Bien que le palpitant récit de Pigafetta eût été remanié par d'autres depuis longtemps déjà, Mendoza continuait à le raconter en le dotant de tous les détails dont il se souvenait. Un flot de paroles jaillit de sa bouche:
: Le dimanche 07 avril 1521, vers midi, après avoir fait le tour de Mactan par le nord et s'être engagée dans le détroit qui la séparait de Cebu, nous eûmes notre premier aperçu de l'île: illuminée par le soleil à son zénith, elle émergeait des flots. De nombreux villages montrèrent de loin qu'elle comptait une population très dense. Si dense que nous vîmes de nombreuses maisons construites dans des arbres! Magellan se rendit compte qu'il avait affaire ici à un radjah ou un prince d'un rang supérieur, car la rade abritait des jonques étrangères et d'innombrables petites barques indigènes. Il lui fallait donc se présenter d'une manière imposante. Sur son ordre, lorsque les navires furent suffisamment proches, mon mentor fit envoyer toutes les voiles et tous les pavillons avant de tirer une salve en guise de salut. Une fois de plus, ce miracle du tonnerre par un temps serein provoqua un grand effroi chez les indigènes qui s'enfuirent en criant dans toutes les directions.
La diligente señorita glissa au narrateur une feuille volante coincée dans le carnet et sur laquelle il était griffonné quelques mots.
: Tu es sûr de ce que tu avances? Regarde! D'après ceci, Ginés de Mafra précise que les insulaires se massèrent sur la plage avec arcs et flèches, prêts à se défendre. Mais comme il ne mentionne pas les coups de canons, on ignore si les autochtones s'étaient rassemblés après les tirs, ou si au contraire les tirs ont eu pour but de les disperser...
: C'est là un point très intéressant mais pour être franc, n'étant pas sur le pont à ce moment-là, je ne puis hélas te répondre, trésor.
Rose de plaisir en oyant cette nouvelle épithète, Isabella s'enquit:
: Ah oui? Et où étais-tu encore, cette fois?
Cette question-là, Juan la médita une bonne minute. En veine de réminiscences, il répondit:
: Dans la cabine de mon maître, avec Estéban. Fasciné par ses mains, il les portait constamment à sa bouche. Il commençait à faire le lien entre elles et les mouvements de ses bras et son envie de les faire bouger. Lorsque je le déposais à plat-ventre sur le sol, il se plaçait sur les coudes et allongeait le cou pour voir ce qui l'entourait.
: Ou alors, il essayait de rouler sur le dos pour me rejoindre quand j'étais près de lui. À cet âge, c'était tout ce que ce petit bout d'homme pouvait faire. Bref, laissons notre cher Atlante de côté et revenons à cette étape du voyage. Après avoir jeté l'ancre, Magellan envoya aussitôt à terre Leon de Ezpeleta, le notaire de la Trinidad, et son brave Enrique pour faire savoir au roi local qu'il ne lui voulait aucun mal et qu'il s'agissait là d'une de leurs coutumes, un signe de paix et d'hommage envers lui. Toute la rencontre fut racontée par les deux émissaires à leur retour, et transcrite ensuite par le chroniqueur. C'est sur celle-ci que je me base... Le roi de Cebu, entouré de villageois apeurés, leur demanda ce qu'ils étaient venus chercher ici. Enrique expliqua alors que le capitaine-général, qui servait le plus grand des monarques, faisait route vers les Moluques. Magellan souhaitait venir lui rendre visite, mais aussi avitailler et faire commerce. Or le roi, ou plutôt le Radjah Humabon, n'était pas aussi naïf que les indigènes de l'île des Larrons ou les géants Patagons. Il connaissait l'argent et sa valeur. Il déclara froidement à l'interprète qu'il ne refusait pas à son maître l'entrée dans le port et acceptait bien volontiers les relations commerciales qu'il lui proposait, mais il fallait qu'il paye la taxe. Pour bien appuyer ses propos, il fit appeler à titre de témoin un commerçant Siamois qui venait d'arriver quatre jours plus tôt pour acheter des esclaves et de l'or, et qui s'était acquitté de la redevance sans protester. Bientôt ce dernier apparut, et tout de suite, se mit à pâlir.
: Pour quelle raison?
: Au premier regard jeté sur nos trois grands navires, il comprit immédiatement ce qu'il en était. Malheureusement pour lui, nous autres chrétiens venions de découvrir ce dernier coin caché de l'Orient où il pouvait encore, il y a peu, se livrer au commerce sans être gêné par notre présence.
La duettiste émit un petit rire.
: C'est amusant! Vous n'aviez pas été reconnu une seule fois durant tout ce long périple. Aux indigènes de la Patagonie, les équipages de l'armada étaient apparus comme des êtres célestes, et les habitants de l'île des Larrons s'étaient enfuis devant vous comme devant des démons. Mais ici, à l'autre bout du monde, vous vous retrouviez face à un Maure qui vous connaissait...
