"Sa Machine Ailée" et autres histoires

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Sandentwins
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Re: "Sa Machine Ailée" et autres histoires

Message par Sandentwins »

Amaya a écrit : 07 août 2019, 00:01 Hermès, cousin très lointain de Pichu :Pichu: :lol:
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Amaya
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Re: "Sa Machine Ailée" et autres histoires

Message par Amaya »

Les deux dans la même pièce ? Je saigne des oreilles :lol:
" Esteban, ne soit pas triste, ne soit pas inquiet. Tu as, toi aussi, ta propre route à continuer. Pour devenir vraiment grand, vois-tu mon enfant, un fils doit dépasser son père."

ATHANAOS ❤

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Re: "Sa Machine Ailée" et autres histoires

Message par Sandentwins »

Bah, apprends-leur à chanter.


:condor: Nos Chemins sous la Lune - 28-31 :condor:

« Dis...qu'est-ce que tu ferais, si tu ne priais pas au Dieu Soleil? »

Killa haussa les épaules, et soupesa une autre pierre.

« Je tisserai des vêtements, je suppose. »

Elle la lança dans l'eau, et elle rebondit sur la surface scintillante avant de retomber et de couler.

« Et toi? Tu as trouvé ta voie? »

Athanaos prit le temps de choisir une pierre assez plate, la retournant dans sa main.

« Je suis un alchimiste. C'est ce que je fais. »

Il observa la surface de l'océan, et la lança d'un mouvement expert du poignet, pour la faire ricocher joliment.

« Je fais des remèdes. J'aide les gens. J'aide la science. »

« – Un peu comme un herboriste, tu veux dire. »

« – Mais avec plus d'amusement. »

L'océan lapait le sable rocheux de la plage, touchant leurs pieds de ses lentes vaguelettes qui s'écrasaient en gouttelettes entre les milliers de petites pierres venues de la montagne comme de la vapeur condensée. Suivant son exemple, elle ramassa une pierre plate, polie par l'incessant mouvement des marées au fil des années.

« Où est l'amusement, dans tous ces appareils et machines bizarres? », demanda-t-elle, la passant d'une main à l'autre.

« – Des machines bizarres? C'est une insulte envers des siècles de pratiques et de connaissances. Vous m'offensez, ma bonne dame. »

« – Il n'y a nulle offense dans mes mots, uniquement la vérité. »

« – Tu dis ça car tu ne sais toujours pas te servir d'un filtre mécanique, pas vrai? »

Elle afficha un sourire narquois, et jeta la pierre plus loin encore. Elle ricocha deux fois, avant de se heurter à un mur d'écume.

« Peut-être. », admit-elle.

« – Tu sais quoi? Ça me va. Comme ça, j'aurai l'occasion de te montrer à nouveau. »

« – T'es vraiment un frimeur. »

Il sourit, et lançant aussi loin que possible, fit rebondir son caillou plusieurs fois.

« Peut-être bien. »

Elle pouffa, enroulant ses cheveux autour de ses doigts de manière joueuse.

« Le plus grand frimeur du monde. »

« – Ainsi on me nomme, en effet. Comment puis-je vous aider? »

« – Tu pourrais utiliser tes dons de frimeur pour me montrer comment marche ce truc. »

Elle lança une autre pierre, qui coula à pic, le faisant renifler.

« Tu n'y arriveras pas avec un boulet comme celui-là. Prends-en une plate, pour qu'elle glisse sur l'eau. »

Il en fit ainsi, ramassant une pierre plate qui ressemblait à une petite assiette. D'un autre tour du poignet, il la fit rebondir au moins cinq fois avant qu'elle ne retombe dans le bleu de l'eau. Elle siffla d'admiration.

« C'est un talent très utile. »

« – Je saurai te défendre de tout poisson qui voudrait s'en prendre à toi, ma bien-aimée. »

« – Tout? »

Elle sourit malicieusement.

« Tu pourrais donc me défendre contre... »

Elle se baissa, et ramassa avec soin un crabe qui venait de sortir de sous le sable.

« Le grand et puissant centolla? »

Athanaos fit mine d'être effrayé.

« Pas le centolla! J'admets ma faiblesse, je l'avoue! »

« – Tu es donc si faible? »

Elle essaya de poser le crabe grouillant et épineux sur lui, et il fit semblant d'avoir horriblement peur de la bestiole innocente, lui donnant de petites tapes faibles. Elle rigola devant sa défense pitoyable et essaya de lui faire embrasser le crabe, mais le jeu s'arrêta quand l'animal effrayé lui pinça la main. Paniquée, elle le frappa jusqu'à ce qu'il abandonne et retourne dans l'eau, et prit la main d'Athanaos dans la sienne.

« Eh bien...tu m'as défendue. », admit-elle. « Merci d'avoir donné ta vie pour moi, grand guerrier. »

Ce n'était qu'une petite morsure de crabe, mais ça avait tout de même l'air de faire mal. Athanaos fit mine d'agoniser, et tomba dans ses bras de manière dramatique.

« Ainsi, d'un pincer je meurs. », fit-il avec bien trop de clarté pour un « mourant ».

« – Alors meurs avec honneur, guerrier vaincu. Je te donnerai la plus belle des tombes, et supplierai le Dieu Soleil d'avoir pitié de toi. »

« – ...ne puis-je avoir un baiser pour me ramener à la vie? »

Killa sourit de ses yeux dorés de petit chiot, caressant ses cheveux, sa tête posée contre sa poitrine. Pouvait-il être plus mignon encore?

« Avec plaisir, mon guerrier. »

Il ferma les yeux, et elle fut tentée de coller une palourde ou une caillasse mouillée contre ses lèvres pour le dégoûter, mais ignora cette idée, et lui donna le baiser qu'il désirait. Ses lèvres avaient un goût délicieux, et elle commençait à l'adorer. Comme elle avait rêvé de sa présence avec elle, là où rien ne pourrait les empêcher de s'aimer! Et comme elle s'en sentait heureuse!

Quand leurs lèvres se séparèrent, elle ne put s’empêcher de le regarder doucement, toute attendrie. Il était si précieux, si heureux dans ses bras, et elle l'adorait. Il la faisait se sentir heureuse, confortable, comme personne d'autre ne pourrait. Et elle n'en serait jamais assez redevable. Prise d'une autre envie de chérir cet être de rires et de joie, elle l'embrassa partout sur son visage, le faisant rigoler et se tortiller sous ses lèvres. Ses joues mal rasées lui étaient familières, ses pommettes dures reconnues par ses doigts. Tout chez lui respirait le confort domestique, et elle l'aimait tant.

« Killa? », demanda-t-il dans un souffle.

« – Qu'y a-t-il? »

Peu à peu, elle sentit sa main prendre la sienne. Elle le regarda, et son doux regard doré chassa ses peurs.

« On y arrivera ensemble. On trouvera le moyen. »

Elle ne put s'empêcher de sourire, fascinée par son optimisme. Un optimisme que malgré tout, elle voulait partager.

« On y arrivera. », assura-t-elle.

Et, guidés par l'harmonie de leurs cœurs battants comme les vagues sur la plage, ils s'embrassèrent à nouveau.

~~~~~

« Qu'est-ce que tu fais? »

En guise de réponse, il se contenta de sourire, et de poser une autre planche sur la table de sciage.

« Si nous voulons voyager, il va nous falloir un bateau. », expliqua Athanaos, se mettant à la couper en deux. « Et vu qu'on ne peut pas en trouver ici, on va devoir construire le nôtre. »

Elle siffla, contemplant la pile de bois qu'il avait déjà façonné en planches recourbées.

« Tu pourrais vraiment construire tout un bateau par toi-même? »

« – Bien sûr! »

Il regarda le large couteau cranté qu'il utilisait en guise de scie.

« Enfin. Ça prendra un peu de temps, mais ce ne sera pas un problème. Plus vite on s'y met, plus vite on pourra partir. »

« – C'est une tâche conséquente… Je crois qu'on serait plus à l'aise sur terre. »

« – Pendant un temps, c'est vrai. Mais on ne pourra pas aller bien loin. Alors que j'ai de l'expérience en navigation, je sais manœuvrer et me repérer en mer. »

Killa montra les dents, douteuse.

« Bon, eh bien...si tu crois en être capable, je te fais confiance. »

« – Vraiment? »

Elle prit son temps avant de répondre.

« Je suppose que je ne suis pas vraiment à l'aise à l'idée de partir. Ce serait décevoir tout le monde... »

« – Tout va bien. Tu n'as pas à choisir, pour l'instant. Mais juste au cas où, il vaut mieux avoir un bateau de prêt quand on aura envie de partir, pas vrai? »

Il se remit à scier.

« De plus, ça me donne quelque chose à faire. Quelque chose de productif. »

Elle dut admettre qu'il n'avait pas tort. Voyant qu'il avait un peu de mal, elle vint prendre la planche pour la maintenir sur la table alors qu'il sciait.

« Tu ne t'amuses plus à faire tes études d'alchimie? »

« – Si, mais j'ai fait le tour avec ce que j'ai. Je préfère passer le temps à faire quelque chose d'utile. »

Il lui sourit entre deux sciées.

« Par exemple, construire notre vie ensemble. »

Ça la fit pouffer.

« Je croyais que tu construisais un bateau? »

« – Plus ou moins. Pour nous autres marins, nos vies et nos navires sont la même chose. »

Elle sourit, mais il voyait bien que quelque chose l'inquiétait. Une fois la planche coupée, il la mit avec les autres, et relut ses plans.

« Est-ce qu'on va y vivre? », demanda-t-elle, curieuse.

« – Peut-être, si on voyage beaucoup. Mais ne t'en fais pas, c'est très agréable quand on s'y habitue. »

« – Je n'ai jamais mis le pied sur un bateau de pêche...donc un navire? Tu plaisantes. »

« – Je t'apprendrai. »

Il lui toucha le menton, ses doigts couverts d'une fine couche de sciure.

« Je t'appendrai à naviguer, à manœuvrer. Et je ne doute pas que tu deviendras une excellente navigatrice. »

« – Oh, voyons. C'est ton rôle, ça. »

« – Plus vraiment. On choisit nos propres rôles, maintenant, tu te souviens? »

Elle sourit.

« Nos propres rôles. »

Elle regarda les plans à son tour, puis l'océan au loin.

« Personne ne pourra nous arrêter. Nous tracerons nos propres chemins. »

« – On ira où l'on voudra. »

« – On verra tout ce que le monde a à offrir. »

« – Et plus encore! »

Il se tint près d'elle, pour voir ce qu'elle voyait, pour contempler l'horizon avec la même sensation de rêve qu'elle. Pour partager son monde une fois encore, un autre moment.

« Tu sais... », dit-elle. « Tu construis notre vie future, en fait. »

« – Ah bon? »

Sans que leurs yeux ne quittent l'océan, leurs mains s'unirent lentement, leurs doigts s'enlaçant.

« On dirait bien. »

« – Alors...alors oui, c'est ce que je fais. »

Sa main était si douce contre sa paume, si douce contre la sienne. Il s'en sentait tout papillonnant à nouveau.

« Est-ce que...tu veux y pense un peu plus, avant qu'on ne continue? », demanda-t-il.

« – Ce n'est pas important. »

« – Ça l'est. Tu as dit que tu ne voulais plus être victime de ton destin. Que tu voulais choisir ce qui t'arrive. Alors... »

Sa prise se resserra légèrement.

« Si tu veux qu'on emprunte ce chemin, je veux que tu me le dises. Comme ça, je saurai que c'est ce que tu veux. »

Elle ne répondit pas. À la place, son autre main se glissa sous son col, pour en tirer le petit disque solaire qu'elle gardait à son cou. Elle le lui tendit, et il vint le prendre; mais sa main se referma dessus, et elle le rangea dans sa bourse avec un sourire.

Il sourit à son tour. Ils n'avaient pas besoin de mots, après tout.

« Très bien. Mais tu m'aides à construire le bateau. »

« – Je ne te fais pas confiance une seule seconde pour faire du bon travail sur les voiles. »

« – Et j'en suis ravi. »

Il renifla à cette phrase sans sens. Mais malgré son amusement, l'idée semblait adorable. Non seulement il aurait son propre navire; mais il le construirait avec la femme qu'il aimait, comme une preuve de leur relation contre-nature. Et sa détermination s'en attisa encore.

Bientôt, ils partiraient sur les mers. Bientôt, il lui montrerait toute l'étendue de son monde. Bientôt, très bientôt, il devrait juste être patient.

Bientôt, il trouverait son foyer.

~~~~~

« Tu ne m'attraperas pas! »

Elle courut entre les arbres, aussi vite qu'un souffle de vent. Elle ne connaissait que trop le terrain, et n'avait aucun problème à se glisser entre les buissons et les branches pour lui échapper encore plus.

« C'est ce que tu crois! »

Il sauta par dessus un rocher, essayant de lui barrer la route, mais elle s'écarta au dernier moment pour changer de direction. Peu importe ce qu'il faisait, Killa restait aussi élusive qu'un esprit du vent, une nymphe qu'il ne pourrait jamais attraper. Un être hors de ce monde.

Il trébucha sur une racine, et tomba dans l'herbe, ce qui la fit rire. Comme il était drôle quand il essayait d’être sérieux!

« Mon bon chasseur a-t-il besoin d'aide? »

« – Je n'ai nul besoin de la pitié d'une gracieuse vigogne! »

Elle rit de plus belle, flattée d'être ainsi comparée à un animal royal, et s'inclina alors qu'il se relevait. Mais avant qu'il ne puisse se remettre debout, elle s'enfuit à nouveau, vers les plaines herbeuses. Le souffle haletant, il la suivit, essayant toujours de la toucher.

Quand avaient-ils commence à jouer comme des enfants? Ils ne le savaient pas. Et ils s'en fichaient bien, car ils faisaient ce qu'ils voulaient, sans personne pour les juger. Ils s'amusaient, seuls dans les plaines herbeuses, alors que la nuit tombait et que la ville en dessous s'endormait. Ivres de liberté et de jeunesse revigorante, ils avaient cédé à leurs pulsions enfantines sous les étoiles de l'automne naissante. Et personne ne pourrait les blâmer ou les gronder, ou leur ordonner de cesser. C'était leur choix, et ils l'adoraient.

Athanaos se précipita pour l'attraper; ou plutôt, il sauta. S'accrochant à sa manche flottante, il réussit à l'attraper, l'arrêtant dans son élan, et elle eut un cri de surprise en tombant presque. Il la regarda d'un œil triomphant, riant malgré ses halètements.

« Je t'ai eue. »

« – J'avoue, tu m'as eue. »

Elle sourit, reprenant son souffle alors qu'il la laissait aller. Toute cette chasse l'avait épuisée, pour ne pas dire plus.

« C'est donc tout ce que tu as? », charria-t-elle tout de même. « Je croyais que tu étais plus rapide que ça. »

« – Je le peux quand la situation le demande. Pourquoi, doutes-tu de mes capacités, noble gazelle? »

Elle n'avait aucune idée de ce qu'était une gazelle, mais l'ignora.

« J'en doute. »

Il se recula, d'un ton hautain.

« Alors montre-moi les tiennes! Attrape-moi, si tu le peux! »

Et il courut vers les plaines. Elle bouda d'offense, et courut après lui pour saisir son petit visage idiot.

« Tu ne m'échapperas pas pour toujours! »

« – Est-ce que tu doutes de moi? »

« – Oui! »

Elle tenta de foncer, ses poumons brûlant sous le coup de toute cette course. Que c'était épuisant! Ne pourrait-elle jamais l'attraper? Non, elle ne devait pas baisser les bras si vite. Elle lui montrerait de quoi elle était capable!

