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Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Posté : 28 oct. 2018, 12:21
par Yodakoala Akaroizis
Je vais juste dire que j'adore tout.
De l'idylle naissante entre Tao et Indali (enfin! après faut voir une fois rentrés au pays...), au retour chez le poto Charles (n'est-ce pas Esteban? :x-):) et du voyage avec Marie au Japon (qui s'annonce sûrement beaucoup plus périlleux... comme d'habitude j'ai envie de dire! :tongue:)... en bref, un chapitre clos en beauté ! :D

Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Posté : 28 oct. 2018, 12:26
par Aurélien
Akaroizis a écrit : 28 oct. 2018, 12:21 Je vais juste dire que j'adore tout.
De l'idylle naissante entre Tao et Indali (enfin! après faut voir une fois rentré au pays...), au retour chez le poto Charles (n'est-ce pas Esteban? :x-):) et du voyage avec Marie au Japon (qui s'annonce sûrement beaucoup plus périlleux... comme d'habitude j'ai envie de dire! :tongue:)... en bref, un chapitre clos en beauté ! :D
On en reparlera quand Seb aura mis en œuvre ses chef d'œuvre en nous proposant a tous et a toutes un certain "Indali & Zia foroever" ! :lol:
On sais jamais une petite fusion ca fais de mal a personne n'es pas ! :tongue:

Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Posté : 01 nov. 2018, 15:55
par yupanqui
Magnifique passage.
Vous m’avez régalé !
Il manque juste les chefs-d’œuvre de Seb pour illustrer le tout.
Je rêve vraiment de voir notre Zia et notre Indali en robe de soirée!
Il n’y avait pas encore de paparazzi à l’époque... ni Paris Match ni Closer...

Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Posté : 02 nov. 2018, 01:37
par Le Flamand
J'ai enfin pu rattraper mon retard sur cette fanfiction et je dois dire que je suis toujours ébloui par la qualité de la narration et des dialogues entre les personnages qui ne sont jamais "de trop", ainsi que les recherches que vous effectuez pour apporter une qualité supplémentaire.
Comme l'a affirmé yupanqui, il ne manque que les chefs-d'oeuvre de notre cher Seb pour l'illustration.
Bref. Comme à l'accoutumée, j'adore ce que vous faites. ;)

Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Posté : 13 déc. 2018, 20:18
par Ziaesteban
C'est prévu pour quand la suite ??

Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Posté : 13 déc. 2018, 21:26
par nonoko
Ziaesteban a écrit : 13 déc. 2018, 20:18 C'est prévu pour quand la suite ??
Peut-être bientôt...incessamment sous peu...le début du chapitre 21 est plutôt prêt, la suite est en cours d'écriture, patience... ;)
Merci en tout cas à tous de votre fidélité!

Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Posté : 13 déc. 2018, 22:50
par Yodakoala Akaroizis
Tant que ça avance, prenez votre temps, on est pas (trop) pressés. L'extracteur de jus horizontal n'a pas encore été testé, donc nous sommes encore entiers.

Bref. Tout ça pour ne rien dire, en bref. :arrow:

Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Posté : 29 déc. 2018, 11:53
par nonoko
Voili voilà, votre patience va enfin être récompensée...
Cette fois, c'est une collaboration à six mains: il y a très très longtemps Isaguerra s'était proposée avec enthousiasme pour participer à l'aventure et tenait à écrire le chapitre consacré au Japon. Et puis le temps a passé, les chapitres précédents ont enflé, la vie nous a occupés...Isaguerra a imaginé une trame, a commencé à écrire le chapitre, puis a passé la main. J'ai développé la trame en m'efforçant d'être fidèle aux idées d'Isaguerra, donc si cela vous paraît noir, il ne faut pas m'en tenir pour seule responsable! Enfin, le début, ça va...Seb a supervisé le travail et empêché que j'écrive trop de bêtises. Mais comme le chapitre n'est pas fini, vous n'êtes à l'abri de rien! Et je préviens qu'il n'y a pas à chercher de précision historique. ;)
Bonne lecture.

Chapitre 21: Le Soleil se lève à l'Est.

Partie 1

Le vol avait été long et ennuyeux, Esteban le ressentait franchement, son corps était tout engourdi. De temps en temps il lâchait le manche à tête de serpent d'une main afin de détendre ses doigts, tout comme il étendait ses jambes à certains moments. La fatigue accumulée lors des derniers jours n'arrangeait guère les choses. Il regrettait presque ses exploits de danseur lors du bal, cette nuit-là avait été bien courte. Chez les Chaldis, on avait aussi fêté leur retour comme il se devait, et on ne pouvait se dérober à l’hospitalité du peuple du désert. Zia avait veillé à l’installation de Nacir chez ses nouveaux hôtes, qui se firent un point d’honneur à le mettre à l’aise. Le jeune homme, qui était d’humeur maussade depuis qu’il avait dû quitter Bruxelles sans revoir Isabella, avait retrouvé un peu de gaieté grâce à cet accueil. Au moins ne serait-il plus confiné dans le condor, dans une pièce où personne ne passait, tandis qu’il se trouvait maintenant sous une tente pleine de vie, où chacun vaquait à ses occupations, où des visiteurs se présentaient régulièrement. Il n’allait pas s’ennuyer, et en une journée il avait déjà lié connaissance avec la plupart des membres de la tribu. Zia lui avait assuré qu’il pourrait bientôt remarcher, et il avait déjà hâte de s’initier au pilotage des zephtis et d’explorer les alentours. Quant à la princesse, elle avait d’autant plus apprécié cette halte qu’elle souffrait depuis leur départ d’un mal de l’air inattendu, qui lui avait gâché tout le plaisir du vol. Elle avait tenté en vain de cacher son malaise à ses amis, et quand il avait fallu se rendre à l’évidence, ils avaient failli faire demi-tour pour la ramener. Elle avait protesté et insisté pour qu’ils n’en fassent rien, autant par orgueil que par désir de partir à la découverte de nouveaux horizons coûte que coûte, déclarant qu’une escapade à l’autre bout du monde valait bien la peine de souffrir quelques désagréments passagers. Les explorateurs qui avaient franchi les mers avaient eux aussi dû surmonter bien des obstacles. Esteban et Zia avaient souri en se remémorant leur premier voyage à bord de l’Esperanza. Marie avait donc passé tout le trajet allongée en prenant son mal en patience, et avait accueilli l’escale dans le désert comme une délivrance. Son amabilité et sa soif de découverte avaient conquis ses hôtes, qui avaient répondu de bonne grâce à ses questions, sans se douter qu’ils avaient affaire à la fille d’un empereur. Marie en effet avait tenu à ce qu’on la présente comme une jeune fille de bonne famille, sans plus, afin d’être traitée comme tout le monde, et elle en était ravie. Elle était passée en un jour des fastes d’un bal royal à une soirée chaleureuse sous une simple tente, au milieu de nulle part, et cette liberté la grisait. Même les regards curieux ou interrogateurs qu’elle s’attirait par son apparence, ses questions, ses manières, ne la gênaient pas, car elle n’y sentait aucune arrière-pensée. Elle bénissait son père de l’avoir laissée partir, et songeait avec amusement combien ses serviteurs devaient se sentir désoeuvrés sans elle, tandis qu’elle se sentait si libre sans eux. La veille, Zia s’était d’ailleurs inquiétée : l’absence de son amie n’allait pas manquer d’être remarquée et de susciter bien des commentaires. Certains se douteraient sûrement qu’elle serait partie à bord du condor avec eux. Marie avait répondu que son père savait ce qu’il faisait, et que s’il l’autorisait à partir, il saurait bien trouver une explication qui ferait taire les rumeurs. Du reste, pendant le bal, nul n’avait osé se montrer indiscret, impoli ou méprisant envers eux. Elle ajouta que si son père avait pris une décision si soudaine, au lieu d’attendre qu’ils soient revenus chercher Isabella pour le mariage, et elle par la même occasion, ce n’était sûrement pas parce qu’il brûlait d’impatience d’établir des liens avec le Japon. Cela n’avait été qu’un prétexte, et une occasion pour qu’elle quitte le château au plus tôt. Il prenait des risques en l’autorisant à partir, d’autant plus qu’Esteban lui avait dit que le Japon n’était pas un pays si sûr, mais elle savait qu’il avait pertinemment pesé ces risques et avait préféré la savoir auprès d’eux qu’auprès de lui. L’empereur était toujours en guerre, et de nouveaux ennemis pouvaient s’ajouter à ceux qui étaient déjà trop nombreux. Craignait-il de devoir livrer des otages prochainement ? Se méfiait-il de Philippe, qui s’était montré arrogant envers son père et hostile envers Marie, lors de sa dernière visite ? Elle en était réduite aux hypothèses, mais faisait confiance à son père, autant qu’il leur faisait confiance, à eux, au point de leur confier sa propre fille. Zia n’avait pas osé lui dire qu’ils venaient de vivre des moments éprouvants et qu’ils avaient dû lutter contre un ennemi dont ils avaient longtemps ignoré l’existence, et dont ils n’étaient pas sûrs qu’il ne se manifeste pas à nouveau. Elle préféra continuer à croire qu’en quittant l’Espagne et l’Europe, ils mettaient une distance infranchissable entre cet ennemi et eux. Mais les paroles de Marie lui rappelaient qu’un danger invisible et imprévisible peut toujours survenir, à tout moment. « Enfin, la vie elle-même est un risque, n’est-ce pas ? » avait conclu Marie, « alors, il ne sert à rien de rester cloîtrée dans un château en attendant que la mort vienne vous surprendre ! » Zia avait souri, et oublié ses craintes. Si elle avait tenu à inviter Marie, c’était exactement parce qu’elle souhaitait que son amie connaisse autre chose que cette vie de cour morne et contraignante, et elle comptait bien lui faire profiter au maximum de son escapade.