L'ombre d'un sourire effleura la lippe de l'ancien mousse tandis qu'il reprit le fil de son récit:
: Dans le même temps, par l'entremise de l'esclave Malais, le notaire fit savoir à Humabon que Magellan, eu égard à la grandeur de son roi, ne paierait aucun droit à aucun souverain. S'il désirait la paix, il aurait la paix. S'il désirait la guerre, il aurait la guerre.
Isabella intervint pour la énième fois, soufflant ainsi la parole à son compagnon:
: Depuis son arrivée dans l'archipel Saint-Lazare, ton mentor clamait qu'il venait en paix mais prenait systématiquement le soin d'envoyer un signal clair à ceux qui envisageraient de s'opposer à lui. Même s'il ne le disait jamais explicitement, il était en conquête et non en mission d'exploration pacifique.
: En effet, le pilote Génois eut d'ailleurs cette phrase pleine d'à-propos: "Dans cette île, Fernand de Magellan fit ce qu'il lui plaisait avec l'assentiment du peuple". Suite à cette menace, le marchand Siamois s'approcha en toute hâte du roi. Il lui chuchota à l'oreille qu'il fallait être prudent et ne pas entrer en conflit avec ces hôtes malencontreux. "Ce sont les mêmes", dit-il en confondant Espagnols et Portugais. "Ce sont les mêmes qui ont pillé et conquis Calicut, l'Inde et Malacca. Personne ne peut résister à ces diables blancs".
Dans le compte-rendu du supplétif Italien, l'aventurière trouva à peu près les mêmes allégations:
"Regardez bien, ô roi, ce que vous ferez, car ces gens sont de ceux qui ont conquis toute la grande Inde. Amusez-les bien et traitez-les bien, vous vous en retrouverez mieux car si vous ne vous soumettez pas, ce sera bien pire pour vous, comme ils l'ont fait à Calicut et à Malacca".
Une lueur amusée dans le regard, Juan resta pensif un instant.
: Non, là, ce qui est vraiment drôle, c'est que le Maure fait référence à la bataille de Cannanore et à la prise de Malacca sans imaginer une seule seconde que le capitaine-général de cette expédition était présent en tant que jeune soldat à l'époque de ces conquêtes...
L'Espagnol se tapota la lèvre supérieure.
: Bref! Ayant tout entendu, et devinant qu'on les prenait pour les ambassadeurs de Manuel Ier le Fortuné, Enrique ajouta que le roi d’Espagne était plus grand encore que celui du Portugal, qu'il était l'Empereur du monde chrétien et que si l'Amiral voyait Humabon comme un ennemi, il enverrait suffisamment d'hommes et de navires pour raser toute son île. Paroles que confirme le Siamois.
L'espionne se permit une nouvelle remarque:
: Encore une fois, signifier au Radjah que Magellan était en capacité de tout détruire s'il le désirait, n'était pas vraiment faire preuve d'intentions amicales...
Les mains du bretteur s'élevèrent dans un grand geste lénifiant.
: L'interprète ne faisait que traduire les propos du notaire, qui lui agissait sur les ordres de l'Amiral. Néanmoins, l'avertissement du commerçant Siamois fit sur le roi de Cebu une forte impression. Intimidé, il renonça immédiatement à la taxe exigée, mais, sans doute pour ne pas perdre la face devant ses sujets, déclara qu'il rendrait une réponse le lendemain. Il fit servir des mets aux deux envoyés et ceux-ci déjeunèrent avant de s'en retourner à bord. Une fois la discussion rapportée à Magellan, Kolambu entreprit de se rendre à terre pour informer son cousin des bonnes dispositions que nous eûmes à son égard, et ainsi le convaincre de nous accueillir. Le soleil se couchait lorsqu'il se décida enfin à bouger. À l'ouest, le ciel était strié de longues traînées rouges et orangées. C'était beau, apaisant... L'ensemble des équipages passa la nuit dans les navires, dans l'attente de savoir comment nous allions être reçus.
Une fois de plus, Mendoza marqua une pause significative avant de reprendre:
: Le lundi matin, sur la Trinidad, chacun exprimait son ravissement à sa manière. Le navire était à l'ancre et, à quelques toises de là, le soleil levant illuminait l'exubérante jungle tropicale de l'île. Cebu, face à la mer, la contemplait pour l'éternité.