Comme s'il sentait sa fatigue, il se mit à ralentir, pour lui donner une chance. Mais ce fut une terrible erreur: s'en servant à son avantage, elle sprinta, et sauta sur lui si fort qu'ils en tombèrent tous deux dans l'herbe. Ça lui fit mal sur le coup, mais lorsqu'ils se regardèrent, le ridicule de leur situation fit effet et ils se mirent tous deux à rire.

Elle était allongée sur lui, pressant sur son dos; mais d'un coup, il roula sur le côté, et parvint à la faire tomber et à la piéger entre ses membres comme un oiseau en cage. Toute route lui était barrée, maintenant; mais bizarrement, elle n'avait pas envie de bouger. Pas quand elle avait une telle vue juste au-dessus d'elle.

« ...bien le bonjour, ma gazelle. », sourit-elle. « Tu vois, je t'ai attrapé. »

« – Peut-être. »

Ses genoux se resserrèrent et piégèrent ses jambes.

« Mais maintenant, c'est moi qui te tiens. »

Sa voix était si séduisante qu'elle ne put s'empêcher de rougir. Elle était si faible quand Athanaos faisait son effet sur elle.

« Et donc...qu'est-ce que tu en penses? Tu...aimes la vue? »

Elle dévoila son cou, comme elle avait vu faire Athanaos. Ça le fit sourire encore plus.

« Oh, je l'adore. C'est une vue magnifique. »

Et il embrassa son cou, la faisant rire. Ce fourbe, il savait qu'elle était chatouilleuse! Elle se tortilla dans sa prise, souriant d'à quelle point elle se sentait toute légère.

« Arrête~ », couina-t-elle. « C'est illégal! »

« Ta beauté est la seule chose illégale que je vois. »

Ses lèvres remontèrent vers son oreille, la faisant rire encore plus. Elle ne durerait pas longtemps! Pas face à ses lèvres si douces, son souffle si chaud...son corps si lourd, si réel sur le sien. Ils haletaient et transpiraient toujours de par leur course, et bien que ce fut un rien déplaisant, elle s'en sentait...très étrange. Un genre d'étrange qu'elle n'avait jamais connu auparavant, et qui l'intriguait plus que tout. Une sensation agréable lui parcourut le corps, la faisant frissonner légèrement alors qu'il continuait d'embrasser son cou, lui offrant un monde de délices qu'elle n'avait jamais connus auparavant. Elle voulait qu'il se rapproche, qu'il guide ses lèvres plus bas encore, qu'il embrasse le moindre de ses petits frissons.

Elle n'était pas naïve. Elle avait entendu parler des choses dont de respectables vestales ne devaient pas parler. Elle savait ce qu'on faisait aux épouses et parfois aux servantes, et bien qu'elle n'en connaisse pas les détails, elle savait que ça pouvait lui arriver. Et dans des moments comme celui-ci, elle se disait que peut-être, elle voulait que ça lui arrive. Quand Athanaos se tenait si près d'elle, il la faisait penser à des choses très obscènes, à toutes sortes de fantasmes qui la faisaient rougir, et se demander ce qui n'allait pas chez elle. Est-ce qu'elle pensait vraiment ainsi de lui? Et qu'en pensait-il? Est-ce qu'il accepterait jamais de la joindre dans de telles...de telles...manières?

Elle ne savait pas comment faire ces choses-là. Elle ne savait rien. Et de plus, elle n'était pas sûre d'être prête. Peut-être que c'est pour ça qu'Athanaos s'arrêta au bout d'un moment, sentant son malaise.

« Tu veux que j'arrête? »

Elle détourna le regard, visiblement embarrassée. Et elle finit par acquiescer. C'était définitivement un peu trop pour elle, et ça pourrait escalader. Il acquiesça à son tour, et se releva, la libérant.

« Tu...tu crois qu'on jour, on pourrait…? »

Sa question rendit ses joues encore plus rouges, et ses yeux plus fuyants encore. Sans nul doute le malaise venait-il de grandir entre eux, et il n'en était pas indemne non plus. Heureusement, quelque chose vint apaiser cette tension.

« Ah, tu as perdu ta chaussure. »

Elle baissa la tête, et vit qu'en effet, son pied droit était nu. Sa chaussure avait sans doute glissé lorsqu'elle lui avait sauté dessus. Elle se releva, regardant autour, mais Athanaos fut plus rapide.

« Tiens, voilà. »

Il ramassa sa chaussure, et s'agenouilla devant elle pour la lui remettre. Mais avant qu'il ne puisse le faire, Killa retira son pied avec un bruit choqué. Surpris, Athanaos releva la tête.

« Qu'est-ce qu'il y a? »

« – Tu...tu n'allais quand même pas faire ça, dis? »

Il haussa un sourcil, regardant la chaussure. Comme si elle était le problème!

« Tu...tu n'as vraiment aucune idée? »

« – Je...non? Pourquoi, il y a quelque chose sur ton pied? Je ne... »

Elle le regarda, toujours choquée. Puis soupira.

« Tu ne sais vraiment pas... »

Elle se rassit dans l'herbe.

« Quand un homme remet une chaussure au pied droit d'une femme, ça veut dire... »

Elle détourna le regard, ne sachant comment le dire.

« C'est...c'est quelque chose de sacré, c'est tout. Une promesse qu'il lui fait. »

« – Quel genre de promesse? »

Elle le regarda avec insistance. Et lentement, il sembla comprendre.

« ...ah. »

Ses joues se teintèrent de rose, et il regarda sa chaussure comme si elle venait de se changer en or. 

« ...ah! Je- je veux dire...ce n'était pas mon intention de...oh, grands Sages, ç’aurait été... »

Il eut un petit rire nerveux.

« On...on n'est pas encore prêts, pas vrai?

Elle lui sourit, mais sa question la fit s'en poser d'autres. Est-ce qu'ils étaient prêts? Prêts pour la prochaine étape? Prêts à entrer la véritable vie domestique?

Est-ce qu'ils étaient prêts à se marier?

Athanaos baissa les yeux, peu sûr de lui. Le malaise de Killa semblait être partagé. Alors, comme un enfant pris à chaparder, il la lui rendit lentement. Killa tendit la main; mais d'une pensée soudaine, elle la retint.

Ils avaient déjà pensé à se marier, mais ç'avait toujours été une possibilité, une fantaisie plutôt que quelque chose de réel. Et maintenant qu'ils en avaient vraiment la chance, elle ne savait plus quoi penser. Pendant un moment, toutes ses peurs de la vie conjugale lui revinrent en mémoire dans un souffle d'anxiété, la faisant douter d'elle-même. Mais ses yeux passèrent de la chaussure au visage de l'homme qui la tenait, et ses inquiétudes se calmèrent quelque peu, remplacées par de la tendresse. Ce ne serait pas si mal, se dit-elle. Elle préférait l'épouser lui plutôt que quiconque à qui elle aurait pu penser un jour.

Dans sa culture, on ne se faisait pas la cour. Tout était arrangé, les unions décidées par les parents et les aînés. Si les époux n'étaient pas satisfaits, ils pouvaient attendre quelques années et se séparer. Mais pour ce qu'elle en savait, personne ne se mariait de sa propre initiative. Personne ne se mariait par volonté, mais par obligation morale.

Killa était une vestale du Soleil, destinée à rester vierge jusqu'à sa mort. Athanaos était un étranger, qui n'avait pas été invité à rejoindre les coutumes de cette terre. Ni l'un ni l'autre n'étaient poussés de se marier...mais s'ils le faisaient, alors ce serait leur décision. Leur choix.

Leur chemin.

« ...Athanaos? »

« – Qu'y a-t-il? »

Il avait l'air aussi pensif qu'elle. Peut-être que les mêmes questions se posaient dans son esprit en ce moment même. Elle n'était pas sûre de savoir quoi dire, quoi demander, ou même quoi penser, car tout semblait aller si vite et si soudainement. Une telle demande impromptue en aurait effrayé plus d'un...mais ce n'était pas comme s'ils n'y avaient jamais pensé auparavant, pas vrai? Elle vit la manière dont ses mains portaient délicatement sa chaussure, l'anxiété qui lui crispait les doigts. Leurs regards se rencontrèrent à nouveau, et le sien était rempli de douceur et d'amour.

Elle sourit. Puis, lentement, elle repoussa sa main.

« Ma chaussure a glissé...et je pense qu'il est temps que tu me la rendes. Tu...tu veux bien? »

Il cligna des yeux, la regardant avec surprise. Et puis, son visage s'illumina, ses inquiétudes chassées.

« Avec grand plaisir. »

Il lui prit le pied avec une grande révérence, et y passa délicatement sa chaussure.

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Puis, elle l'invita à se relever, et le serra fort dans ses bras.

« Maintenant, nous traçons vraiment notre chemin, pas vrai? »

« – Je suis heureux de te dire que oui. »

Elle sourit, l'embrassant dans le cou. Il sourit en retour, et la souleva d'un coup, pour la porter comme une jeune mariée.

« Je suis désolé de ne pas pouvoir t'offrir une grande maison pour t'y porter. Mais dès que notre bateau sera construit, tu n'auras plus à t'en faire. »

« – Nous laisserons le vent guider nos voiles, vers un nouveau futur. »

« – Exactement! »

Et avec un rire joyeux, il la fit tourbillonner avec lui. Elle rit à son tour, s'accrochant fort à lui.

« J'ai tellement hâte! »

« – Pour l'aventure de nos vies! »

Leurs lèvres se rencontrèrent au milieu d'un tour, et elle savait qu'elle en aurait le vertige. Mais elle s'en fichait. Pourquoi se soucier de telles broutilles, quand elle avait tout le futur à quoi penser?

