Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

C'est ici que les artistes (en herbe ou confirmés) peuvent présenter leurs compositions personnelles : images, musiques, figurines, etc.
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IsaGuerra
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par IsaGuerra »

Toujours aussi impatient notre cher Tao mais bon comme il veut rejoindre son Indali c'est tout à fait normal
Petite baignade fort intéressante dommage que ça ne soit pas allez plus loin ! :roll: :x-):
Décidément ce n'est pas une balade de tout repos !

En tout cas encore un beau chapitre
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Chenille99
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par Chenille99 »

Bonsoit Teeger !
Aaah ce petit arrêt dans l'eau, un vrai délice à suivre !
Les combats que tu écris sont toujours aussi prenants et réalistes, on s'y imagine sans difficulté !!
Ce chapitre se termine sur un nouvel élément très innatendu, j'ai hâte de voir jusqu'où cet ordre va les mener et comment ça se termine.
Vivement la suite !! 😊
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TEEGER59
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 10: Qui s'y frotte s'y pique.

Le jour pâlissait, laissant la pénombre se répandre sur la jungle. Le condor revenait bredouille au village. Son arrivée fut tout de même saluée par des exclamations enjouées.

29.PNG

Interrompu dans sa lecture par tout ce tintamarre, le roi Neshangwe sortit de son palais pour accueillir les arrivants.
Sa bouche figée sur un pli insondable, il les contempla sans sourciller.
Tandis que la princesse Nyamita s'agrippa au cou de Pedro pour lui donner un baiser enflammé, son frère, s'exprimant d'une voix basse et élégante, s'enquit:
Neshangwe: Alors, vous les avez retrouvés?
L'Élu répondit par la négative d'un mouvement de tête, incapable de cacher son inquiétude. Tao soupira:
:Tao: : Non votre Majesté.
Neshangwe: Cela ne m'étonne guère! Le pays est si vaste, et si boisé par endroits. Mais je suis certain que vous les retrouverez demain. Venez! Vous devez mourir de faim.
Trop fatigués pour argumenter, les sept compagnons se laissèrent conduire devant le feu central, qui fut ravivé. Les Shonas sortirent deux marmites qu'ils mirent à réchauffer, avant d'y verser de l'eau, des tubercules, des condiments et des épices dans l'une d'elles. Des broches furent également installées, des pots renflés en terre cuite sortis, ainsi que des chopes en bois.
Tout le monde prit place autour du foyer. Zia savoura la chaleur, l'odeur de la fumée, les sifflements et les craquements du bois dans l'obscurité. Comme de très loin, elle entendit Tao marmonner contre l'obligation d'attendre le lendemain pour reprendre les recherches.
Nyamita, plus bavarde que jamais, enchaîna les hypothèses en touillant son ragoût.
Nyamita: À mon avis, ces deux-là doivent avoir tout un tas de choses à rattraper, si vous voyez ce que je veux dire.
:Pedro: : Tout le monde voit ce que tu veux dire, ma perle noire. Mais je ne suis pas d'accord. Mendoza n'est pas le genre d'homme à batifoler lorsqu'il sait qu'on a besoin de lui.
Nyamita: Comment peux-tu le savoir?
:Pedro: : Parce que je le connais depuis des années. Je le vois mal laisser les enfants en plan pour une simple amourette.
Nyamita: Mais, mon roudoudou, c'est peut-être plus qu'une simple amourette!
Zia était d'accord avec les propos de la princesse. Elle se souvint de sa conversation avec le marin, la nuit précédant leur arrivée à Lalibela. Elle se rappela de l'inquiétude qu'elle avait pu lire sur les traits de son père de substitution. Mendoza était vraiment tombé amoureux de l'aventurière, cela ne faisait aucun doute. Elle annonça:
:Zia: : Eh bien moi, je préfére songer à cette possibilité plutôt que d'envisager une éventuelle capture. Et de loin.
Un grand silence accueillit cette tirade.
Sur un ton apaisant, le roi suggéra:
Neshangwe: On ferait bien de boire un peu de vin.
Loin de rassurer Estéban, le flegme apparent du souverain fit renaître son malaise. Pour sa part, Gaspard asséna:
:Gaspard: : C'est la meilleure idée que j'ai entendue depuis le début de cette journée.
Après avoir recouvert la marmite, Nyamita tira deux pichets, les déboucha et remplit à la ronde les coupes avant de reprendre sa place.
Les flammes gambadaient sur l'enclos qui les entourait, illuminaient les encadrements noirs des portes et fenêtres des cases alentour. La jeune inca crut voir une lueur fugitive à l'intérieur de l'une d'elles. Une illusion, certainement. Elle songea à la parabole de la caverne de Platon, qu'elle avait étudiée avec son précepteur à Barcelone.
La fille de Papacamayo se rendit compte qu'autour d'elle les murmures s'étaient tus. Chacun avait les yeux fixés sur le feu, absorbé dans ses pensées. Tout en berçant Pichu, manifestement aux anges de profiter d'une telle attention, elle jeta un coup d'œil au fils du soleil. Ce dernier, visiblement soucieux, avait cessé de remuer son bâton afin d'aviver les flammes. Il ne les fixait plus, mais un point devant lui, dans l'obscurité.

30.PNG

:Zia: : Ne t'inquiète pas, Estéban, je suis sûre qu'ils vont bien. Nous finirons par les retrouver.
L'Atlante dévisagea longuement sa jeune amie à la lueur du feu et fut autant frappé par sa détermination que par son manque d'assurance.
Tout à coup, le son d'un tam-tam résonna dans le lointain, relayé par d'autres, bien plus proches. Les rythmes en dénotait la nouvelle communiquée en précisant de quelle région elle émanait.
Les ayant écoutés avec attention, le roi se mit à sourire:
Neshangwe: Ne vous faites plus de soucis pour eux, les enfants. Vos compagnons vont bien et je suis en mesure d'orienter vos recherches, à présent.
:Zia: : Nous sommes tout ouïe, votre Altesse.
Neshangwe: Ils se trouvent à une vingtaine de lieues d'ici...
:Tao: : C'est tout? Je m'attendais à quelque chose d'un peu plus substantiel. L'indication d'un endroit où nous rendre pour aller les chercher. Mais s'ils roucoulent sous les frondaisons, c'est peine perdue! Autant chercher une aiguille dans une botte de foin...
:Zia: : Tao!
Neshangwe: Je n'avais pas fini, jeune naacal.
:