: Comme elle, je scrutais l'océan d'un vert profond. Au large, c'était une nappe éblouissante, d'un bleu presque blanc, et qui, à l'horizon, se confondait avec le ciel. Le vent marin balayait les nuages noirs et le pont à grandes rafales d'humidité saumâtre... C'est alors que je vis le notaire et l'interprète redescendre à terre pour s'enquérir de la décision du Radjah. Peu après, celui-ci se présenta devant eux accompagné de quelques chefs locaux: Humabon fut convaincu par les mots de Magellan, ne réclama aucun impôt, et se rendit même tributaire de l'Empereur Charles Quint. Les deux émissaires exigèrent uniquement un commerce exclusif avec son île, ce que le souverain, ravi, accepta. Afin de sceller le lien d'amitié entre Magellan et lui, le roi de Cebu demanda à ce que le capitaine-général lui fasse apporter du sang de son bras droit, et lui fera de même en retour. Il ajouta qu'avec tous les autres capitaines de l'armada qui accosteront dans son port, il échangera des présents, laissant à ses hôtes le soin d'offrir ou de recevoir en premier. Les médiateurs lui répondirent que, puisqu'il tenait cette coutume en si haute importance, il n'avait qu'à commencer.
Laguerra réfléchit un instant:
: Ici encore, je ne peux que spéculer sur ce qui a convaincu Humabon d'accepter les exigences de ton maître: l'avait-il fait contraint et forcé, de peur de s'attirer les foudres de l'armada Espagnole? Ou bien avait-il vu son intérêt à s'associer à si forte puissante, et ainsi asseoir son autorité sur la région?
: Sans doute un peu des deux, comme la suite des évènements va le montrer, princesse...
Comme frappée d'évidence, elle ajouta:
: Tiens, je note aussi ceci: tu viens de dire que Kolambu descendit à terre dimanche soir pour convaincre son cousin des bonnes intentions de Magellan. Et Pigafetta ne mentionne son retour à bord que le surlendemain. L'Italien s'abstient de détails au sujet de cette réapparition, mais il est permis de penser qu'en tant que parent d'Humabon, il passa tout ce temps à la cour de Cebu, où les deux hommes purent longuement discuté de la suite à donner aux tractations.
: Effectivement, ils durent discourir un bon moment avant que le Radjah de Mazaua ne revienne le mardi matin sur la Trinidad. Il était accompagné du marchand Siamois. Ayant dû faire grand éloge en la personne de Magellan, il informa ce dernier qu'Humabon était occupé à rassembler le plus de vivres possible à son intention et ne pouvait donc se présenter pour discuter de la paix. Pour le remplacer, il enverra l'un de ses neveux dans l'après-midi. Avant que les deux hommes ne repartent, mon mentor tint à leur montrer un homme doté d'une armure, assurant que tous pouvaient s'équiper ainsi s'ils étaient en situation de se battre.
: Encore! Kolambu avait déjà eu droit à cette petite démonstration!
: Oui, mais pas le Maure. Ce dernier éprouva de la crainte face à ce soldat harnaché, cependant l'Amiral le rassura en arguant que ses armes étaient aussi avantageuses à nos amis que fatales à nos adversaires, et qu'il était ainsi capable de mettre en déroute les ennemis de son roi et de sa foi avec autant d'aisance que s'il s'essuyait le front.
: Pigafetta nous apprend ici que le capitaine-général avait annoncé cela avec un ton fier et menaçant, afin que le négociant alerte le Radjah de Cebu.
: Il comptait en effet là-dessus car il trouvait le Siamois plus intelligent que les autres... Comme prévu, une petite délégation se présenta dans l'après-midi. Elle était composée du neveu et héritier d'Humabon, de Kolambu, du marchand Siamois, d'un ministre, du prévôt et de huit datus* de l'île de Cebu. Magellan reçut tout ce petit monde en grandes pompes: le prince, le Radjah de Mazaua et lui-même s'installèrent sur des sièges en velours. Les chefs eurent droit à des chaises de cuir, tandis que les autres furent installés sur des nattes. Avant d'engager les pourparlers, le capitaine-général demanda à ses deux principaux invités s'ils avaient l'autorité suffisante pour négocier les accords de paix, et également s'il était de coutume chez eux de traiter en public. Les deux hommes répondirent par l'affirmative. Au cours de la discussion, où le chevalier des mers vanta les avantages d'une alliance entre Cebuanos et Espagnols, il fut intrigué par le fait que l'héritier soit le neveu du roi. Enrique lui apprit que le Radjah n'avait que des filles, et que son aînée fut mariée au fils de l'un de ses frères, ce qui faisait de lui désormais l'héritier présomptif. La coutume locale voulait aussi qu'à un certain âge, le père, quelle que soit sa position sociale, n'assume plus le rôle de chef et que les décisions reviennent dès lors à sa descendance. Cette dernière révélation choqua mon mentor, qui considérait comme une loi divine que les enfants devaient honorer leurs parents. S'ensuivit tout un laïus chrétien qui impressionna les autochtones et leur donna envie d'en apprendre plus sur notre religion. Ils demandèrent à ce qu'un ou deux hommes restent sur l'île après le départ de l'armada afin de les instruire à ce sujet. Magellan ne put accéder à leur requête, mais les invita avant toute chose à se faire baptiser, promettant aussi qu'il reviendrait plus tard avec des prêtres pour les éduquer au christianisme.
: On sait très bien que pour créer des alliances, la religion est un des éléments essentiels...
Mendoza opina.