Cette nuit-là, alors qu'il la portait vers sa maison, vers leur maison, elle se sentit plus heureuse qu'elle ne le fut jamais dans sa vie.

~~~~~

« Tu peux me passer de la corde? »

« – Ça vient. »

La femme d'Athanaos lui envoya un rouleau de corde fraîchement tressée, qu'il attrapa au vol sans tomber de l'échelle.

« Merci, chérie. »

Il saisit les extrémités de deux pôles de bois, et les attacha fermement ensemble pour former un cadre solide.

« Il te faut encore du roseau? »

« – Ça va pour l'instant. Mais on ferait mieux d'en stocker, il nous faut toujours couvrir le pont. »

« – J'irai en chercher tout à l'heure. »

Le mari de Killa descendit lentement à terre, pour relire les plans. Grâce aux corrections qu'elle a apportées, le bateau se construirait plus vite, et nécessiterait moins de matériel. C'était là une bonne chose, car il n'était pas vraiment sûr de pouvoir construire toute une caravelle tout seul. Et pourtant, ils faisaient des progrès! Il n'avait qu'à voir le squelette de bateau qu'ils avaient assemblé en deux semaines pour le prouver.

Ce ne serait pas un si grand bateau, car ils n'auraient pas besoin d'équipage. Mais il serait solide, assez pour les emmener en haute mer. Un vaisseau d'aventure, un petit nid flottant sur lequel ils pourraient vivre confortablement jusqu'à devenir nostalgiques de la terre ferme.

Il avait prévu tant de choses! Par exemple, il avait pense à utiliser le pouvoir de la vapeur pour le faire avancer de lui-même, sans voiles ou rames; ce serait difficile à mettre en place, mais possible! Il en trouverait le moyen! Mais Killa préférait mettre des voiles tout de même; non pas qu'elle ne lui faisait pas confiance, mais elle était du genre à se baser sur des valeurs sûres. Et ça ne le gênait en rien, car ça les sauverait sûrement sur le long terme.

Ils allaient vivre tant d'aventures, sur leur navire de rêve. Et il avait hâte.

« Il a l'air joli, non? », demanda-t-il, s'asseyant une fois son assemblage terminé.

« – C'est vrai. Mais ce n'est que le début. »

Pour ne pas attirer l'attention, ils avaient choisi de le construire dans un champ délaissé hors du village, où plus personne ne venait suite à la mauvaise récolte de l'année dernière. Il ne leur faudrait que peu d'efforts pour le faire descendre la faible pente jusqu'à l'océan une fois terminé; d'ici, ils avaient une jolie vue de la plage rocheuse où ils aimaient faire des ricochets. Au loin, ils pouvaient voir les maisons de pierre du village, et les collines herbeuses plus loin encore. La terre qu'ils appelaient la leur, et qui les rejetait tous deux.

« J'ai vu Chami en ville, aujourd'hui. », dit-elle alors qu'ils mangeaient le repas qu'elle avait amené. « Et elle n'avait pas l'air très heureuse de me voir. Depuis mon départ, elles doivent s'imaginer toutes sortes de méchancetés sur moi. »

« – Laisse-les faire. Ce qu'elles pensent ne peut pas te blesser. »

« – Peut-être...mais c'est difficile d'accepter le fait que je ne sers plus Inti. C'est un concept si étrange! »

Elle soupira.

« Je ne peux m'empêcher de penser que ça nous apportera de mauvaises choses. J'en ai...le pressentiment. »

« – Le pressentiment? »

Athanaos n'était guère superstitieux. Mais tout de même, toutes ces histoires de bonne ou de mauvaise chance lui donnaient des frissons s'il y pensait trop.

« Tu...tu voudrais retourner comme avant? », offrit-il. « Je suis sûr que les vestales accepteraient ton retour. »

Elle secoua la tête.

« J'ai pris ma décision. Je veux rester avec toi, et te suivre où tu iras. Je ne veux plus subir ma propre destinée. »

Il savait à quel point cette décision était difficile pour elle. Il enlaça sa taille de son bras, et elle se reposa sur lui.

« Alors je te soutiendrai. Je m'assurerai que tu ne le regrettes jamais. »

« – Merci beaucoup. »

Ses lèvres lui effleurèrent le cou, comme une chatouille qui le fit sourire.

« Sache que je ne le regrette pas du tout. Tu es un homme si attentif, si attentionné. Jamais je ne me serais attendue à tant de bonté de la part de quiconque. »

« – C'est un peu beaucoup, tu ne crois pas? »

« – J'ai peur d'être sérieuse. »

Son visage se nicha dans son cou, alors que sa main venait caresser ses cheveux d'ébène. Comme il aimait les peigner au petit matin, quand elle était encore toute endormie et que ses yeux n'étaient que des croissants de lune!

« Eh bien, si c'est là ce que tu penses de moi, je dois m'en montrer digne. Je te donnerai le meilleur de moi-même. »

« – Tu le fais déjà si bien. »

« – Mais je peux te donner encore plus! »

Il lui embrassa le front, affectueusement.

« Je peux t'offrir de rares bijoux. Des châles de laine de vigogne. Les plumes d'oiseaux qui n'existent même pas sur ce continent! »

« – Athanaos. »

« – Des bracelets d'opale des îles aborigènes? »

« – Naoooooos. »

« – Quoi? N'est-ce pas assez pour toi? Sache que je pourrais sauter dans le cratère d'un volcan actif pour en pêcher les plus beaux morceaux de verre d'obsidienne pour t'en faire des souliers! »

« – Voyons, Naos! Tu sais bien que je n'ai pas besoin de tout ça! »

Elle rit à sa liste stupidement longue de richesses matérielles, et l'étreignit plus encore.

« Non? », demanda-t-il, étonné. « Mais alors, que voudrais-tu? »

Elle fit mine d'y réfléchir.

« Eh bien...j'aimerais bien avoir du coton, pour t'en faire des vêtements. »

« – C'est un peu bas, tu ne crois pas? Tu mérites mieux que ces tâches domestiques. »

« – Ça ne me gêne pas. J'aime bien cette idée. »

Elle sourit, contemplant l'océan.

« Je te tisserai de solides vêtements, alors que tu navigues sur un océan houleux. Je m'occuperai de l'entretien des cordes et des roseaux alors que tu traces notre route. Et quand tu m'auras appris l'art de naviguer, je prendrai la barre de nuit pour que tu te reposes. »

Sa main entoura la sienne.

« On sera un équipage formidable. », sourit-il. « Voyageant sur les mers, sans rien pour nous retenir. Ce sera juste toi et moi. »

« – Juste toi et moi. »

Elle acquiesça, heureuse à cette idée. Juste eux deux, leur navire, et la mer bleue tout autour.

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Mais toutefois...une petite voix de doute lui chuchota à l'oreille une question sur laquelle il ne s'était pas encore penché. Et ça le fit réfléchir pendant un moment, son regard fixé sur l'eau qui léchait les roches de ses gouttelettes d'écume. Il regarda sa compagne, et remarqua qu'elle affichait une légère moue pensive.

« Killa? »

Elle se tourna vers lui.

« Je...je sais que ça va te sembler étrange comme question, mais... »

Oh, Coyolite. Il ne saurait pas trouver les bons mots, n'est-ce pas? Il ne ferait que rendre les choses plus difficiles encore…

« ...mais? »

« – Mais...est-ce que tu penses que...c'est juste hypothétique, bien sûr, et en rien une vraie demande, mais...est-ce que tu voudrais que...qu'un jour, toi et moi... »

Il respira profondément.

« Est-ce que tu voudrais que toi et moi, nous ayons...de la compagnie? »

Elle haussa un sourcil.

« ...de la compagnie? »

« – ...de la compagnie. »

Il avait définitivement choisi les mauvais mots, pas vrai? Elle n'eut pas l'air de comprendre.

« Tu...voudrais emmener Hermès avec nous? »

« – Quoi? Oh, non, c'est...je veux dire, il est très bien là où il est. C'est juste que... »

Le feu lui monta aux joues, et il se détourna.

« ...oublie. Je crois que c'est encore un peu tôt pour penser à ça...et de plus! Nous devrions profiter de notre vie actuelle. La vie en haute mer ne sera pas de tout repos, et il nous faudra nous y habituer. On ne va pas...on ne va pas y ajouter de nouveaux éléments tout de suite. C'est plus sage. »

Elle le regarda intensément, puis sourit.

« Je ne savais pas que tu avais un tel côté. »

Oh oh.

« Un tel côté? Quel côté? », nia-t-il.

« – Oh, tu sais bien de quoi je parle, Messire Est-Ce-Que-Tu-Veux-De-La-Compagnie. »

« – Non c'est pas vrai. »

« – Si c'est vrai. »

« – Nnnnnon c'est pas vrai. »

Elle lui tapota la joue, et il regarda ailleurs, embarrassé. C'était dur de se retenir de rire devant ses doigts et leurs chatouilles!

« Allez, avoue-le! Tu n'es qu'un gros chaton là-dedans. »

« – Je ne vois pas de quoi tu parles. »

« – Un gros chaton aux airs de marin gaillard! C'est ce que tu es. »

« – Je refuse d'admettre en aucune sorte de telles accusations! »

Elle sourit malicieusement, et avant qu'il ne s'en rende compte, elle l'avait cloué au sol, dans l'herbe.

« Oh, ce sont loin d'être des accusations, Naos. C'est la vérité. »

Elle lui embrassa le nez.

« Et la vérité, c'est que j'ai épousé un homme adorable, au cœur aussi doux que du miel. »

« – D'accord, là tu me flattes. »

« – Peut-être bien. »

Elle lui tapota le nez.

« Qu'est-ce que tu vas faire~? »

« – Eh bien...pour commencer, ça. »

Il prit son visage dans ses mains, et l'embrassa profondément. Le geste la surprit, la fit couiner, mais très vite elle s'y attela. Elle prit même les devants, lui arrachant plus de sons adorables, ses mains descendant le long de son corps pour le sentir remuer et rougir. Très vite, cette sensation agréable revint se loger en elle, au creux de ses reins, et elle bougea les hanches sans même y penser, ce à quoi il répondit de même. Il voulait sentir son corps se presser contre le sien, plus près encore qu'ils ne l'avaient jamais fait, et toutes sortes de pensées secrètes lui revinrent en tête. Très vite, la chaleur du moment, l'émergence de ses désirs refoulés, le besoin vital de se rapprocher d'elle se réveillèrent sous son toucher, et son corps réagit de plus belle, la sensation s'intensifiant au point de devenir intime. Confuse de cette réaction, elle le regarda alors, et rencontra son regard tout aussi hésitant que le sien. Le silence régna pendant quelques secondes, durant lesquelles elle pouvait sentir la chaleur de son corps sous ses mains.

Il n'y avait rien autour d'eux sinon le murmure de l'océan, le bruissement des hautes herbes et la caresse du vent chaud. Son cœur battait à s'en rompre, et il ne le ressentait pas que dans sa poitrine. Tout doucement, il se frotta contre sa cuisse, comme pour lui demander de continuer; et un instant plus tard, elle en fit de même. Il sourit, rassuré, et laissa ses yeux se fermer pour mieux apprécier l'instant. Guidée par ce sentiment qu'elle savait maintenant mutuel, elle l'enlaça de ses bras et l'embrassa à nouveau, laissant son corps se détendre alors qu'il lui rendait ses affections.

C'était un moment où plus rien ne semblait compter, où toute notion de bon sens avait quitté leurs esprits, pour ne laisser que leurs instincts humains basiques guider leurs gestes. L'hésitation laissa place à la certitude, la tentation à l'envie, et les quelques doutes qu'ils avaient encore se turent pour les laisser faire ce nouveau pas vers l'inconnu. Ils n'eurent qu'à s'échanger un regard attendri, une caresse délicate, un hochement de tête complice, avant de s'abandonner l'un à l'autre sans regrets. Et pendant un temps, plus rien au monde n'importerait alors que ces deux amoureux, ici et maintenant.
Modifié en dernier par Sandentwins le 21 sept. 2019, 11:09, modifié 4 fois.
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Re: "Sa Machine Ailée" et autres histoires

Message par Amaya »

" un homme adorable, au cœur aussi doux que du miel. "


:-@ C'est totalement ça !
PS : je commence la lecture de "Sa Machine Ailée" ce soir.
" Esteban, ne soit pas triste, ne soit pas inquiet. Tu as, toi aussi, ta propre route à continuer. Pour devenir vraiment grand, vois-tu mon enfant, un fils doit dépasser son père."

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Re: "Sa Machine Ailée" et autres histoires

Message par Sandentwins »

:condor: Nos Chemins sous la Lune - 32-35 :condor:

Avec la venue de l'hiver, la construction du bateau dut ralentir, vu que les matériaux devenaient difficiles à trouver. Mais les deux amoureux parlaient toujours avec excitation de leurs nombreux plans de voyage et de leur départ prochain, qui était sûrement leur sujet de conversation favori.

Car il fallait l'avouer, c'était difficile pour eux de trouver quiconque d'autre à qui parler. Killa en fut la plus surprise, elle qui avait l'habitude d'être reçue poliment partout où elle allait; mais désormais, presque personne n'acceptait de la regarder en face. Elle savait que sa disparition soudaine du Temple du Soleil ferait poser quelques questions, mais jamais elle n'aurait pensé recevoir tant d'indifférence et de froideur. Et pour être honnête, même si elle était plutôt solide d'esprit, sa sensiblerie en prit un gros coup.

Elle ne savait pas quoi en faire. Elle ne voulait pas s'en embrouiller, mais elle savait qu'elle devait réagir et savoir dire non. Mais elle n'avait vraiment aucune idée de quoi faire. Est-ce que ça valait la peine de demander le respect de gens qu'elle allait quitter bientôt? De se réconcilier si elle n'allait plus jamais les revoir de toutes façons? Athanaos lui disait qu'elle s'inquiétait pour rien, que les gens ne seraient pas ainsi pour toujours. Et elle n'avait pas d'autre choix que d'accepter, car elle ne pouvait rien y faire d'autre.

Il faisait de plus en plus froid par ici. L'air glacial de la montagne descendait sur eux, et les pluies étaient de plus en plus fréquentes. Elle était certaine de voir venir une autre mauvaise année pour les récoltes, et elle ne tenait pas à s'éterniser ici.

Elle ne voulait pas voir une autre de ses petites sœurs se faire enlever.

Elle resserra la cape autour de ses épaules alors qu'elle avançait dans l'herbe haute, ses pieds retrouvant vite le petit chemin de graviers qui menait chez eux. La vue de la petite cabane en bois lui réchauffa le cœur, car c'était le seul endroit où elle pourrait encore trouver le confort et le repos.

Le parfum des plantes bouillies accueillit son arrivée, apportant de la chaleur à ses joues et des fleurs à son nez. Athanaos était assis à sa table de travail, vérifiant une recette dans son livre, et se releva pour l'étreindre quand elle entra.

« Tu as fait une bonne promenade, ma douce? »

« – Ç’aurait pu aller mieux, mais je te remercie de t'inquiéter. »

Elle lui embrassa le nez, et s'assit sur le lit, le regardant travailler. Ils n'avaient commencé à partager leur lit que récemment, quand le temps était devenu trop froid pour dormir séparément. Et bien que l'idée soit étrange, elle aimait se réveiller dans ses bras, quand bien même elle n'avait guère encore l'habitude.

« Qu'est-ce que tu prépares, aujourd'hui? »

« – Eh bien, avec l'hiver qui arrive, tu te sens de plus en plus fatiguée. Donc je me suis dit que je pourrais fabriquer quelque chose pour te redonner du tonus. »

« – Tu es si attentionné. », sourit-elle. « Je ne te mérite pas. »

Il gloussa, versant un verre de préparation, et s'assit près d'elle pour le lui donner.

« Mais si. »

« – Oh, d'accord, si tu insistes. »

Ça avait un goût d'agave. Elle sirota pensivement, contemplant une tapisserie sur le mur.

« Quand pourrons-nous reprendre la construction? », demanda-t-elle au bout d'un moment.

« – Tu es si pressée de partir? »

Elle ne répondit pas, regardant toujours devant elle.

« Il nous faudra attendre que le temps se calme un peu. », répondit-il. « Et que les roseaux repoussent. Si on avait moins de pluie, on pourrait au moins progresser un peu. »

Lentement, les doigts de Killa se glissèrent dans la bourse à son cou, pour en tirer le petit disque solaire.

« Je croyais que les Atlantes pouvaient contrôler le soleil? », demanda-t-elle.

« – ...en théorie, certes. Mais ne me le demande pas. Ça fait si longtemps que personne n'y est parvenu...je crois bien que ce pouvoir a totalement disparu. »

« – Ça ne coûte rien d'essayer, non? »

Il roula les yeux.

« J'aurai l'air stupide si ça ne marche pas. »

« – Personne ne te verra sauf moi. »

Il soupira, mais ne rejeta pas l'idée.

« Très bien. On n'a qu'à voir ça, veux-tu? »

Il lui offrit la main, et elle l'accepta, pour le suivre au dehors.

La pluie avait commencé à tomber, picorant les route et les toits et les arbres, recouvrant le monde d'un frais voile humide qui bientôt devint une gêne mouillé. Ses vêtements s'arrosèrent à la simple pensée de toute cette pluie, et elle se blottit un peu plus au bras d'Athanaos.

« Bon...je me lance. »

Il s'avança, et leva un bras vers le ciel pluvieux, comme pour l'atteindre.

Et il se mit à crier en grec. 

« Hélios! Étoile de vie, un enfant de l'Atlantide te commande! Descends du ciel sur l'heure, et fais briller ta lumière sur cette terre! Je te l'ordonne! »

Sa voix était si forte qu'elle résonna à travers les collines, comme un ordre. C'était facile de croire qu'avec tant de confiance, cette stratégie fonctionnerait. Mais pourtant, tout ce qu'Athanaos réussit à faire fut de se rendre ridicule, et encore plus trempé.

Killa haussa un sourcil.

« Si tu parles au soleil sur ce ton, pas étonnant qu'il refuse de se montrer. »

Il baissa le bras, ennuyé par son échec.

« Bon, alors comment ferais-tu, chère vestale d'Inti? », demanda-t-il.

Elle regarda le ciel, les nuages qui se déversaient sur la terre. Puis, lentement, elle s'agenouilla et joignit les mains.

« Puissant Soleil, toi qui donnes vie à cette terre et la bénis de ta chaleur. Écoute ma prière. Je t'en supplie, chasse les nuages et stoppe la pluie, que ta lumière rayonne à travers les ténèbres. »

Vestale un jour, vestale toujours. Athanaos la regarda avec incrédulité, puis le soleil. Elle savait que ça ne marcherait pas, qu'elle n'avait aucun pouvoir sur le soleil, et c'était blasphème de prétendre en avoir. Enfin, du blasphème ou alors la façon d'Athanaos.

Tout un peuple, ayant plein contrôle sur le soleil. De toute sa vie au temple à servir ce même soleil, elle n'avait jamais rien entendu de tel. Quand Athanaos lui parlait de ses origines, elle ressentait toujours une certaine incrédulité, une part de doute en elle, car de telles histoires ne pouvaient pas être vraies. Mais plus elle y pensait, plus elle pensait à ces êtres inconnus aux yeux d'or, plus elle pensait à celui qu'elle avait épousé...plus elle se disait que peut-être il y avait une part de réalité dans ses dires. Plus elle se disait qu'il y avait réellement eu un peuple, au-delà des océans, qui était né de la lumière du soleil elle-même.

Plus elle se demandait s'ils l'auraient acceptée parmi eux. Si de tels êtres auraient voulu d'une vestale déshonorée, qui ne trouvait plus sa place dans sa patrie natale. Mais plus elle pensait à Athanaos, et plus elle se disait que si ses ancêtres étaient comme lui...ils lui auraient certainement laissé une place.

« ...attends voir. »

Elle releva la tête, interrompue dans ses pensées, et vit les nuages commencer à s'éclaircir. La pluie ralentissait, se calmait. Maintenant ce n'était plus qu'une petite bruine qui tombait doucement sur la terre, apportant fraîcheur et paix. Et en effet, à travers les nuages, quelques maigres rayons de soleil se montraient.

« Oh...brillante Coyolite, ça a marché! Tu as réussi! »

« – Je n'ai rien fait. », dit-elle, se relevant. « Tout est une question de respect. »

« – Alors tu l'as respecté avec brio. J'en suis impressionné. »

Il s'inclina comme si elle venait d'effectuer une splendide pirouette. Elle gloussa, et retourna sa courtoisie, mais s'arrêta sous le coup d'une soudaine douleur.

« ...qu'est-ce qui ne va pas? », demanda-t-il, inquiet.

« – Rien, rien. »

Elle toucha son abdomen, là où ça lui avait fait mal.

« Je me fais vieille si je ne peux même plus me pencher. », plaisanta-t-elle.

« – Tu devrais te reposer, jusqu'à ce que la pluie se passe. »

Il lui toucha doucement la joue, inquiet. Et elle vit alors qu'il regardait quelque chose sur son visage.

« Tes yeux...est-ce qu'ils brillent toujours comme ça? »

Elle les cligna de confusion.

« Mes yeux ne brillent pas. C'est juste la lumière. »

« – Non, je veux dire...je sais que tu as les yeux gris. Mais maintenant, on dirait...ils ont presque l'air dorés. »

« – Tu veux dire...comme les tiens? »

Il ne répondit pas. Il se contenta de lui prendre la main, et de l'emmener à l'intérieur, pour lui montrer un petit miroir. Killa contempla sa réaction stupéfaite pendant un moment; et elle vit alors qu'en effet, ses yeux avaient désormais une faible couleur dorée.

« ...c'est pour le moins étrange. », dit-elle en reposant le miroir. « Je sais de quelle couleur sont mes yeux, tout de même! »

« – Il faut faire attention, c'est peut être un signe de maladie... »

Il réfléchit un moment. Il sembla avoir une idée, mais la repoussa aussitôt.

« Ça expliquerait tes problèmes de sommeil, et tes douleurs au ventre. »

« – Naos, je vais bien. Tu sais que je te dirais s'il y avait quoi que ce soit qui n'allait pas, n'est-ce pas? »

« – Je sais. »

Il lui prit les mains.

« Mais je ne veux pas qu'il t'arrive quoi que ce soit. »

« – C'est si gentil de ta part. Mais fais au moins l'effort de me faire confiance, d'accord? »

« – ...d'accord. »

Elle sourit, et l'étreignit fort. Elle savait que les choses s'arrangeraient, que ce n'était rien de grave. Elle n'avait pas à s'inquiéter, pas avec un mari aussi doux et attentionné à ses côtés.

Elle ignorait si c'était l'amour, la préparation ou quelque chose de tout à fait différent; mais plus tard ce jour-là, quand le soleil revint enfin, elle remarqua une étrange chaleur se lover dans son ventre.