Esteban finit par laisser échapper un bâillement mais même en portant sa main devant sa bouche il ne put en camoufler le bruit.
E : Désolé...
Zia, qui revenait dans le cockpit, s'approcha de lui et l'enlaça par derrière :
Z : Heureusement que nous arrivons dans peu de temps.
E : Je ne te le fais pas dire, je suis épuisé.
In : Ça se voit. Enfin ça s'entend surtout.
Indali avait prononcé ces mots en riant légèrement. Elle fut bientôt accompagnée dans sa gaieté par Zia, Tao, et le pilote.
Z : Esteban, aurais-tu une idée approximative du temps de vol qu'il nous reste avant d'atterrir ?
E : Je ne sais pas. Je dirais entre vingt et trente minutes. Pourquoi ?
Z : Pour savoir si j'allais chercher Marie maintenant ou si j'attendais un peu.
In : Elle ne va toujours pas mieux ?
Z : Non.
T : C'est vraiment pas de chance qu'elle souffre du mal de l'air. Elle a raté quelque chose.
In : Ça arrive, et puis il vaut mieux qu'elle se repose et qu'elle ne voie pas que l'on est encore en plein ciel, ça ne ferait qu'aggraver son mal.
Z : Oui, incontestablement. Je vais la laisser dormir jusqu'à ce qu'on arrive.
E : Ça me paraît être une bonne idée.

Vingt-trois minutes plus tard le Condor arrivait en vue de Kagoshima. Esteban se tint à bonne distance de la ville : il était inutile d’attirer l’attention. Lors de leur dernière venue, il y a trois ans, il leur avait été impossible de dire au revoir à leurs hôtes à cause des soldats du Daimyo Shimazu. Cela les avait beaucoup ennuyés de ne pas saluer une dernière fois Mariko, Ichiro et Yoshi mais leur sécurité passait avant la politesse. Enfin, c'est ce qu'Esteban avait prétexté pour se donner bonne conscience, même si c'était le plus affecté pour avoir eu à agir ainsi. Et en raison de cet incident, ils avaient convenu tous trois, lui, Zia et Tao, de couper les ponts avec leurs amis japonais pendant un certain temps en espérant que le Daimyo oublie l’affront qu’il avait subi à cause d’eux. S’ils étaient revenus les voir et que le seigneur avait eu connaissance de l’amitié qui les unissait à ses trois sujets, ces derniers l’auraient sans nul doute payé chèrement. Cela leur coûtait énormément à tous les trois de devoir sacrifier leur amitié mais ils ne pouvaient se permettre de mettre en danger leurs amis - une fois de plus -.
Pendant le trajet cela avait été la plus grande inquiétude d’Esteban et Tao. Il était peu probable que le Daimyo ait oublié son humiliation. Et si des soldats repéraient le Condor au loin et allaient prévenir leur souverain ? Seraient-ils capables de défendre et protéger les trois femmes qui les accompagnaient ? Il fallait être de la plus grande prudence : la sécurité de tant de personnes qui leur étaient chères en dépendait. Zia saurait se débrouiller, cela ne faisait aucun doute, même s’il espérait qu'elle n'ait pas à se servir de ses capacités, mais pour Indali et Marie c'était une autre histoire. Aucune d'elles ne connaissait le Japon, ses coutumes et le danger potentiel qu'il représentait pour eux tous.

Esteban, après avoir fait un grand détour derrière les collines qui entouraient la baie de Kagoshima, posa le Condor non loin des ruines qui, autrefois, leur avaient permis de récupérer le Tsuba du Seigneur Shimazu, au plus près de la forêt pour éviter que l’oiseau soit trop visible de la mer. Pendant que Zia allait chercher la jeune princesse qui dormait dans une des cabines, ses camarades descendirent. Indali posa avec émotion le pied sur cette terre nouvelle qui lui était apparue depuis le ciel comme flottant sur l’immensité de l’océan. Le volcan l’avait impressionnée : assurément, le monde était plein de merveilles aussi attirantes que redoutables. Dans la cabine, en voyant la pauvre Marie encore recroquevillée sur elle-même, Zia ne put s'empêcher de repenser à son fiancé lors de leur premier voyage en mer, lui-même recroquevillé sur le lit de la cabine de celui qu'elle considérait depuis dix ans comme un père. Elle sourit à ce souvenir mais se reprit en entendant la jeune fille gémir : rire du mal des autres n'est pas correct. La jeune femme s'installa alors à côté de son amie et commença à interpréter une chanson qu'une femme de son village lui chantait lorsqu'elle était enfant et qu'elle était souffrante. Cette chanson, Zia ne l'avait jamais oubliée, c'était en partie grâce à ses paroles qu'elle avait surmonté l'épreuve qu'avait été son enlèvement. En plus de détendre sa jeune amie, la mélodie faisait du bien à Zia : cela lui rappelait Raya, cette femme qui la lui avait enseignée. Peu après, Marie s’éveilla. Il ne lui fallut que quelques secondes pour réaliser qu’ils étaient posés. Elle se sentait soudain parfaitement bien, et sauta du lit, impatiente. Zia la retint en riant.
Z : Attends, tu es encore toute pâle !
Ma : Nous sommes bien arrivés au Japon, n’est-ce pas ?
Z : Oui, mais prends ton temps, nous n’allons pas repartir tout de suite !
Ma : J’ai besoin d’air frais !
Et elle courut vers le cockpit, impatiente de respirer l’air du bout du monde. Ses amis la virent apparaître en haut de l’échelle, puis descendre le plus vite qu’elle pouvait sans même avoir pris le temps de se chausser. Dès qu’elle eut posé un pied à terre, elle se campa sur ses deux jambes et prit une profonde inspiration, avant de respirer à plein poumons. Tout le monde rit.
E : Bienvenue au Japon, Marie, ça fait plaisir de te voir en forme !
Ma : Merci, cela devrait aller maintenant que nous sommes sur la terre ferme. Et merci Zia de t’être occupée de moi.
Z : Il n'y a pas de quoi
E : Elle sait s’y prendre, n’est-ce pas ?
A son tour, Esteban repensa à la façon dont sa future femme avait tenté de l'apaiser quand il était en proie à son mal de mer. Marie acquiesça, tout en regardant tout autour d’elle, attentive au moindre bruit, à la moindre odeur, s’imprégnant de ces sensations nouvelles et si différentes de celles éprouvées en plein désert. L’air était doux, et la forêt flamboyait des couleurs automnales.
E : Si nous allions sur la falaise ? La vue est époustouflante. Puis nous vous montrerons quelque chose qui en vaut la peine.
La côte déchiquetée qui s’enfonçait dans la mer étincelante offrait un spectacle impressionnant, devant lequel les deux jeunes femmes ne manquèrent pas de s’extasier. Mais soudain, Indali remarqua l’absence de Tao. Depuis Bruxelles, ils étaient toujours ensemble. Pourtant, toute à l’excitation de la découverte, elle n’avait pas remarqué qu’il leur avait faussé compagnie. Elle s’en inquiéta immédiatement.
In : Où est Tao ?
Esteban poussa un léger soupir.
E : Je sais où il est. Je vais le chercher.
Z : On vous rejoint. Je vais leur expliquer.
Alors Esteban partit vers les ruines pour rejoindre son meilleur ami pendant que Zia commençait à expliquer à ses deux amies ce qui leur était arrivé ici-même il y a dix ans.

