Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

C'est ici que les artistes (en herbe ou confirmés) peuvent présenter leurs compositions personnelles : images, musiques, figurines, etc.
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TEEGER59
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

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Suite.

CHAPITRE 8: Le temps des découvertes.

Leurs deux montures harnachées, le moment du départ était venu. Le capitaine avait décidé qu'ils voyageraient légers, sans s'encombrer d'un cheval de bât. Les sacoches de selles étaient remplies, les gourdes pleines.
Après avoir averti les Élus de leur petite baguenaude dans le Bushveld*, Mendoza et Laguerra quittèrent l'enclos tandis que le soleil continuait son ascension dans un ciel vierge de tout nuage.
L'après-midi promettait d'être magnifique.
Gaspard se tenait sur le seuil de sa case, appuyé sur le chambranle. Jalousant Mendoza, il salua la señorita et lui souhaita une bonne promenade, à l'évidence dépité de ne pouvoir l'accompagner. L'officier se consola en songeant qu'il aurait le loisir d'oublier la jeune femme en se rinçant le gosier ce soir, à l'occasion de la fête prévue en l'honneur du retour des gamins.
Vêtue comme à l'accoutumée, le chignon entortillé par-dessus son ravissant visage, l'aventurière avait ouvert un étui pour en sortir un arc à double courbure, en bois de teinte acajou, manifestement d'une excellente qualité. Elle avait également extrait un carquois qu'elle passa en travers de ses épaules. Deux autres reposaient de chaque côté de ses sacoches. En outre, elle avait toujours son pistolet, sa rapière et son fouet, fixés autour de sa taille.
Chevauchant avec une assiette parfaite, la duelliste montait un cheval pie noir en qui elle semblait avoir toute confiance. Juché sur un alezan, Mendoza la suivit au pas jusqu'à l'entrée du village, puis, au bout de la piste, ils prirent le petit galop, plein nord-est.

L'entrée dans les terres arbustives tropicales et subtropicales était symbolisée par le franchissement de la rivière Mutirikwi où la faune venait se rafraîchir, les hippopotames côtoyant hérons et crocodiles.

19.PNG

Les deux cavaliers traversèrent le bras d'eau en empruntant un gué choisi par Laguerra.
Ils foulèrent alors ce territoire couvert de hauts plateaux rocailleux d’une altitude dépassant souvent les cinq cents toises.
Le ciel était d'un bleu profond, cet inimitable cobalt, d'une beauté hypnotique, qui faisait la réputation de cette contrée.
Le frisson du danger, de l'action, secoua l'échine de l'Espagnol. Ils chevauchèrent pendant deux heures, traversant une succession d'étendues arides plus ou moins bosselées, et finirent par s'arrêter devant un panorama hors-norme.
Le plateau de Manica s'étendait à l'horizon.
Loin devant eux, situé à la frontière entre le Zimbabwe et l'Afrique orientale Portugaise*, il était formé de trois groupes montagneux, les monts Nyanga, Bvumba et Chimanimani ainsi que de plusieurs autres petits reliefs, et courait du nord au sud sur environ soixante lieues.
Quant au plateau composé de granit et de caillasse sur lequel ils se tenaient, il s'étalait, à l'est et à l'ouest, sur plusieurs lieues de roche et d'arbres résineux. Au nord de leur position, une pente douce descendait sur un entrelacs de collines ondulées, couvertes de prairies qui se renouvelaient chaque année après les feux qui se produisaient à la fin de la saison sèche. Ces collines se déversaient encore plus bas sur ce qui semblait être une immense vallée. Celle-ci se perdait dans un linceul de brume épaisse et l'on n'aurait su dire de quel environnement elle était composée.
Le cri d'un busard se réverbéra sur la roche. S'il avait été superstitieux, le Catalan aurait vu là un mauvais présage.
Se rangeant aux côtés de son compagnon, l'aventurière demanda:
:Laguerra: : Alors, où veux-tu aller, à présent?
Le marin répondit d'une voix douce:
:Mendoza: : Vers le nord-est.
:Laguerra: : Pourquoi tiens-tu absolument à suivre cette direction? Y-a-t-il une raison particulière?
Il haussa les épaules.
:Mendoza: : Non... C'est juste la seule qui s'offre à nous pour le moment...
:Laguerra: : Bien! Dans ce cas, nous allons la suivre, en prenant notre temps... Après tout, nous sommes en balade.
Afin de se rapprocher du mont Inyangani, point culminant du pays, ils allaient devoir traverser cette étendue gigantesque, formée de plis, d'ondulations, de creux et de crevasses, de crêtes et de pentes qui se succédaient, qui, parfois, se juxtaposaient, composant ainsi un relief tourmenté, traître et ô combien meurtrier.

Tandis qu'ils progressaient au pas sur le sentier abrupt, hérissé de rochers et bordé de déclivités dangereuses descendant dans la vallée, l'aventurière, ayant connu les pièges de la jungle de Patala pour y avoir vécu, lui rappela les principes de base pour survivre en milieu hostile.
:Laguerra: : Méfie-toi de tout, Mendoza. Principalement des fleurs, des zones sableuses ou marécageuses, des vents. Sans parler des nuages de poussière, des zones d'ombre et de la faune. Ne relâche jamais ta vigilance. Aie constamment ta lame à portée de main. Veille sur ton cheval et sur ton eau. Tu vas beaucoup transpirer ici. Surtout dans les premiers temps, alors tu devras prendre soin de boire régulièrement, par petites gorgées. Ne me quitte jamais des yeux et reste avec moi en toutes circonstances, sinon, c'est la mort assurée. Ne t'éloigne pas, même si c'est pour soulager ta vessie. Nous ferons des haltes pour ce genre de choses. En bref, suis mes conseils sans rechigner.
Le capitaine hocha la tête. Mentalement, il se dit:
:Mendoza: : Argument bien pratique... Dis-tu cela par souci de vérité ou y-a-t-il par ici quelque chose que tu refuses de me laisser découvrir, ma belle?

☼☼☼

Au même moment, à Goa, dans l'arrière pays, largement occupé par les montagnes des Ghâts occidentaux, s'étalaient la terre des Thugs, force occulte anti-coloniale à la redoutable renommée, leurs denses forêts plantées d'arbres gigantesques, un labyrinthe végétal que l'armée du roi Jean n'avait jamais réussi à dominer.
Non loin de Daulatabad, "la ville de fortune", la trentaine de soldats qui se tenaient autour de la ferme, étaient figés devant un spectacle morbide. Les chevaux avaient été attachés à l'écart, sous bonne garde. L'endroit puait le sang et la mort et risquait de les affoler. D'ailleurs, il n'y avait pas que les montures à faire preuve de nervosité. Les soldats eux-mêmes, pourtant rodés aux violences de la guerre, n'avaient jamais été confrontés à ce genre d'horreurs. Sur le qui-vive, serrant convulsivement la poignée de leurs armes, les Portugais jetaient de fréquents coup d'œil vers la sombre lisière des bois dressés de l'autre côté du cours d'eau.
Une famille s'était établie à cet endroit, des gens un peu frustres mais accueillants, qui n'avait jamais fait de mal à quiconque. L'exploitation comportait une maison; fabriquée à partir d’un mélange d’argile, de paille et de bouse de vache; un alignement de champs ensemencés et un corral vide.
Les mouches s'en donnaient à cœur joie, agglutinées par grappes pour un festin macabre. Le fermier, sa femme, leurs deux enfants, étaient écartelés, liés chacun sur une sorte de chevalet grossier. Leurs corps avaient servi de défouloir à une frénésie qui semblait inhumaine, la chair tailladée de la tête aux pieds. Leurs visages étaient creusés, enlaidis par cette expression inimitable de peur et de souffrance. Leurs corps avaient été le fruit d'une cruauté insondable. Le Mal à l'état pur avait frappé, empoissant l'endroit d'une atmosphère infâme.
Ajoutant à ces relents macabres, des inscriptions violacées, brillantes et cristallisées, figuraient sur la façade de la maison, tracées avec le sang des suppliciés.
L'un des militaires se détourna pour vomir et personne n'osa le lui reprocher.
Les soldats du roi Jean arboraient un pourpoint blanc, des hauts-de-chausse de couleur verte, ainsi qu'une broigne légère, sans manches, écarlate. Leurs hautes bottes noires de cavaliers étaient maculées par la poussière de la route.
Ils étaient armés de rapières ou de sabres de cavalerie à simple tranchant. Des boucliers étaient accrochés aux troussequins de leurs selles. Un soldat sur deux avait une arbalète en travers des épaules.
Deux d'entre eux se positionnaient à l'écart des autres. Le plus vieux était un individu corpulent qui se tenait très droit, une main sur la hanche, l'autre empoignant une cravache dont il se servait pour tapoter le haut de sa botte. Ses petits yeux affichaient un pli hautain. Il avait le teint pâle, une barbe brune, de longs cheveux légèrement ondulés, de gros sourcils perpétuellement froncés. Sa bouche mince réduite en un trait oblique, il contemplait le massacre.
Le colonel Oliveira avait pour tâche de pacifier toute cette zone, de protéger les colons et de faire régner l'ordre parmi eux. Sa méthode favorite était la répression.
À ses côtés, se tenait un jeune homme de stature mince et nerveuse, aux cheveux courts et bruns, au front haut, aux yeux noisette cernés et mélancoliques. Le lieutenant Guilherme Santos.
Le regard du colonel Oliveira erra sur l'autre côté de la rivière. Il avait envoyé une partie de ses cavaliers fouiller les environs. Les soldats n'avaient trouvé aucune trace du ou des criminels, pas même au bord de l'eau où la terre gardait les empreintes.
L'officier supérieur cracha:
Oliveira: Les Thugs! Il n'y a que ces maudits assassins pour commettre un tel forfait!
D'une voix naturellement douce, le lieutenant releva:
Santos: Mais colonel, jamais auparavant ils n'ont usé de telles méthodes. Et jamais ils ne se sont attaqués aux colons. De plus, ils s'interdisent de sacrifier les femmes et les enfants, dont le meurtre ne satisfait pas leur déesse.
Oliveira balaya l'argument d'un revers de la main.
Le jeune officier s'entêta, désignant les inscriptions sinistres ornant les murs:
Santos: Sauf votre respect, colonel, ces glyphes non rien à voir avec les Thugs. Ce n'est ni du sanskrit ni de la brahmi.
Son supérieur renifla aussitôt:
Oliveira: Je ne vous savais pas expert en sorcellerie Hindoue ou bouddhiste, lieutenant Santos! Car de toute évidence, il s'agit bien de cela; probablement un sombre rituel perpétré par l'un de leur maudits chamans. Rien ne peut plus m'étonner venant de ces races dégénérées!
Santos hocha la tête mais son expression restait dubitative. Il regarda une nouvelle fois les cadavres et retint un frémissement d'horreur. Depuis six ans qu'il servait ici, jamais il n'avait vu un tel massacre. Cette attaque, perpétrée par les adorateurs de Kali ou non, sortait assurément des escarmouches habituelles. Ce qui motiva le jeune officier à ajouter:
Santos: Les Thugs n'assassinent pas les pauvres gens et ils enterrent leur victime pour dissimuler leur corps... C'est tout de même le second crime de ce genre, il serait peut-être judicieux d'avertir le Radjah de Patala et envoyer un rapport au gouverneur de Goa.
Son supérieur se hérissa:
Oliveira: Certainement pas! Je ne veux pas avoir affaire au souverain local ni déranger Nuno da Cunha pour un problème que je suis tout à fait en mesure de gérer. Cette fois, les Thugs ont dépassés les bornes. Je pouvais tolérer quelques raids de temps à autre, cela aide les hommes à rester sur le qui-vive. Mais pas ce genre de massacre! Ces sauvages vont me le payer, il est temps de leur montrer qui règne sur ces terres! Rentrons, il me faut prendre des dispositions.
Le colonel termina sa tirade en fouettant sèchement sa botte avec sa badine d'officier.