~~~~~

Athanaos avait vite remarqué la bonne humeur de sa femme. Il l'avait mise sur le compte d'un temps plus clément, et de la construction du bateau qui avait désormais une vraie coque. Mais plus le temps passait, et plus il se disait que quelque chose avait changé chez elle.

Pour commencer, elle s'intéressait de plus en plus à la couture, ces jours-ci. Elle passait des heures à tisser et tricoter des motifs complexes, mais dès qu'il essayait de voir ce qu'elle faisait, elle le cachait et disait que c'était une surprise. Ils avaient déjà assez de vêtements, donc il se demandait bien pourquoi elle en faisait tant.

Ensuite, elle sembla redoubler de timidité. Elle n'avait plus envie de dormir dans le même lit que lui, et avait globalement une pire image d'elle-même, au point de s'énerver s'il osait la regarder quand elle s'habillait. Il n'y voyait pas d'inconvénient, il savait qu'elle n'était pas encore très à l'aise avec la vie de couple; et quand bien même cela faisait un peu plus de six mois qu'ils s'étaient mariés, elle méritait autant d'intimité que quiconque. Donc il lui donnait toutes les accommodations qu'elle demandait, sans jamais se plaindre.

Elle avait l'air d'être en bonne santé, toutefois elle se plaignait parfois de symptômes étranges qu'il ne comprenait pas. Elle se fatiguait souvent, avait des maux de ventre même quand elle mangeait à peine, et son humeur avait tendance à empirer d'une soudaine saute. Il faisait de son mieux pour être là à chaque fois qu'elle en avait besoin, et elle insistait qu'elle allait bien, même si parfois elle mentait avec si peu de conviction qu'il n'avait pas d'autre choix que de la forcer à se reposer ou prendre son médicament. Et elle obéirait sans entrain, pour ne pas l'inquiéter plus.

Malgré sa condition, elle insistait toujours pour l'aider sur la construction du navire. Elle s'occupait de rassembler les matériaux, de tisser des voiles et tresser des cordes, de l'aider à porter de lourdes pièces et de réparer les outils. Ensemble, ils avaient beaucoup progressé au cours de ces derniers mois, et ils ne doutaient pas de pouvoir prendre la mer d'ici l'été.

Toutefois, il ne comprenait pas pourquoi elle insistait tant pour apporter des changements aux plans originaux. Par exemple, pourquoi voulait-elle faire les barrières du point plus resserrées, comme des barreaux de cage? Ça n'ajoutait rien d'esthétique. Et pourquoi tenait-elle à ajouter plus d'espace habitable? Ils avaient déjà tout ce dont ils avaient besoin pour vivre à deux. Il était convaincu qu'elle lui cachait quelque chose, et il ne saurait dire quoi. Mais à en voir sa santé, il ne voulait pas se mettre à chercher. Il savait qu'elle lui dirait bientôt, ou qu'elle avouerait que ce n'était qu'une fantaisie. Peu importe la raison, il respectait ses demandes et ajoutait les ajustements qu'elle demandait. Elle était malade, et il ne fallait pas la contrarier. Et puis, ça la rendait heureuse, donc pourquoi pas?

Il adorait la rendre heureuse. La voir sourire était sa plus grande fierté, et il adorait chacun de ces moments. Même si elle était ronchonne et malade, ses moments de joie illuminaient sa journée comme le soleil après la pluie. Elle était sa petite femme, et il voulait la chérir et la pomponner comme si rien d'autre au monde n'avait de l'importance. Elle était dans une mauvaise passe, et elle avait besoin de soutien et d'amour.

Tout irait bien. Et tout allait bien, en effet. Jusqu'au jour où il comprit enfin.

Un soir, elle lui offrit un présent, sous la forme d'un paquet enveloppé.

« Qu'est-ce qu'on fête? », demanda-t-il, à la fois amusé et confus. « Je n'ai pas de cadeau à t'offrir... »

« – Ne t'en fais pas, ce n'est pas grave. Mais je pense qu'il est temps que je te dise quelque chose. »

Il ne comprit pas, ce à quoi elle l'invita à ouvrir le paquet. Et lorsqu'il le fit, son contenu le surprit.

Il y avait des vêtements: de touts petits vêtements, de coton fin aux motifs intriqués. Un petit panier tressé, garni de couvertures. Et Athanaos ne comprit toujours pas, jusqu'à remarquer ce qui ressemblait en effet à une poupée.

C'était une adorable petite poupée de bois sculpté, ayant la forme d'une petite fille Inca. Elle avait des cheveux de laine et de mignons habits, et ses yeux étaient de petites pierres rondes.

Il la tint dans ses mains, caressant les traces de gravure qui avaient donné forme à son petit corps au fil de longues heures de travail, ainsi que ses épais cheveux bruns. Peu à peu, les vêtements, le berceau, le bonheur de sa femme se mettaient à faire sens. Il la regarda, et elle lui sourit, avant de doucement prendre sa main et de l'amener à son ventre.

Il ouvrit de grands yeux, et comprit enfin.

« N'est-ce pas merveilleux? », demanda-t-elle avec un grand sourire. « Bientôt toi et moi aurons enfin de la compagnie. »

Sa main caressa son ventre, sentant à quel point il s'était arrondi. Comment avait-il pu ne pas le remarquer? Il se sentait si stupide...mais ce sentiment se dissipa vite, noyé dans une félicité qui se mit à pétiller en lui, alors qu'il réalisait tout ce que cette révélation voudrait dire.

Il la regarda, son sourire si grand et ses yeux se couvrant presque de larmes; et la seconde d'après, il la serra fort dans ses bras, riant de bonheur. Et elle retourna son rire, l'étreignant tout aussi fort.

Il n'en revenait pas. Il allait être papa!

~~~~~

Les étoiles étaient si calmes dans le ciel au dessus des collines. Le vent était chaud et doux, apportant la prélude du printemps sur la terre. Les fleurs s'ouvraient, les animaux folâtraient, et tout reprenait vie. La nature reprenait le dessus, sans qu'on ne puisse l'arrêter.

Killa parcourait des yeux l'immensité des étoiles comme un bateau dans une mer noire étincelante, regardant et reconnaissant les constellations qu'elle a contemplées durant des années. Elle se sentait fière de pouvoir les nommer et de s'en servir pour définir sa latitude, comme un vrai marin.

« Est-ce vrai qu'il y a d'autres constellations que celles-ci, dans d'autres endroits du monde? »

« – C'est vrai. », répondit Athanaos, lui caressant les cheveux. « Si on va au nord, je te montrerai leur noms. »

Sa tête reposait sur sa cuisse, ses mains posées sur son ventre rond. Sous ses doigts, elle pouvait sentir les faibles mouvements du bébé, qui commençait à s'agiter. Cette sensation restait très nouvelle pour elle, mais un petit coup de pied ou de main était tout ce qu'il lui fallait pour se sentir aussi heureuse que possible. L'idée de porter la vie en elle était quelque chose de sacré, un cadeau des dieux, et elle avait si hâte de lui donner le jour.

« Quels genres de noms? »

« – Par exemple...il y a Cetus, la baleine. Andromède, la femme captive. Pégase, le cheval ailé. »

« – Quels noms étranges. »

« – Ce n'est pas moi qui les ai choisis. »

Sa propre main descendit doucement, pour toucher la sienne, et se poser sur la rondeur de ses vêtements.

« Tu sais...il y a un nom que tu peux choisir dès maintenant, si tu veux. »

« – Je sais. Mais pour être honnête, j'hésite. »

Elle sourit. Si les Incas ne nommaient pas leurs enfants dès leur naissance, les Atlantes faisaient ainsi. Et elle n'avait pas envie d'attendre pour voir si son enfant allait survivre sa première année ou non: car elle en avait la conviction. Il ne pouvait être autrement.

« À quoi ressemblent les prénoms Atlantes? »

« – Pour être honnête...je n'en sais rien. Ils sont soit perdus, soit assimilés dans d'autres langues. Ou alors, ils sont juste ridicules.

« – Ces mots viennent-ils vraiment de la bouche d'un homme nommé Athanaos? »

« – Oh, ne recommence pas, Lulune. »

Il lui toucha le nez, ce qui la fit rire.

« Et toi? », demanda-t-il. « Tu as des idées? »

« – Quelques unes, oui. »

Elle caressa son ventre, pensivement. En repensant à quelqu'un qu'elle avait connu, sur qui elle avait longtemps veillé. Une fille qu'elle avait aimé comme une sœur.

« Surtout si nous avons une fille. »

Il acquiesça, comprenant là où elle voulait en venir.

« Et si c'est un garçon? »

« – Je ne connais pas vraiment de noms de garçons. Et toi? »

Il haussa les épaules.

« Juste les noms des villageois. Et je ne veux pas nommer mon fils d'après eux. »

« – C'est bien vrai. Ils deviennent de plus en plus acerbes avec nous, et je refuse de leur faire cet honneur. Même la doyenne du village ne cache plus sa haine pour moi, désormais. »

Il regarda le ciel, pensivement.

« En fait...je crois qu'il y en a un qui me plaît. »

« – Dis toujours. »

« – Pendant mon voyage vers le pays Maya, j'ai rencontré un agréable jeune garçon. C'est sa mère qui a fait la couverture. Il s'appelait Wayra. »

Killa réfléchit.

« Wayra. J'aime bien ce nom, il va comme un coup de vent. »

« – En effet. Donc...Wayra si nous avons un garçon, Sumailla si nous avons une fille. »

« – Et si notre enfant n'est ni l'un ni l'autre? »

« – Ah, c'est vrai. Dans ce cas...on pourrait le nommer d'après un élément de la nature. Une fleur, un animal. »

Elle regarda le ciel.

« Une constellation? »

« – On pourrait faire ça! Tu imagines, avoir un bébé nommé Phénix ou Verseau? Ce serait génial! »

« – Réflexion faite, je vais m'occuper du prénom. »

Il la bouda, et elle rit de son mignon visage. Qu'il était adorable quand il s'en donnait la peine!

« Mais son prénom n'est pas grave. Car de toutes façons, ce sera un moment magique. J'ai tellement hâte! »

« – Moi aussi... »

Il soupira.

« ...mais je m'inquiète toujours. »

« – Vraiment? »

Elle se releva quelque peu, pour le regarder en face. Il était à nouveau tout pensif, comme s'il se rappelait d'un mauvais souvenir.

« Pourquoi, as-tu peur de ce qu'on dira de nous? »

« – Il faut voir les choses en face. Les gens d'ici ne m'aiment pas vraiment...qu'est-ce qui me dit qu'ils changeront pour lui? »

Elle détourna le regard, essayant de ne pas se faire de ses inquiétudes. Mais elle ne pouvait ignorer les murmures et les médisances qui fusaient dès qu'ils sortaient voir d'autres gens. Était-ce une vie à donner à un enfant? Pouvaient-ils élever leur bébé dans la honte, lui apprendre à éviter le regard des autres, supporter le voir rester sans amis, rejeté partout où il irait? Cette pensée lui déchira le cœur, mais elle essaya de l'ignorer.

« Tu sais bien qu'ils n'oseront jamais. Je ne les laisserai pas faire. »

Elle lui prit fermement la main. Elle savait à quel point les gens d'ici savaient se montrer bornés. Mais malgré tout, elle voulait rester optimiste.

« Donne-leur du temps, et ils verront à quel point tu es quelqu'un de formidable. Ils te verront comme moi je te vois. Et ils se tairont, et nous aurons enfin une vie normale. »

Il sourit, un sourire triste mais attendri. Doucement, il lui embrassa les doigts, laissant sa main prendre sa joue en coupe.

« Je me demande vraiment ce que j'ai fait pour te mériter, mon cœur. »

« – Tout d'abord, tu as soudainement oublié comment naviguer lorsque tu t'es retrouvé devant une côte inoffensive. Puis tu as fait comme si de rien n'était, comme si tout allait bien. Et depuis, je n'ai fait que m'en assurer. »

Il pouffa à l'énumération conséquente des choses stupides qu'il avait faites. Tout résumer comme les conséquences de son seul et unique naufrage n'était certes pas la meilleure façon de faire, mais au moins ils ne parlaient plus de destins.

« – C'est vrai que c'est une façon unique de voyager. Mais va pas croire que mon expérience m'a quittée, au contraire! »

Il pensa à leur bateau, leur future maison. Le voyage qu'ils feraient, les endroits qu'ils visiteraient.

« Tu vas voir, trésor, je te montrerai tout ce qu'on peut montrer! »

« – Vraiment? »

« – Vraiment!! »

Elle adorait la façon dont ses yeux s'illuminaient de rêves dès qu'il parlait de ses voyages. Ses doigts caressèrent ses traits, que l'excitation semblait rajeunir de plusieurs années.

« J'ai hâte de te montrer tout ce que j'ai vu dans mes voyages. Les magnifiques dunes chinoises! Les lacs miroir du nord! Les temples hindous avec leurs milliers de statues!! »

« – Voyons, ne me gâche pas la surprise! », pouffa-t-elle, lui tapotant le visage. « Tu sais bien que je peux attendre, ma gazelle. Après tout, j'attends déjà la venue de Wayra. »

Elle caressa son ventre. Autant elle voulait une petite fille, autant elle avait un léger pressentiment, purement maternel, que les choses ne se passeraient pas ainsi.

« Je sais. Et ne va pas croire que je ne lui en montrerai rien. Dès qu'il arrive, on embarquera tous les trois, vers l'aventure! »

« – Dès qu'il arrive? »

Pourrait-elle prendre la mer, avec un corps affaibli par l'enfantement et un nouveau-né fragile sur les bras? Elle se mordilla la lèvre, hésitante.

« Ce serait risqué… Ne pouvons-nous pas attendre quelque temps, et garder l'aventure pour plus tard? »

« – ...je savais que tu dirais ça. »

Elle se releva avec difficulté, et regarda son visage élusif. Elle savait qu'il voulait partir dès que possible, et chaque délai serait un nouveau problème. C'était évident qu'il ne voulait pas s'éterniser là où il était craint et haï. Elle ne pouvait s’empêcher de s'en sentir coupable.

« Es-tu fâché? », demanda-t-elle silencieusement.

Il la regarda, et sembla se rendre compte de l'impolitesse de ses mots.

« – Non, non, pas du tout, mon cœur! »

Il se hâta de lui prendre les mains, pour les caresser.

« Je ne peux pas me fâcher contre toi. Pas après tout ce que tu as fait pour moi. »

Elle sourit, le laissant embrasser ses doigts. Elle le prit alors dans une douce étreinte, pour sentir la chaleur de son corps l'envelopper. Se sentant un peu à l'étroit, le bébé donna alors un faible coup de pied, qui les fit cesser l'étreinte; mais elle continua de tenir ses mains, et le fit la regarder.

« Je ferai tout ce qu'il te faudra. Tu sais que je donnerais ma vie pour toi, pour que nous restions ensemble. »

Elle ne savait pas pourquoi elle avait dit cela; mais sur le coup, elle le pensait vraiment. Sans doute qu'un peu de solennité ne ferait pas de mal.

Il ne répondit pas, sans doute car il n'y avait aucun besoin de le faire. Il se contenta de la prendre dans ses bras; et ensemble, ils se remirent à contempler les étoiles.