: Il leur précisa également que leurs épouses devront également se faire baptiser, sans quoi ils devraient se séparer d'elles. Les Cebuanos approuvèrent l'idée, mais souhaitèrent en référer d'abord à Humabon. Le capitaine-général ajouta qu'ils devaient accepter le sacrement par leur propre volonté, et non par crainte ou dans l'espoir d'en retirer quelque bénéfice. Cependant, il accentua sur le fait que ceux qui deviendront chrétiens seront mieux traités. Tous témoignèrent le vouloir de leur propre chef.
Sceptique, Isabella déclara:
: Je trouve que les Cebuanos furent trop prompts à embrasser le christianisme pour que cela soit uniquement dû à une sorte d'émerveillement. Il semble plus vraisemblable qu'ils souhaitaient s'attirer vos faveurs, ou tout du moins ne pas vous froisser. Je ne les imagine pas non plus dire qu'ils désiraient se faire baptiser parce qu'ils avaient peur de représailles. D'autant que ton mentor laissa entrevoir un intérêt à devenir chrétien.
: Et ce n'était pas tout! Il promettait également une paix éternelle entre les rois d'Espagne et de Cebu et de leur laisser des armes ainsi qu'une armure complète. On servit alors à manger, puis on s'offrit des cadeaux...
Le capitaine se tut et pivota d'un quart de tour vers l'alchimiste.
: Tu n'as pas de questions à me poser, cette fois?
La jeune femme succomba à son petit sourire ironique. Sous le charme, elle répondit:
: Je n'en vois aucune.
Sensible aux rondeurs bien placées, le mercenaire ne se gênait pas pour guigner sa panthère. Un véritable godelureau* à l'œuvre. Ça ne lui aurait pas déplu de lui faire un brin de rentre-dedans...
Il se renfrogna. Non, pas maintenant! Il fallait qu'il se concentre sur la suite, comme elle le lui avait expressément demandé.
: Les insulaires partis, Pigafetta fut envoyé à terre avec Enrique et un troisième homme. Pardonne-moi car là aussi, j'ai oublié de qui il s'agit.
L'attention de l'aventurière se détourna sur le journal:
: Le chroniqueur ne le dit pas non plus. C'est tout de même étonnant qu'il ne nomme pas les gens, alors qu'il voyageait avec eux depuis des mois!
: L'ardeur fébrile d'Antonio s'accompagnait du mépris le plus profond pour le nom des personnages qu'il ne jugeait pas importants. Mais bon... Les trois hommes débarquèrent afin de remettre les présents destinés au Radjah de Cebu. Ce fut la première rencontre entre l'Italien et le Cebuano, et donc la première description de ce dernier, que Pigafetta décrivit comme petit et replet, le corps tatoué et uniquement vêtu d'un pagne. Il arborait en outre un imposant collier et de grands cercles d'or comme ceux que tu portes aux oreilles. Mais les siens étaient sertis de pierre précieuses.
: Entouré de nombreuses personnes, probablement des serviteurs ou sa cour, il mangeait des œufs de tortue sur une natte et se désaltérait en buvant du vin de palme à l'aide d'une paille en roseau. Pigafetta lui rendit hommage et lui présenta ce que le capitaine lui avait envoyé. Enrique expliqua que ce n'était pas en remerciement du présent qu'il avait offert au capitaine-général, mais de l'affection qu'il lui portait. On aida donc Humabon à enfiler une veste de soie jaune et violette, semblable à celle donnée à son cousin Kolambu, et un bonnet rouge. Pendant que les émissaires Européens mangeaient, les Cebuanos présents sur la Trinidad l'après-midi rapportèrent au Radjah toutes les bonnes paroles et explications de paix dites par Magellan, et notamment tout ce qui concernait le christianisme. Le roi leur proposa de rester souper avec lui, mais ils refusèrent l'invitation. Son neveu et gendre, invita alors Pigafetta et ses compagnons à venir chez lui, où quatre jeunes femmes jouaient de la musique. Les instruments étaient étranges et produisaient des sons très doux. Le chroniqueur fut impressionné par leur intelligence musicale, mais aussi par leurs peaux relativement blanches et le fait que, bien qu'adultes, certaines vivaient nues. Les autres portaient une écharpe faite de tissu de palmier qui couvrait leur taille. Après avoir de nouveau mangé chez le prince, ils s'en retournèrent aux navires.