☼☼☼

Loin des horreurs commises à Goa, Mendoza et Laguerra firent une halte, le temps de faire souffler les montures, de s'abreuver, de partager quelques lanières de bœuf séché.
La pause se fit en silence. Isabella était perdue dans ses pensées, elle sondait sans cesse le panorama.
Puis ils reprirent leur périple, empruntant une succession de montées et de descentes, louvoyant à travers les caprices du paysage.
Le ciel avait pâli, perdant son cobalt éclatant pour prendre une teinte grisée. Un vent léger se leva.
Tout comme sa compagne, Mendoza fronça les sourcils en constatant le phénomène mais ne dit rien.
Le gris du ciel se densifia, s'assombrit au fil de leur progression, jusqu'à masquer totalement l'éclat voilé du soleil.
Le vent semblait forcir.
Les yeux plissés par la vigilance, la jeune femme leur fit traverser un arroyo totalement à sec puis gravir une pente caillouteuse qui menait en haut d'un promontoire étiré, composé de schiste brunâtre. Son regard, qui balayait les alentours, ne cessait de revenir au ciel.
Ce dernier s'ornait à présent de nuages gros et gras, tirant sur le violacé.
Le vent commençait à s'énerver, balayant les pentes de bourrasques chaotiques. Avant de prendre le plein galop, elle s'exclama:
:Laguerra: : Il faut trouver de quoi s'abriter!
Ils traversèrent le plateau, giflés par le vent qui les prenait de travers, maculés de poussière. La tension ambiante avait également saisi les montures et celles-ci devenaient de plus en plus nerveuses.
Un éclair silencieux, d'un rouge éclatant, agita la masse nuageuse. Sa couleur annonçait la présence de pluie dans l'air.
La nature semblait retenir son souffle. Le capitaine ressentait cette sensation particulière, cette pointe de tension qui le prenait entre les épaules, jusqu'à sa nuque. Née du danger, d'un désastre imminent, comme lorsqu'il naviguait en mer.
Toujours menés par l'aventurière, les cavaliers descendirent un palier, débouchant sur une langue de roche aux lignes dentelées encadrée de crevasses.
La jeune femme cherchait quelque chose du regard. Son compagnon suivait, prodiguant à son alezan des paroles rassurantes. Le cheval ne paniquait pas encore mais l'Espagnol percevait son agitation grandissante.
Un second éclair éclata, toujours sans bruit, fulgurant sur le manteau anthracite des cumulonimbus avec une telle puissance que Juan en garda la rémanence de longues secondes.
Le passage qu'ils suivaient se divisa en deux segments qui s'enroulaient autour d'un éperon de granit vertical au pied duquel s'entassait une série de roches arrondies.
Hésitante, Isabella se décida finalement et prit sur la gauche.
Le vent sifflait de plus en plus fort. Les moutons du ciel, noirs, se mirent à grésiller en altitude, recouverts d'un halo magenta de sinistre augure.
Laguerra poussa une exclamation qui se perdit dans le vent. Elle venait enfin de trouver ce qu'elle cherchait. Une grotte naturelle, taillée dans la base de l'éperon rocheux, suffisamment haute pour qu'il y règne une sorte de clair-obscur.
Elle s'y rendit en droite ligne et s'y engouffra, faisant signe au bretteur de la suivre. Ayant longtemps voyagé chacun de leur côté, ce dernier se demandait si elle était déjà venue dans ce coin.
Mettant pied à terre et, dégainant son arme à feu, Isabella vérifia que l'endroit ne comportait ni prédateur, ni visiteur importun. Rassurée, elle entreprit de desserrer les courroies de sa monture avant de caresser son chanfrein. Désignant l'extérieur, elle dit à Mendoza:
:Laguerra: : Nous allons pouvoir regarder le spectacle de Dame Nature tout en demeurant au sec.
Le Catalan avait lui aussi libérer la sangle de son alezan. Conscients d'être à l'abri, les équidés s'étaient considérablement apaisés.
Curieux, il se rendit sur le seuil de la grotte et cria au vent:
:Mendoza: : Maintenant! Ça peut commencer!
Le Tsiokantimo, vent fort venu du sud de Madagascar, cessa d'un coup. Une odeur prégnante d'ozone, formée par les éclairs et transportée par les alizés, emplit les narines de l'Espagnol.
Ses yeux noirs clignotèrent devant une nouvelle décharge électrique empourprée qui illumina la voûte grasse des nuages, plus bas et plus épais que les précédents. Cette fois, l'éclair était accompagné de sa pleine puissance sonore. Un intense roulement de tonnerre résonna en s'achevant par un craquement formidable, qui ébranla les tympans du navigateur, à croire que les cieux allaient se fissurer et, par la même occasion, engloutir toute parcelle d'humanité sur terre.
Juste après, la pluie se mit à tomber. Fine et implacable.
Un véritable déluge se déversa sur cette partie du pays. Inondée de gouttelettes, la roche se mit à crépiter aux points d'impact.
Le marin avait assisté à de nombreux phénomènes météorologiques tout au long de sa vie tumultueuse, assisté à des visions renversantes de toutes sortes en côtoyant Estéban. Il devait néanmoins s'avouer impressionné par le déchaînement soudain qui tombait du ciel, ce rideau de pluie qui violait la terre, la pierre, la végétation, tout ce qu'il touchait.
La crête fumait, par endroits. À l'horizon, des points lumineux éclataient tandis que les arbres ou les buissons s'enflammaient à cause de la foudre.
Le capitaine avait la bouche sèche. Il n'en menait pas large. Si doué fût-il au combat, si volontaire, la fureur du ciel était un adversaire bien au-delà de sa portée, même si, tel un ange véritable, il avait disposé de ses propres ailes pour l'affronter.
Après avoir conduit les montures plus en avant dans la pénombre de la grotte et les avoir entravés, Isabella le rejoignit. Lui tendant sa gourde, elle fit:
:Laguerra: : Sacré spectacle, n'est-ce pas?
Le mercenaire hocha la tête, incapable de trouver les mots, avant de boire quelques gorgées bienfaisantes.
Le pilonnage céleste dura une bonne heure. Ils restèrent à le contempler, l'un près de l'autre, sans prononcer un seul mot.

Ayant décharger tout leur venin, les nimbostratus, altostratus et autres cumulonimbus finirent par se disloquer, s'effilochèrent un à un, perdant de leur substance, avant de s'évaporer tout à fait. Le soleil reprit ses droits, dardant à nouveau la puissance de ses rayons. Le ciel avait recouvré sa chaude teinte d'un bleu profond, redevenu impavide, apaisé encore plus vite qu'il ne s'était courroucé.
Ils resserrèrent les sangles de leurs chevaux, montèrent en selle et repartirent, traversant désormais un paysage détrempé. Toujours humide, la terre était criblée de cicatrices, profondément dévastée à certains endroits.

☼☼☼

L'astre du jour se coucha sur le Zambèze, l'air chaud et sec de la journée cédant la place à une certaine fraîcheur. Laguerra passa une longue veste de peau retournée. Mendoza se contenta de sa cape, jusqu'ici enroulée avec sa couverture.
Pour établir leur bivouac, ils s'arrêtèrent dans un bosquet d'arbres planté sur un promontoire.
Une fois leurs chevaux inspectés de près, nourris et brossés, ils dressèrent le camp, chacun assuré dans ses gestes. Isabella alla chercher du bois sec. Le capitaine, pour sa part, rassembla de grosses pierres pour encercler la fosse qu'il venait de creuser dans la terre. Ainsi, les flammes de leur feu ne seraient pas repérables de loin.
La jeune femme finit par revenir avec une bonne brassée de branches sèches. Elle avait également ramené de la viande fraîche, à savoir le cuissot d'un sanglier des savanes qu'elle avait abattu d'une flèche.
Tandis que l'Espagnol démarrait le feu, elle repartit chercher une nouvelle provision de bois.
Lorsque le foyer fut allumé, saisi d'une inspiration, le mercenaire décida qu'il allait s'occuper de la cuisine. Il ouvrit ses fontes de selle pour en tirer un pot de grès contenant du miel, une spatule, ainsi qu'un petit sachet en daim. Puis, il débita la viande jusqu'à la désosser. Pendant qu'il œuvrait, sa compagne s'éloigna une nouvelle fois.
Se servant de son ustensile en bois, le Catalan tartina généreusement la chair de miel, qu'il saupoudra ensuite des épices contenues dans le sachet.
De retour d'un troisième ravitaillement, Isabella s'allongea sur le dos et se détendit en admirant le ciel. Celui-ci dévoilait un firmament sans limites, composé d'une myriade clignotante de feux d'or ou d'argent, étoiles lointaines nappées d'un arrière-plan luminescent au velouté bleu-noir. Ce piquetage merveilleux attirait l'œil, adoucissait l'esprit pour quelques instants de rêverie.
De son côté, Mendoza mit à cuire le cuissot de phacochère qu'il avait préparé à la broche. Prenant son temps, il tourna inlassablement le pieu en bois, laissant la chaleur des flammes pénétrer progressivement la viande à cœur. L'arrosant à intervalle régulier, il la surveilla soigneusement afin de la faire doucement caraméliser sans pour autant la faire brûler.
Au bout d'un moment, il finit par dire:
:Mendoza: : C'est prêt!
En se redressant, Isabella lui sourit:
:Laguerra: : Ça sent vraiment bon.
Ils mangèrent de bon appétit, savourant le porc fondant, rehaussé de ce mélange sucré-salé. Tout en se léchant les doigts, l'aventurière s'exclama:
:Laguerra: : Fameuse, ta cuisine, beau gosse!
Tout en dînant, le capitaine fixait les flammes qui dansaient devant lui. Relevant la tête pour contempler le visage de son interlocutrice, éclairé par la lueur du petit feu, il demanda:
:Mendoza: : Pourquoi fais-tu ce métier?
La question lui avait échappé et il maudit sa fichue sensibilité, qui lui interdisait de ne pas s'intéresser à la femme qu'était Laguerra.
Elle répondit sans avoir à réfléchir et sans hésiter:
:Laguerra: : Parce que je suis bonne à ça. La meilleure. Parce que je suis fière et libre. Que j'aime le danger. Je mène ma vie comme je l'entends, Mendoza... Je ne dois rien à personne. Et jamais je ne vivrai autrement que libre, je me le suis juré. Jamais.
:Mendoza: : Je comprends, je comprends très bien.
En effet, les mots de l'aventurière répondaient directement à cet écho lancinant qui résonnait au fond de lui, profondément ancré, ce besoin de liberté qu'elle évoquait, qu'elle assumait parfaitement.
Contrairement au capitaine. Lui aussi aspirait à cette émancipation, mais il n'arrivait toujours pas à se résoudre de laisser les enfants s'envoler de leurs propres ailes.
Elle l'observait avec attention, comme si elle cherchait à le sonder. Surprise, peut-être, tout autant par la réponse que par sa tonalité mélancolique. Elle demanda à son tour:
:Laguerra: : Et toi, qu'attends-tu de la vie?
:Mendoza: : J'ai bien un projet qui me tient à cœur mais je ne vois pas comment le concrétiser pour le moment...
Il éluda:
:Mendoza: : Je ne suis pas du genre à m'épancher, Laguerra. Mais toi, puisque tu abordes ce sujet, qu'attends-tu d'elle?
Là encore, aucune hésitation de la part de la jeune femme. Elle sourit:
:Laguerra: : Qu'elle soit riche en sensations. Que je puisse en savourer chaque heure, chaque journée, sans remords ni regret.
:Mendoza: : Sans remords ni regret.
Comme cela sonnait juste pour l'homme à la cape bleue.
:Laguerra: : Dis, beau gosse, je commence à me demander si sous tes airs de grand dur, tu caches une âme d'idéaliste, du genre, par exemple, à chercher le grand amour.
:Mendoza: : Mais de quoi tu parles? Et puis arrête un peu de m'appeler "beau gosse", tu veux!
Éclairés des mêmes lumières mouvantes, les yeux de la jeune femme se paraient de chaleur:
:Laguerra: : Pas la peine de te mettre sur la défensive, mon but premier est d'apprendre à mieux te connaître, approfondir la bonne opinion que j'ai de toi. Et puis s'il est vrai que tu n'as rien d'un gosse, par contre, j'avoue que je te trouve beau, dans ton genre. Pourquoi je te révèle ça, tu vas me demander...
Aussi naturelle qu'impudique, elle poursuivit:
:Laguerra: : Tout simplement, parce que toi et moi, nous allons passer à l'acte, beau gosse. Tu finiras par m'offrir ton corps, ton désir, ton plaisir. Je ne te demande rien d'autre. Entre nous, il n'y aura que le moment présent. Pas de contraintes, pas de plans à long terme si c'est cela qui t'effraie.
Déstabilisée par un tel discours, la cervelle du capitaine bouillonnait. Un peu piqué au vif, il répliqua:
:Mendoza: : Et qu'est-ce qui te dit que j'ai envie de te mettre dans mon lit?
:Laguerra: : Parce que tu m'as questionnée sur notre avenir commun avant que je ne me fasse mordre par cette vipère... Parce que tu m'as demandée d'être patiente dans le condor. Et puis, j'arrive toujours à mes fins quand je veux quelque chose.
:Mendoza: : Tu es un peu trop sûre de toi!
:Laguerra: : Je sais que tu me désires, Juan-Carlos Mendoza. Si ce n'était pas le cas, pourquoi me proposer cette escapade rien qu'à deux?
Elle partit d'un rire amusé:
:Laguerra: : Cette méfiance que tu affiches ne peut que te rendre plus attrayant encore à mes yeux, et d'ailleurs, oui, tu as envie de moi, ose dire le contraire!
Lèvres pincées, il rétorqua:
:Mendoza: : Envie de toi? Là, maintenant? Certainement pas! Le soleil t'a chauffé la tête, ma belle.
Le rire de la jeune femme s'accentua:
:Laguerra: : Tu peux dire ce que tu veux, Mendoza, je sais que j'ai raison, même si tu t'en défends. Et tu verras, tu ne le regretteras pas.
Dépassé tout autant par l'assurance de la jeune femme et la sensualité qu'elle dégageait soudain, le capitaine ne répondit pas. Refusant de s'aventurer sur ce terrain, il se remit sur pied afin de s'isoler.
:Laguerra: : Fais attention! Ne t'éloigne pas trop!
:Mendoza: : Ça va, je sais ce que je fais! Je n'ai rien d'un gosse! Tu l'as dit toi-même.
La nuit était presque aussi claire que le petit matin. Et si la lumière lunaire charriait son lot d'ombres inquiétantes, propices au camouflage d'un prédateur, sa luminosité pâle s'avérait bien préférable pour les aventuriers au noir dense régnant sur certains territoires. En pleine nature, les nuits claires constituaient des alliées plutôt que des adversaires.

20.PNG

Le mercenaire rumina:
:Mendoza: : Pas question de céder à ses charmes pour le moment. J'en fais un point d'honneur.
Mais son corps réagissait tout autrement que son esprit. Isabella affichait une féminité franche et farouche, une force de caractère qui ne pouvaient que le troubler.
L'homme au cœur meurtri, piétiné. Suppurant. Espérant toujours, tout en se défendant d'espérer.
:Mendoza: : Non, pas question!
Une fois les ustensiles de cuisine essuyés, rangés, après avoir vérifié que son alezan allait bien, il revint s'asseoir devant le feu, feignant de ne pas voir l'air moqueur de Laguerra. Ils partagèrent un gobelet d'infusion d'écorces noires et Isabella vint se coucher à côté de lui, sans que l'un d'eux ajoute le moindre mot.
Impérieusement, elle s'empara de la main du marin, qu'elle garda entre les siennes avant de s'installer plus confortablement. Elle s'endormit quelques secondes plus tard, le visage las mais cependant serein. Pureté d'une beauté aux reflets fragiles, encadré du lac sombre de sa chevelure.
Montant la garde, Mendoza attendit de longues minutes avant de dégager sa senestre.

21.PNG

Il ne croquerait pas la pomme avec elle. Pas pour le moment.
La nuit s'écoula sans heurts, troublée uniquement par quelques cris d'oiseaux nocturnes.