~~~~~

L'été revint, ramenant de la chaleur sur le pays. Les récoltes étaient maigres, à peine plus grandes que celles de l'année dernière, mais jusqu'ici aucune nouvelle de famine n'était parvenue, ce qui faisait garder l'espoir. Le bateau était presque fini, et Athanaos était excité comme une puce à la vue de ce magnifique hybride d'architecture Inca et Européenne, qui n'attendait que de mettre voile sur le bleu de l'océan. Mais malheureusement, sa construction dut s'arrêter au dernier moment; car un jour, sans prévenir, Killa perdit les eaux.

Et son mari ne pouvait pas s'inquiéter plus que maintenant. Déstabilisé, malgré les protestations de sa femme, il avait pu l'emmener au village, sous les yeux stupéfaits de tout le monde, pour supplier l'aide des guérisseurs afin de l'aider à enfanter. Le temps qu'ils acceptent finalement de lui venir en aide, le travail avait déjà commencé, et presque tout le village avait appris du destin de la traître, déloyale vestale du soleil, et de l'étranger maléfique et prédateur qui l'avait séduite. Il voulait être avec elle, pour la supporter dans son labeur, mais les guérisseurs lui dénièrent ce droit, et le forcèrent à rester dehors, à se faire juger par tous ceux qui le voyaient. À écouter les cris de douleur de sa femme, alors qu'elle mettait leur enfant au monde.

Et il s'en sentait horrible. Il lui avait causé cela, il l'avait fait vivre la douleur et l'humiliation, et il ne pouvait même pas être avec elle alors qu'elle avait besoin de lui.

Il n'écouta pas ce qu'ils dirent. Il n'écouta pas les insultes qu'ils lui lançaient comme des balles. En ce moment, il ne s'inquiétait que d'une chose dans tout l'univers, et tout le reste n'existait plus. Qu'ils l'insultent, qu'ils le menacent s'ils voulaient: mais jamais il ne s'adonnerait à leur jeu.

Jamais il ne serait aussi haineux.

Il fallut du temps. Il fallut presque toute sa santé mentale. Mais alors, quand le premier cri du bébé lui parvint aux oreilles, l'espoir brûla dans son cœur comme une forêt incendiée.

Il courut. Il se fraya un chemin à l'intérieur malgré les protestations et la résistance, guidé par un instinct primal qui venait tout juste de faire surface en lui. Il repoussa les guérisseurs en colère, et ne s'arrêta pas avant d'être aux côtés de Killa, de pouvoir enfin lui tenir la main.

De voir son enfant, pour la toute première fois.

C'était un adorable petit garçon, avec déjà quelques touffes de cheveux bruns sur la tête. Il était encore rouge et bouffi, pleurant de toute la force de ses petits poumons; mais en ce moment, en ce moment même, Athanaos sentit cette flamme ardente s'installer pour rester, sous une nouvelle forme qu'aucun sourire, qu'aucune larme ne saurait jamais dire.

« Salut, petit gars. », salua-t-il, sa voix tremblant d'émotion. « C'est si bon de te rencontrer enfin, Wayra. »

Killa avait l'air épuisée, haletant et suant encore. Elle ouvrit de faibles yeux, et sourit à la vue de son enfant, leur enfant. Doucement, elle lui embrassa la tête, l'amenant plus près pour le serrer contre son cœur, pour calmer ses cris vivants. Et en cet instant, Athanaos sut que rien ne pourrait jamais dépasser ce bonheur qu'il sentait.

Car presque aussitôt, quelqu'un cria au dehors. Et d'autres voix y firent écho, dans une panique soudaine venue de nulle part. Athanaos leva la tête, et vit alors ce qui se passait au dehors.

Ils étaient en plein milieu de la journée, et le soleil brillait haut et fort; mais soudainement, sa lumière avait baissé, comme si cachée par de la fumée. Il vit que les nuages étaient devenus noirs, couvrant le ciel comme une nuit qui s'était abattue sans prévenir.

En un rien de temps, le monde avait été plongé dans un noir froid et vide.




Le prochain chapitre sera la conclusion. Accrochez-vous à vos slips, et si vous n'en portez pas, accrochez-vous à celui de votre voisin.
Modifié en dernier par Sandentwins le 21 sept. 2019, 11:30, modifié 2 fois.
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Message par TEEGER59 »

Sandentwins a écrit : 09 août 2019, 14:29 Le prochain chapitre sera la conclusion. Accrochez-vous à vos slips, et si vous n'en portez pas, accrochez-vous à celui de votre voisin.
:x-): :x-): :x-):
Et si on a pas de voisin?
Il va falloir que je lise tout ça dès que j'aurai un peu de temps.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
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Message par Sandentwins »

Tu peux prendre le mien.


:condor: Nos Chemins sous la Lune - 36-37 :condor:

Trois jours ont passé depuis la disparition du soleil. Et Killa n'avait même pas à tendre l'oreille, pour entendre le chant frénétique des vestales.

Elle regarda au dehors, sourcils froncés, essayant de voir la lumière à travers la purée de pois. Comment un tel temps pouvait-il être possible? Était-ce une tactique de guerre, inventée pour terroriser les gens jusqu'à ce qu'il se rendent? Non, ça ne pouvait pas venir de la main de l'homme. Une telle obscurité n'était ni poussière ni fumée; ce devait être l’œuvre de démons. Il n'y avait aucune explication à cette ombre menaçante, étendue sur le monde comme les ailes d'un monstre gigantesque qui n'attendait que de les dévorer tout entiers.

Elle revint à l'intérieur, accueillie par la vue d'Athanaos penché sur le berceau, qui essayait d'amuser Wayra par de petites mimiques. Le bébé n'avait pas l'air d'apprécier, reniflant et couinant jusqu'à ce que son père finisse par arrêter.

« Ça ne sert à rien. », conclut-il. « Je me demande ce qui le rend si grognon. »

« – C'est l'obscurité. Ce pauvre enfant n'a jamais vu le soleil de toute sa vie. »

« – Ça m'inquiète. »

Il agita doucement le berceau, pour essayer de le calmer.

« Je me demande ce qui provoque ça. Ça ne ressemble à aucun phénomène météorologique connu... »

« – Ce n'est pas le temps. », insista-t-elle. « Quoi que ce soit, c'est l’œuvre de forces maléfiques. »

Il renifla.

« Des forces maléfiques? C'est un peu trop perché... »

« – Mais réfléchis, Athanaos! »

Elle se tourna vers lui.

« Tu ne trouves pas ça étrange, que ces ténèbres sont apparues le jour même de la naissance de Wayra? Tu ne vois pas ce que ça veut dire? »

Il fronça les sourcils.

« Comment est-ce que ça peut vouloir dire quoi que ce soit? »

« – Le Dieu Soleil est en colère, mon amour. Il en a après moi, car j'ai quitté son culte. Il apportera le malheur sur notre enfant, je le sens! »

Lentement, Athanaos se leva, et lui prit les mains.

« Ce n'est pas vrai. Ça ne se peut pas. »

« – Mais si ça arrivait? Et si...et si Inti se vengeait non sur moi, mais sur notre enfant? »

Sa voix commençait à trembler alors que ses pensées se remplissaient d'horribles images et visions. Des visions de son enfant enlevé, volé à elle, arraché à ses bras, et d'elle pleurant et appelant de désespoir. Elle frissonna de peur.

« Je ne veux pas que ça arrive. Je ne veux pas perdre mon bébé...notre bébé, notre enfant, Athanaos! Je ne veux pas que ça nous arrive! »

Vite, il la prit dans ses bras.

« Et ça n'arrivera pas! Ça n'arrivera jamais! On ne les laissera pas faire! »

Il lui embrassa les cheveux, la tint plus fort encore.

« On partira. Dès que tu iras mieux, on partira loin d'ici. Et rien ne saura nous en empêcher. »

Malgré ses mots rassurants, elle pleurait toujours, sanglotant dans ses bras.

« J'ai peur...j'ai si peur, mon amour. Je ne veux pas qu'il nous arrive du mal... »

« – Rien n'arrivera. Je te le promets. »

Il lui caressa les épaules alors qu'elle pleurait, qu'elle laissait aller tous ses doutes et toutes ses peurs, alors qu'ils coulaient de ses yeux comme un ruisseau sans fin. Depuis la fin de sa grossesse, elle avait tant supporté, et reçu tant de haine de la part de ceux qu'elle considérait autrefois ses amis, que même elle ne pouvait plus résister. C'était juste trop pour elle, et chaque jour qui passait l'amenait plus près du point de rupture. Et cette pensée était la plus horrible de toutes.

« Je ne veux pas...je ne veux pas qu'ils fassent du mal à Wayra. », sanglota-t-elle doucement. « Ni toi, ni aucun de nous. Je n'ai jamais voulu ça... »

« – Je sais. Je suis désolé que tu aies à vivre ça. »

Il lui embrassa les cheveux à nouveau.

« Mais tu n'es pas seule. Je suis là. Nous somme là tous les deux, et on réussira. Et Wayra sera là, avec nous, et tous les trois nous nous en sortirons. »

Elle renifla, la tête cachée dans sa poitrine.

« ...vraiment? »

« – Oui. Vraiment. »

Il lui caressa les cheveux, la tenant tout près. Elle continua de pleurer silencieusement, le laissant la câliner, jusqu'à ce que ses jambes se sentent faibles et qu'elle aie besoin de s'asseoir. C'est alors qu'il vint prendre Wayra dans son berceau, et le lui présenter.

« Regarde. Regarde notre enfant. Vois comme il est en bonne santé. »

Doucement, elle le prit dans ses bras, trouvant la bonne position pour le tenir confortablement. Il s'était calmé, blotti contre son sein, ses petites mains agrippant faiblement le tissu de sa robe. Elle sourit, rajustant quelques cheveux hors de ses yeux, qu'il ouvrit alors. Son souffle se coupa de surprise.

« Regarde! Il a tes yeux! »

Et en effet, le bébé avait des yeux d'or pâle, comme des gouttes de lumière du matin. Athanaos sourit, embrassant son petit front.

« Les yeux d'or d'un Atlante. », dit-il avec fierté. « Et comme tu es le premier-né de la famille, mon fils, je peux te faire cet honneur. »

Et lentement, il enleva le collier de lune, pour le mettre au cou de Wayra. Le pendentif était un peu trop grand sur sa si petite poitrine, mais ajoutait de la chaleur à son teint.

« Quel bijou magnifique. », sourit Killa. « Et le collier n'est pas mal non plus. »

Puis, elle chercha sa bourse, et en retira le disque solaire.

« Mais tu mérites de l'avoir entier. »

Et elle remit le disque à sa place, reformant l'emblème du Soleil. La main de Wayra se referma dessus, timidement, et c'est alors qu'elle crut voir le métal briller faiblement, comme si un rayon de lumière venait de l'illuminer.

Au dehors, le chant frénétique venait toujours du Temple, comme si les voix des vestales étaient amplifiées par l'obscurité des collines. Mais elle savait qu'aucune révérence ne saurait faire revenir le soleil. Rien n'avait marché jusqu'ici, ni prières ni chants ni offrandes.

Ce qui voulait dire qu'ils n'avaient plus qu'un seul recours.

« Athanaos, le but de l'alchimie n'est-il pas de trouver le secret de la vie éternelle? », demanda-t-elle après un moment pensif. 

Il la regarda bizarrement, évidemment surpris d'une telle question.

« Euh...oui, certes. Mais...pourquoi tu demandes ça maintenant? »

« – Et tu as fondé un ordre d'alchimistes, n'est-ce pas? Donc tu dois en savoir des choses. »

« – Je...oui. »

« – Alors... »

Oh, grands dieux. Elle ne saurait pas trouver les bons mots, n'est-ce pas? Elle ne ferait que rendre les choses plus difficiles encore…

« Est-ce que l'on peut offrir l'immortalité à quelqu'un? »

Si il n'était pas agenouillé près d'elle, il serait très probablement tombé à la renverse, à voir le sursaut qu'il eut.

« Hein!? »

« – Je suis sérieuse. Peut-on tromper la mort? »

Ses yeux étaient aussi grands que des écuelles, stupéfaits.

« Mais de quoi tu parles? D'où tu sors de telles idées? »

Elle soupira.

« Réponds-moi juste. Est-ce possible, oui ou non? »

Il était choqué à s'y perdre, on dirait. Devant son insistance, il ne put que hausser les épaules.

« Si...si c'était possible, on le saurait, enfin. On peut vivre plus vieux, mais...mais l'immortalité pure? C'est impossible? »

« – Même en le souhaitant très fort? »

« – Non! C'est...c'est juste impossible, c'est tout! »

Il pencha la tête.

« Pourquoi tu tiens tant à savoir ça, tout à coup? Qu'est-ce que ça a à voir avec...tout le reste? »

Sur le coup, elle se sentit incroyablement stupide. Elle ne put qu'éviter son regard, comme si elle ne saurait expliquer.

« Tu vas croire que je suis stupide. », soupira-t-elle.

Il cligna des yeux, confus. Mais il lui prit gentiment la main, se rapprochant.

« Non. Je...je me demande juste à quoi tu penses, mais jamais je ne te croirai stupide. »

Il lui embrassa les doigts.

« Tu m'as prouvé encore et encore que tu es une femme intelligente, brillante. J'affirme sans doute que si les circonstances avaient été différentes, je t'aurai acceptée avec plaisir dans l'Ordre du Sablier. »

Ça la fit sourire. Cet homme avait un tel talent, c'était extraordinaire.

« Alors je te crois, je suppose. »

« – Bien sûr. Alors, qu'est-ce qui t'inquiète? »

Elle pensa à ses mots pendant un moment. Puis se mit à exposer ses doutes. Les peurs qu'elle avait au cœur, la sensation étouffante de malheur qui pourrait leur tomber dessus à tout moment, comme un couguar dans la jungle attendant de frapper, le bon moment pour surgir de l'ombre. Et alors qu'elle parlait, gardant son bébé contre elle, Athanaos commençait à comprendre.

« C'est...c'est quelque chose de très dangereux dont on parle, mon amour. Ça a toutes les chances de rater. Je ne sais même pas si je devrais t'en dire quoi que ce soit, c'est...non, c'est bien trop dangereux. »

Elle lui prit la main.

« Je ne les laisserai jamais s'en prendre à toi ou à Wayra. Jamais, tu m'entends? Je préfère mourir que de les laisser te faire mal. »

« – S'il te plaît, ne dis pas ça. Tu sais qu'il ne faut jamais dire ce genre de choses. »

Il la fixa un moment, et elle soutint son regard. Il finit par tourner la tête, vaincu.

« ...il y a un moyen. », dit-il. « Mais...c'est compliqué. C'est juste une théorie, et je ne suis même pas sûr qu'elle fonctionne. Mais techniquement...l'immortalité est possible. »

Et il se mit à lui expliquer.