Le silence se fit dans la pièce lorsque l'Espagnol se tut. Sa compagne le regardait. Il fallut un certain temps au marin pour se rendre compte que le regard de la jeune femme dissimulait quelque impatience. Ses sourcils se haussèrent sur son front. Il soupira et demeura un moment perdu dans ses pensées. Puis, comme s'il s'arrachait à lui-même, il finit par dire:
: Dans la nuit de mardi à mercredi mourut Martin Barrena, un supplétif originellement embarqué sur le Santiago. Une fois de plus, accompagné d'Enrique, Pigafetta se présenta le lendemain chez le Radjah Humabon pour lui demander l'autorisation de l'enterrer en un lieu convenable. Lieu qui serait consacré et où une croix serait plantée. Le souverain lui répondit que puisque Magellan pouvait disposer de lui et son peuple, il pouvait tout aussi bien disposer de sa terre. Il fut décidé que le cimetière chrétien serait édifié sur la place principale de la ville. Le but était de donner à l'inhumation un caractère important, par l'intermédiaire d'une grande cérémonie organisée au vu de tous, afin de se faire apprécier de la population et les inciter à embrasser le christianisme. Ce qui sembla fonctionner... Le reste de la journée fut consacré à décharger des marchandises en vue de faire commerce. Humabon accorda rapidement l'autorisation d'établir une feitoria* en fournissant un bâtiment vacant à cette fin. Dans ce local, nous pûmes stocker nos biens. Nous découvrîmes que les Cebuanos étaient bien au fait des poids et mesures, et utilisaient une sorte de balance* pour mesurer les quantités. Ce mercredi soir décèda à son tour Juan Hernández Vázquez, qui fut enterré dans le nouveau cimetière chrétien de Cebu.
Regard limpide, Laguerra ne cilla pas. Pour son amant, il n'était pas facile de savoir ce qu'elle pensait ou ressentait. C'était une femme qui ne faisait pas étalage de ses sentiments. Ce qui ne voulait pas dire pour autant qu'elle n'en avait pas.
Le mercenaire réfléchit un moment et reprit:
: Le surlendemain, soit le deuxième vendredi d'avril, nous ouvrîmes la boutique qui nous servit à faire du négoce avec les Cebuanos. Ceux-ci firent preuve d'étonnement car nombre d'objets présentés leur étaient inconnus, notamment les bijoux et le verre. Contre les métaux ou les grosses marchandises, ils nous échangèrent de l'or. Contre les bijoux ou les petites babioles, ils nous présentaient des biens comestibles tels que du riz, des poules ou des cochons. Magellan enjoignit une nouvelle fois ses hommes à ne pas se montrer trop avides, ce qui pourrait ruiner le commerce. Certains marins étaient près à troquer tout ce qu'ils possédaient contre le précieux métal. Le capitaine-général confia la gestion du comptoir à quatre hommes, qui devaient rester sur place après le départ de l'armada. Ce fut à João da Silva, un supplétif portugais de la Concepción, qu'échut la direction de l'entrepôt. C'est à partir de là que nous établîmes notre camp, vivant pendant quelques jours à Cebu comme dans un rêve.
Isabella s'agita sur son siège.
: Et le baptême des Cebuanos?
Juan prit son temps. Sa compagne lisait sur son visage qu'il considérait la question avec le plus grand sérieux.
: Humabon avait promis à notre capitaine de devenir chrétien en fin de semaine. En ce dimanche 14 avril, une quarantaine de marins, dont deux vêtus d'une armure, débarquèrent des navires et se massèrent sur la place du village, où un échafaud garni de tapisserie et de branches de palmier y fut dressé en vue de la cérémonie. Pourtant, ni mon maître ni aucun des membres de l'équipage, en particulier parmi le personnel religieux, n'avait reçu de mandat d'évangélisation. Le temps de la mission n'était pas encore venue. Pigafetta raconte cette scène de la conversion de masse des Cebuanos. Huit-cents en un seul jour, si je ne me trompe pas.
: Attends une seconde...
L'aventurière baissa les yeux sur les pages manuscrites qu'elle tenait à la main. Elle lut avec la plus grande attention les circonstances de la christianisation des insulaires.
"Le capitaine commença à parler au roi grâce à notre interprète pour l'inciter à la foi de Jésus-Christ, lui expliquant qu'ainsi il vaincrait plus facilement ses ennemis qu'auparavant et que bientôt il ferait de lui le plus grand souverain de ces îles. Humabon répondit qu'il voulait être chrétien. Nous baptisâmes huits-cents personnes, tant hommes que femmes et enfants".
"Durant ces jours, le capitaine-général allait chaque jour à terre pour écouter la messe. Il disait au roi beaucoup de choses pour mieux l'instruire et confirmer sa foi"...
: En préambule à la cérémonie...
Coupée dans sa lecture, le regard de l'espionne se fit dur et acéré. Celui d'une tigresse luttant pour son existence. Elle comprit alors la réaction que pouvait avoir son compagnon lorsqu'elle l'interrompait. Son pied la démangeait.
: Ce n'était pas terminé.
: Oh! Mille excuses.
"Un jour, la reine vint en grandes pompes pour écouter la messe. Elle était jeune et belle, avec la bouche et les ongles très rouges. Elle portait sur la tête un grand chapeau fait de feuilles de palmier en manière de pare-soleil".