☼☼☼

Tandis que les aventuriers passèrent leur première soirée à la belle étoile, Zia, accompagnée d'un Estéban bougon, pénétra dans le palais du roi Neshangwe. Elle se plaça devant le trône sur lequel était juché le souverain, s'agenouillant pour saluer ce dernier avec toute la dévotion qu'elle était capable d'afficher.
Tout en indiquant à la jeune fille qu'elle pouvait se redresser, il susurra:
Neshangwe: Bonsoir Zia, bonsoir Estéban. Que faites-vous là? Vous devriez être en train de vous amuser, ce soir...
:Zia: : C'est que...
Neshangwe: Que désirez-vous?
:Zia: : Savoir où en est Tao de ses découvertes sur Ishtar. Nous ne l'avons pas vu de l'après-midi.
En effet, plusieurs heures s'étaient écoulées sans progrès notable pour le naacal, en dépit de ses recherches acharnées.
Neshangwe: Eh bien, avec l'aide de Li Shuang et Athanaos, tous trois ont consulté divers index. Ils ont également compulsé des ouvrages de référence... Tout cela en vain. Les deux alchimistes sont partis se coucher en perdant tout espoir de dénicher un renseignement utile. Je suis désolé mais ma modeste bibliothèque ne contient aucun document qui se réfère à ce personnage ni à son tombeau et croyez bien que j'en suis navré, les enfants... Or le jeune Tao n'a pas dit son dernier mot.
:Zia: : Où est-il, Votre Altesse?
Neshangwe: Là-bas derrière, à chercher une piste dans ces étranges tablettes bleutées se mouvant dans les airs... Mais j'y songe, tout ce qui a trait aux personnes décédées révèle peut-être de l'occulte ou de la mythologie... Et comme vos amis se sont uniquement cantonnés aux croyances Africains, je me demande si...
Neshangwe se leva prestement et se dirigea vers un certain rayonnage. Usant de précautions, il déballa un assez gros livre relié, enrichi de ferrures d'argent.
:Esteban: : Qu'est-ce que c'est?
Neshangwe: Je viens de me souvenir qu'il y a quelques temps, je m'étais procuré cette reproduction sur vieux parchemins de l'Épopée de Gilgamesh. Par manque de temps, je n'ai fait que survoler cet ouvrage, mais...
:Esteban: : Mais quoi?
Faisant preuve de plus de tact, Zia demanda:
:Zia: : Que contient-il, Votre Altesse?
Neshangwe: C'est un récit épique de la Mésopotamie, faisant partie des œuvres littéraires les plus anciennes de l’humanité. La première version connue fut écrite en caractères cunéiformes sur douze tablettes d’argile et relatait les aventures de Gilgamesh, roi d'Uruk, peut-être un personnage ayant une réalité historique, mais en tout cas une figure héroïque, et aussi une des divinités infernales de la Mésopotamie ancienne... Seulement, j'ai malencontreusement oublié son nom...
Saisi de vénération, le roi tourna les épaisses feuilles crissantes sur lesquelles une main habile avait mêlé au texte grec de délicates enluminures. Visiblement, il cherchait un passage en particulier.
Neshangwe: L’Épopée est un récit sur la condition humaine et ses limites, la vie, la mort, l'amitié, et plus largement un récit d'apprentissage sur l'éveil de son héros à la sagesse. Sa première partie relate les exploits de Gilgamesh et de son compère Enkidu, qui triomphent du géant Humbaba et du Taureau céleste...
Il pointa du doigt le bas de la page.
Neshangwe: Là!
Aussitôt, ses yeux se mirent à briller.
Neshangwe: ... du Taureau céleste, ce dernier suscité contre eux par la déesse Ishtar dont le héros a rejeté les avances.
:Zia: : Ishtar? Une... déesse?
Neshangwe: C'est cela! Nous avons affaire à une divinité Mésopotamienne.
:Esteban: : La forme originelle du nom semblait masculine pour moi. Jamais je n'aurai pensé à une femme!
Estéban digéra l'information avant de se laisser aller à un cri de joie:
:Esteban: : You-hou! Enfin nous tenons quelque chose! Tao! Tao! Viens voir!
Avant que le naacal ne les rejoigne, celle que l'on appelait maintenant la mère du Bako demanda:
:Zia: : Est-ce que ce livre en dit plus sur elle?
Neshangwe: Non, Zia. Son implication dans cette œuvre est secondaire. L'Épopée ayant été rédigée par des hommes pour une audience masculine, son rôle est plutôt défini en fonction des attentes des personnages masculins.
La jeune fille adressa au roi une grimace contrite:
:Zia: : Comment l'histoire se termine-t-elle?
Neshangwe: Le récit bascule avec la mort d’Enkidu, punition infligée par les dieux pour l’affront qui leur a été fait. Gilgamesh se lance alors dans la quête de l’immortalité, parvenant jusqu’au bout du monde où réside l’immortel Uta-napishti, qui lui apprend qu’il ne pourra jamais obtenir ce qu’il recherche mais lui enseigne l’histoire du Déluge qu’il pourra transmettre au reste des mortels.
:Tao: : Que se passe-t-il par ici?
Débouchant de l'autre pièce, le Muen entra maladroitement, la chevelure en bataille, les yeux rougis et troubles, la démarche pesante. Il regarda les arrivants sans vraiment les voir. Zia secoua la tête et soupira:
:Zia: : Tu n'as même pas pris le temps de faire une pause, hein? C'est ça?
Son camarade hocha la tête, bouche incurvée vers le bas, aussi piteux que confus.
:Zia: : Allez, va te coucher, Tao. Si tu ne dors pas, tu ne seras pas d'une grande utilité à Ormuz!
Le naacal hocha une nouvelle fois la tête.
:Tao: : Bonne nuit, Altesse. Bonne nuit, vous deux.
Tandis qu'il gagnait le seuil du palais en chancelant, Estéban lança un regard à sa jeune amie.
:Esteban: : Ormuz? Nous n'allons pas retourner là-bas, Zia! Tu te rends compte du temps que ça va prendre?
:Zia: : Estéban, tu oublies que nous avons un moyen bien plus rapide que le condor pour passer d'un point du globe à un autre.
En atteignant la sortie, Tao s'arrêta. Prenant leur temps, les paroles de l'Inca firent cependant leur chemin en lui. Il se retourna vivement:
:Tao: : Hein? Ormuz! Mais pourquoi?
:Esteban: : Le roi à trouver une piste, Tao.
:Tao: : C'est vrai?
Plus curieux que jamais, l'adolescent lui fit signe de poursuivre mais ce fut Neshangwe qui lui répondit:
Neshangwe: Oui! Ishtar est une déesse Mésopotamienne, jeune homme...

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Ce dernier en resta bouche bée. Deux sentiments l'assaillirent successivement. Le soulagement, tout d'abord. Intérieurement, il se rassura:
:Tao: : C'est presque fini. On arrive enfin au bout de cette énigme. Et bientôt je reverrai Indali...
L'incompréhension, ensuite, à l'idée que Zia veuille se rendre à Ormuz. Pour y faire quoi? Il posa donc la question.
:Zia: : Parce que là-bas, je ne vois qu'une seule personne susceptible de nous renseigner sur la localisation de la sépulture de la déesse!
:Tao: : Qui?
:Zia: : Waga Fayat!
:Tao: : L'antiquaire?
:Zia: : Bien sûr! Qui d'autre?
:Tao: : Tao, imbécile de naacal! Waga Fayat... évidemment! Dire que nous avons un spécialiste sous la main depuis le début. Pourquoi n'y ai-je pas songé?
Faisant mine de sortir, il demanda aux deux autres:
:Tao: : Qu'est-ce qu'on attend?
L'impatience avait définitivement succédé à la fatigue chez lui.
:Tao: : Allons-y.
Sa "sœur" le tempéra d'un mouvement négatif de la tête.
:Zia: : Tao, nous y rendre à cette heure, en pleine nuit, serait imprudent. Tu es épuisé, je le suis aussi, ainsi qu'Estéban. Non, le mieux est de nous y rendre à la première heure demain. Nous demanderons à Athanaos de nous accompagner.
:Esteban: : Oh, oui! Mon père sera sûrement content de revoir Waga!
:Tao: : Vous avez raison, les amis! Mieux vaut attendre.
Cette fois, le Muen disparut de leur champ de vision. Deux minutes plus tard, ses ronflements montèrent jusqu'à eux, couvrant le son de la musique et des conversations festives. À l'instar de son souverain, le Grand Zimbabwe était loin d'être couché.
:Esteban: : Sacré Tao!
Le ton avec lequel Estéban avait parlé n'avait rien à voir avec celui avec lequel il s'exprimait habituellement.
:Zia: : Votre Altesse, nous allons vous laisser, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Il me reste quelques préparatifs à effectuer en prévision de cette expédition.
Neshangwe: Je comprends, Zia. Bonne nuit à tous les deux.
Main dans la main, les Élus sortirent à leur tour du palais. Le trajet jusqu'à leur hutte respective se termina et aucun mot ne fût échangé.
N'y tenant plus, l'Inca se tourna vers l'Atlante et lui passa la main sur la joue. Un geste simple, une banale caresse, mais chargée d'une intimité troublante.
:Zia: : Estéban...
:Esteban: : Zia...
Ils avaient parlé en même temps.
Avant qu'il ne puisse poursuivre, elle l'agrippa par le col de sa chemise. Elle le contempla, les yeux soudain brillants. Le cœur de l'Élu battait si fort. Il étendit sa main vers elle. Qu'allait-il faire?
:Esteban: : Vas-y!
:Gaspard: : Pas encore couchés, vous deux?
La silhouette massive de Gaspard sortit de l'ombre. Estéban sentit sa jeune amie se raidir. Il s'écarta d'elle en retenant un grondement de dépit.
Tout en approchant, l'officier entama d'un air engageant:
:Gaspard: : Vous n'étiez pas à la soirée, tous les deux?
:Zia: : En effet. Désolée, je suis fatiguée, je vais me coucher. Bonne nuit à vous deux.
Et la jeune Muenne fila sans demander son reste.
Le fils d'Athanaos se retrouva face à José-Maria.
:Gaspard: : Mes excuses si j'ai interrompu quelque chose. Je suis bigrement maladroit parfois.
:Esteban: : Tu ne nous a pas dérangés du tout. Nous nous apprêtions à nous souhaiter bonne nuit, tout simplement.
:Gaspard: : Mouais, c'est ça! À d'autres, gamin! Il semblerait que tout le monde ait trouvé sa moitié, dans ce pays! Tout le monde sauf moi!
:Esteban: : C'est faux! Toi aussi tu as trouvé quelqu'un, Gaspard!
:Gaspard: : Qui?
:Esteban: : Tu le sais très bien! J'ai bien vu ce rapprochement entre toi et... Pichu!
Sans laisser le temps au barbu de réagir, il ajouta:
:Esteban: : Bonne nuit, Gaspard.
Ce dernier regarda le môme s'éloigner. Comme pour confirmer les dires d'Estéban, le perroquet vint se poser sur son épaule.
Après avoir mouché le capitaine d'armée, le fils du soleil rejoignit la case qu'il partageait avec Tao et Mendoza. Son ami dormait en travers de sa couche, les jambes pendant au-dessus du vide.
L'Atlante déchaussa le Muen, le redressa au milieu du lit, et le retourna sur le côté. Le naacal grommela tel un ours mais ne se réveilla pas. Il cessa même de ronfler. Estéban rabattit un pan de couverture pour le recouvrir et gagna sa propre paillasse.
Il songea qu'après tout, une bonne nuit de sommeil ne pourrait pas lui faire de mal, à lui non plus. La journée de demain allait certainement être chargée.

☼☼☼

Le petit matin commençait à éclaircir l'horizon, nimbant le ciel d'un halo mauve.
Mendoza était plongé dans un songe troublant.
Isabella.
Se servant de son fouet, elle lui avait attaché les poignets et se jouait de lui, faisant monter son désir en le caressant, en l'embrassant. Elle le chevauchait, ardente, lui arrachant des gémissements de plaisir, malgré lui.
Puis le visage de la jeune femme se superposa à celui de son rêve. Et le capitaine s'éveilla, sa couverture formant un tipi à un certain endroit de son anatomie.
Vigoureux et en excellente condition physique, il avait souvent des matins triomphants. Le jour sortait de la nuit comme d’une victoire.
L'aventurière était là, juste à côté de lui, accroupie, son menton en appui sur ses poings croisés. Elle était là à le fixer d'un air indéfinissable. Elle finit par lui asséner:
:Laguerra: : Tu es plutôt excitant quand tu gémis.
Il se redressa, les sourcils froncés:
:Mendoza: : Je ne gémissais pas.
La jeune femme gloussa:
:Laguerra: : Oh si, et ça semblait rudement bon, d'ailleurs!
Le marin se remit sur pied, tentant tant bien que mal de cacher la trophicité de son entrejambe. En pure perte.
Elle lui jeta un regard appréciateur:
:Laguerra: : Jolie bosse que tu as là, Mendoza! Car bien sûr, tu dors avec un gourdin sous ta couverture, n'est-ce pas?
:Mendoza: : Non, ne rougis pas, Mendoza. Surtout tu ne rougis pas!
:Laguerra: : Tu rougis, en plus? Ah, beau gosse, quand le moment sera venu, je ne vais pas m'ennuyer avec toi!
:Mendoza: : Par la malepeste, vas-tu cesser, oui?