Esteban retrouva son naacal assis sur les marches où avait eu lieu le drame dix ans auparavant... Le temps avait passé mais Tao semblait toujours autant affecté qu'au premier jour. Ce qui était tout à fait logique, car Tao considérait cet homme comme un professeur, un père et celui-ci lui avait menti dès leur première rencontre et ce sans vergogne.
Esteban s'approcha de Tao et s'assit à ses côtés.
E : Ça va mon vieux ?
T : Oui... Comme à chaque fois que l'on vient ici...
E : Je sais, c'était stupide de te demander ça.
T : J'en ai marre. Ça va faire dix ans et je n’arrive toujours pas à m'en remettre. Quand on n’est pas ici ça va j'arrive un peu à oublier mais dès que je vois cet endroit je...
E : Arrête, je sais très bien ce que tu ressens mon vieux. Tu n'y étais pour rien et tu n'y es toujours pour rien. Ambrosius nous avait tous bernés, tous les six. Sept avec Pichu.
T : Toujours le mot pour rire..T’es lourd parfois…Mais tu te rends compte que je n'arrêtais pas de prendre sa défense ?
E : Et alors ? On s'en fiche. Tu t'es planté sur son compte et nous aussi. On l'a démasqué, on l'a combattu et on l'a arrêté. Fin de l'histoire. Maintenant il n'est plus de ce monde. Oublie-le.
Tao regarda son meilleur ami et lui adressa un léger sourire.
T : Tu te rends compte qu'on a cette même discussion chaque fois que l'on vient ici ?
E : Je sais mais peu importe. On continuera de l'avoir tant que tu n'iras pas mieux à ce sujet.
T : Après ce qui s’est passé avec l’autre malfaisant et cette espèce de sorcière, je ne sais pas si je vais réussir à évacuer ça.
E : C’est vrai, sur ce coup là on s’est bien fait avoir aussi…Mais c’est une autre histoire. Qui sera plus facile à oublier, crois-moi.
T : Peut-être…ça dépend pour qui.
Z : Esteban a raison, Tao.
Les filles venaient de les rejoindre.
Z : Il faut que tu arrêtes d'y penser, ça ne sert à rien de ressasser le passé.
T : Je sais bien mais c'est plus fort que moi.
Z : Vis au présent. Maintenant tout a changé. Nous avons grandi, tu es devenu un grand inventeur : nos ancêtres seraient fiers de toi. Et puis tu as Indali aussi, je sais qu'elle est une excellente élève et que ça te procure un grand plaisir de pouvoir être son professeur…
T : Arrête de nous taquiner !
In : C'est vrai que sans un professeur comme toi je n'aurais pas progressé aussi vite, dans tous les domaines. Tu es un excellent professeur, Tao.
T : De rien. Mais dans certains domaines, tu es bien plus douée que moi…
Elle éclata de rire.
In : C’est sûr et certain !
Et elle déposa un baiser sur sa joue.
In : Mais tu apprends vite aussi…
Il surprit le regard malicieux de Marie et rougit.
Ma : Ne t’inquiète pas, Tao, je ne suis pas du tout choquée, j’observe et je m’instruis moi aussi !
T: Euh, oui,bien, bien, et si on allait voir l'Otsuro Bune ?
Ma : L'Otsu- quoi ?!
E: L'Otsuro Bune. La chose qui en vaut la peine dont je vous parlais justement tout à l’heure.
In : Qu'est ce que c'est ?
T : Vous verrez bien !
Il avait retrouvé toute sa bonne humeur et entraîna Indali vers la forêt. Une fois sur place, Indali et Marie stoppèrent net, tout comme l’avaient fait les trois enfants dix ans auparavant, en voyant la capsule dorée au milieu du cours d'eau qu'ils avaient longé. L'objet se tenait sous un Torii Shinto d’un rouge rutilant. Trois petites chutes d'eau faisaient entendre leur mélodie apaisante. La lumière qui perçait la végétation constellait la surface dorée de petits halos se mouvant au gré de la brise qui faisait frémir et bruire les feuilles. A ces taches de lumière répondaient les taches de couleur flamboyantes qui transformaient la forêt en un tableau aux tons chaleureux, déclinant toutes les gammes de rouges, de jaunes et de bruns imaginables.
Mar : C'est magnifique !
In : Je confirme. J'en ai vu de belles choses depuis que nous voyageons ensemble, vous me surprenez à chaque fois…cet endroit est vraiment superbe…il s’en dégage quelque chose de spécial, d’apaisant… merci, merci de nous avoir emmenées ici !
Ma : Aucun jardin d’Europe ne peut rivaliser avec cette splendeur. Quant à cette chose…
T : La sphère dorée ? C’est l’otsurobune.
Ma : Qu’est-ce que c’est exactement ? Et comment l'avez vous trouvée ?
E : Grâce au Condor. Pendant nos voyages précédents, il a eu la capacité de nous guider jusqu’à divers endroits.
Mar : Il vous a guidés ?
T : Absolument. Le Condor est capable de nous guider de lui-même vers plusieurs lieux, dès que l’on approche de ceux-ci.
Ma : C'est impressionnant.
Z : Et surtout ça surprend les premières fois.
Ma : J'imagine, oui. Donc, vous n’avez pas trouvé par hasard cet…ot..otsu…Oh, dites moi simplement ce que c’est, je vous prie !
E : L’ot-su-ro-bu-ne ? C’est quelque chose qui sert à sauver des vies…
Mar : Ah ? Comme une sorte d’amulette ? Il parait que dans le nouveau monde on se sert beaucoup d’objets comme protections magiques…Mais celui-ci est très gros !
E : Hum…ce n’est pas vraiment ça, non…
In : Nous ne sommes pas dans un endroit sacré ? On en a pourtant l’impression.
Z : Tu as raison, Indali. Ce portique marque l’entrée d’un sanctuaire, il sert à matérialiser la frontière entre le monde physique et le monde spirituel.
Mar : Un sanctuaire ? Je ne vois aucun édifice.
Z : Pour les Japonais, la Nature elle-même peut être sacrée, par exemple la forêt abrite des esprits.
Mar : Des esprits ? Tout cela n’est guère chrétien, mais cela ne retire rien à la beauté de l’endroit. J’espère juste que ces esprits sont bienfaisants.
Tao se mit à rire.
T : Non, ils vont se jeter sur toi si tu oses franchir la porte !
Z : Tao, arrête tes bêtises !
Mar : Tout d’abord, messire Tao, je ne me risquerais pas à mettre le pied dans cette eau, qui doit être glaciale, pour franchir ce portique, et je vous fais remarquer que vous ne m’avez toujours pas expliqué comment cet objet peut sauver des vies. C’est vous le savant du groupe, si je ne me trompe ?
Zia et Esteban échangèrent un coup d’œil complice. Indali tenta d’étouffer un rire. Tao, pris au dépourvu, réfléchit quelques instants.
T : Je peux évidemment tout vous expliquer, majesté. Imaginez que vous soyez en danger sous la mer… L’otsuro-bune est une sorte de nacelle de sauvetage, à l’intérieur de laquelle plusieurs personnes peuvent pendre place, et qui vous ramènera à la surface, où elle peut flotter, comme un bateau.
Ma : Comment ? Vous me comptez des sornettes ! En danger sous la mer ? Comment pourrait-on se trouver dans une pareille situation ? Et cet objet est bien trop lourd pour flotter ! Il est en or, n’est-ce pas ? Oh !
Elle s’interrompit soudain et réfléchit quelques secondes.
Ma : Votre oiseau brille du même éclat…et pourtant il vole dans les airs…Et cet objet serait creux lui aussi ?
T : Tout juste ! Vous ne voulez pas vous approcher, mais vous voyez bien d’ici ces sortes de fenêtres rondes. Croyez-moi, chère princesse, il est bien des choses que vous ignorez, qui paraissent impossibles, et pourtant le sont. C’est cela le miracle de la science et de la technologie !
In : Mais cela ôte un peu de son charme à la poésie du lieu…
Ma : Ce n’est pas grave, j’accepte vos explications, messire Tao, et je vous en remercie. Tout de même, c’est difficilement croyable.
T : Mais c’est vérifiable !
Ma : Je ne suis pas sûre d’avoir envie de vérifier une telle chose. Je préfère rester sur la terre ferme, pour le moment du moins.
Esteban et Zia sourirent. Marie se révélait très perspicace mais savait rester prudente. Veiller sur elle ne serait pas trop difficile, en revanche ils sentaient qu’ils devaient mieux se préparer à répondre à ses questions.
E : Sage décision ! Et après avoir découvert cet endroit à l’ atmosphère magique et mystérieuse, que diriez-vous de faire la connaissance de nos amis Japonais ? C’est ici que nous avons rencontré Yoshi. C'était... Peu commun comme rencontre.
Ma : Il est sorti de cette nacelle de sauvetage ?
Tous se mirent à rire de bon cœur avec Marie.
E : Non, non, bien sûr !
In : Cela me fait penser à notre rencontre. Elle n'était pas mal non plus.
E : C'est vrai. Un point pour toi.
Zia raconta à Marie ce qu'il s'était passé lors de leur rencontre avec l'Indienne.
E : La différence est que, Indali, Gunjan et les autres enfants vous pensiez que nous étions des magiciens alors qu'ici nous avions juste pénétré sur un territoire sacré et Yoshi avait cherché à nous effrayer. Assez maladroitement je dois dire. Vous vous souvenez de son masque ?
Il résuma la scène à l’intention de Marie, en imitant la manœuvre d’intimidation du vieillard.
T : Très réussi, Esteban. Tu fais le malin maintenant, mais heureusement pour nous qu'il a vu vos médaillons ou tu aurais fini par croire à l’existence des esprits frappeurs, quand tu aurais reçu deux ou trois bons coups de bâton !
Z : C'est vrai que les médaillons nous ont bien aidés à gagner sa sympathie. D'ailleurs on ferait mieux de nous rendre chez lui sans plus tarder, ce n'est pas correct d'arriver trop tard et nombreux chez des amis.