Il lui expliqua comment les deux buts de l'alchimie, la quête de la vie éternelle et la fabrication de ce métal magique nommé orichalque, étaient liées bien plus étroitement que ce que pensaient les alchimistes. L'orichalque avait une propriété intéressante qui le rendait capable de réagir à la conscience, la présence des êtres vivants. Des expériences menées ont prouvé qu'il réagissait à l'énergie des pensées, des émotions et pouvait être manipulé par la force de l'esprit. Des tests menés sur de petits animaux ont réussi à transférer leurs conscience dans des corps d'orichalque pour de courts moments, ce qui prouvait qu'on pouvait en effet habiter un vaisseau d'orichalque, voire même déplacer son âme à loisir entre plusieurs d'entre eux.

En d'autres termes, le secret de l'immortalité était de transférer son âme vers une machine, qui pourrait en effet lui permettre de vivre pour toujours. Le corps de chair disparaîtrait au fil du temps, mais l'âme resterait.

« ...toutefois, même en ayant la puissance mentale requise pour un tel acte, on ne peut plus trouver de machines d'orichalque nulle part. Elles ont toutes été détruites ou perdues avec le temps...donc je ne te raconte que de la magie inutile. »

« – Peut-être...mais au moins, j'y vois clair, maintenant. »

Il soupira, s'asseyant près d'elle. Tandis qu'il lui racontait les fonctionnements d'une telle pratique, Wayra s'était endormi, reposant paisiblement dans ses bras. Et pourtant, les ténèbres s'étendaient toujours dehors.

Athanaos n'avait pas l'air d'apprécier ce sujet. Elle voulut dire quelque chose, pour le rassurer, mais quelque chose d'autre captura son attention. Du bruit au dehors.

« ...tu entends? »

Il leva la tête, et partit voir dehors. Et d'un coup, son visage se figea de peur.

« Ils arrivent. »

Il se tourna vers elle, ses traits crispés d'horreur.

« Ils arrivent!! »

Elle se leva, serrant Wayra contre elle. Et c'est alors qu'elle les vit.

La foule de gens montait vers leur maison, et ils n'avaient pas l'air de vouloir parler poliment. Certains avaient des armes et des torches à la main, et c'est là qu'elle comprit.

« Ils ne viennent quand même pas pour nous!? »

« – S'ils l'étaient? »

Ils se regardèrent, pris de panique. Et, sous le coup de la peur, il lui saisit la main.

« On y va! Vite! »

Elle acquiesça, effrayée jusqu'au sang, et courut avec lui.

Ils coururent pour leur vie, vers la sécurité, loin des cris énervés de la foule furieuse qui les chassait. Ils coururent, peu importe la direction, du moment qu'ils s'éloignaient d'ici. Killa serra Wayra fort contre son sein, et l'enfant sembla comprendre que quelque chose n'allait pas, car il se réveilla et se mit à pleurer, secoué par la course et l'agitation. Dans les ténèbres, le tonnerre se fit entendre, comme le grondement de la brume qui se réveillait à son tour. Elle regarda derrière elle, mais ne vit que leurs poursuivants qui se rapprochaient. Et avec horreur, elle remarqua la fumée noire qui se levait vers le ciel.

Elle vit les flammes des torches, qui brûlaient le bois et incendiaient la chaume. Elle vit la montée des flammes, qui dévoraient la cabane en bois.

« Ne t'arrête pas! », cria Athanaos. « Ne t'en fais pas pour ça, c'est rien! Continue de courir! »

Mais comment pouvait-elle? Comment ne pas s'en faire, alors qu'elle voyait sa propre maison se faire détruire, sans qu'elle puisse rien y faire? Elle hurla d'horreur, et un éclair aveuglant répondit à son cri, effrayant Wayra encore plus et le faisant pleurer de terreur. Athanaos lui prit le bras, et essaya de l'emmener plus loin, mais ses pas se mettaient à se dérober et ses jambes à l'abandonner, frappée d'angoisse qu'elle était. Les flammes, le tonnerre, les pleurs du bébé, les cris, tout lui venait sans s'arrêter, et elle se sentit sur le point d'abandonner.

« Viens! On doit aller au bateau, vite!! »

Elle pouvait entendre sa voix, mais celle-ci n'avait pas de sens pour elle, alors que la terre semblait disparaître sous ses pas, et que la pluie se mettait à tomber, la trempant et faisant pleurer Wayra encore plus. Elle sentait les événements plus qu'elle ne les vivait, et laissait Athanaos la traîner par le bras pour qu'ils avancent, sans même regarder où elle allait. Tout autour d'elle la trahissait, la déstabilisait à coups de sensations confuses qu'elle ne pouvait même plus reconnaître, comme si son esprit s'était effacé. Ce n'était plus que du flou, et au bout d'un temps elle ne put plus rien entendre, et rien ne lui parvint plus. Elle était perdue, décentrée, s'accrochant à Wayra et au bras d'Athanaos comme s'ils étaient ses lignes d'amarre, et qu'un horrible malheur se produirait si elle les laissait tomber.

Mais dans sa confusion et son état de choc, elle les ralentissait. Et avant qu'elle ne le sache, des mains se saisirent d'elle se tous côtés, la ramenant en arrière, loin de lui. Elle cria, cria pour se défendre de cet assaut soudain, alors que les mains essayaient de lui ouvrir les bras et lui enlever son enfant. Mais elle le tint plus fort encore, hurlant comme pour repousser ceux qui voulaient tuer son bébé, se courbant sur lui pour protéger son faible corps pleurant de tous ceux qui lui voulaient du mal, criant des mots confus pour les faire reculer, appelant Athanaos à l'aide, suppliant tout ce qui pourrait faire cesser ça, arrêtez ça, elle n'en pouvait plus, s'il vous plaît, quelqu'un, je vous en supplie, je vous en supplie, je vous en supplie, je vous en supplie-

Dans un violent coup de bras, le bouclier de son corps fut transpercé, et Wayra arraché de ses bras, la chaleur de son corps la quittant comme si c'était son propre cœur qu'on avait déchiré de son sein. Elle essaya de se battre, d'atteindre son bébé, de se lever malgré la confusion et la peur et la pluie torrentielle et ses larmes, de reprendre son bébé, son enfant, il pleure, n'entendez-vous pas ses pleurs, s'il vous plaît, il a besoin de moi, Wayra, mon bébé, je vous en supplie, rendez-le moi, mon bébé, de combattre la prise des mains qui essayaient de la garder loin de lui, de se battre dans l'obscurité de ses sens contre ceux qui voulaient lui faire du mal, et soudain sa voix crie et se mêle au rugissement assourdissant du tonnerre qui s'écrase presque sur eux, et avant qu'elle ne le sache elle est libre, et elle tend les bras et elle le reprend, et elle le serre contre son cœur et ne t'inquiète pas, Wayra, tout va bien se passer, maman est là, et elle essaie de se tenir entre son enfant et tous ceux qui lui veulent du mal, et- et Athanaos est là, il les repousse, il essaie de résister, et plus de gens encore viennent vers eux, mais elle refuse de leur donner ce qu'ils veulent, elle refuse qu'ils blessent son bébé, et- et-

Et sa peur se met à brûler, et elle la sent courir en elle, et c'est terrifiant et revigorant en même temps, et elle ne réfléchit plus, c'est instinctif à ce point, et elle serre son bébé contre elle et se tourne vers cette foule haineuse et cruelle et d'un seul regard elle leur fait savoir qu'ils n'auront jamais ce qu'ils veulent, il ne l'auront jamais, ils n'auront jamais Wayra, car elle s'en assurera. Ils reculent de peur, et elle sent l'avantage lui revenir alors qu'elle se redresse, comme une aura qui l'entoure et les repousse, repousse l'ennemi. Elle sent une détermination nouvelle brûler en elle, elle ressent quelque chose qu'elle n'a jamais ressenti, et elle se rend compte qu'elle sait quoi faire.

Tout est clair, désormais.

Elle n'est plus repliée. Elle se lève, elle fait face à la foule avec cette détermination qui lui brûle les veines. Elle est trempée de pluie, de boue et de larmes, mais elle se lève, protégeant son enfant dans son étreinte, regardant ces gens dans les yeux. Elle ne veut plus courir. Courir ne sauvera pas Wayra. Il n'y a plus qu'une solution.

« Mon enfant n'est pas la cause de ça. », dit-elle, sa voix résonnant dans le silence soudain. « Mon enfant n'a rien à voir avec cette obscurité. »

« – Que tu dis, démon! », dit une voix. « Au moment de sa naissance, elle s'est étendue sur nous! Ses premiers cris ont chassé le soleil! »

« – Ce n'est pas de sa faute! »

Elle prit une profonde respiration tremblante, pour calmer son cœur affolé.

« C'est la mienne. »

Un éclair fit écho à ses mots.

« J'ai insulté le Dieu Soleil en le trahissant. J'ai donné naissance à cet enfant et défié son règne. J'ai rejeté mon rôle de Vierge du Soleil, et je suis la seule en faute. »

Ce n'est que maintenant qu'elle vit dans la foule, les robes bleues des vestales qui avaient participé à la chasse. Celles qu'elle avait considéré ses sœurs, ses amies, sa famille. Celles qui la rejetaient maintenant pour ce qu'elle avait fait.

« C'est moi qui ai défié la bonté et la bienveillance du Dieu Soleil! C'est moi qui ai tourné le dos à sa guidance! C'est moi qui ai causé ces ombres! »

Elle mit Wayra dans les bras d'Athanaos, et s’avança. Le vent soufflait avec force tout autour d'elle, éventant les flammes incendiaires de sa détermination.

« Vous vouliez un coupable, et vous l'avez trouvé! », cria-t-elle, levant ses bras au ciel. « Vous voulez un bouc émissaire, et vous l'avez trouvé! Vous voulez que quelqu'un paie pour tout ceci, et je suis là! Je me tiens devant vous tous, du haut de mon audace impie! Vous êtes là, sans rien faire pour me saisir! Et je suis là, et vous demande au nom d'Inti: qu'est-ce que vous attendez!? »

Personne ne bougea alors qu'elle parlait, comme une sorcière annonçant une terrible catastrophe à venir. Personne ne remua, personne n'émit le moindre son. Même Wayra ne pleurait plus.
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Et puis, la pluie cessa. Elle se ralentit, s'amenuisa, et s'arrêta enfin, ne laissant que le vent et la terre mouillée dans son sillage.

Quelqu'un la pointa du doigt.

« C'est elle la responsable! »

« – Tuons-la! »

« – Ne la laissez pas s'échapper! »

Mais cette fois, Killa ne tenta même pas de s'échapper. Athanaos l'appela, essaya de la sortir de là, mais la foule lui barra le passage. Il cria après elle, et elle se retourna pour rencontrer son regard. Mais au lieu de partager sa peur, elle lui sourit.

« Merci. »