☼☼☼

Tandis que l'aventurière s'amusait gentiment aux dépens du marin, l'Élue jouait du bout des doigts avec le disque de son médaillon. Elle allait l'utiliser pour créer une arche et se téléporter discrètement chez Waga Fayat, ce qui lui était possible car elle s'y était déjà rendue auparavant.
Campée au centre de la hutte, Zia était prête. L'incantation fut longue mais parfaitement maîtrisée. Il ne fallut pas trop de toute l'énergie accumulée par l'Inca pour clôturer le sort.
Elle finit épuisée, mais un sourire de triomphe se dessina sur ses lèvres.
Un halo opaque et légèrement mouvant, teinté d'un doux jaune à entrelacs d'azur, commença à apparaître. Le voile vertical se renforça tandis que le portail se formait, parcouru d'arcs d'énergie crépitante.
Une ouverture directe et momentanée en un point précis du golfe Persique.
À peine la porte était-elle stabilisée que les trois enfants, accompagnés d'Athanaos et de Pichu, la franchissaient, trahissant ainsi leur impatience.
Ils furent happés par cette sensation de flottement, plus aucun repère dans l'espace, ce sifflement dans les oreilles... Ceux qui empruntaient un portail pour la première fois s'en trouvaient désorientés. Les porteurs des médaillons du soleil, ainsi que leurs proches, avaient eu largement le temps de s'habituer au phénomène.
Zia avait décidé de se rendre directement dans l'arrière-boutique de l'antiquaire. Bien lui en avait pris, car si elle avait choisi comme point d'émergence un endroit hors de la ville, certes plus discret, ses compagnons et elle eurent été aussitôt arrêtés aux portes de la cité par les soldats Portugais que le gouverneur de l'île avait lancés contre eux quelques mois auparavant.
Un instant plus tard, dans la pièce chargée d'un soudain pouvoir, le rideau magique miroita quelques secondes. Puis le quatuor pénétra dans l'échoppe du commerçant avant que le portail ne disparaisse.
Waga Fayat était à Ormuz le grand spécialiste des ouvrages antiques et ses correspondants fouillaient sans relâche les cités de Grèce et d'Orient à la recherche de manuscrits rares. Lui-même se présentait sous les traits d'un homme d'une soixantaine d'années, grand et majestueux, très aimable et très érudit. Ses traits étaient nets, bien marqués par un réseau de rides mais ses yeux bleus pétillaient de jeunesse et sa voix était d'une grande douceur.
Il quitta l'homme avec lequel il s'entretenait pour aller vérifier l'arrière-salle. Il se demanda d'où avait pu provenir une lumière aussi vive.
Reconnaissant l'alchimiste et ses trois compagnons, il vint vers eux avec empressement.
Waga Fayat: Athanaos! Les enfants! Quel plaisir de vous recevoir! J'espère que vous n'avez pas eu de problème pour rejoindre notre belle île d'Ormuz? Mais au fait, par où diable êtes-vous passé? Je croyais avoir condamné la porte de service...
:Athanaos: : C'est une longue histoire, Waga...
Le vieil homme haussa les épaules.
Waga Fayat: Peu importe! Soyez les bienvenus!
S'adressant ensuite à Estéban, il fit:
Waga Fayat: J'avoue que si j'espérais un jour revoir ton père, je ne pensais pas que ta présence et celle de ta jeune amie la rendrait encore plus agréable. Regarde-la, elle est l'image même du printemps...
L'Élu protesta:
:Esteban: : Vous allez me la rendre vaniteuse, Waga.
Waga Fayat: Que puis-je faire pour vous?
:Athanaos: : Nous cherchons à localiser le temple d'Ishtar, ce nom te dit-il quelque chose?
Waga Fayat: Ishtar, Ishtar... Tu parles sans doute de la déesse Mésopotamienne d'origine Sémitique, vénérée chez les Babyloniens et les Assyriens.
:Athanaos: : Elle-même! Que peux-tu nous apprendre à son sujet?
Waga Fayat: Eh bien, ceci: elle correspondait à la déesse de la mythologie Sumérienne Inanna avec qui elle était confondue, une même déesse se trouvant manifestement derrière ces deux noms. Elle était considérée comme symbole de la femme, une déesse de l'amour et de la guerre, et souvent une divinité souveraine dont l'appui était nécessaire pour régner sur un royaume. Je crois d'ailleurs avoir quelques textes archaïques traitant de ce sujet. Il faut juste que je remette la main dessus.
:Tao: : D'où venait-elle, exactement?
-Hélas, jeune homme, la documentation écrite à cette époque étant absente, son origine est impossible à déterminer avec certitude... Elle s'est produit dans le contexte culturel spécifique des régions méridionales de la Mésopotamie du IVème millénaire et du début du IIIème millénaire avant Jésus Christ, qui ont vu coexister deux principaux groupes parlant des langues sans parenté, le sumérien, un isolat linguistique dominant au Sud, et l'akkadien, une langue sémitique dominante au Nord. Bien qu'il y eut des différences culturelles entre les deux groupes, ils évoluaient en symbiose depuis longtemps et de nombreux échanges culturels ont eu lieu entre eux, avec une prééminence pour l'élément sumérien. L'histoire d'Inanna/Ishtar fut marquée par la rencontre de ces deux peuples : Inanna était une déesse du pays de Sumer, tandis qu'Ishtar était d'origine sémitique.
L'antiquaire se mit à arpenter la pièce, fouillant chaque étagère chargée de volumes plus ou moins poussiéreux, chaque tiroir d'où il exhuma tout un lot de paperasses qu’il éparpilla sur la table, chaque coffret contenant moults papiers couverts de chiffres et de dessins étranges.
:Athanaos: : Je vois que tu es toujours aussi ordonné, mon ami!
:Esteban: : Et moi, je sens que je vais encore avoir du mal à suivre: deux noms pour une même déesse... Pfff!
:Athanaos: : C'est comme pour les Grecs et les Romains, mon fils. Ils avaient les mêmes dieux, mais ils les nommaient différemment. Zeus et Jupiter, Dionysos et Bacchus, Arès et Mars, Athéna et Minerve, Aphrodite et Vénus...

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Waga Fayat: En parlant de Vénus, Ishtar était également une divinité astrale, identifiée à cette planète. La déesse était d'ailleurs souvent symbolisée par une étoile à huit branches, personnifiant sans doute cet astre. Représentée par le deuxième corps le plus brillant dans le ciel nocturne après la Lune, elle occupait une place majeure dans l'espace céleste. Son nom sumérien signifiait Dame du Ciel, et il se retrouvait en akkadien dans l'épithète Reine/Dame du Ciel aux côtés d'autres appellations similaires comme Reine des Cieux et des Étoiles. Dans le mythe de sa Descente aux Enfers, elle se proclamait Reine du Ciel, de là où le soleil se lève. En tant que planète Vénus, elle était parfois appelée dans les textes sumériens d'un autre nom, Ninsianna, la lumière du Ciel, qui semblait être à l'origine une déesse indépendante dont la personnalité a été absorbée par Inanna. Elle apparaissait sous cet aspect astral dans des prières dédiées aux divinités de la nuit, un ensemble d'astres divinisés intervenant dans des rituels d'exorcisme ou de divination.
Le camelot fureta ensuite dans une armoire et en tira deux rouleaux de parchemins.
Waga Fayat: Ah, les voilà!
Tranquillement, il s'avança et en déroula un qu'il fixa sur la table avec divers objets. Il parcourut le document d'un œil habitué puis enchaîna:
Waga Fayat: C'est bien ce dont je me souvenais. Il semble bien y avoir eu plusieurs variantes d'Ishtar. De par son importance, celle que l'on appelait la Dame du Ciel était une déesse supra-régionale qui disposait de nombreux panthéons dans différentes cités de Mésopotamie, et même au-delà si on tient compte des divinités non-mésopotamiennes auxquelles elle était fortement assimilée. On connaît donc plusieurs déesses, chacune appelée en fonction de son origine géographique suivant la forme "Ishtar de ..."
Estéban souffla:
:Esteban: : De mieux en mieux...
Waga Fayat considéra un instant le jeune garçon puis se replongea dans la lecture.
Waga Fayat: Parmi les plus notables, je peux mentionner en Haute Mésopotamie, Ninive, Assur et Arbelès. Et en Basse Mésopotamie, Uruk, Kish, Babylone, Nippur, ou encore Zabalam. Ces divinités reflètaient la complexité de l'histoire de la déesse, de la façon dont son culte se diffusait, en prenant souvent pied là où d'autres divinités similaires existaient déjà.
:Esteban: : Super! Comment allons-nous faire pour trouver le bon temple parmi toutes ces cités?
:Athanaos: : En procédant par étape, Estéban.
Waga Fayat: Oh! Bête comme je suis, j'ai failli oublier de mentionner l'un des principaux lieux de culte de la déesse en Basse-Mésopotamie: le temple d'Akkad.
:Esteban: / :Zia: / :Tao: : Akkad?!?
:Athanaos: : N'est-ce pas là-bas que vous deviez retrouver les voiles de la princesse Rana'Ori?
:Tao: : Si! Mais ne nous emballons pas! Ce n'est peut-être qu'une simple coïncidence...
:Esteban: : Je ne pense pas. Waga Fayat, où se trouve ce temple?
Waga Fayat: Il aurait été érigé près de la ziggurat, à l'époque des souverains de l'empire, vers 2340-2190 avant Jésus Christ.
:Tao: : Mais, souvenez-vous les amis. Hormis la Montagne de la Lune qui est encore debout, il n'y a plus que des ruines, là-bas.
:Esteban: : Il faudra nous en assurer. Que savez-vous d'autre sur ce temple?
Waga Fayat: Pas grand-chose. Il est mentionné ici que ces rois avaient une relation privilégiée avec la déesse, au point que leur période a été considérée par la suite comme le règne d'Ishtar. C'est à elle que la tradition postérieure attribuait l'élévation de Sargon d'Akkad, le fondateur de la dynastie, au rang de monarque, dans le récit Sargon et Ur-Zababa. Pour résumer, ce récit épique décrit l'ascension de Sargon, qui renverse le roi Ur-Zababa de Kish avant de fonder son empire. Son destin lui est annoncé au début du texte par une apparition de la déesse Inanna dans un de ses rêves: Sargon se coucha non pas pour dormir, mais pour rêver. Dans le songe, la divine Inanna noyait Ur-Zababa dans une rivière de sang. Les différentes tentatives entreprises par Ur-Zababa pour contrer ce présage se révèlaient, comme toujours dans ce genre de récit, infructueuses en raison du soutien indéfectible d'Inanna, et l'élu des dieux finit par triompher. C'est aussi à cette période que l'aspect guerrier de la déesse fut mis en avant.
:Athanaos: : Hum... Intéressant.

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Waga Fayat: Ishtar de la bataille était liée à la guerre, aspect sous lequel elle se présentait comme virile, masculine, les valeurs martiales n'étant pas considérées comme féminines dans le Proche-Orient ancien comme ailleurs. Sa féminité s'exprimait davantage dans sa fonction de déesse de l'amour. C'est à cet aspect de la déesse que paraît plus particulièrement liée son association à son animal-symbole, le lion...
:Tao: : Le lion! Comme pour Rana'Ori!
:Zia: : Mais... Se pourrait-il que derrière toutes ces déesses se cache la dernière princesse de Mu?
Waga Fayat: C'est possible... Comme je vous l'ai dit, Ishtar avait repris par syncrétisme les aspects de différentes déesses mésopotamiennes et fut vénérée dans plusieurs grands centres religieux, prenant parfois des traits variés selon la localité où son culte se trouvait. Pour cela, elle illustrait bien la complexité des conceptions, des pratiques et des échanges religieux dans le Proche-Orient ancien, et beaucoup de ses aspects sont et resteront un sujet de discussion sans fin.
Désignant le deuxième parchemin encore enroulé sous son ruban rouge, Zia demanda:
:Zia: : Et celui-là, qu'est-ce que c'est?
Waga Fayat: Il s'agit du mythe le plus dense concernant la déesse Inanna/Ishtar, celui de sa Descente aux Enfers. Il est connu par une version ancienne en sumérien, qui a ensuite été réadaptée en akkadien, avec des modifications importantes de plusieurs passages. Sa trame reste similaire: la déesse décide de devenir souveraine des Enfers, en lieu et place de sa sœur Ereshkigal, et décide donc de se rendre dans le Monde inférieur sous prétexte de se rendre aux funérailles de l'époux de sa sœur. Cette dernière, pressentant la véritable raison de la venue d'Inanna, lui fait laisser un vêtement ou un bijou à chaque fois qu'elle franchit une des sept portes la menant aux Enfers, et quand elle arrive auprès de la Reine des Enfers elle est complètement nue. Ereshkigal la fait mettre à mort par des divinités infernales. Le vizir d'Inanna, Ninshubur, demanda alors de l'aide aux autres grands dieux, et obtint le secours d'Enki/Ea qui confectionna deux êtres pour aller récupérer Inanna. Mais Ereshkigal ne consentit à la laisser partir qu'à la condition qu'elle trouve un autre dieu pour se substituer à elle. Ce sera finalement Dumuzi son compagnon. La sœur de ce dernier, Geshtinanna, supplie Ereshkigal de le libérer, et obtient qu'il puisse remonter sur Terre une moitié de l'année à condition qu'elle prenne sa place.
:Zia: : C'est sinistre comme histoire!
Waga Fayat: C'est un mythe qui brasse des thématiques riches, au point qu'il est impossible d'en donner une interprétation unique. On y retrouve une description du monde infernal tel qu'il était conçu par les anciens Mésopotamiens, l'aspect conquérant d'Inanna/Ishtar, la ruse d'Enki/Ea, les interprétations naturalistes retrouvent dans le destin de Dumuzi le thème du dieu qui meurt lié au cycle de la nature, à la fertilité et aussi à la royauté, tandis qu'une approche ritualiste veut y déceler l'étiologie d'un culte à mystère lié à la déesse Ishtar, pour l'époque néo-assyrienne. L'importance de ce mythe est telle qu'il a inspiré d'autres récits et des rituels relatifs au destin funeste de Dumuzi. Les relations entre Inanna et Dumuzi n'y sont du reste pas toujours marqués par l'indifférence de la déesse envers les destin de son amant, car elle se lamente souvent sur son sort funeste...
:Esteban: : C'est bien beau tout ça, mais ça ne nous dit pas où se trouve exactement le tombeau d'Ishtar! Et si nous allions voir directement sur place, à Akkad? Zia, peux-tu invoquer un portail à partir d'ici?
Waga Fayat: Un portail?
:Zia: : Je le pourrai. Mais c'est à Mendoza que l'on a confié cette tâche.
:Tao: : Ouais! Et où est-il donc passé, au fait? Je ne l'ai pas vu ce matin...
Estéban accorda un petit sourire au naacal.
:Esteban: : Il est parti batifoler Dieu sait où avec Laguerra.
:Tao: : Ben voyons!
:Athanaos: : Dis donc, les garçons! Je vous trouve plutôt mesquins pour le coup. Après ce qu'il vient de vivre, il a amplement mérité cette petite récréation.
S'approchant de Tao, l'Atlante lui murmura:
:Esteban: : Tu penses qu'il a enfin...
Feignant une grimace, ils poussèrent un cri de dégoût.
:Athanaos: : Ça suffit, vous deux! Ce que fait Mendoza durant ses moments d'intimité avec Laguerra ne vous regarde pas. Et puis, je ne crois pas que le capitaine soit le genre d'homme à vouloir "s'amuser" avec les femmes. J'ai dans l'idée qu'il cherche quelque chose de plus sérieux, de plus sincère qu'une simple coucherie.
:Zia: : Je suis bien d'accord! Bon, il est temps de rentrer à Zimbabwe et attendre qu'ils reviennent. Merci pour tout Waga Fayat.
Ce dernier s'inclina:
Waga Fayat: Je suis heureux d'avoir pu vous renseigner... Et bonne chance dans votre entreprise. Tenez, jeune fille. Avant de partir, ceci est pour vous.
:Zia: : Merci. Mais qu'est-ce que c'est?
Waga Fayat: Un sonnet de Pétrarque.
Elle déroula le mince parchemin décoré de rinceaux et de feuilles de laurier comme il était d'usage pour les œuvres du grand poète et lut ce qui tombait sous ses yeux:

Si ce n'est pas l'amour qu'est-ce donc que je sens?
Mais si c'est l'amour, pour Dieu, qu'est-ce que l'amour peut-être?
S'il est bon, pourquoi son effet est-il âpre et mortel?
S'il est mauvais, pourquoi tous ces tourments ont-ils l'air si doux?