"Plusieurs femmes la suivaient, toutes nues et déchaussées. Le prêtre montra à la rani Humamay un bel enfant en bois et une croix, ce qui l'émut beaucoup. Elle demanda le baptême et le nom de Juana lui fut imposé, comme la mère de notre Empereur. Le capitaine sachant qu'elle aimait beaucoup l'enfant Jésus de bois le lui offrit et lui dit de l'installer à la place de ses idoles, car c'était en mémoire du fils de Dieu. En le remerciant fort, elle l'accepta".
: Tout ceci est vrai mais du c'est du style administratif n'est-ce pas? Le résumé se veut simple, condensé, limpide, or il ne parvient qu'à être obscur! Ce que Pigafetta raconte-là s'étale sur plusieurs jours... ou inversement. Il a tout mélangé! Voilà comment les événements se sont enchaînés: en préambule à la cérémonie, les canons tonnèrent et firent parler la poudre, ce qui effraya une nouvelle fois les autochtones. Pourtant, Magellan avait dit à Humabon de ne point avoir peur lorsque notre artillerie tirerait ce jour-là, car c'était l'usage de la charger lors de ces fêtes sans lancer de pierres ou autres boulets... Les deux hommes s'installèrent sur des sièges en velours et les chefs insulaires prirent place sur des coussins. Mon mentor fit effectivement dire au souverain Cebuano qu'une fois chrétien, il vaincra plus facilement ses ennemis. Humabon répliqua que, même sans cela, il était heureux de le devenir et se convertit au catholicisme avec ferveur. Le simple acte du baptême firent de ces îliens nos frères, non seulement physiquement mais spirituellement. En fait, comme tu l'as si bien dit il y a un instant, la religion pouvait être aussi utilisée afin de lier les peuples de différentes îles. Néanmoins, Humabon glissa à l'Amiral qu'il aimerait bien se faire respecter de tous, ce qui n'était pas le cas actuellement car certains datus refusaient de lui obéir. Sans plus attendre, le capitaine-général lui demanda de désigner les vassaux en question pour un futur entretien. Lorsque les rebelles se présenteront devant le Portugais, celui-ci les informera que s'ils refusaient de prêter obéissance à Humabon pour se faire convertir, leurs biens seraient confisqués et il brûlerait leur village. Magellan annonça au Radjah qu'après être rentré en Espagne, il reviendra avec des forces importantes, qui assiéront son autorité de monarque suprême de ces îles. Récompense à laquelle il pouvait prétendre en tant que premier souverain à se convertir au christianisme.
: Humabon renouvela sa demande visant à laisser deux personnes pour enseigner la religion chrétienne à son peuple. Cette fois-ci, Magellan accepta, à condition qu'en échange on lui confie deux fils de chefs, qu'il emmènera s'instruire en Espagne pour qu'à leur retour ils éduquent les leurs. Durant leur conversation, une grande croix fut dressée au milieu de la place et un avis fut clamé: quiconque embrassera le Christ devra détruire ses idoles païennes et mettre un crucifix à la place. Ce que tous les volontaires acceptèrent. Puis Humabon fut invité par l'Amiral à monter sur l'estrade. Tout de blanc vêtu, il fut baptisé par le père Pedro de Valderrama, et se vit attribuer le nom de Don Carlos, comme on nommait l'Empereur dans la péninsule Ibérique. Suivirent ses proches: son neveu fut nommé Don Fernando, comme le frère cadet de notre souverain. Kolambu prit le nom de Juan, le marchand Maure devint Cristóbal. Les autres reçurent chacun un nom au gré de la fantaisie de mon mentor. Ainsi, avant l'office, il y eut une cinquantaine de baptisés. Puis environ cinq-cents Cebuanos reçurent l'onction. Pour conclure, la messe fut dite.
: Seulement cinq-cents? On est loin du compte!
: Jo tampoc he acabat!*
La voix de son amant s'était transformée. Elle conservait la richesse méridionale de ses nuances, mais pour la première fois, la jeune Castillane découvrait l'authentique accent Catalan.
En disant que lui aussi n'avait pas fini, Mendoza s'était emporté, mais sans trop de conviction. Il voulait juste lui rendre la monnaie de sa pièce.
: À l'issue de cette messe, Magellan invita Humabon à déjeuner, mais ce dernier déclina l'invitation. Il accompagna cependant mon maître jusqu'à la plage où se trouvaient nos chaloupes. De nouvelles salves de canons furent tirées et les deux hommes prirent congé l'un de l'autre.
Il s'arrêta pour reprendre son souffle. Puis, il repartir de plus belle:
: Tu as lu le passage avec la reine. Il est rigoureusement exact sauf sur un point. Son baptême fut organisé ce même dimanche et pas quelques jours plus tard, comme Pigafetta le laisse entendre.
Par pure mesquinerie, Isabella se pencha en avant pour l'interrompre. Elle riposta d'un ton cassant:
: On peut ici se demander pourquoi ils n'avaient pas pris leur repas à terre, voire organisé une sorte de banquet pour célébrer les baptêmes!