Puis elle ouvrit ses bras à la foule, qui s'empara d'elle.

~~~~~

Athanaos hurla.

Il courut. Il courut après elle, voulant la retenir, lui attraper le bras, mais plusieurs solides paires de mains l'arrêtèrent dans sa course.

« Laissez-moi! », ordonna-t-il. « Laissez-moi, laissez-la partir! »

« – Tu n'iras nulle part, étranger! Tu nous as causé trop de problèmes! »

« – Vous ne comprenez pas! Laissez-moi partir! »

Mais ils refusèrent. À la place, il se fit jeter en arrière, tombant presque au sol, tenant Wayra contre lui.

« Ta venue n'a apporté que de la tragédie, étranger! Tu as changé cette vestale innocente en sorcière, et ta progéniture a causé la colère d'Inti! Sois heureux que l'on ne se débarrasse pas de toi, comme on devrait le faire! »

Athanaos tremblait de tout son corps. Il ne savait plus que faire. Il ne savait plus! Il était paralysé de peur, incapable de bouger ou de former un son. Pourquoi ne faisait-il rien, alors que sa femme se faisait emmener, pour souffrir un destin terrible?

Sa vision devenait floue, ses yeux embués de larmes. Il essaya de bouger, de faire un pas, mais son corps n'obéissait pas. C'était comme s'il était figé sur place, plus encore que par la poigne des villageois. Pourquoi ne pouvait-il pas bouger? Pourquoi ne faisait-il rien? Pourquoi se tenait-il ici, alors que sa femme se faisait enlever? Qu'est-ce qui n'allait pas chez lui!?

Sa respiration tremblait, sa gorge prise de sursauts d'angoisse. Dans ses bras, Wayra tremblait, transi de froid dans cette chasse et cette pluie. Dans une pensée inquiète, il parvint à rassembler assez de forces pour tenir l'enfant contre lui, ses yeux toujours fixés sur le chemin où ils l'avaient emmenée.

Un vacarme retentit derrière lui, et il put à peine retourner la tête pour voir ce qui se passait. La foule avait trouvé le bateau, et le poussait vers la mer. Il essaya de bouger, de leur dire d'arrêter, mais ses muscles refusèrent d'obéir. Il était toujours en état de choc, de froid et de tant de sensations déstabilisantes qui l'empêchaient de bouger ne serait-ce qu'un bras. Sa femme se faisait emmener, sa maison était réduite en cendres, son bateau se faisait voler et son enfant avait horriblement froid, et il ne savait plus quoi faire. Pour la première fois de sa vie, il se sentait complètement vaincu.

Des mains se saisirent de son bras, et le traînèrent en avant. Il sursauta comme si brûlé, et seulement maintenant sembla se réveiller de sa transe.

« Qu'est-ce que vous faites? », demanda-t-il, recouvrant la parole.

« – Nous avons eu tort de te laisser vivre ici. Tu es un danger pour nous tous! »

« – Nous ne ferons pas cette erreur deux fois. Cette fois, étranger, tu es fini. »

« – Qu'est-ce que vous faites!? Arrêtez!! »

Il essaya de leur résister, de les combattre, mais ils étaient nombreux, et bien plus en état de se battre qu'il ne l'était, en état de choc et avec un bébé dans les bras. L'enfant se remit à pleurer, alors que le bateau heurta finalement la mer dans un grand fracas, qui éclaboussa la côte plus encore qu'elle n'était.

« Vous ne pouvez pas faire ça! Vous ne pouvez pas! Laissez-moi! Killa, où es-tu!? Killa!! »

Mais ils ne firent rien de ses supplications. Avant même de s'en rendre compte, on l'avait jeté sur le pont, presque comme un sac de grains.

« Va-t'en, étranger! Quitte ce pays, et n'y reviens pas! »

« – Si toi ou ton enfant revenez jamais, vous en payerez les conséquences! »

« – Vous ne pouvez pas faire ça! Je vous l'interdis! »

Il essaya de quitter le navire, de retourner sur la terre ferme. Mais avant qu'il ne puisse s'y essayer, la foule avait déjà poussé le bateau loin dans l'eau. Il ne pourrait pas descendre sans blesser Wayra, et tout ce qu'il pouvait faire était de fixer avec horreur le rivage qui s'éloignait.

« Je ne vous laisserai pas faire ça! », cria-t-il. « Vous allez tous payer pour ce que vous avez fait!! »

Sans qu'il ne puisse les retenir, ses larmes se mirent à couler. Serrant Wayra contre lui, les dents crispées de douleur, il se leva de toute sa hauteur, essayant de se forcer hors de la panique.

« Écoutez-moi tous, vous traîtres! », cria-t-il. « Vous qui avez brisé l'emblème du Soleil! Vos dieux ne vous protégeront pas pour toujours! Coyolite, protectrice d'Atlantide, se lèvera contre Inti et défiera son règne! Vous allez tous payer pour ce que vous avez fait!! »

Ses mots semblèrent avoir eu leur effet. Et Athanaos y comptait. Il avait qu'il n'avait rien d'un maître des malédictions, mais il était empli de rage et de douleur, et le pouvoir des émotions pesait beaucoup dans le pouvoir des Atlantes. Il le savait. Et en ce moment, il ne souhaitait rien d'autre que pour ces gens de regretter ce qu'ils avaient fait.

Mais alors, tandis que le navire se faisait emmener par les courants, tout ce qu'il put faire d'autre fut de tomber à genoux et de pleurer.

Il pleura. Il pleura tout ce qu'il avait besoin de faire sortir de son cœur. En l'espace d'un jour, il avait perdu sa femme, sa maison, il avait tout perdu. Il n'était plus qu'une coquille humaine en ce moment, il était aussi perdu et confus que lors de son premier naufrage ici. Sauf que cette fois, c'était bien plus horrible et déchirant, car il avait perdu tout ce qu'il aimait.

Mais c'est alors qu'une petite main dans ses cheveux lui rappela que tout cette fois-ci, tout n'était pas perdu.

Lentement, il rouvrit les yeux, et vit le visage de son enfant qui le regardait. Il essuya une larme au coin de ses yeux, et se releva, le prenant contre sa poitrine.

« Mon pauvre, pauvre petit Wayra... », murmura-t-il. « Je suis désolé que tu aies eu à vivre tout ça. Je suis...je suis vraiment désolé. »

Vite, il retira sa cape déchirée, et l'enveloppa autour du corps glacé du bébé, lui frottant le dos pour le réchauffer.

« Tu es à peine né, et tu as déjà tant vécu...c'est horrible, c'est horrible que tu doives vivre ainsi maintenant...

Il le serra près de lui, tentant de le réchauffer par tous les moyens. En réponse à ses efforts, il obtint de lui un tout petit son, un gazouillement qui le fit sourire.

« Mais tout ira bien. Tu me crois, mon enfant? Tout...tout ira bien. Oui. »
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Le tenant toujours, il se releva lentement, regardant le village Inca devenir de plus en plus petit à l'horizon. Dans le ciel, les ténèbres se dissipaient peu à peu, et le soleil se remit à briller, faisant briller la mer d'un éclat bleu pâle.

Il savait que ça ne servait à rien de l'appeler. Il savait que peu importe où elle était, elle ne pourrait sans doute pas l'entendre. Peut-être qu'elle ne pouvait plus rien entendre du tout, en ce moment. Mais il sentait tout de même qu'il devait essayer de l'atteindre, malgré tout ce qui les séparait.

Il ferma les yeux, et laissa son cœur faire le reste.

« Rayonne tant que tu vis, et apaise ton chagrin… Rien n'est éternel, car le Temps demande son dû... »

Les vagues lapaient la coque du bateau, les oiseaux de mer chantaient au-dessus de lui. Le vent soufflait à travers les roseaux, faisait battre les voiles, et pendant un moment il n'entendit que ça.

Pendant un moment.

« Rayonne sans regrets, continue ton chemin… N'aie pas peur de l'avenir, car je veillerai dessus... »

Il sourit, sentant son cœur se remettre à battre, mais pas de peur. Il n'avait plus peur. Car partout où il irait, partout où irait Wayra, elle serait là. Elle faisait partie de sa vie, de leurs vies, et s'il voulait s'en rappeler, il n'avait qu'à se rappeler du chemin qu'ils avaient parcouru ensemble.

Et donc, ils firent quelques derniers pas ensemble avant le départ, en laissant leurs voix s'unir une dernière fois.

« Rayonne, souviens-toi, je reste dans ton cœur… Ma vie s'est terminée, mais l'espoir survivra... »

Il ne voulait pas ouvrir les yeux. Il ne voulait pas dissiper l'illusion. Mais il savait qu'il n'avait pas le choix, qu'il devrait continuer seul, qu'il devrait guider Wayra sur son propre chemin. Peu importe si le chemin du destin était difficile, tortueux, il devait continuer à avancer, pour que son sacrifice n'aie pas été en vain. Elle serait sa lumière, leur lumière de lune qui leur montrerait la voie à tous les deux, pour que plus jamais l'obscurité ne revienne les hanter.

« Rayonne, mon amour, et laisse couler tes pleurs… Profite de la vie, je t'attendrai là-bas... »

Il ouvrit les yeux. À l'horizon, le village avait disparu, et il n'y avait plus rien que le bleu infini. Lentement, il regarda Wayra, et le visage paisible de son enfant le fit sourire.

« Profite de la vie, je t'attendrai là-bas... »





Et voila! wooo, c'était long. N'hésitez pas à laisser un commentaire, me faire remarquer les coquilles, me jeter des tomates ou des fleurs, tout ce que vous voulez! Moi je vais m'asseoir là bas et boire vos larmes.
Modifié en dernier par Sandentwins le 21 sept. 2019, 11:45, modifié 3 fois.
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Akaroizis
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Message par Akaroizis »

Très belle histoire. Je la préfère à Sa Machine Ailée, même si les deux sont vraiment bien écrites.

Quelques coquilles effectivement, mais ça ne gêne aucunement la lecture. Et puis, déjà que tu traduis ton histoire pour nous, ça fait déjà une charge de "travail" assez conséquente. ;) Et je ne me permettrais plus de corriger à tout azimut... :roll: :x-):

Personnellement, j'avais un slip. Mais en réalité, l'on connaît déjà la fin, donc ^^ Mais excellent développement, et j'ai beaucoup aimé.
Le présent, le plus important des temps. Profitons-en !

Saison 1 : 18.5/20
Saison 2 : 09/20
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Re: "Sa Machine Ailée" et autres histoires

Message par Sandentwins »

Après une autre fanfiction où Tao se fait recaler au profit d'EsteZia, je me suis dit que c'était un peu lourd. Donc je prends sur moi de rééquilibrer la balance. Ne me remerciez pas, je ne fais que rétablit l'ordre de l'univers.

:condor: Un Serpent dans le Verger :condor:

« C'est magnifique, tu ne trouves pas? »

Esteban prit une longue bouffée d'air frais, laissant la lumière du crépuscule lui caresser la peau. Du haut de la colline où ils se trouvaient, les deux garçons avaient une vue magnifique des paysages en dessous d'eux, des plaines verdoyantes que le soleil colorait de teintes dorées en se couchant. Assis dans l'herbe, Esteban contemplait cette beauté, ses yeux à peine gênés par la lumière de l'ouest, au contraire appréciant toutes les beautés du soir naissant.

« ...ça a son charme, en effet. »

Debout à côté de lui, Tao devait admettre que c'était une jolie vue. Mais il en avait vu d'autres plus spectaculaires encore, alors pourquoi faire tant de zèle pour un simple coucher de soleil? Esteban devait vraiment avoir vécu une vie pauvre s'il s'extasiait encore devant la moindre petite pacotille du monde autour. Et même si son enthousiasme était agréable à voir, ce n'était surtout plus de son âge.

Luisant du soleil rougeoyant, le Condor posé en contrebas avait l'air de s'enflammer sous les coups de son étoile. On aurait dit un gigantesque oiseau incendié, qui toutefois semblait si petit vu d'ici. Il distinguait à peine les silhouettes de Mendoza et des autres, qui s'affairaient autour à édifier un petit camp de fortune pour la nuit. Malgré la beauté du paysage, les nuits pouvaient être froides, et il ne leur fallait pas traîner.

« Bouge-toi un peu. », prévint Tao. « On doit trouver de quoi manger, t'as oublié? »

« – Juste un seconde. », protesta Esteban. « Il y a des pommiers là-bas, va en cueillir. Rien ne presse. »

Tao soupira, irrité par un tel calme d'esprit. Rien ne pressait jamais avec Esteban, il semblait. Si même l’Élu n'avait aucun sens des priorités, alors qu'adviendrait-il de toute leur mission? Une telle négligence de leurs objectifs poussa Tao à heurter le bras d'Esteban de son pied.

« Si, ça presse. J'ai faim, moi, au cas où tu ne le saurais pas! »

Esteban grommela.

« Oh, ça va, tu peux bien me laisser vivre une seconde! »

Il finit toutefois par se relever à contrecœur, détachant ses yeux de la contemplation paisible du paysage. De toute façon, le soleil avait presque fini de se coucher, et emportait avec lui toutes les beautés du crépuscule.

S'arrachant à sa paix d'esprit, il se tourna vers Tao, qui était en train de cueillir des pommes non loin. Perché dans les branches, Pichu sectionnait les tiges des fruits, que Tao rattrapait dans un pan de sa tunique, ou tout du moins essayait. Ce n'était guère un système de précision, mais au moins il avait l'avantage d'aller vite.

Esteban se plut à apprécier ce spectacle, et la cocasserie de la manière dont son ami s'y prenait pour cueillir des fruits. Adossé contre un autre arbre, il s'amusa à retenir son rire alors que Tao essayait de rattraper autant de pommes intactes que possible, ce qui était peu de chose de par sa maladresse. Plusieurs lui tombèrent sur la tête, et Esteban échoua à ne pas rire devant cette scène des plus burlesques, ce qui lui valut plus d'un regard noir.

« Je te rappelle que tu es censé m'aider! », protesta Tao, se massant le crâne. « Alors arrête de faire l'idiot! »

« – Si on ne peut même plus plaisanter! »

Mais sa propre faim commençait à le tenailler, donc il trouva bon de s'exécuter tout de même. Sa propre chemise n'était guère large, mais elle était un assez bon panier pour y ranger toutes celles que Tao manquait d'attraper au vol. Il y en aurait assez pour tout le monde, ce qui était une bonne chose en soi.

« Si Zia était avec nous, on pourrait en ramener plus. », commenta Esteban, dont le panier improvisé commençait à se faire trop petit.

Il entendit Tao souffler, ce qui le fit relever la tête.

« Quoi? Qu'est-ce que j'ai dit? »

« – Oh, rien, rien... »

Il avait déjà ramassé assez de fruits, qu'il parvint à rassembler dans un baluchon net entre les plis de sa tunique. Ce faisant, il devait la relever quelque peu pour pouvoir le porter, dévoilant les braies qu'il portait en dessous.

« Juste que tu aimerais la voir à ma place, pas vrai? »

Esteban cligna des yeux, sans y comprendre. Il lui fallut un moment pour saisir l'allusion, à laquelle il se fâcha.

« Ça va pas, de dire de telles choses? », s'offusqua-t-il. « Bien sûr que non! »

« – Nous sommes tous au courant, mon vieux. Ton innocence ne trompe personne. »

« – De quoi tu parles, enfin? »

Il avait les joues rouges, le visage en feu, même s'il n'en comprenait pas très bien les raisons. Mais Tao avait visiblement l'air de s'en moquer, t il n'appréciait pas ça du tout.

« T'es pas discret, tu sais. Je vois très bien comment tu la regardes. Comment tu essaies toujours de t'arranger pour que vous soyez tous les deux séparés du groupe. »

« – Ça n'a rien à voir! Tu te fais des idées. »

Tao pouffa de rire, un rire acerbe qui lui fit mal sans qu'Esteban ne sache pourquoi.

« Arrête de parler d'idées. Je vois clair dans ton petit jeu. Tu la voudrais juste pour toi, hein? »

Il fit un pas en avant, et Esteban recula.

« 'Ooooh, ma Zia, ne t'en fais pas, je te protégerai jusqu'à la fin! Partons ensemble accomplir notre destin d'élus et ignorons tout le reste'! J'exagère à peine. Tu n'en as que pour elle, et ça me monte à la tête! »

Esteban ne savait pas quoi répondre à cette accusation aussi soudaine. Il est vrai qu'il avait quelques vues sur Zia, mais de là à agir de manière si bizarre, comme le clamait Tao… Pris de court, il ne sut pas quoi répondre à ça.

« ...c'est pas vrai. », essaya-t-il. « Tu sais que je n'abandonnerais jamais le reste. Je ne vous abandonne pas, peu importe ce que tu t'amuses à croire. Alors arrête tes mimiques bizarres, car on y va. »

« – Pourquoi donc? Tu ne veux plus passer de temps avec moi? Si tu ne m'abandonnes pas, tu voudras bien, non? »

Esteban soupira, agacé.

« Ce que tu dis n'a plus aucun sens. Qu'est-ce que tu veux? Tu veux me faire la morale sur à quel point tes ancêtres étaient supérieurs aux miens? Tu veux me faire un reproche que tu n'oserais pas faire devant tout le monde? Tu veux frimer pour te sentir mieux? Alors vas-y! Je t'attends! »

Et il ouvrit grand les bras pour le montrer, laissant ainsi tomber la demi-douzaine de pommes qu'il avait calées dans sa chemise. Elles tombèrent à terre, roulant hors de portée, et Pichu se posa pour essayer de les rattraper.

Tao, lui, avait l'air surpris de tant d'ouverture. Il resta confus pendant quelques secondes, ne sachant pas quoi répondre, avant de finir par tourner les talons et s'en aller.

« Hé! »

Mais Esteban ne le voyait pas de cette manière. Il marcha vers lui, le pas rapide, et l'agrippa par le bras.

« Penses pas t'en tirer aussi facilement. Tu vas t'expliquer, tout de suite! »