En lisant, l'Élue se sentit rougir. L'humaniste Florentin répondait trop bien aux questions qui hantaient son esprit depuis le jour où elle avait embrassé Estéban. Cette minute vécue entre eux avait été divine mais, suite à la réapparition de Zarès et avec l'état d'urgence dans lequel se trouvait l'humanité entière, la raison et la logique s'étaient efforcées de combattre et d'apaiser l'affolement de son cœur pris par surprise.
:Zia: : Merci beaucoup.
Zia retourna à l'endroit exact où le portail magique s'était manifesté. Elle se concentra et le rideau s'alluma en un arc de cercle de magie crépitante, prêt à les renvoyer dans la capitale du Grand Zimbabwe. À partir du moment où on avait utilisé une fois un téléporteur, il suffisait de penser à lui là où il était censé œuvrer pour qu'il apparaisse.
L'Élue la première, les autres à sa suite, ils disparurent sous le regard sidéré du vieil antiquaire.

☼☼☼

La même journée, dans le Bushveld. À un peu moins d'une dizaine de lieues du village. Tout en chevauchant le long d'une paroi rocheuse aux reflets rouges, le mercenaire avait laissé l'aventurière prendre un peu d'avance. Il luttait une nouvelle fois contre les élans de son cœur.
L'attirance était un paramètre qui pouvait se révéler bien sournois. Depuis qu'elle avait fait mine de ne rien voir lorsqu'il s'était caché dans les arbres avec les enfants du village en Inde, cette donzelle avait attiré son intérêt, même si c'était à son corps défendant.
🧠 :Mendoza: : Mille écus, pour une fois dans ta vie, cesse de te poser des questions quand tu te retrouves en face d'une femme qui te plaît, Mendoza! Grandis un peu, mon vieux, il en est grand temps! Elle te plaît, tu lui plais, pourquoi chercher plus loin? Pourquoi chercher plus loin que le plaisir des sens? Tu n'as qu'une vie, alors arrête de la gâcher avec ces interrogations continuelles!
C'était pile le type de discours que Ciarán aurait pu lui tenir, l'ancien Yeoman en était conscient. Tout comme il était conscient de la justesse des propos que lui tenait sa conscience. Celle-ci reprit:
🧠 :Mendoza: : D'ailleurs, tu n'as pas de questions à te poser en la matière. Il ne s'agit que de séduction, de plaisir immédiat, pas de former un couple sur le long terme, encore moins une famille. Laguerra a été très claire sur ce sujet, non? Pour l'instant, tu n'as rien d'autre à espérer d'elle que son corps et c'est déjà une sacrée aubaine! Oui, pour une fois, tu n'as rien à gérer, à craindre, à construire... juste à profiter.
Il se répondit à lui-même:
:Mendoza: : C'est trop simple...
Sa conscience rétorqua du tac au tac:
🧠 :Mendoza: : Non, c'est toi qui est trop compliqué et il serait grandement temps que tu l'admettes. Ce questionnement incessant que tu appliques à chacune de tes relations amoureuses n'est-il pas un moyen de ne pas t'engager? Y as-tu songé?
:Mendoza: : Non. C'est le souci de ne pas me leurrer, de ne pas m'investir en pure perte. De ne pas souffrir à nouveau.
Sa conscience ricana:
🧠 :Mendoza: : Eh bien, le résultat n'est pas bien fameux et il y a de quoi largement de quoi le remettre en question, tu ne peux qu'en convenir!
Une autre voix en lui, glacée, volontaire, clama:
🧠2 :Mendoza: : Aimer, c'est souffrir!
Celle de son cœur riposta aussitôt:
:Mendoza: : Ne pas aimer, c'est mourir à petit feu...
L'autre s'entêta:
🧠2 :Mendoza: : Aimer, c'est souffrir!
Mendoza s'écria à voix haute:
:Mendoza: : Assez!
Les mains plaquées sur ses tempes, il se dit:
:Mendoza: : Assez de questions, de conseils, de sentences! Le calme, je veux le calme en moi, rien d'autre! Je veux être libre de vivre à mon gré. Libre de choisir ma destinée, sans entrave, sans aucun faux-semblant. Sans être manipulé. Je veux être moi, juste moi!
Et Isabella dans tout ça? Cette sensualité, cette assurance, ces formes souples et musclées, ce regard impudique, fier, ses traits piquants, déterminés. L'attirance qu'elle déclarait sans détour pour lui... qu'en faire?
Une fois encore, le marin se retrouvait écartelé. Il avait envie d'elle, malgré cette part de lui qui se rebellait à cette idée. N'allait-il pas justement, s'il cédait à cette attirance, ne trouver que déception et souffrance?
Il n'y avait qu'un moyen de le savoir. Mais avait-il envie de savoir? De prendre le risque?
Un bruit de sabots, devant lui, mit fin à ce dilemme.
:Laguerra: : Tout va bien, Mendoza?
La jeune femme, qui avait arrêté sa monture pour se tourner vers lui, ajouta:
:Laguerra: : Je t'ai entendu crier.
Il se contenta de répliquer:
:Mendoza: : Tu as mal entendu...

Ils avançaient prudemment le long d'un sentier encadré d'une végétation dense aux teintes criardes. D'elle-même, l'aventurière avait retrouvé tout son sérieux, toute sa vigilance. Son regard perçant balayait l'horizon, imperturbable mais calculateur. Elle faisait encore plus attention au chemin qu'ils empruntaient, à présent. Pas question de se faire repérer. Elle allait même, aux endroits où le sol était trop meuble, jusqu'à effacer leurs traces avec des rameaux de créosote. D'après le roi Neshangwe, cette zone était souvent parcourue par des tribus ennemies.
Mendoza suivait, sur ses gardes lui aussi.
Au terme de leur descente, ils avaient découvert de quoi était composée la vallée. Une forêt dense, étouffante, inhospitalière, à l'humidité marquée.
Restant sur les pistes à causes des montures, ayant mis pied à terre, Isabella vérifiait régulièrement qu'ils ne laissaient pas de traces de leur passage. Dès qu'elle le pouvait, la jeune femme faisait des haltes durant lesquelles elle étudiait minutieusement les alentours. Elle leur faisait en outre fréquemment changer de sentier, choisissant parmi la multitude de pistes qui se croisaient et se recroisaient, zigzaguant selon la nature du terrain. Pistolet en main, elle ouvrait la voie, cheminant aux côtés de Mendoza. Ce dernier lui accorda un rapide coup d'oeil en estimant qu'elle était de taille à affronter cet environnement inamical et ses dangers. Elle évoluait avec autant d'aisance que les guerriers Maasaï du chef Tankanda.
C'est alors qu'une voix intimement connue résonna dans sa tête:
🗡: Le nord-est...
:Mendoza: : Dague? C'est encore toi?
🗡: Oui...
:Mendoza: : Tu pourrais être un peu plus claire?
🗡: Le nord-est... Au-delà de l'océan...
:Mendoza: : Au-delà de l'océan?!? Tu aurais pu me préciser ce détail avant! C'est malin! J'ai l'air de quoi moi, maintenant?
L'arme ne répondit rien.
:Mendoza: : Dague? Tu te rends compte que cette excursion n'a plus aucun sens! Merci, merci bien! Tu m'aides grandement, tu sais?
Il lui sembla entendre un ricanement provenir de sa lame étrange. De dépit, le mercenaire faillit la sortir de sa botte et la jeter dans la nature. Il avait compté sur elle pour le guider et voilà qu'elle se jouait de lui!
Il s'en voulut également des pensées qu'il avait eu envers Laguerra. Quand bien même il l'aurait dû, il ne lui donnera aucune explication sur les motifs réels de cette balade. À présent, celle-ci prenait une autre tournure et il pouvait se détendre en profitant pleinement de l'instant présent.

À suivre...

*
*Bushveld: Écorégion subtropicale boisée d'Afrique australe.
*Afrique orientale Portugaise: Ancien nom du Mozambique, jusqu'en 1951.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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Marcowinch
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par Marcowinch »

TEEGER59 a écrit : 17 mars 2021, 15:55 Ne me quitte jamais des yeux
Ca ne risque pas d'arriver ! :lol:
Leurs corps avaient été le fruit d'une cruauté insondable. Le Mal à l'état pur avait frappé, empoissant l'endroit d'une atmosphère infâme.
Gloups ! Ca fait froid dans le dos ! :shock:
L'Épopée ayant été rédigée par des hommes pour une audience masculine, son rôle est plutôt défini en fonction des attentes des personnages masculins.
Alors ça, ce n'est qu'un procès d'intention envers les hommes ! :tongue:
:Tao: : C'est presque fini. On arrive enfin au bout de cette énigme. Et bientôt je reverrai Indali...
Bah oui ! le pauvre doit attendre. Ca doit lui paraître long :cry:
:Gaspard: : Pas encore couchés, vous deux?
:Esteban: : Punaise, Gaspard ! Que fais-tu là ? lol
Estéban sentit sa jeune amie se raidir.
J'ai eu peur sur le début de cette phrase... :oops:
:Esteban: : Tu le sais très bien! J'ai bien vu ce rapprochement entre toi et... Pichu!
Ca c'est un coup bas, mais c'est bien fait ! :D
le capitaine s'éveilla, sa couverture formant un tipi à un certain endroit de son anatomie.
Pas sympa de dire que le marin a le nez long ! :lol:
:Esteban: : Et moi, je sens que je vais encore avoir du mal à suivre: deux noms pour une même déesse... Pfff!
Là, je compatis avec Esteban.
:Athanaos: : Hum... Intéressant.
Je confirme : très intéressantes les infos sur les divinités. J'ai appris beaucoup de choses :)
:Athanaos: : Dis donc, les garçons! Je vous trouve plutôt mesquins pour le coup. Après ce qu'il vient de vivre, il a amplement mérité cette petite récréation.
Et les Elus, hein ? Ils n'ont pas non plus vécu plein de choses eux aussi ? ;)
S'approchant de Tao, l'Atlante lui murmura:
:Esteban: : Tu penses qu'il a enfin...
Je vois qu'on traite nos héros de manière similaire :lol:
De petits diables, surtout l'élu (même si l'autre cache bien son jeu ;) )
Feignant une grimace, ils poussèrent un cri de dégoût.
A d'autres, hé ! On ne vous croit pas ;)

Un très bon chapitre, bien rythmé et très instructif. Vivement la suite :D
*** :Tao: :Zia: :Esteban: Ma fanfic MCO : La Huitième Cité :) :Esteban: :Zia: :Tao: ***
J'espère qu'elle vous plaira :D

:Esteban: Bah voyons, Pattala ! C'est pas dans ce coin-là que vit la jolie Indali ? :tongue:
Chenille99
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par Chenille99 »

Bonsoir Teeger59 ! Tout d'abord je tiens à dire que je dévore tes fanfics ! Etant fan de mendoguerra et surtout de Mendoza c'est un vrai régale pour moi ! J'ai également adoré ta fanfic du monde est dans sa jeunesse, je ne sais pas s'il y a un rapport mais elle m'a beaucoup fait penser à la saga assassin's creed, surtout toute la partie où Mendoza réalise sa vengeance.

Pour ce chapitre j'attends avec impatience le dénouement de cette petite escapade !
La partie historique avec waga fayat était également très instructive, si je puis me permettre, il me semble que la déesse Isthar avait proposé à Gilgamesh de l'épouser mais ce dernier refuse et donc par vengeance elle fait mourir Enkidu.

En tout cas, je guette avec impatience ton prochain chapitre !
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TEEGER59
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par TEEGER59 »

Chenille99 a écrit : 17 mars 2021, 22:34 Bonsoir Teeger59 ! Tout d'abord je tiens à dire que je dévore tes fanfics ! Etant fan de mendoguerra et surtout de Mendoza c'est un vrai régal pour moi ! J'ai également adoré ta fanfic du monde est dans sa jeunesse, je ne sais pas s'il y a un rapport mais elle m'a beaucoup fait penser à la saga assassin's creed, surtout toute la partie où Mendoza réalise sa vengeance.

Pour ce chapitre j'attends avec impatience le dénouement de cette petite escapade !
La partie historique avec Waga Fayat était également très instructive, si je puis me permettre, il me semble que la déesse Isthar avait proposé à Gilgamesh de l'épouser mais ce dernier refuse et donc par vengeance elle fait mourir Enkidu.

En tout cas, je guette avec impatience ton prochain chapitre !
Merci beaucoup Chenille. Je ne connais pas l'univers d'assassin's creed. La seule chose que je sais, c'est que ce sont des jeux vidéo, non? J'ignore si cela existe en livre. Pour la partie historique, oui, tu as raison, c'est exactement ça! Je ne connaissais pas cette déesse. Je l'ai découverte en faisant des recherches sur Akkad. Quant à la suite, je fais au plus vite.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par kally_MCO »

J'ai énormément de choses à dire...

Mais je vais poser ça là :

On est passés de "Il ne tiarechuoc pas avec elle" à "Il ne croquerait pas la pomme avec elle".

De l'art tout simplement.
— Regarde toi : la finesse d'une enclume et la loyauté d'un bigorneau !
— Et toi, capitaine Mendoza, tu fais quoi d'honorable à part chasser les mouches avec ta cape ?!
Chenille99
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par Chenille99 »

TEEGER59 a écrit : 17 mars 2021, 22:47
Chenille99 a écrit : 17 mars 2021, 22:34 Bonsoir Teeger59 ! Tout d'abord je tiens à dire que je dévore tes fanfics ! Etant fan de mendoguerra et surtout de Mendoza c'est un vrai régal pour moi ! J'ai également adoré ta fanfic du monde est dans sa jeunesse, je ne sais pas s'il y a un rapport mais elle m'a beaucoup fait penser à la saga assassin's creed, surtout toute la partie où Mendoza réalise sa vengeance.

Pour ce chapitre j'attends avec impatience le dénouement de cette petite escapade !
La partie historique avec Waga Fayat était également très instructive, si je puis me permettre, il me semble que la déesse Isthar avait proposé à Gilgamesh de l'épouser mais ce dernier refuse et donc par vengeance elle fait mourir Enkidu.

En tout cas, je guette avec impatience ton prochain chapitre !
Merci beaucoup Chenille. Je ne connais pas l'univers d'assassin's creed. La seule chose que je sais, c'est que ce sont des jeux vidéo, non? J'ignore si cela existe en livre. Pour la partie historique, oui, tu as raison, c'est exactement ça! Je ne connaissais pas cette déesse. Je l'ai découverte en faisant des recherches sur Akkad. Quant à la suite, je fais au plus vite.
Oui c'est ça, il y a quelques films et livres adaptés mais la base se sont les jeux vidéos.
Je ne voulais pas dire ça pour te presser, fait à ton rythme !🙂
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par kally_MCO »

Quel chapitre ! Long et détaillé, comme je les aime.
J'aime bien la façon dont tu traites la relation des élus, elle me donne envie de les "shipper". Tao est énervant sur les bords, mais je ne lui en tiens pas rigueur, haha !