En chemin, Marie émit quelques scrupules. Elle appréhendait de se rendre chez des inconnus, dans un pays totalement inconnu. Quand ils s’étaient arrêtés chez les Chaldis, elle était tellement soulagée de ne plus être en vol qu’elle n’avait pas songé à s’inquiéter des convenances et de l’accueil qu’on lui réserverait. Mais à présent, il en était autrement. Elle avait eu le temps de se rendre compte que ce pays était bien plus déstabilisant qu’elle ne l’imaginait, et elle redoutait sa première rencontre avec des Japonais, surtout après ce qu’Esteban avait dit de sa rencontre avec Yoshi.
Ma : Vous êtes sûrs que nous ne devrions pas nous annoncer avant de nous rendre chez ces gens ? Peut-être qu’ Esteban pourrait d’abord leur rendre visite. Nous pouvons attendre au condor, et venir plus tard.
Z : C’est tout à ton honneur de t’inquiéter ainsi. Il est vrai que notre visite à l’improviste n’est guère convenable, surtout après les avoir laissés sans nouvelles pendant trois ans.
E : Hum…Nous verrons bien, vous pourrez m’attendre à quelque distance si cela vous met plus à l’aise, et nous pourrons toujours retourner au condor ensemble avant la nuit le cas échéant. Dans la mesure du possible, pendant notre séjour je préfère éviter que notre groupe ne se sépare inutilement. Mais je suis assez confiant sur l’accueil qu’ils nous réserveront.
Il disait cela autant pour se rassurer que pour rassurer les autres. Les paroles de Zia avaient réveillé sa mauvaise conscience.
Ma : Ça ne les dérangera pas que nous soyons là, Indali et moi ?
Z : Les Japonais sont très hospitaliers.
T : Ne vous en faites pas.
In : Vous avez sans doute raison.
T : J'ai toujours raison.
E : Même quand tu as tort.
Esteban avait dit ça en donnant un coup dans l'épaule de son meilleur ami tout en le dépassant, histoire de se défouler. L'intervention de l'élu et la réaction du naacal arrachèrent un sourire aux trois jeunes femmes. Tao bougonna en faisant rouler son épaule droite qui, grâce à Môssieur Esteban, lui faisait mal.
T : Décidément, tu es toujours une brute.
E : Oh, t'exagères, ou tu es en sucre.
T : Je dois être en sucre alors. La prochaine, fois, évite de me déboiter l’épaule pour rien !
E : Désolé…je crois que je suis un peu nerveux.
Tao n’ajouta rien. Il comprenait ce qui tourmentait son ami. Pendant trois ans, il avait répété à Esteban que ça avait été mieux ainsi, qu'ils étaient tenus de les protéger tous les trois – Mariko, Ichiro et Yoshi – et que continuer à venir les voir pouvait les mettre en danger. D'autant plus qu'Ichiro ne devait pas être vu comme un traître aux yeux du Daimyo sachant qu'il était un de ses soldats.
Après un quart d’heure de marche, ils arrivèrent enfin en vue de leur lieu d'hébergement d'autrefois et qui allait de nouveau l'être... Enfin, qui aurait dû l'être...
Tout n'était plus que ruines. Le jardin zen que Yoshi affectionnait tant et que Tao avait si souvent saccagé par mégarde était maintenant encombré d’une végétation rampante qui s’étalait tout à son aise jusqu’à la maison en un épais tapis Il en émergeait ici ou là quelques pierres permettant de circuler, autrefois, à travers le sable, et maintenant recouvertes d'une mousse d'un vert chatoyant. La maison, quant à elle, n'était guère dans un meilleur état : certaines planches avaient moisi et s'étaient brisées avec le manque d'entretien, l'un des murs était désormais orné d'un magnifique trou béant, une partie du toit s'était effondrée dans la maison, les escaliers permettant d'y entrer n'étaient même plus praticables.
Devant une telle désolation, la stupeur avait saisi les jeunes gens. Que s'était-il passé ? Où étaient leurs amis ? Avaient-ils été dénoncés pour avoir caché leur présence au Seigneur ? Que leur était-il arrivé ?
Esteban fut le premier à réagir. D’un pas décidé, il pénétra dans la bâtisse espérant comprendre ce qui avait bien pu se passer pendant leurs trois années d'absence. Mais l'état des lieux ne fit que confirmer ce qu'il avait compris dehors : plus personne ne vivait ici et ce depuis longtemps. Néanmoins il fouilla la pièce dans l'espoir de trouver ne serait-ce qu'un minuscule indice donnant une idée d'où pouvaient être ses amis mais la seule chose qu'il trouva fut de la poussière.
Il ressortit, dépité.
E : Il n'y a plus rien....
T : Vous croyez que...
Z : Tao ! Ne pense pas des choses pareilles !
T : Excuse-moi mais autant penser au pire tout de suite !
Z : Je sais...
E : On n’a qu'à faire une descente au port, on y interrogera les gens : ils pourront peut être nous en dire plus.
T : Excellente idée pour se faire remarquer !
E : Tu veux faire comment ? On ne va pas repartir sans savoir !
T : Non bien sûr mais…
Z : Il faut penser à la sécurité de tous.
E : C’est vrai. Je suis désolé, Marie, Indali, mais nous allons devoir vous ramener au Condor.
Ma : Je comprends parfaitement. Ne vous en faites pas pour nous. Vous ne vous attendiez pas à cela. C’est à moi d’être désolée pour vous, et pour vos amis. Mais n’est-ce pas trop dangereux pour vous de vous montrer ? J’ai cru comprendre que vous préfériez rester discrets.
T : Les villageois nous connaissent et certains nous ont déjà aidés, ne vous en faites pas, mais c'est trop dangereux pour vous qui n'avez aucune connaissance des us et coutumes du pays.
In : Moi aussi je comprends, j’ai simplement peur pour vous. Soyez prudents, je vous en prie !
Z : Rien ne nous assure qu’il y ait danger. Je doute que des hommes aient pu détruire cette maison de cette façon, mais tant que nous n’en aurons pas eu l’assurance, il faut rester sur nos gardes, et vous mettre à l’abri. Rentrons au condor.