Tout ébaubi de stupeur, le marin la dévisagea. D'un ton plus posé, la jeune femme reprit:
: Tu n'es pas de cet avis?
Approuvant d'un léger hochement de tête la logique de sa réflexion, Juan enchaîna:
: Seulement voilà, les choses se sont passées ainsi... Dans l'après-midi, les marins débarquèrent de nouveau en grand nombre. Cette fois-ci, le père Valderrama baptisa environ trois-cents femmes. Parmi elles, l'épouse d'Humabon, qui prit effectivement le nom de Juana en l'honneur de la mère de Charles Quint.
Pesant ses mots, le mercenaire fit:
: C'est bon, le compte y est? Je peux passer à la suite?
: Juste une chose: je vois que les Cebuanos n'étaient pas complètement et passivement soumis. Ils avaient aussi compris l'intérêt qu'ils pouvaient retirer de ce baptême, et Humabon le premier: celui-ci, désormais soutenu par la puissance du roi d'Espagne, s'érigea en chef incontestable de l'île de Cebu, ce qu'il semblait déjà être plus ou moins, seuls quelques chefs contestant son autorité. En t'écoutant, je peux même considérer qu'il utilisait ton mentor pour soumettre les réfractaires.
: Oh, tu sais, entre les deux hommes, c'était une sorte de jeu de dupe qui s'opérait. Aujourd'hui encore, je me demande qui se servait de qui... Je n'étais qu'un gamin, mais j'avais le sentiment que Magellan voyait la conversion des Cebuanos comme un moyen d'assurer la souveraineté Espagnole dans l'archipel en son absence. Comme il ne possédait pas assez d'hommes pour laisser une garnison, il espérait qu'ainsi les indigènes demeureront fidèles à leur engagement vis-à-vis de la couronne d'Espagne...
La hache de guerre semblait être enterrée entre les amants.
: Afin de s'assurer que le Radjah se fasse respecter de tous, Magellan décida le surlendemain de convoquer à une messe plusieurs chefs locaux réfractaires parmi lesquels se trouvaient deux frères d'Humabon. Le premier, père du prince héritier Fernando, était nommé Bondora par Antonio Pigafetta. Il s'agissait en réalité d'un titre honorifique désignant une sorte de lieutenant du souverain ou un gouverneur. L'autre avait pour nom Cadaro. Sur place, il leur demanda de jurer allégeance à Don Carlos Humabon et les hommes s'exécutèrent. Puis il invita le Radjah lui-même à jurer solennellement fidélité au roi d'Espagne. Il lui rappela alors qu'il devra mourir plutôt que de faillir à cet engagement. En huit jours, tous les habitants de Cebu furent baptisés, et quelques-uns venant d'îles voisines. Cependant, tous les chefs alentours n'acceptèrent pas de se soumettre à Humabon. Chose que le capitaine-général ne pouvait évidemment tolérer: lorsqu'il repartira, ces récalcitrants constitueront le terreau d'une rébellion. Or, mon mentor devait s'assurer qu'à son retour, les insulaires les accueilleront à bras ouverts. Sans compter que faire preuve de faiblesse pourrait déclencher des velléités chez d'autres. Ainsi, le chef du village de Bulaya, qui avait prêté serment en se mettant sous la coupe du Radjah avant de rompre sa promesse, allait servir d'exemple. Ne s'étant pas présenté à la convocation de Magellan, certains de mes camarades, de nuit, se rendirent en chaloupe sur l'îlot de Mactan, situé juste en face de Cebu, et incendièrent une trentaine de maisons du village.
Laguerra consulta les chroniques à sa disposition.
: D'après Pigafetta, ton mentor envoya ses hommes exécuter le travail. Pourtant, selon le récit de Giovanni Battista da Ponzoroni, il faisait bien partie de l'expédition punitive. Et là, Ginés de Mafra précise qu'ils découvrirent le village désert, comme si les habitants avaient été prévenus de leur arrivée... Parmi ces trois versions, laquelle se rapproche le plus de la réalité?
: Peut-être toutes, ou bien aucune... Ce qui est certain, c'est qu'une fois la besogne effectuée, une croix fut plantée au centre du village. Là-bas, les gens étaient cafres: s'ils avaient été Maures, nous aurions érigé une colonne, en signe de leur dureté de cœur, car les Maures sont plus difficiles à convertir que les autres...
Suspendue aux lèvres de son amant, Isabella attendait la suite. Il s'était interrompu soudainement, estimant se perdre en conjectures. Il revint à l'essentiel:
: Lors des premiers baptêmes, Magellan avait demandé aux nouveaux chrétiens de détruire les idoles qu'ils adoraient jusqu'ici, et dont la présence aurait été en contradiction avec la vénération d'un dieu unique. Cependant, les jours passèrent et mon maître se rendit compte que, non seulement elles étaient toujours présentes, mais qu'on continuait également de leur sacrifier des animaux. Magellan exprima son mécontentement aux Cebuanos, qui ne nièrent pas, mais expliquèrent que ces sacrifices étaient destinés à un homme souffrant d'une fièvre depuis deux ans. Ce malade n'était autre qu'un neveu d'Humabon et frère du prince Don Fernando, qui passait pour être le plus vaillant et le plus courageux guerrier de l'île. Son état était tellement grave qu'il en avait perdu l'usage de la parole. Ayant entendu cela, le capitaine, emporté par sa foi, poursuivit sa marche triomphale.