J'adore la petite histoire sur la déesse (je pensais vraiment à un homme avec le prénom bizarre).

En ce qui concerne Mendoguerra... disons que je ris toujours autant devant l'assurance, voire l'impudence, de la guerrière à la peau satinée. Par contre, Mendoza mérite vraiment des baffes pour s'être méfié d'elle et l'avoir entraînée dans cette balade pour des raisons qu'elle ignore. Surtout qu'ils ne sont PAS en couple, hein :x-): :tongue:

Petit mot de fin : GASPY, GASPY, GASPY !!
— Regarde toi : la finesse d'une enclume et la loyauté d'un bigorneau !
— Et toi, capitaine Mendoza, tu fais quoi d'honorable à part chasser les mouches avec ta cape ?!
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IsaGuerra
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par IsaGuerra »

→ Petite balade romantique qui va mal tourner en perspective n'est-ce pas ? :roll:
→ Pauvre famille ! Et sacré supplice là :shock:
→ La tempête qui les a surpris a été décrit superbement bien on s'y serait presque cru
le cuissot de phacochère → Pauvre Pumba ! Pourquoi tant de cruauté ? :lol:
Se servant de son fouet, elle lui avait attaché les poignets et se jouait de lui → Tien une autre utilisation du fouet ma foi pourquoi pas
:Athanaos: : Je vois que tu es toujours aussi ordonné, mon ami! → C'est un bazar organisé
:Esteban: : Et moi, je sens que je vais encore avoir du mal à suivre: deux noms pour une même déesse... Pfff! → Pauvre Esteban

Encore un bon chapitre en tout cas !
« On le fait parce qu'on sait le faire » Don Flack
« Ne te met pas en travers de ceux qui veulent t'aider » Sara Sidle

« J'ai de bonnes raisons de faire ce que je fais » Isabella Laguerra
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 9: Promenons-nous dans les bois...

Les quatre voyageurs intercontinentaux se matérialisèrent dans la confortable hutte quittée le matin même.
Le sentiment d'urgence qui harcelait le Muen depuis quelques jours se faisait de plus en plus pressant. Il demanda:
:Tao: : On fait quoi, à présent?
:Athanaos: : Eh bien, pour ma part, j'ai à faire les enfants. On se reverra plus tard...
Athanaos sortit de la case pour rejoindre la sienne. Il alla directement s'asseoir à sa table de travail. Devant lui reposait un grimoire. Il l'ouvrit, parcourut quelques pages puis saisit une plume, de l'encre, et consigna une suite de pattes de mouche qui résumaient l'expérience qu'il venait de vivre. Son rapport terminé, il se rencogna dans son siège et se mit à caresser le duvet qui ornait son crâne.

Tao avait attendu que le père d'Estéban sorte pour se tourner vers ses amis:
:Tao: : Dites! On ne pourrait pas aller chercher les deux tourtereaux plutôt que d'attendre sagement qu'ils reviennent?
:Zia: : Tao, rien ne presse. Nous ne sommes pas à quelques jours près!
Le naacal ne put contenir sa frustration plus longtemps.
:Tao: : Ça vous va bien de dire ça, puisque vous, vous êtes ensemble! Moi aussi, j'aimerai retrouver ma douce Indali. Alors, plus tôt cette affaire de tombeau d'Ishtar sera réglée, plus vite nous partirons pour Patala.
Estéban et Zia échangèrent un regard empreint de la même surprise.
:Esteban: / :Zia: : Tu... Tu es au courant pour nous deux?
:Tao: : Bah oui!
:Esteban: : Mais... comment? Nous n'avons rien dit à personne. C'est Pichu qui t'a dit que nous nous sommes embrassés?
:Tao: : Hé, hé, hé! Non, mais vous venez de confirmer ce que je savais déjà! J'avais bien remarqué un changement de comportement depuis que vous êtes revenus avec la pierre d'Ophir! Et d'ailleurs, ce n'est pas trop tôt si vous voulez mon avis! Cela faisait des semaines et des semaines que je vous observais, à vous tourner autour. Il fallait être aveugle pour ne pas voir ce qui couvait entre vous! Au début je trouvais ça amusant, mais à la longue, ça devenait lassant. Ah! Si vous saviez combien je suis content pour vous!
:Esteban: / :Zia: : Euh... Merci...
:Tao: : Mais revenons à nos moutons! Allons chercher Mendoza et Laguerra. S'il sont partis hier après-midi, ils ne doivent pas être bien loin!
:Zia: : Tao, nous ne savons même pas quelle direction ils ont pris! Ils peuvent être n'importe où.
:Tao: : Eh bien, nous n'avons qu'à adopter la stratégie de Mendoza. Nous avions bien fini par localiser la nef lorsque celle-ci s'était écrasée près de la montagne étincelante. Dans ce cas-ci, prenons comme point d'ancrage le village. Nous volerons autour en dessinant des cercles de plus en plus grands.
:Esteban: : Tu te rends compte du périmètre que ça représente? Sans compter qu'il est ô combien plus difficile de débusquer deux cavaliers se déplaçant certainement sous le couvert des arbres que de tomber sur un bateau échoué en pleine savane. Et puis, souviens-toi du mal que nous avons eu à retrouver nos amis après l'attaque des criquets. Il nous faudrait plus que trois paires d'yeux pour balayer le secteur!
:Tao: : Eh bien demandons aux adultes de nous accompagner! Je suis certain que Gaspard se fera un plaisir de venir!
Sur ces entrefaites, le roi fit son apparition dans la daga. Ayant constaté le retour des enfants en voyant sortir Athanaos, il s'exclama:
Neshangwe: Ah, vous tombez bien! J'ai un petit souci et je dois vous en parler.
:Zia: : Que se passe-t-il, votre Altesse?
:Tao: : C'est notre présence, n'est-ce pas? Nous commençons à prendre trop nos aises?
Neshangwe: Non, non! Il ne s'agit ni de vous ni des alchimistes mais de...
:Esteban: : C'est Gaspard? C'est ça?
Neshangwe: En effet, Estéban. Dites, il est toujours aussi déchaîné, celui-là? Je veux dire, il y a une chance qu'il se calme dans les jours à venir?
L'Élu grimaça:
:Esteban: : En fait, je crois que c'est son état normal. Pour l'avoir vu combattre, Gaspard est un roc, totalement fiable... En temps de paix, c'est une véritable catastrophe ambulante.
Neshangwe soupira, manifestement ennuyé:
Neshangwe: Entendons-nous bien, les enfants, je l'aime bien cet homme... et s'il ne tenait qu'à moi, je partirais avec lui dans les terres sauvages pour prendre du bon temps et respirer le parfum de l'aventure. Mais Gaspard à Zimbabwe? Il envoie la préséance aux mille vents, il lutine ma sœur alors qu'elle est éprise de votre ami Pedro, il dévergonde les femmes mariées, il harcèle celles préposées à la cuisine alors qu'elles ont déjà fort à faire avec les deux marins, il vide nos réserves de hwahwa*, et je ne sais quoi dont je n'ai pas encore eu connaissance. Je lui ai offert mon hospitalité de bon cœur et d'autant plus que c'est désormais votre allié. Comprenez bien que je ne veuille pas me dédire, mais son comportement chambarde l'ordre établi et de ce que tu laisses présager, il est loin d'avoir atteint ses limites... Or, je l'avoue, il a dépassé les miennes en matière d'endurance festive. Mais le problème n'est pas là... vous ne le savez pas mais une délégation Rozvi doit arriver au village d'ici une dizaine de jours. En conséquence, chers enfants, si vous pouviez éloigner votre ami le temps des pourparlers avec l'ambassadeur Karanga, je reconnais que j'apprécierais assez. Une fois les Rozvi partis, il sera toujours temps d'aviser concernant Gaspard, vous ne croyez pas?
:Zia: : Effectivement, ça serait des plus raisonnables.
Neshangwe: Que comptez-vous faire, alors?
:Tao: : Ne vous inquiétez pas, votre Altesse. Je pense que nous serons tous partis avant l'arrivée de vos hôtes maintenant que nous avons une idée plus précise où trouver le tombeau d'Ishtar. Pour l'heure, nous avons prévu d'aller chercher Mendoza et Laguerra. Nous allons l'emmener, ainsi que Sancho, Pedro et Athanaos.
Neshangwe: Parfait, vous m'enlevez une épine du pied. Nous ferons une grande fête avant que vous ne partiez.
Le roi quitta les enfants. Le sourire aux lèvres, l'esprit soudain plus léger, il se mit à accélérer le pas, en direction du palais.
Avant de monter dans l'oiseau d'or, le trio prit tout de même le temps de manger un morceau. Ensuite, il ne restait plus qu'à trouver cette fripouille de Gaspard.

☼☼☼

Le temps était clément, le vent léger, plutôt plaisant. La flore éclatait de couleurs vives et contrastées, grouillante de vie cachée. Des volatiles en tout genre, perchés sous les frondaisons, agitaient le feuillage, l'inondant de leurs piaillements. Invisibles, les grillons égrenaient leur chant bien reconnaissable. Les herbes hautes étaient fréquemment agitées du bruissement d'animaux dérangés. Rien cependant n'avait menacé les cavaliers.
Riche d'un humus au parfum entêtant, le sol était tapissé de fougères pourpres au cœur orangé. Ce pourpre se retrouvait sur les feuilles des acacias et autres arbres exotiques, baobabs, jacarandas, bananiers, flamboyants... L'humidité régnante poissait leurs vêtements. Ils transpiraient abondamment.
Suivant toujours les sentiers, l'aventurière parvint à leur faire éviter la plupart des bêtes féroces qui parcouraient cette forêt tropicale. Ils croisaient bien quelques spécimens de taille imposante, félins ou primates, mais ceux-ci restaient à distance prudente.
La lumière du jour, imparfaite, tombait en rais épars et voilés. L'épaisseur de la canopée les protégeait des rayons du soleil. Malheureusement, ce toit végétal les empêchait de distinguer le point mouvant dans le ciel, qui tournoyait au-dessus de leur tête.
Parfois résonnait le cri d'un calao à bec rouge, l'aboiement perçant d'un bateleur des savanes ou l'appel d'un merle africain.
Isabella finit par les mener sur une piste camouflée derrière un buisson de créosote, encadrée d'une haie de broussailles et de hautes herbes. Impossible de la détecter sans avoir le nez dessus. De quoi confirmer ses compétences.
Ils progressèrent sur cette voie furtive, à peine assez large pour permettre de chevaucher à deux de front.
La piste en croisa d'autres, formant un véritable réseau qui devait permettre aux tribus du coin de voyager dans toute la forêt à une allure rapide, celles-ci ne possédant pas de montures.
Ils progressèrent une heure sur le plat, suivant le sillon de verdure découvert par la jeune femme, en direction du nord. Elle les fit ensuite bifurquer pour les mener sur une pente douce tapissée de fougères, encombrée de grosses roches moussues. Ils franchirent une série de paliers naturels, toujours au pas, traversèrent une combe peuplée d'ombres.
La crasse de la randonnée les maculait, elle s'était installée jusque dans leur cou. La bretteuse en avait assez.
:Laguerra: : Pas question que je supporte nos odeurs de fennec plus longtemps!
Et peut-être aussi parce qu'elle avait envie de tenter une expérience avec l'homme qu'elle aimait. Sur son initiative, les deux cavaliers remontèrent une nouvelle fois une déclivité de pierre dense. Pour finalement arriver sur une éminence tapissée de gros blocs rocheux.
La jeune femme louvoya entre les rochers imposants jusqu'à atteindre une ouverture qui donnait sur une source cachée, invisible du bas.
Ils s'occupèrent tout d'abord de desserrer les selles et les brides, de faire boire leurs chevaux, de leur donner un peu de grain. Ils remplirent leurs gourdes et prirent une collation rapide et silencieuse.
Puis, ouvrant ses sacoches de selle, l'aventurière en sortit un pain de savon à l'huile d'olive en déclarant:
:Laguerra: : Je rêve d'un bain, j'y vais la première!
Et sans faire de manières, Isabella enleva ses vêtements. Par correction, Mendoza détourna le regard. En réaction, la duelliste émit un gloussement amusé, signifiant qu'elle se moquait qu'il la vît nue. Bien au contraire.
Puis, ses affaires étalées sur le sol, son savon à la main, elle pénétra dans l'eau fraîche, provoquant de rapides contractions musculaires. Sa peau devint alors granuleuse et ses poils se hérissèrent, donnant à son épiderme l’aspect d’une volaille déplumée. Elle avait la chair de poule.
L'aventurière rit encore, de pur plaisir, et plongea carrément la tête la première. Elle revint à la surface et se laissa flotter, le visage tourné vers le ciel.