Normalement, il n'en aurait pas fait toute une histoire. Il avait l'habitude des gamineries de Tao, et il devait se montrer plus malin que ceux qui lui cherchaient des noises. Mais même le plus patient de tous avait un point de rupture, et si Esteban n'avait jamais prétendu à ce titre, alors le sien devait être plus proche encore. Et il était juste si fatigué en ce moment, il avait besoin de lâcher un peu de lest.

« C'est quoi ton problème? », fit-il, énervé. « Ça fait des mois que tu me ridiculises et m'insultes! Ça commence à bien faire! Qu'est-ce qui va pas, chez toi? »

« – Ce qui va pas? »

Tao lâcha sa propre cueillette, qui tomba au sol avec un bruit de rebond.

« Il faut vraiment que tu sois le dernier des imbéciles, pour me poser cette question! »

« – Ah, car c'est moi l'imbécile, maintenant!? »

Leurs yeux remplis de colère se rencontrèrent, leurs expressions fâchées se confrontèrent. Fatigué d'avance de la dispute qui allait suivre, Esteban le repoussa, et se détourna de lui pour aider Pichu à ramasser les fruits tombés. Il voulait juste s'en aller, loin de lui, et espérer maintenir sa propre colère à distance. Ce n'était pas le moment, ce ne serait jamais le moment.

À terre, Pichu fit rouler une pomme jusqu'à lui, et le regarda de ses petits yeux.

« Esteban fâché? », demanda-t-il avec son petit air inquiet.

Esteban soupira. Il était fâché, certes, mais ça lui passerait. Tout lui passerait toujours. Il n'y avait rien qui ne pourrait pas lui passer, lui qui était d'un naturel si calme, si positif, si...

« Je ne suis pas fâché. », mentit-il. « Juste...agacé. »

« – Triste? »

« – Non plus. Pourquoi est-ce que je serais triste? »

Il ramassa ce qu'il put, et se tourna vers Tao. Celui-ci lui tournait le dos, visiblement renfrogné. Esteban soupira, sentant son agacement revenir au galop, mais prit un moment pour se calmer les nerfs et essayer d'être raisonnable.

« ...tu veux en parler? », offrit-il, sans espoir de réponse.

Tao grommela quelque chose qu'il ne comprit pas, toujours appuyé contre un arbre. Esteban roula des yeux, avant d'inviter Pichu à se poser sur sa main, et se releva, marchant vers lui. Il lui présenta le perroquet, comme un cadeau, qui s'empressa de voleter vers l'épaule de son maître pour lui faire de petits câlins. Difficile d'y résister bien longtemps, semblait-il, car bientôt Tao tourna finalement la tête.

« Il n'y a rien à dire. », dit-il simplement. « Tu ne pourrais pas comprendre. »

Esteban se sentit l'envie de protester, mais renonça. Il se devait de montrer l'exemple, d'agir avec maturité et tout ce que Mendoza lui avait enseigné.

« Peut-être que si tu m'expliquais, j'y arriverais. Tu sais, j'ai envie de te comprendre. Mais ton attitude ne m'y invite pas. »

Il entendit Tao soupirer. Au bout d'un moment, celui-ci le regarda, les yeux remplis d'une émotion qu'Esteban ne saurait décrire. Il avait l'air...las, d'une certaine façon.

« Tu sais que c'est pas facile à expliquer. J'ai vraiment du mal avec ces choses-là. »

« – Essaie au moins. Comme ça, tu pourras te dire que tu as tenté le coup. »

La compassion prenait lentement le pas sur son agacement. Il voyait clairement que quelque chose dérangeait Tao, et ne voulait pas rester là à rien faire alors qu'il pourrait l'aider. Qu'ils se chamaillent ou non, ils restaient amis, et les amis se devaient entraide et soutien.

Tao haussa les épaules, cherchant ses mots pendant un moment.

« ...j'aime pas quand tu essaies toujours de te retrouver seul avec Zia. Ça...ça me donne l'impression que je ne compte pas. »

Il caressa passivement Pichu, qui s'était blotti dans le creux de son bras.

« Je sais bien que vous êtes les élus, et que tout repose sur vous...que vous êtes liés par les médaillons, que tout le monde insiste sur vous deux. Je me suis dit qu'être votre naacal, ça ne me ferait pas de mal, que j'aurais mon rôle à jouer... »

Il soupira.

« Mais je ne sais pas pourquoi, à chaque fois que vous êtes entre vous deux...ça me fait mal. »

Esteban cligna des yeux.

« C'est donc ça, le problème? Tu...tu te sens rejeté? »

« – Pas vraiment, non...mais quelque chose comme ça. »

« – Tu...tu n'es quand même pas jaloux, non? »

Tao eut l'air surpris.

« Certainement pas! », mentit-il avec vergogne. « Moi, jaloux? C'est pas mon genre... »

Mais aucune de ses manières de déni ne sauraient cacher la vérité, claire comme du cristal.

« Tu sais...moi aussi, ça me fait tout drôle. », tenta Esteban. « Plus le temps passe, et plus j'ai l'impression que...que tout le monde essaie de me pousser vers Zia. Comme si c'était d'une importance capitale que l'on soit ensemble... »

Il se hâta de lever les mains en guise de défense.

« Non pas que ce soit une mauvaise chose! Je veux dire...c'est une fille formidable, et...et certes, il m'est arrivé de penser à certaines...possibilités, oui. Mais...ce que je veux dire, ce que ce n'est pas très juste, pour aucun de nous trois. Si on doit vraiment finir ensemble, alors...je veux que ça soit sa décision. »

Il regarda son ami, et lui posa la main sur l'épaule.

« Et qui sait? Si ça se trouve, elle n'est pas de cet avis. Tu as encore toutes tes chances, tu sais. Peut-être qu'elle te préfère toi...le dernier descendant de Mu, tout comme elle. »

Il sourit à la pensée du couple que ces deux-là feraient.

« Et puis, si c'est vraiment ça que tu veux...ça ne me gênerait en rien. Notre amitié est plus importante. »

Tao sembla pensif, fixant un point droit devant lui. La nuit était tombée, et tout autour d'eux s'assombrissait, devenait de plus en plus confus. Heureusement, ils voyaient d'ici les lumières d'un feu de camp, non loin du Condor.

« ...c'est gentil à toi d'offrir. », dit-il au bout d'un temps. « Mais...là n'est pas le problème. »

« – Non? Là, je ne comprends plus rien... »

Il se gratta la nuque, confus. Tao soupira, regardant Pichu qui voletait juste à côté.

« Tu ne pourrais pas comprendre. »

« – Tu me sous-estimes un peu, là, non? Je crois que je comprends très bien. Tu es jaloux de moi, car tu aimes Zia, et on se bat comme des idiots car telle est notre nature. »

« – Tu vois? Tu ne comprends rien! »

Cette réaction soudaine le surprit. Esteban se recula, alors que Tao croisait les bras, toujours renfrogné.

« ...je t'avouerai que là, je n'y comprends plus rien, en effet. Je croyais que toi aussi, tu l'aimais. »

« – Elle n'a pas l'air de partager ce sentiment, on dirait. »

« – Et alors? Tu sais, ce n'est pas la fin de tout. Peut-être que si tu essayais encore, elle verrait à quel point tu es quelqu'un de formidable, d'attentionné... »

« – Mais tu n'as pas compris? Ce n'est pas elle, le problème! »

Il se tourna vers Esteban, les sourcils toujours froncés.

« Ce n'est pas elle qui occupe mes pensées! Qui me fait me demander si j'ai ma chance, ma place dans tout ceci! Ce n'est pas son avis qui m'importe! »

« – Hein? Mais...mais alors, qui? »

Il ne répondit pas. Esteban y repensa, confus, avant que la réponse ne lui vienne dans un sursaut de lucidité. Il regarda Tao, ouvrant de grands yeux à cette pensée qui ne saurait certainement être vraie…

...si?

« On dirait bien que tu as compris. », se redressa-t-il.

Esteban avait perdu ses mots. Ça ne se pouvait pas, non? Tao ne pensait certainement pas ça de lui...il devait avoir eu la mauvaise idée. Il voulut ouvrir la bouche pour parler, mais Tao le coupa d'un geste.

« Je sais, je sais. Ce n'est pas bien, ça ne se fait pas chez toi, tu dois penser que je suis fou...mais est-ce que j'y peux quoi que ce soit? Est-ce que je choisis vers qui mon cœur se tourne? Un jour tu m’insupportes, toi et ton petit sourire toujours content, ta voix pleine d'énergie, tes mimiques toutes excitées...et le jour d'après, je ne peux plus penser qu'à toi. Je n'y peux rien, d'accord!? »

Il se baissa et ramassa quelques pommes à la hâte, les rangeant dans sa tunique. Malgré l'obscurité, Esteban crut voir ses yeux devenir plus brillants.

« Mais je m'en fiche. Je ne m'attends pas à ce que tu puisses comprendre. Toi, tu es le Fils du Soleil, tu es parfait dans tous les regards. Tu ne sais pas ce que ça fait, de te demander si un jour on t'aimera pour qui tu es. Tu ne sais pas ce que ça fait...d'espérer dans le vide, sans espoir de réponse, car l'univers en a décidé autrement. »

Il essaya d'essuyer discrètement une larme qui perlait au coin de son œil, mais n'était en rien subtil. Esteban se tenait là, sans rien pouvoir dire, car les mots de son ami étaient tant de coups de poing dans le ventre, qui l'avaient comme paralysé sur place.

« Maintenant...ne t'étonne plus de rien. »

Tao se détourna, décidé à trouver un coin pour y pleurer dans sa solitude. Esteban voulut parler, dire quelque chose, mais sa gorge était bloquée. Toutefois, son corps ne l'était pas; sans qu'il ne le veuille, il courut, rattrapa son ami, et l'enserra furieusement dans ses bras, lui coupant presque le souffle. Une fois encore, les pommes tombèrent au sol, tout autour d'eux.

Tao voulut se débattre, se défaire, mais lui non plus n'avait plus la force de rien. Il resta donc immobile, Esteban gardant sa prise sur lui. Toutefois, il pouvait sentir la chaleur des bras de l'Atlante, comme si tout son corps rayonnait comme un soleil invisible. Qu'il les avait souvent imaginés ainsi, autour de lui, dans d'autres circonstances! Et pourtant, que leur toucher lui semblait étranger, dans leur situation actuelle!

Dans le silence de la nuit, aucun d'eux ne bougea. Même Pichu avait cessé de voler, perché sur une branche basse. Esteban se demandait quoi faire, quoi dire, ou même quoi penser. Il n'avait aucune idée de la suite de son plan, qui lui avait paru si parfait il y a à peine une seconde. Comme il aurait aimé que quelque chose se produise, en cet instant, pour le sauver d'avoir à y réfléchir! Jamais il n'avait autant souhaité voir Zarès lui-même qu'en cet instant, car même la terreur de l'homme sans visage lui semblait sur le coup plus agréable à ressentir que la gêne qui commençait à monter.

Il ne bougea donc pas, et se contenta d'étreindre son ami, desserrant quelque peu ses bras pour ne pas l'étouffer. Il sentit Tao se détendre quelque peu, il sentit la douceur de sa tunique contre ses bras, et se rendit compte de la proximité qu'ils partageaient en ce moment. Toutes sortes de pensées lui vinrent en tête, certaines protestant, d'autres s'interrogeant, et une faible minorité désirant prolonger l'expérience. Indécis, il refusa obstinément de bouger tant qu'il ne savait pas lesquelles écouter.

Tao ouvrit la bouche, sûrement pour protester. Paniqué, Esteban serra plus fort, se collant presque à lui, et posa un doigt sur les lèvres de l'autre, lui coupant la parole. Il n'avait décidément pas envie de voir ses actions commentées ainsi, surtout quand lui ne savait plus quoi faire. Toutefois, il parvint ainsi à retrouver l'usage de la parole.

« ...tu as raison. », tenta-t-il à voix basse. « Je ne comprends rien à ce qui se passe. Mais... »

Mais? Voulait-il donc lui laisser une chance, offrir quelque chose de positif? Ses pensées s'affolèrent en tous sens, et il essaya de les taire.

« ...mais si c'est là ce que tu ressens, alors...d'accord. Je...j'admets. Je reconnais tes sentiments, et...j'admets leurs existence. »

Il laissa aller son doigt, et Tao essaya de tourner la tête pour le regarder en face. Ses cheveux effleurèrent la joue d'Esteban, et ce simple contact suffit à faire recommencer le tumulte mental qu'il avait tout juste réussi à calmer.

« ...tu les admets? »

« – Je...je les admets. Je n'y réponds pas oui, mais...mais je ne leur réponds pas non. Je...je n'y réponds pas du tout, c'est tout. Mais je sais qu'ils existent. »

Par tous les trésors des Cités, est-ce que Zia se sentait toujours comme ça? Était-ce ça, que d'être l'objet de sentiments amoureux non partagés? Qu'est-ce qu'il pouvait bien y répondre!? Un seul faux pas, et il perdrait l'amitié de Tao pour toujours!

« ...d'accord. », répondit celui-ci au bout d'un silence beaucoup trop long. « Si...si tu le dis. »

« – Oui. C'est ce que je dis. »

La gêne était à son paroxysme, désormais. Lentement, Esteban desserra les bras, et Tao se posa hors de portée. Leurs regards ne se croisèrent pas, et Esteban se frotta nerveusement le bras, ne sachant pas quoi dire. Il se sentait si étrange, pour le moment, et n'avait aucune envie de faire face à ses propres émotions ou celles de son ami.

Heureusement, ou malheureusement peut-être, la voix de Pichu brisa le silence.

« Esteban, Tao? L'amour, l'amour? »

Définitivement malheureusement. Esteban se hâta d'essayer d'attraper le volatile afin de lui clouer le bec.

« Pas l'amour! Non, pas l'amour! »

Il y parvint, mais croisa alors le regard de Tao. Si celui-ci n'était plus énervé, il était définitivement...attristé. Esteban le vit, et s'en sentit mal. C'était précisément ce qu'il avait voulu éviter, et il avait échoué comme un imbécile.

« ...pas encore. », rajouta-t-il après une seconde de silence. « Peut-être. Mais pas maintenant. Je...je n'en sais rien. »

Il regarda Pichu, comme pour essayer de lui transmettre le message. Puis il le relâcha, et l'oiseau vint se réfugier dans la tunique de Tao, peu content d'avoir été tant malmené.

Esteban essaya de se montrer courageux, et releva la tête, pour croiser le regard du jeune homme.

« ...peut-être. », répéta-t-il, essayant de lui redonner le moral.

Tao ne répondit rien. Il se contenta d'essuyer ses larmes, et de hocher la tête en silence. Puis, ramassant quelques pommes au passage, il repartit vers le Condor.

Désormais seul, Esteban soupira, peu satisfait de sa maladresse. Il s'abaissa pour ramasser autant de fruits que possible, sachant qu'il leur faudrait s'expliquer auprès de Mendoza pour leur si longue absence et leur si maigre prise. Il s'en maudit intérieurement, et s'y prépara mentalement.

Entre deux pommes, il posa les doigts sur sa joue, là où les cheveux de Tao s'étaient frottés. Ils étaient plutôt doux, tout compte fait...sur le coup, l'envie lui prit d'y glisser ses doigts, pour y enrouler ses boucles noires. Une envie passagère, qui lui passa vite, mais qui resta quelque part dans son esprit. Il aurait beaucoup de choses à quoi repenser, il semblait.

Son esprit vaguant, il contempla une pomme ramassée, qui brillait doucement à la lumière de la lune. Elle avait de jolies joues, qui lui donnèrent encore plus faim. Sans savoir pourquoi, il soupira.

« Je comprends vraiment rien à l'amour. »

Il croqua la pomme, puis se releva, pour rejoindre le camp à son tour.
:condor: Le meilleur personnage de toute la série, c'est la mère d'Esteban.:condor:

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Re: "Sa Machine Ailée" et autres histoires

Message par Amaya »

"Un serpent dans le verger" - MON AVIS PERSONNEL et uniquement personnel.

Attention, Raven est notre Gardien de l'Ordre au sein de l'Univers !

C'est vrai, que l'on a pas l'habitude de voir Tao autant ouvrir son coeur envers une personne. D'autant plus qu'Esteban n'est plus un inconnu à ses yeux.

Tu as réussi à me faire retrouver les attitudes et la personnalité d'Esteban et de Tao, dans les saisons BS.
Je me les suis carrément imaginé avec le graphisme BS et les voix, alors pour te dire !

En fait, Tao (dans les saisons BS) agit avec Esteban de cette manière parce que l'on suppose qu'il ne supporte pas le fait qu'il soit Atlante ou je ne sais quoi. Toi, tu proposes une autre alternative : Tao a des sentiments pour Esteban.

Quant à Esteban, soit il ne comprend vraiment rien à l'amour tout comme il le dit ou il refoule des sentiments au fond de lui-même et de son coeur.
Je pourrais supposer que c'est ce qui le pousse donc à être aussi proche de Zia (sans parler de la petite promesse). Il cherche juste à se rassurer, car il n'a jamais connu cela et que tout est contraire à ce que l'on a pu lui enseigner à Barcelone.

Bon, tu le sais déjà, je ne suis pas fan de Tao et encore moins d'une romance entre les deux mais on peut rêver et imaginer. Aucun de mal à cela, même pour moi.

D'ailleurs, je ne sais pas comment tu fais mais... tu arrives presque à me faire aimer cette possibilité ou cette alternative entre les 2 (ou les 3).
Alors, chapeau !

Et puis, explorer des choses nouvelles n'est pas si mal ;)


Autrement dit, je te félicite de me faire apprécier tes histoires, fan fictions et de me les faire vivre de façon "réaliste".
J'ai vraiment l'impression d'avoir un dessin animé qui s'exécute sous mes yeux avec les voix et les gestes.



« Plus le temps passe, et plus j'ai l'impression que...que tout le monde essaie de me pousser vers Zia. Comme si c'était d'une importance capitale que l'on soit ensemble... »


Mmh, quoi ? Comment ? Qui ? Les 2/3 des fans ? :oops: :tongue:
" Esteban, ne soit pas triste, ne soit pas inquiet. Tu as, toi aussi, ta propre route à continuer. Pour devenir vraiment grand, vois-tu mon enfant, un fils doit dépasser son père."

ATHANAOS ❤

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