: Il paria sa tête qu'il pouvait accomplir un miracle, que le baptême pouvait guérir cet homme. Il annonça que si les insulaires croyaient vraiment en Jésus-Christ, ils devaient brûler toutes les statues, et le malade se remettra immédiatement sur pied. Humabon accepta, en promettant que tout cela serait fait, parce qu'il aimait vraiment notre Dieu. Nous organisâmes, avec toute la pompe possible, une procession depuis la place jusqu'à la maison du souffrant. Nous le trouvâmes effectivement incapable de parler ou de bouger. Nous le baptisâmes, tout comme deux de ses femmes et ses dix filles. Le capitaine lui demanda alors comment il se sentait. Il déclara aussitôt que, par la grâce de Notre-Seigneur, il se portait beaucoup mieux. Ce grand prodige s'était déroulé sous nos yeux. Le capitaine, en l'entendant s'exprimer, rendit de grands remerciements au Très-Haut. Il lui donna à boire, puis lui fit parvenir un matelas, des draps, une couverture de laine jaune et un oreiller. Mon maître continua à lui offrir, jusqu'à ce qu'il puisse se lever, des boissons rafraîchissantes à base d'amandes, d'eau de rose et quelques confitures sucrées.
: Ce soudain rétablissement pourrait expliquer le basculement de ton maître dans quelque chose qui ne lui ressemblait pas: une espèce de frénésie, de mouvement, de discussion avec les souverains locaux.
Mendoza se caressa le menton.
: C'est une possibilité, oui. Lors de cette période, il se comportait comme le Christ accomplissant des miracles en ayant le pouvoir de guérison. Il devait se sentir illuminé, protégé, invincible... Le cinquième jour, le convalescent se leva de son lit, et dès qu'il put marcher, il fit brûler, en présence du roi et de tout le peuple, une figurine que quelques vieilles femmes avaient cachée dans sa maison. Il fit également détruire plusieurs temples construits au bord de la mer, dans lesquels les gens avaient l'habitude de manger la viande offerte aux déités. Les habitants applaudirent et, criant "Castille, Castille", contribuèrent à les renverser et déclarèrent que si Dieu leur donnait la vie, ils brûleraient toutes les idoles qu'ils pourraient trouver, même si elles étaient dans la maison même du roi.
: À quoi ressemblaient ces statuettes?
: Faites en bois, elles étaient concaves ou creusées derrière, et avaient les bras et les jambes écartés, les pieds tournés vers l'intérieur. Elles avaient un grand visage, avec quatre dents très grandes comme celles d'un sanglier, et elles étaient toutes peintes.
Le navigateur avait l'œil songeur, le regard félin.
: Dans tous les cas, ladite guérison du neveu d'Humabon eut un impact sur les autochtones puisque durant la quinzaine de jours où l'armada séjourna à Cebu, ce furent plus de dix mille personnes qui se seraient ainsi converties. Par ailleurs, les insulaires se montrèrent accueillants et, quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit, lorsque l'un d'entre nous mettait pied à terre, il trouvait toujours des Cebuanos prêts à l'inviter à boire et manger.
: Elle devait être grande, très grande, la satisfaction intime de ton mentor, à cet instant. Maintenant, tout était changé, les heures mauvaises étaient loin. Il avait découvert un groupe d'îles nombreuses, quelques-unes très étendues, riches, salubres, avec de l'eau et des vivres abondants, des indigènes aimables et ingénus et un Radjah ami qui, sans effusion de sang, sans violence, s'était déclaré vassal du roi d'Espagne et son frère en Jésus-Christ.
: Oui, pour lui, le rêve était devenu réalité. La promesse qu'il avait faite à Charles Quint, il l'avait tenue.
: Le chemin de l'Inde par l'Occident, vainement cherché par Christophe Colomb servant à l'époque les Rois Catholiques, c'est lui qui l'avait trouvé. En peu de jours, il pourrait arriver aux Moluques, au sujet desquelles il avait recueilli, à Cebu, des informations sûres. Là il chargerait ses trois navires d'épices de choix. Et, par le chemin de l'Orient qu'il avait parcouru plus d'une fois, il entrerait à Séville triomphant, pour mettre aux pieds du souverain une province nouvelle, conquise uniquement par la persuasion, par l'amitié, par le respect de la parole donnée! Espérance illusoire pourtant! Derrière sa splendide victoire le guettait la fatalité...
À suivre...
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