25.PNG

Le capitaine s'assit sur la rive, ôta ses bottes et mit ses pieds dans l'eau.
Laguerra se redressa. Le dos tourné au mercenaire, elle se mit à frictionner ses bras.
Mendoza ne put bien entendu s'empêcher de la regarder.
Sa compagne portait fièrement sa nudité. Elle avait un corps harmonieusement mince et musclé, énergique, celui d'une guerrière, des jambes bien découplées, des fesses pommelées, ravissantes. Sans parler de cette sensualité naturelle qui émanait d'elle. Tout ceci plaisaient à bon nombre d'hommes et l'Espagnol ne faisait pas exception. Isabella put le constater à cette lueur qui venait de s'allumer dans ses prunelles lorsqu'elle se retourna vers lui en lavant sa poitrine, les aréoles durcies par le froid. Puis, sans se presser, elle passa sur son ventre. Elle descendit encore et savonna son intimité.
Elle aurait pu jouer une scène, en faire trop pour éveiller la concupiscence du marin. Ce n'était pas le cas, justement, car elle agissait avec un naturel total.
C'est ce naturel qui submergea Mendoza de désir. Il avait envie d'elle et la preuve en saillait dans son pantalon, incontestable comme le roc. Sans pour autant se détourner, il eut le plus grand mal à ne pas lorgner ses formes élancées, appétissantes, offertes à tous les fantasmes. En cet instant présent, d'instinct, il l'aurait rejointe et embrassée avec délice.
:Mendoza: : Tu es si belle, Isabella... Si fière, si envoûtante...
Ils se toisèrent avec défi, de part et d'autre.
Mais c'était un duel qui contenait tout autre chose que de l'agressivité, un duel complice qui les rapprochait au lieu de les éloigner.
Sa toilette terminée, l'aventurière revint sur la berge et laissa tomber le savon aux côtés du Catalan.
Elle s'allongea ensuite sur une grande pierre plate et se laissa sécher au soleil, son pistolet à portée de main. Elle s'exclama:
:Laguerra: : À moi de profiter du spectacle!
Remis sur pied, Mendoza se dévêtit à son tour, un peu gêné mais décidé à ne pas reculer devant l'épreuve que lui imposait Laguerra.
Bien qu'il en éprouvât aucun orgueil, il savait que sa musculature fluide et saillante dépourvue de la moindre graisse superflue, sa carrure puissante aux larges épaules, plaisait à la gent féminine. De quoi satisfaire à l'examen auquel il allait se soumettre.
Le sourire qui n'avait pas quitté les lèvres de la fille du docteur s'agrandit tandis qu'elle le détaillait, en prenant son temps, et lorsqu'elle s'attarda sur sa virilité dressée contre son ventre, son regard, lui aussi, s'alluma d'une lueur brillante qui embrasa les reins de l'Espagnol.
Il s'empara du savon, qu'il déposa sur la rive, et se rua dans l'eau. Il fit des brasses sous la surface, savourant le contact de l'onde sur ses muscles, à l'instar de la jeune femme. Se débarrasser de sa sueur, de la poussière accumulée durant leur chevauchée, était un luxe dont il n'avait aucune intention de se priver.
Pendant qu'il nageait, Isabella en profita pour tremper sa chemise, la rincer, l'essorer, pour enfin la mettre sécher à côté d'elle. Elle fit de même avec son pantalon, avant d'épousseter soigneusement ses bottes.
Mendoza récupéra le savon et, à son tour, se lava de la tête aux pieds, avec des gestes méthodiques, se détournant juste du regard de l'aventurière le temps de se savonner l'entrejambe dont la raideur s'était à demi calmée à cause de l'eau froide.
Appuyée sur les coudes, Laguerra n'en perdait pas une miette.
Une fois propre, rincé, le capitaine regagna la terre ferme sans se presser. De nouveau, leurs regards s'étaient soudés.
Qu'allait-il se passer, maintenant? Il n'en avait aucune idée.
Ils étaient nus, tous les deux, dans un coin tranquille. Attirés l'un vers l'autre, indéniablement.
Le navigateur se jura de ne pas faire le premier pas, refusant de démontrer à la jeune femme que ses paroles prophétiques allaient se réaliser.
Mais si elle venait à lui, comment réagirait-il? Il connaissait parfaitement la réponse.
Laguerra se redressa tout en s'étirant tandis qu'il se rapprochait d'elle et de ses propres vêtements.
Elle lui jeta une mimique complice, aguicheuse, mais au moment où le bretteur allait basculer, céder à ses pulsions, elle rompit le charme. La jeune femme passa sa chemise, son pantalon et le reste de sa tenue.
Puis, elle se détourna de lui et se dirigea vers sa monture d'un pas dansant.
Le mercenaire ressentit un mélange de frustration et de soulagement, sans savoir quel sentiment l'emportait.
Il prit le temps d'égaliser sa barbe, puis récupéra ses propres affaires, secoua son pantalon et ses bottes avant de les passer. Il plongea sa tunique dans l'eau pour la nettoyer, décidant qu'elle sécherait à l'arrière de sa selle.
S'armant de ses lames, il alla resserrer la sangle de son alezan tandis que Laguerra faisait de même avec son pie.
Ils montèrent tous deux en selle et repartirent.
Quelque chose avait changé entre eux. Ou plutôt avait évolué. Était-ce le fait de s'être dévoilés physiquement l'un à l'autre?
Ils n'avaient pas besoin de l'exprimer et s'en gardaient bien, pourtant, un lien de plus en plus fort les rapprochait, inexorablement.
De quoi éveiller chez le capitaine la méfiance de cette voix interne, railleuse, désobligeante, qui prétendait incarner sa conscience.
Mais il fit taire cette influence subtile qu'il détestait, l'étouffa complètement pour l'empêcher de se manifester. Plus de questions ni d'atermoiements, il l'avait décidé.
Cette petite victoire sur lui-même, tandis qu'il quittait le promontoire à la suite d'Isabella, le rendait soudain plus léger.
Il savoura pleinement cette sensation de liberté.

☼☼☼

À bord du condor, Tao survolait la forêt, le regard scrutant la masse végétale et dense qu'il surplombait. Indali avait occupé ses pensées depuis qu'il avait quitté la boutique de Waga Fayat mais désormais il devait se concentrer sur sa tâche.

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:Tao: : Tu vois quelque chose, Pedro?
:Pedro: : Non, toujours rien.
:Tao: : Et toi, Zia? De ton côté?
:Zia: : Non! C'est la même chose par ici. Personne!
:Tao: : Ils doivent bien être quelque part! On continue!

☼☼☼

Tandis que le condor sillonnait les airs, Mendoza et Laguerra chevauchaient de nouveau avec vigilance, leurs regards scrutant les signes de dangers possibles. Penchée sur sa selle pour étudier le sol, l'aventurière tira subitement sur les rênes de son pie.
De la main, elle désigna une série de traînées qui longeaient la piste.
Le capitaine se rangea à côté d'elle. Tous deux se laissèrent glisser de leur monture et s'accroupirent.
:Laguerra: : Des roues de chariots. Et les traces d'un cavalier qui ouvre la route. Ce pourrait être un convoi Shona se rendant à Kilwa, non?
:Mendoza: : C'est bien possible. C'est la piste qui relie le Grand Zimbabwe à la côte.
:Laguerra: : Ils vont dans la même direction que nous. Probablement pour vendre leurs statuettes de pierre à savon...
:Mendoza: : Je m'en doute. Les Shonas ne fabriquent pas ces objets pour le plaisir!
:Laguerra: : Mais avec leurs charrettes, ils sont obligés de rester en terrain plat. Cela les rend d'autant plus vulnérables.
Prenant soin de ne laisser aucun signe, la jeune femme prit le temps d'examiner les deux côtés de la piste. Elle se pencha à nouveau.
:Laguerra: : Là!
Elle désigna un autre point. Des traces de sabots. Bien séparées des chariots mais suivant le même itinéraire.
Le regard de la bretteuse se durcit:
:Laguerra: : Ça, ce n'est pas bon du tout.
:Mendoza: : En tout cas, pour ceux qui sont suivis.
:Laguerra: : Je m'interroge... À qui peuvent bien appartenir ces empreintes? Ce sont peut-être celles de guerriers Maravis. Comme Mugambi me l'a expliqué, il...
:Mendoza: : Mugambi?
:Laguerra: : L'homme qui m'a porté secours après l'attaque de Zarès. Il m'a dit d'être extrêmement prudente car plusieurs tribus rôdent dans le secteur. Mais la pire d'entre elles est celle des Maravis. C'est la raison pour laquelle il m'a fourni cet arc et ses flèches... pour les maintenir à bonne distance. J'espère qu'il ne s'agit pas d'eux.
:Mendoza: : Je ne pense pas. Les indigènes n'ont pas de chevaux. Je pencherai plutôt pour une escouade de soldats Portugais... ou pire, des tangomãos*, des colons associés à la traite des esclaves. Ils sont passés avant ou après les chariots?
Laguerra caressa les traces fraîches sur le sol.
:Laguerra: : Après... à mon avis. Ils ne se pressaient pas.

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Elle se redressa, épousseta ses mains gantées. Son regard balaya les alentours.
:Laguerra: : Je me demande si les Shonas se sont rendus compte qu'ils étaient suivis. Enfin, c'est leur affaire...
Toujours un genou à terre, l'Espagnol leva les yeux vers elle.
:Mendoza: : En effet! Et puis, s'il s'agit de soldats Portugais, j'aime autant ne pas traîner dans le coin après le tour que nous leur avons joué à Kilwa.
:Laguerra: : Ah bon? Qu'avez-vous fait, encore?
:Mendoza: : Pour l'anniversaire de leur roi, nous avions servi à la garnison entière du rhum poudré afin de libérer des esclaves Lenje.
:Laguerra: : Je te reconnais bien là! Tu me raconteras en détail cette histoire plus tard. En attendant, viens! Il vaut mieux ne pas rester dans les parages car nous sommes trop facilement repérables, ici.
Ils sautèrent en selle dans le même élan agile. Au lieu de suivre la piste, comme les chariots, Isabella les fit remonter de l'autre côté de la route, jusqu'à s'enfoncer dans un rideau d'arbres à saucisses*, qu'elle leur fit traverser en pressant l'allure. Dans la foulée, les deux cavaliers gravirent un petit raidillon qui naissait entre deux gros ovales de granit, à flanc d'une crête. Une fois sur le plat mais en hauteur, ils accélérèrent à nouveau.
Ils progressaient à présent en altitude et, selon la position des rochers plantés sur le rebord, ils pouvaient par moments apercevoir la piste en contrebas qui s'étirait dans un long S.