Tout le monde acquiesça et reprit en silence le chemin emprunté pour venir.
Elles avaient beau affirmer le contraire mais Indali et Marie étaient très déçues de devoir rester enfermées dans le Condor. Elles auraient tant voulu continuer leur découverte de ce pays, de ses coutumes et de ses habitants. En restant enfermées, elles savaient que cela serait impossible. Il y aurait tant de choses qu'elles ne pourraient pas voir. Elles se consolaient en pensant que leur enfermement ne serait que temporaire, mais elles redoutaient que ce ne soit pas le cas et qu’il leur faille de toute façon quitter le Japon sans en découvrir davantage. Les merveilles entrevues étaient si alléchantes ! Marie se mit à prier qu’il ne soit rien arrivé à ces personnes qu’elle avait craint de déranger en leur rendant visite. Puis elle pria pour le salut de ses amis.

Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Posté : 30 déc. 2018, 17:09
par Ziaesteban
J'adore vous faite toujours du bon travail continuer comme 😀et vivement la suite

Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Posté : 30 déc. 2018, 21:03
par nonoko
Partie 2


Esteban referma le bec l'oiseau d'orichalque, qui abritait désormais leurs deux précieuses invitées, puis prit la direction du port de Kagoshima avec Zia et Tao en quête de réponses aux nombreuses questions qui se bousculaient dans leurs têtes. Plus ils sentaient qu'ils s'approchaient du port plus chacun d'entre eux sentait une boule grandissante dans son estomac. La peur d'apprendre ce qu'ils redoutaient le plus leur torturait l'esprit. Si cela venait à se réaliser, Esteban taperait sans aucun doute dans le premier objet qui tomberait sous son poing et Zia se blottirait dans les bras de son fiancé pour pleurer. Quant à Tao, il se retiendrait de toutes éventuelles réactions jusqu'à ce que le Condor ait repris son vol et qu'il soit enfermé dans son laboratoire.
Le jeune Muen, qui quelques minutes plus tôt avait osé imaginer le pire, espérait s'être réellement et profondément trompé. Il regrettait amèrement cette pensée, celle qu'il considérait comme sa petite sœur avait bien raison : c'était affreux d’envisager une chose pareille, il le savait bien. Mais au fond de lui, lorsqu'Esteban avait proposé de ne plus venir ici il en avait presque été heureux, pas parce qu'il ne voulait plus voir leurs amis mais parce qu'il n'aimait pas ses pénibles souvenirs… il s'en était vite voulu d'avoir aimé cette décision. Il tenta de penser à autre chose, à Indali désormais seule avec Marie, à l’abri, du moins il l’espérait. Il se dit qu’ils seraient sans doute bientôt fixés, et quoi qu’ils aient appris, bientôt de retour auprès des deux jeunes femmes. Il se rappela le sourire forcé d’Indali. A ses côtés, Marie tentait de faire bonne figure elle aussi : « au moins, je pourrai apprécier d’être à bord sans avoir le mal de l’air » avait-elle lancé gaiement. Mais elle s’était renfrognée quand Esteban leur avait clairement interdit de rester dans le cockpit, par prudence. Si quelqu’un venait à passer et les apercevait, il n’osait penser aux conséquences. Ainsi, elle n’aurait même pas le loisir de contempler le paysage. Adieu le beau coucher de soleil avec lequel elle espérait se distraire ! Indali, s’étant aperçue de sa déception, avait proposé aussitôt de lui apprendre à confectionner un plat de son pays, et si la soirée en solitaire devait se prolonger, elle avait obtenu la permission de Tao de montrer à Marie quelques unes de ses inventions. Esteban avait pris la peine de leur dire d’aller se coucher sans les attendre, et de ne pas s’inquiéter s’ils ne revenaient que le lendemain.
E : Bon, eh bien on y est.
La voix d’Esteban sortit Tao de ses pensées. Ils étaient parvenus sans encombre jusqu’aux abords de la ville.
T : A qui allons- nous nous adresser ?
E : Aucune idée. Aux enfants ? En général, c'est plus facile d'avoir des informations avec eux.
Z : Je ne pense pas, Esteban. Nous sommes étrangers ici, c’est le meilleur moyen de nous faire remarquer : soit ils fuiront, soit ils crieront d’excitation de nous voir. Dans les deux cas, on risque d'alerter des soldats.
T : Oui c'est sûr. Mais si on commençait par chercher les enfants qu'on connait ? Si on les trouve ils pourront nous répondre sans problèmes.
E : Il faut espérer qu’ils n’aient pas trop changé en trois ans…
Z : En tout cas on peut parier qu’ils se souviendront de nous.
E : Avec un peu de chance on tombera sur un villageois bienveillant du premier coup. Allez, on y va !
Quittant l’abri des collines boisées, ils s’engagèrent donc dans les rues qui menaient au port à la recherche d'un habitant qui les connaîtrait et qui serait à même de les renseigner sur le sort de Mariko, Ichiro et Yoshi. Tous trois espéraient que leurs investigations ne seraient pas vaines et surtout que les nouvelles ne seraient pas celles qu’ils craignaient.
