. Même pour ses enfants.
Surprise, la Gitane considéra Mendson qui s'éloignait pour s'occuper de son Boulonnais. Ainsi, cet homme pouvait faire preuve d'une certaine bonté.

☼☼☼

Mendoza déchargea de sa roulotte les cadavres des mercenaires et leurs armes. Il enterra le tout dans une grotte, à l'intérieur de la forêt, et prit soin d'effacer toute trace de son intervention. Les chevaux des lanciers furent relâchés dans les bois. Ils mettraient plus de temps à retourner chez eux. Un répit supplémentaire.
De retour auprès des autres, Juan considéra ses montures.
Il lui était impossible de les emmener avec lui à travers la forêt. L'étalon risquait de se blesser. Il n'était pas même sûr de pouvoir le garder jusqu'à la cité couronnée. Et après? Qu'en ferait-il?
:Mendoza: : Vinko, j'ai un service à te demander.
Le vieil homme sourit.
Vinko: Tout ce que tu veux.
:Mendoza: : Je souhaite te laisser mes bêtes. Je voudrais que l'étalon soit placé chez un éleveur. Un bon. Une fois arrivé à ton marché, si tu pouvais faire le nécessaire...
L'Espagnol savait que la descendance du Boulonnais assurerait au Gitan un futur agréable.
Vinko: Je comprend ton souci. Je m'en occuperai avec plaisir. Ta monture sera bien traitée. Sur l'honneur de ma famille. Je m'y engage!
Macumba fut chaudement embrassée par tout le monde. La mine austère et rébarbative du gadjo dissuada les Gitans de l'approcher. Manifestement, il leur faisait toujours un peu peur.
Mac: Que le vent vous guide, Père du convoi.
La danseuse lâcha quelques larmes qui firent écho à celles des jumelles et de Mariska. Vinko lui offrit une chaleureuse accolade.
Vinko: Que les étoiles éclairent votre route. Petite Sœur, prends garde à toi. Mendson... peut-être nous reverrons-nous un jour.
Les roulottes reprirent leur train cahotant, accompagnées de la gaieté teintée de mélancolie d'un chant Gitan.
Suivi de la danseuse, sans un regard en arrière, Mendoza s'engagea dans la forêt.


À suivre...

*
*Authre: Le nom de cette vallée, comme celui de la commune d'Ytrac, sont de formation Celtique et dérivent du nom de pagus Gaulois Artintia (comme l'Artense) ou Actarentia qui veulent dire vallée des ours.
*Spalière: protection de l'épaule.
*Lac de Saint-Namphaise: mare creusée par l'homme dans la roche pour servir d'abreuvoirs.
Modifié en dernier par TEEGER59 le 11 juin 2020, 09:33, modifié 2 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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