☼☼☼

Les aventuriers entendirent tout d'abord des exclamations agressives. Ce que Laguerra avait envisagé venait de se produire. Un groupe de malandrins avait encerclé les chariots dont elle avait relevé les traces. On voyait leurs silhouettes s'agiter autour de leurs prisonniers. À titre d'exemple, un homme du convoi gisait sur le sol, son corps baignant dans une flaque de sang.
Les autres avaient été alignés, à genoux, à l'opposé des charrettes. Les femmes, elles, se tenaient dos aux véhicules, encadrées par la majeure partie des pillards.
Ce spectacle en contrebas ne plaisait pas à Isabella, cela se voyait à son visage contracté et à son regard couvant la colère. Cependant, elle haussa les épaules, donna le signal de poursuivre leur route et repartit au pas, bien consciente de la nette supériorité des colons, de la possibilité qu'ils ne soient qu'une partie de ceux qui chevauchaient dans les environs. Qu'ils vivraient bien plus longtemps, Mendoza et elle, s'ils se dépêchaient de prendre le large sans se mêler de rien.
Pour sa part, le capitaine n'avait pas besoin d'en voir plus pour savoir ce qui allait se produire. Capture, acheminement jusqu'à Kilwa, vente et déportation vers les colonies, et peut-être tortures pour les plus récalcitrants.
Il mena son alezan à la suite du cheval pie. Isabella avait raison, cette affaire ne les concernait pas. Il n'avait rien d'un justicier prêt à secourir la veuve et l'orphelin, voué à défendre les faibles, à combattre la méchanceté ou l'injustice, où qu'il se trouve dans le monde.
Certainement pas. Et Zia n'était pas là pour lui forcer la main, cette fois. Il n'était pas question pour lui de s'en mêler, il n'était absolument pas responsable de ces gens dont il ne savait rien.
Ils s'éloignèrent donc en se dirigeant vers l'ouest, quitte à obliquer de nouveau, une fois sûrs de ne plus pouvoir être repérés, vers le nord-est.
Était-ce le cri de cette femme qui enfla soudain, se réverbérant sur la roche? La détresse qui perçait dans sa voix aiguë?
Que faire? Un rictus figea les traits du navigateur. Sans réfléchir, il stoppa net son cheval. Il regarda vers le bas. Cinq tangomãos surplombaient une silhouette qu'ils venaient de jeter au sol. Celle d'une femme, ses frusques déchirées dévoilant sa chair hâlée, soudain exhibée, offerte à la concupiscence de ses tourmenteurs.
Un homme se pencha sur elle et pinça méchamment l'un de ses seins. Autant que possible, un négrier qui se respecte ne marquait jamais au visage, cela risquerait d'abîmer la marchandise. Même si une femme valait moins cher, il en fallait aussi pour la reproduction de futurs esclaves.
Le cri grimpa encore d'un cran. La souffrance se mêlait désormais au désespoir.
Tout en jurant entre ses dents, le mercenaire dégaina son épée d'un mouvement fluide et obligea son équidé à rebrousser chemin.
Veillant à ne pas trop élever la voix, Isabella s'exclama:
:Laguerra: : Hé, Mendoza, qu'est-ce que tu fais?
D'un ton qui n'augurait rien d'autre qu'une moisson de cadavres, il répliqua:
:Mendoza: : La chasse aux nuisibles.
Oui, Juan-Carlos Mendoza était peut-être un homme animé par des convictions pacifiques, mais lorsqu'il le fallait, il savait combattre, il savait tuer. Et fort bien.
À tort ou à raison, il en faisait désormais une affaire personnelle.
Ses traits s'animèrent d'une joie recouvrée. Le combat était l'un des rares moments où il pouvait échapper aux rets de sa conscience tourmentée, à ses plaies mentales qui ne voulaient toujours pas cicatriser, échapper au poids du passé, au regret tout autant qu'aux remords.
Allégé de ce fardeau, sans se soucier que Laguerra le suive ou non, il se fraya un chemin dans la pente tapissée de broussailles, ces broussailles qui justement l'aidaient à progresser sans se faire repérer. Les exclamations grivoises des Portugais, les plaintes des Shonas, le sont mat des poteries que l'on jetait des chariots, tout cela produisait un fond sonore bien suffisant pour couvrir son avancée.
L'Espagnol avait fait le vide en lui-même, chassant tout ce qui ne concernait pas l'affrontement à venir. La transe guerrière commençait à s'éveiller, soumise à sa volonté.
Une fois arrivée en bas, le capitaine jaillit soudain des fourrés, son alezan en plein galop. Maintenue à l'horizontale, sa lame effectua une boucle ample et rapide avant de s'abattre. Haché au niveau de l'épaule, l'homme qu'il visait -le plus proche de lui, posté en retrait des autres, du côté des chevaux- s'effondra dans un juron geignard, qui se termina en un gargouillis funèbre.
Les Européens délaissèrent les Africains pour l'affronter en un groupe désordonné. Ils avaient du mal à croire qu'ils étaient attaqués par un seul homme, blanc de surcroît, et cherchaient des yeux ses renforts.
Le marin poursuivit l'élan de sa monture et chargea un autre adversaire, dont il fendit le visage par le travers.
Une détonation retentit derrière lui. Isabella. L'un des fournisseurs de chair humaine montés dans les chariots s'écroula brusquement, une balle entre les deux yeux. Un sifflement ensuite. Une flèche qui cueillit un second esclavagiste en plein vol, lui perforant la tempe.
Un autre misérable courut vers son propre cheval. Toujours au galop, Mendoza lui épingla la nuque en lançant sa dague sombre.
Il avança encore. La lame de son épée vola une nouvelle fois, maniée dans une diagonale basse qui trancha le cou d'un asservisseur.
L'espionne de Charles Quint, camouflée dans un fourré d'armoise, continuait de décocher ses traits, sans manquer la moindre cible.
La charge équestre du Catalan arrivait à sa fin, il avait dépassé le convoi. Il arrête son alezan d'un bloc et bascula hors de sa selle. Il voulait affronter ces cafards de près, il voulait leur faire mal.
Un grand borgne encapuchonné, que Mendoza reconnut pour être l'un des sbires de Cinza Gomez, se rua au contact, en agitant sa longue épée.
Juan se jeta sur lui. Il ne feinta pas, au contraire, il frappa droit devant, directement sur la lame de l'autre. De qualité bien moindre que la sienne, d'un acier trop bien rigide, la lame du colosse se brisa sous l'assaut puissant. Incrédule, Sokoine regarda le moignon d'épée qui lui restait en main de son seul œil valide, avant de trépasser, le crâne découpé d'un grand revers agressif du Catalan.
Ayant récupéré sa dague, ce dernier perça la cuisse d'un nouvel ennemi. L'homme tomba au sol pour être aussitôt achevé de deux flèches successives, l'une dans le flanc, l'autre au milieu du torse.
La transe inondait le marin à présent et sa danse de mort avait acquis une tonalité encore plus redoutable.
Deux autres Portugais se ruèrent sur lui, chacun armé d'un sabre, tentant de le prendre en tenaille. Les complices frappèrent quasi en même temps. Sans pour autant ralentir son élan, le bretteur se baissa sous la lame du premier, et riposta d'un nouveau revers qui cueillit l'autre au niveau des côtes. D'un pas de côté, suivi d'une feinte, il esquiva la seconde lame. Sa contre-attaque, fulgurante, un fouetté du poignet vers le bas, atteignit le colon dont il fendit le torse sur sa longueur. Toujours immergé dans l'allégresse du combat, Mendoza se retourna, le temps de planter la pointe de sa lame dans le nombril du premier et bondit à la rencontre du restant de la bande.
Les prisonnières s'étaient rassemblées les unes contre les autres. Les hommes s'étaient redressés et les avaient rejointes pour leur faire un rempart de leurs corps mais aucun d'eux, simples agriculteurs, n'eut la présence d'esprit de s'armer.
La transe orientait les frappes de l'Ange gardien. Il pouvait ainsi prévoir, anticiper. Tuer.
Son épée dansait elle aussi dans ses grandes mains expertes. Diagonale haute qui éventra un négrier armé d'une hache. Lame rabattue au terme d'une volte descendante pour trancher un bras, puis, d'un imparable revers, tailler directement dans un visage. Mouvement en pivot, une rotule brisée d'un coup de pied latéral, sa lame en prise inversée, rabattue vers l'arrière, passant sous son propre bras, pour aller empaler l'Ibère qui prétendait le surprendre dans son dos. Prise à deux mains, lame balancée à l'horizontale pour scalper la tête du manchot, ensuite nouvelle volte qui termina sa course en se plantant dans l'aine d'un autre adversaire. Changement d'appui, un violent coup de tête pour briser le nez d'une face grimaçante. Dans la seconde suivante, la grande lame aux reflets de cobalt fendait l'air à deux reprise, découpant la panse d'une nouvelle victime de deux entailles profondes et sanglantes qui s'entrecroisaient. Après quoi, l'ancien Yeoman balança un estoc dans le cou du Portugais au nez brisé.
Les colons tombaient dans une succession rythmée, funèbre, figés dans des postures grotesques, grimaçant leur souffrance, expirant leur dernier souffle, le rouge de leur sang nourrissant la terre. Le peu d'entre eux qui échappèrent aux assauts maîtrisés de l'Espagnol terminèrent abattus par les flèches de l'archère.
Et soudain, ce fut fini.
Mendoza n'en pouvait plus. Il se laissa tomber à genoux, terrassé par la débauche d'énergie qu'il venait de livrer. D'un sursaut du poignet, il chassa le sang qui gouttait de son épée.
Laguerra sortit de sa cachette, une flèche encochée à son arc. Elle contempla son compatriote, bouche bée. Avec une mimique où le respect se mêlait à l'étonnement, elle lui dit:
:Laguerra: : Quand je t'ai vu les charger comme ça, tout seul, sans même vérifier si je te suivais, je t'ai pris pour un fedayin*. Je te savais talentueux, mais à ce point! Tu as bougé si vite, avec une telle précision... Jamais auparavant, je n'avais vu un homme combattre ainsi. Qui es-tu vraiment, Juan-Carlos Mendoza?
Il se contenta de hausser ses épaules.
:Mendoza: : Un marin mercenaire, comme un autre, rien de plus.
:Laguerra: : Oh, pas de fausse modestie, beau gosse. Des marins mercenaires, comme tu dis, j'en ai vu beaucoup avant toi. Mais jamais bouger comme tu l'as fait!
:Mendoza: : On va dire que l'on m'a bien formé, alors.
La bretteuse le contempla, cherchant vainement à percer ses secrets. Elle finit par ajouter:
:Laguerra: : J'aime les hommes de caractère, les hommes doués, habiles, qui sortent de l'ordinaire.
:Mendoza: : Pourquoi dis-tu ça?
:Laguerra: : Parce que tu entres dans cette catégorie! Tu le sais et tu n'en tires aucune gloire. Parce que plus je te côtoie, plus tu me plais.
Le visage d'Isabella se fendit d'un large sourire et sa voix se fit mutine:
:Laguerra: : Et vu comme tu es doué avec une lame, je ne peux me demander qu'une chose.
:Mendoza: : Laquelle?
:Laguerra: : Eh bien, ce que tu vaux comme amant, bien sûr!
:Mendoza: : Mais tu peux arrêter avec ça, oui? Je ne suis pas venu ici pour batifoler, figure-toi. Mets-toi ça dans le crâne!
:Laguerra: : Alors pourquoi m'avoir proposé cette excursion si ce n'est pas pour passer plus de temps avec moi, loin de nos compagnons? Je ne te comprends pas!
L'Espagnol grimaça un soupir.
:Mendoza: : C'est...
:Laguerra: : D'accord... Je vais te laisser tranquille jusqu'à ce que nous soyons rentrés, capitaine. Mais une fois au village, je vais m'occuper de te retourner la tête jusqu'à ce que tu me supplies de te prendre dans ma couche!
:Mendoza: : C'est à propos de...
Laguerra le dévisagea. L'hésitation qui filtrait dans sa voix la mit en garde.
:Laguerra: : Parle, enfin!
:Mendoza: : Eh bien...
:Laguerra: : Et cesse de fuir mon regard, ce n'est pas ton genre.
Piqué au vif, le marin plongea ses yeux dans ceux de l'aventurière. Il sentit à nouveau son désir le picoter dans tout le corps.
:Mendoza: : N'y pense pas! N'y pense pas! N'y pense pas!
:Laguerra: : Tu me caches quelque chose, n'est-ce pas?
L'un des hommes du convoi se rapprocha, un barbu tout mince, mettant fin à leur échange.
:? : Merci de nous avoir sauvés, kusuwa, changamire*. Sans vous...
D'un revers de la main, le capitaine indiqua qu'il n'avait pas besoin de remerciements.
:Laguerra: : Que faites-vous par ici?
:? : Nous voulions rejoindre le maître de notre Ordre, comme il nous l'a demandé. Son héraut nous attend à l'estuaire de la rivière Búzi qui mène à Sofala.
:Mendoza: : Votre Ordre?
:? : L'Ordre de la Militia Christi*.
Le Shona n'ajouta rien de plus.
:Mendoza: : Des religieux?
Mendoza éprouva une bouffée de mépris. Son contact avec la religion n'avait jamais été enrichissant, et cela faisait longtemps qu'il n'invoquait plus les bonnes grâces de Dieu. Selon lui, Il l'avait abandonné, tandis qu'il gisait dans la cellule d'une prison, trahi par ceux en qui il avait le plus confiance.
Non, il méprisait la religion, désormais, et ce fait n'était pas prêt de changer. En son for intérieur, il se demanda tout de même:
:Mendoza: : Qui sont ces curieuses femmes voilées?
Il balaya la question de son esprit. Peu importait face à l'urgence de retrouver Ishtar.
Avant d'aller récupérer ses flèches, Isabella indiqua:
:Laguerra: : Il y en a peut-être d'autres dans le coin. Il faut rester prudent.
De son côté, le capitaine alla chercher leurs deux montures. Pendant ce temps, les Shonas s'étaient rassemblés, le temps d'enterrer le corps de leur camarade, puis de parler entre eux. Enfin, l'homme qui lui avait parlé revint voir l'Espagnol.
:? : Je sais que vous nous avez déjà bien aidés, mais notre guide étant mort, nous nous retrouvons démunis dans un tel endroit, je dois l'avouer.
D'une voix sans sans force mais pleine d'espoir, il demanda:
:? : Si ce n'est pas trop demander, pourrions-nous vous accompagner? Au moins jusqu'à trouver la rivière Búzi?
Les hommes du convoi n'étaient manifestement pas des guerriers et leurs femmes ne pouvaient qu'attirer les convoitises. Mendoza ne voyait en eux que des êtres faibles, ayant trouvé refuge et rassurance dans la dévotion d'un culte qui n'était pas le leur. Une chose était claire: au moindre danger, ils étaient perdus.
Les abandonner ici, c'était en quelque sorte participer à leur massacre, et le mercenaire n'avait aucune envie de supporter ce poids sur sa conscience, en dépit de la mauvaise opinion qu'il avait de leur foi.
:Mendoza: : C'est d'accord, nous allons vous escorter jusqu'à cette rivière.

Les Shonas s'empressèrent de se préparer au départ. Avant qu'ils ne prennent la route, l'aventurière réunit leur groupe et leur répéta les conseils de prudence qu'elle avait inculqués à son compagnon, au début de leur périple.
Ils repartirent. D'autres colons pouvaient survenir à chaque instant et l'Espagnol restait fréquemment en arrière afin de s'assurer qu'ils ne soient pas suivis.
Régulièrement, Laguerra revenait vers lui et l'aidait à faire disparaître leurs traces en balayant la terre sur leur passage à l'aide d'une quelconque branche feuillue.
À la tombée du jour, ils firent halte dans un creux bordé de rochers, en retrait de la piste qu'ils suivaient.
Les hommes se mirent à préparer le camps tandis que les femmes s'occupaient à sortir quelques provisions de voyage.
Isabella avait refusé que l'on fasse du feu et personne n'osa s'en plaindre.
Les autochtones restèrent entre eux, par timidité ou par méfiance, ou bien encore un mélange des deux. Ils mangèrent tassés les uns contre les autres, parlant à voix basse dans leur propre dialecte Bantou.
Cela convenait très bien au Catalan qui ne les escortait que par devoir moral. Les deux bretteurs partagèrent leurs propres provisions. À mi-voix, l'espionne lui demanda:
:Laguerra: : Tu peux bien me le dire, maintenant. Pourquoi voulais-tu absolument progresser vers le nord-est? Que comptais-tu trouver?
Le navigateur grommela une réponse.
:Laguerra: : Pardon? Je n'ai pas compris.
:Mendoza: : Le tombeau d'Ishtar. Mais ce matin, j'ai réalisé que je faisais fausse route...
L'aventurière s'esclaffa.
:Mendoza: : Quoi?
:Laguerra: : Ça, j'aurais pu te l'apprendre hier soir si tu avais été plus franc avec moi! Or, tu avais décidé d'aller bouder tout seul dans ton coin... Je me suis soudainement rappelée qu'Ishtar était une divinité Mésopotamienne. Alors effectivement, son tombeau doit se trouver au nord-est de notre position actuelle, mais au-delà du Golfe Persique.

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Ce moment d'échange, de complicité, n'avait pas de prix, tout autant pour l'un que pour l'autre. Et le silence qui régnait à présent ne les dérangeait pas. C'était un silence intime qu'ils partageaient, sereins, assis l'un à côté de l'autre malgré la présence des Shonas.
Ils avaient la nuit pour eux seuls, coupés du monde. Ils étaient fatigués, bien sûr, mais une fois leur repas achevé, ils se divisèrent les tours de garde.

À suivre...

*
*Hwahwa: Bière traditionnelle du peuple Shonas.
*Les tangomãos, aussi connus sous le nom "lançados" (littéralement "les expulsés") étaient des colons Portugais qui se sont consacrés au commerce de la côte Africaine, aux XVème et XVIème siècle. Le terme "tangomão" était principalement associé à la traite des esclaves.
*L’arbre à saucisses ou saucissonnier (Kigelia africana) est un arbre réputé originaire du Sénégal que l'on trouve au Zimbabwe, dans les zones humides. Ses grosses fleurs campanulées à cinq pétales émettent de nuit une odeur nauséabonde et imitent un fruit flétri. Leur senteur attire des chauve-souris qui les pollinisent. Elles donnent naissance à de gros fruits bruns qui pendent en grappe, au contenu fibreux souvent réputé non comestible pour l'homme, mais localement mangé cuit.

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*Fedayin: Ce mot signifiant littéralement "prêt à se sacrifier", fut utilisé sous la forme fidāwī (El-fidâouiyah) à l'époque médiévale pour désigner les membres de la célèbre secte des Assassins aux XIIème et XIIIème siècles.
*Kusuwa, et changamire: Langue Shona signifiant mademoiselle et monsieur.
*Militia Christi: Ordre Portugais ayant substitué l’Ordre des Templiers. Il est chargé de lutter contre les Maures. https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Padroado
Modifié en dernier par TEEGER59 le 27 mars 2021, 17:24, modifié 2 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par Marcowinch »

TEEGER59 a écrit : 27 mars 2021, 09:49 :Tao: : Ça vous va bien de dire ça, puisque vous, vous êtes ensemble! Moi aussi, j'aimerai retrouver ma douce Indali.
Bah oui, pauvre Tao ! Les Elus sont bien insensibles ! lol
:Esteban: : En fait, je crois que c'est son état normal. Pour l'avoir vu combattre, Gaspard est un roc, totalement fiable... En temps de paix, c'est une véritable catastrophe ambulante.
Oui ! En plus, il se pointe toujours à un moment inapproprié ! ajoute :Esteban: ;)
:Tao: : Tu vois quelque chose, Pedro?
:Pedro: : Non, toujours rien.
Pour ma part, je vois un Pichu mort ;)
:Mendoza: : Votre Ordre?
:? : L'Ordre de la Militia Christi*.
Encore un nouvel Ordre suspect ! :D

Très belle démonstration d'expertise martiale de notre cher :Mendoza: , et à nouveau beaucoup d'informations très instructives :) C'est très documenté.
Un excellent chapitre.
*** :Tao: :Zia: :Esteban: Ma fanfic MCO : La Huitième Cité :) :Esteban: :Zia: :Tao: ***
J'espère qu'elle vous plaira :D

:Esteban: Bah voyons, Pattala ! C'est pas dans ce coin-là que vit la jolie Indali ? :tongue:
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