Trouver quelqu'un pour leur répondre ne fut pas aisé. Il fallait progresser en se cachant, observer et guetter une silhouette familière. Bientôt, le soleil fut sur le point de disparaître et ils n’avaient encore repéré personne. Le découragement les gagnait : ils allaient devoir renoncer, ou prendre le risque de frapper chez quelqu’un qu’ils avaient connu autrefois, et le mettre en danger par leur présence. Alors qu'ils s’interrogeaient sur la suite des opérations, une voix derrière eux les interpella :
?? : Eh vous là-bas !
Repérés, ils étaient repérés sans avoir pu apprendre quoi que ce soit ! C’était trop bête ! Esteban s’apprêtait à filer quand Zia le retint.
Z : Attends ! Je connais cette voix !
Elle se retourna et ses compagnons l’entendirent s’adresser à la voix. Un frisson de panique les traversa pour disparaître aussitôt.
Z : Teijo ?!
Te : Eh oui, lui-même.
Esteban et Tao reconnurent aisément la silhouette qui émergeait de l’ombre et se dirigeait vers eux.
E : Ça fait plaisir de te revoir !
T : Oh ça oui !
Teijo avait bien grandi et était devenu un beau jeune homme depuis l'incendie qui avait failli lui coûter la vie à lui et sa grande sœur, Azami. Depuis ce jour où trois inconnus, trois étrangers, leur avaient sauvé la vie, Teijo s'était juré, alors qu'il n'avait que cinq ans à l'époque, de ne plus jamais prendre peur à la vue d'un gaijin, quelle que soit son allure, sa taille, la longueur de son nez ou la couleur de ses cheveux. En dix ans il n'avait jamais rompu sa promesse ce qui le rendait extrêmement fier de lui. Qui ne le serait pas ?
Tous les quatre étaient heureux de se retrouver après ces longues années d'absence.
Te : Où étiez vous passés ? Ça fait quoi ? Trois ans qu'on ne vous a pas revus par ici.
Z : Oui. On a eu quelques problèmes la dernière fois.
Te : Comme d'habitude en quelque sorte.
E : C'est ça.
Te : Mais qu’est-ce qui vous amène ?
Z : On venait annoncer quelque chose à Yoshi et ses petits-enfants. Mais leur maison était abandonnée...
Te : Oh....C’est vrai, vous ne pouvez pas être au courant
T : Au courant de quoi ?
Z : Teijo ?
Te : Yoshi est mort il y a plus d’un an.
E/Z/T : Quoi ?!
Comme prévu la nouvelle fut un choc. Bien que secoués, les trois amis gardaient espoir cependant : Teijo n’avait évoqué que Yoshi.
Te : Je suis désolé d'avoir eu à vous l'annoncer comme ça...
E : Comment…que s’est-il passé ? Il était toujours si alerte pour son âge…
Te : Nous avons eu un tremblement de terre assez important. Il était seul à la maison à ce moment là, il s’est trouvé au mauvais endroit. Mariko et Ichiro n’ont rien pu faire, quand ils sont arrivés il était déjà trop tard.
Z : Le toit effondré…
Teijo acquiesça.
T : Et Mariko, Ichiro, que sont-ils devenus?
Te : Je vais vous accompagner chez Mariko, suivez-moi.
Ainsi leur mauvais pressentiment s’était confirmé : Yoshi était mort. Mais ils allaient bientôt revoir leur amie, et son frère, sans aucun doute. Ils étaient partagés entre la tristesse et le soulagement, se demandant pourtant pourquoi les jeunes gens avaient abandonné la maison de leur aïeul. Etait-ce parce que trop de souvenirs y étaient attachés pour les deux orphelins, seuls survivants de leur famille disparue ? Ou parce qu’ils n’avaient pas les moyens de la réparer ? Quel dommage cependant de laisser le jardin dans cet état…La nature reprenait ses droits si vite…Peut-être n’avaient-ils pu faire autrement, trop occupés à gagner leur vie ? Ils traversèrent presque tout Kagoshima, Teijo en tête de file et les trois étrangers à l'affût du moindre garde. Comme autrefois. Ces gardes qui leur causaient tant de problèmes, qui avaient bien failli leur coûter la liberté à plusieurs reprises et même la vie dans les cas les plus dangereux. Il ne fallait surtout pas qu'ils se fassent repérer avant qu'ils n'aient pu revoir leurs amis. Et comment réagir si, dans l'éventualité où ils viendraient à croiser une patrouille, ils se retrouvaient face à face avec Ichiro ? Si Yoshi était malheureusement mort, au moins n’y avait-il plus aucun risque qu’il croupisse au fond d'une cellule miteuse de la forteresse du Daimyo Shimazu pour acte de trahison aggravée à l'encontre du clan, en attendant d’être exécuté. Mais il fallait éviter à tout prix ce sort pour Ichiro et Mariko.
Alors qu'ils arpentaient l'avenue principale, Tao remarqua silencieusement qu'une décennie avait beau s'être écoulée depuis la dernière éruption du Sakurajima, la porte de la ville en gardait encore des séquelles bien visibles... Et Kagoshima avait encore dû subir un tremblement de terre. Il se prit à regretter de ne pouvoir, grâce au savoir de ses ancêtres, aider la population à reconstruire leurs habitations, leur ville, rapidement. Mais le Daimyo avait d’autres priorités… Si ces guerres absurdes cessaient enfin…Il se prit à rêver de revenir pour aider ses amis à réparer la maison de Yoshi.
Te : On y est.
La voix du Japonais fit sortir le naacal de ses pensées.
E : Merci Teijo.
Te : J'aurais aimé rester avec vous mais ma mère va s’inquiéter, il faut que je rentre à présent.
E : Merci de nous avoir guidés, nous t’en sommes infiniment reconnaissants.
Te : Et moi, je suis heureux de vous avoir revus. J’espère ne pas avoir à attendre encore trois ans avant notre prochaine rencontre !
Il les salua avant de s'éloigner, trottant, en direction des quais.

Esteban, Tao et Zia se tournèrent vers la demeure. On voyait bien à sa hauteur qu'elle possédait un étage. L'état des murs extérieurs indiquait que, contrairement à la maison voisine, la construction était relativement récente. Ils s'avancèrent vers elle. Inconsciemment les garçons laissèrent Zia passer devant. Elle avait le cœur battant. Elle posa sa main sur sa poitrine pour y serrer son médaillon, prit une grande inspiration, mais avant même qu'elle n'ait pu y frapper, la porte s'ouvrit laissant apparaître une jeune femme mince aux cheveux sombres qui contrastaient parfaitement avec sa peau très claire. Mariko n’hésita que quelques secondes avant de s’exclamer d’une voix étouffée, pour ne pas alerter les voisins.
Mar : Zia ?! Esteban ?! Tao ?! Mais... Mais qu'est-ce que vous faites là ?! entrez, entrez vite, je vous prie !
Elle tira littéralement Zia à l’intérieur, sans même prendre garde à demander à ses hôtes de retirer leurs chaussures. L’instant d’après, les deux jeunes femmes s’étreignaient en sanglotant, puis Mariko serra les deux jeunes hommes dans ses bras, bien que ce ne fût pas habituel pour elle. L'absence leur avait, à tous les quatre, énormément pesé.
Mar : Vous m'avez tellement manqué.
Elle essuya discrètement quelques larmes, mais affichait à présent un large sourire.
Z : Toi aussi tu nous as manqué.
Mar :J’ai cru que quelque chose vous était arrivé…cela fait trois ans déjà…
E : Nous nous excusons sincèrement, mais nous avons pensé que c’était la meilleure chose à faire, pour vous protéger, vu les circonstances. Pardon si tu as souffert par notre faute, mais nous ne pouvions pas prendre le risque de vous prévenir de notre départ, dans votre intérêt et le nôtre.
Mar : C’est ce que je me suis dit…mais cela ne m’a pas apaisé pour autant…
Son sourire avait disparu ; elle se reprit aussitôt.
Mar : Mais vous êtes là, sains et saufs, et je vous remercie d’avoir pris la peine de venir me voir. Comment avez-vous su où me trouver ? C’était ma plus grande inquiétude, je me disais que jamais je ne vous reverrais, si je déménageais, mais il le fallait bien…et puis, c’était une crainte absurde, puisque vous voilà !
Z : Nous avons eu la chance de tomber sur une connaissance commune, Teijo. Nous étions à ta recherche après être passés à la maison de ton grand-père.
Mar : Alors vous savez. J'imagine que ça a dû vous faire un choc... Il me manque tellement mais je sais que de là où il est il veille sur nous.
Mariko laissa échapper une larme à la pensée de son cher grand père quand une voix, totalement inconnue aux trois voyageurs, retentit derrière eux.
?? : Mariko ? A qui parles tu ?
Mar : A de vieux amis.
Elle fit coulisser la porte et descendit les deux petites marches qui permettaient l'accès à la maison pour accueillir l'homme qui venait d'arriver. Plus grand qu'elle d'une tête, il avait la carrure de quelqu’un à qui peu de gens aimeraient se frotter sous peine de se retrouver au sol en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Se retournant vers l’intérieur de la maison, elle désigna les trois jeunes gens qui se sentirent observés d’un œil méfiant par l’inconnu.
Mar : Tadashi, je te présente Zia, Esteban et Tao. Mes chers amis je vous présente Tadashi, mon époux. Tadashi et moi sommes mariés depuis un peu plus de deux ans.
Après les salutations d’usage, le trio les félicita pour leur union. Ils étaient agréablement surpris. Le jeune couple semblait heureux, très heureux même. Le mari, qui avait changé de visage en entendant les paroles de son épouse, les accueillit cordialement.
Ta : Je suis enchanté de vous rencontrer.
E : Nous de même.
T : Celle-là on ne l'a pas vu venir, ça fait vraiment plaisir ! Je suis très content pour vous.
Mar : Merci Tao.
Ta : Je vous remercie.
Mar : Allons, rentre et installons nous au chaud. La pêche a été bonne ?
Ta : Pas vraiment, je n'ai pas attrapé grand chose... Le poisson semble fuir.
Mar : Ne t'en fais pas, ça ira mieux demain.
E : Surtout si Tao vous enseigne sa nouvelle technique de pêche.
T : Ah mais oui, pourquoi pas ?
Z : Vous verrez, cette technique est impressionnante.
Ta : Vraiment ?
T : Oui et c'est la meilleure de toutes !
Tadashi éclata de rire.
Ta : Eh bien j'ai hâte de savoir de quoi il en retourne. En attendant, pour ce soir je vous invite à partager ces quelques poissons.
Mar : Ce n’est pas grand-chose, je suis désolée…
Z : Cela sera bien suffisant, ne t’inquiète pas. Nous vous remercions infiniment.
Ta : Eh bien, c’est entendu !
Tadashi semblait ravi de les recevoir. Zia pensa que Mariko avait bien choisi son époux : il paraissait lui faire toute confiance, et n’avait pas cherché à demander des comptes sur la présence d’étrangers dans sa demeure, du moins pour le moment.
Comme la coutume le voulait, ils avaient tous ôté à présent leurs chaussures, et s’étaient avancés dans la pièce principale, qui, sans être immense, était plus grande que dans la modeste maison de Yoshi. Petit à petit, ils remarquèrent certains détails, comme un petit autel dédié à l'Otsuro Bune, orné d’une branche décorée de poissons, fruits et légumes de tissu. Mariko expliqua que c’ était elle qui les avait confectionnés, et Zia s’émerveilla de la délicatesse de l’ouvrage. Dans un coin de la pièce une table basse attira l'intention du naacal : tout le matériel nécessaire à l'art de la calligraphie y était posé. Un autre autel était dressé dans un renfoncement du mur : de l’encens brûlait devant une petite statue de bouddha , et la maîtresse de maison avait arrangé quelques chrysanthèmes rouges et mordorés dans un vase de céramique brune. C’était un intérieur modeste, mais chaleureux.
Mariko convia ses invités à s'installer, elle les encouragea à faire plus ample connaissance avec Tadashi le temps qu'elle s'attelle à la préparation d'un repas aussi consistant que possible avec la mince pêche du jour.
Alors que la discussion peinait à s'amorcer entre le trio et le maître de maison, un doux fumet émanait du coin prévu pour la cuisine. Les quatre attablés commencèrent à en avoir l'eau à la bouche tant l'odeur était alléchante. Le doux fumet du saké sucré et de la sauce soja se mariait parfaitement à celui du poisson. Mariko avait toujours eu une sorte de don pour tout ce qui touchait au domaine culinaire et tous ceux qui avait eu la chance de goûter à l'un de ses plats ne pouvaient que le confirmer, Tadashi le premier. Il ne manquait jamais une occasion de vanter les talents de sa femme en la faisant rougir au passage et faisant sourire leurs invités, et cela ne manqua pas d’arriver ce soir-là. Un plat savoureux suffit souvent à faire ouvrir la bouche et délier les langues : le repas traîna en longueur pendant que la discussion entre les cinq attablés prenait des tours et des détours pour évoquer tantôt les visites passées, tantôt le présent. Zia aurait bien aimé demandé des nouvelles d’Ichiro à Mariko, mais la conversation déviait toujours sur autre chose. Elle se dit qu’elle trouverait bien une occasion, et se laissa aller au plaisir d’écouter son amie et son mari.
Mariko conta à ses amis son union avec le pêcheur. Le trio eut un petit pincement au cœur en entendant qu'il s’était agi d'un mariage arrangé entre les deux familles. Mariko expliqua que c’était la coutume , et que ce genre de mariage pouvait être très réussi, la preuve en était leur union. Elle avait fait confiance à son grand-père, qui avait approuvé l’alliance avec la famille Chidobazu, et elle n’avait pas eu à le regretter. Tadashi avoua tout de même que les débuts de leur relation de couple avaient été compliqués car il n’était jamais facile de briser la glace entre deux personnes réservées comme ils l’étaient l’un envers l’autre, cependant, le caractère aimable de Mariko l’avait aidé à se sentir à l’aise et assez rapidement, ils avaient appris à se connaître l'un et l'autre, à partager leur vie et surtout à s'aimer. Désormais ils étaient plus liés que jamais et profitaient de chaque instant qu'ils avaient à vivre ensemble. Mariko hocha la tête à ces paroles de son mari, et chacun remarqua le sourire discret qui s’épanouit sur son visage. Tao s’exclama même qu’elle était rayonnante de bonheur, du moins
c'est ce que le reste de la tablée crut comprendre parmi les sons vaguement articulés qu’ils entendirent alors que le jeune homme tentait de parler tout en avalant une des dernières bouchées de son bol de riz et de millet, ce qui provoqua l’hilarité générale. Zia se rendit toutefois compte que le sourire de Mariko s’était un peu trop vite mué en un éclat de rire presque forcé, ce qui ne lui ressemblait pas. Elle n’eut pas le temps d’observer davantage son hôtesse, qui se leva prestement pour s’affairer à la préparation du thé, refusant poliment l’aide de son amie. Elle apporta bientôt un plateau couvert de petits bols aux teintes discrètes. L’odeur subtile du thé vert se répandit dans la pièce. Pendant qu'ils savouraient à petites gorgées la boisson délicate, Tadashi se fit plus curieux envers ses invités. Il s’était contenté d’écouter les souvenirs qu’ils avaient échangés avec sa femme, et de répondre à leurs questions sur son mariage, son métier, et il brûlait à présent d’en savoir plus.
Ta : Alors comme ça vous venez de ces terres, au -delà de la Chine ?
E : Bien au-delà, oui, d’Europe, d’Espagne plus précisément, enfin, pour ma part, parce que Tao et Zia viennent encore de plus loin, de terres situées entre deux océans, dont l’un borde le Japon d’ailleurs.
Ta : Alors nous sommes voisins, ou tout comme !
T : Lointains, mais on peut dire ça…
Ta : Moi, je ne me suis jamais éloigné de nos côtes. La mer est trop dangereuse. Mais vous, vous osez la braver. Je vous admire, même si je pense aussi qu’il faut un peu de folie pour faire cela.
E : Nous avons voyagé dès notre enfance, bien malgré nous. Alors, on s’habitue…mais c’est vrai qu’il faut être un peu fou pour s’aventurer sur les mers, quitter son pays, ceux qu’on aime…certains hommes n’hésitent pourtant pas à braver le danger.
Mar : Comme Mendoza, Sancho et Pedro. Comment vont-ils d'ailleurs ?
Z : Sancho et Pedro vont bien, leurs affaires commerciales et viticoles sont vraiment fructueuses. Ils sont devenus intraitables en affaires. Quant à Mendoza il a repris la mer…
Elle hésita, mais préféra ne pas en dire plus. Mariko perçut sa gêne et n’insista pas.
Mar : Toujours sur les mers, donc…
E : Eh oui, on ne se refait pas. Mais tu les reverras bientôt, enfin…
Il en avait trop dit : il se tourna vers sa fiancée, quettant son approbation. Zia ne s’était pas attendue à aborder le sujet ainsi, mais comme Esteban hésitait à continuer, elle se lança.
Z : Ce qu’Esteban veut dire, c’est qu’il y aura bientôt une grande occasion où nous pourrions être réunis, si tu le souhaites, et si tu le peux, bien sûr. C’est pour te l’annoncer que nous sommes revenus te voir, mais… nous aurions aimé qu’Ichiro soit là aussi, cela le concerne également. Mais puisqu’Esteban a abordé le sujet….
Mar : Ichiro?....
Elle avait presque crié son nom. Puis, se cachant le visage dans les mains, elle quitta précipitamment la pièce, laissant ses amis dans l’embarras. Visiblement, elle avait fait bonne figure toute la soirée, mais cachait derrière ses sourires et son entrain un chagrin dont ils ne s’étaient pas doutés. Zia s’en voulut et fit mine de se lever pour la suivre, mais Tadashi la retint doucement.
Ta : Mariko n'a pas perdu que son grand père pendant votre absence...
E : Qu'est-ce que tu veux dire ? Ichiro serait…
Ta : Oui. Il y a deux semaines, il partait en mer et il s'est noyé. Malgré les recherches nous n'avons pas eu la chance de retrouver son corps... Non seulement perdre son frère a beaucoup affecté Mariko mais le fait qu'on ne soit pas en mesure de lui offrir une sépulture décente lui permettant un repos dans le monde des esprits a été très dur à vivre, même si elle a décidé de n’en rien montrer et de se faire une raison. L'idée que l’âme d’Ichiro devienne un de ces fantômes qui erre à jamais dans notre monde la fait beaucoup souffrir et je ne sais pas comment la rassurer davantage. J’ai beau lui dire que nous n’avons ressenti aucune présence, aucun phénomène étrange ces derniers temps, et qu’il est probable que ses prières aient apaisé Ichiro, je sens bien qu’elle fait semblant de m’approuver, mais qu’au fond d’elle, l’angoisse est immense. Vous savez, au Japon, on apprend à faire bonne figure, pour ne pas déranger les autres avec nos ennuis. Mariko ne veut pas montrer sa peine. Alors moi aussi j’évite d’en parler, car je sais que cela ravive son chagrin et que cela lui coûte d’essayer de se maîtriser devant moi. La blessure est trop récente. Mariko se désespère de ne pas pouvoir suivre la coutume, en l’absence du corps… C’est bien triste…Je prie pour que cela lui passe. Ce soir, j’ai été surpris de la voir si heureuse, en rentrant, et j’ai joué le jeu, moi aussi. Je suis désolé que la soirée se termine de cette façon…
Z : Ce que vous faites est très bien Tadashi. La rassurer que l'âme de son frère ne risque rien. Même sans sépulture. C'est ce que nous ferions aussi, et d'ailleurs nous le ferons dès demain.
Ta : Je vous remercie infiniment Zia. Votre amitié aidera sûrement Mariko à se sentir mieux. Enfin je l'espère. Vous voyez ce bouquet de chrysanthèmes ? Chaque jour, depuis deux semaines, elle change les fleurs, et prie pour le repos de l’âme d’Ichiro. Je sais qu’elle s’y reprend à plusieurs fois pour arranger le bouquet, comme si pendant ce temps elle était auprès de son frère.
Z : Je vous promets qu'on fera de notre mieux pour l'aider. Nous allons vous laisser à présent, Mariko a sans doute besoin de vous. Nous reviendrons.
Ta : Non, restez je vous en prie ! Ne prenez pas de risques inutiles, si vous tombiez sur une patrouille…et puis, je suis sûr que c’est ce que Mariko souhaite. Je ne veux pas qu’elle ait d’inquiétudes inutiles à votre sujet. Pour ce soir, faites-moi l’honneur de rester.
Il s’inclina profondément. Le trio était bien embarrassé. Cela signifiait qu’Indali et Marie allaient devoir passer la nuit seules, et qu’elles s’inquiéteraient probablement. D’un autre côté, il était risqué pour eux de multiplier les trajets. Finalement, ils prirent le parti d’accepter l’hospitalité de leur hôte. Tadashi partirait avant l’aube. Leur présence, dans ces circonstances, serait peut-être un réel réconfort pour Mariko, dont la blessure venait d’être ravivée. Tadashi les remercia gravement : il était soulagé de savoir que sa femme ne passerait pas encore une journée seule et qu'au contraire elle serait en bonne compagnie, que cela l'aiderait peut-être à reprendre le dessus. Il les quitta ensuite pour aller chercher les futons et les couvertures dont ils auraient besoin. Puis il se retira auprès de Mariko en s’excusant de les laisser seuls.
T : Eh bien…je ne sais pas ce que je dois penser de cette journée.
Z : Tant de tristesse et de joie mêlées…
E : J’espère seulement qu’Indali et Marie passeront une bonne nuit. Quant à moi, je n’en suis pas sûr.
T : Plains-toi ! Au moins Zia est auprès de toi…
Z : Nous rentrerons au condor avec Mariko demain, dès que possible. C’est la meilleure solution. Réveil à l’aube !
T : J’approuve la proposition. Tu es la meilleure, Zia.
E : Oui, il n’y a pas que Tadashi qui a de la chance…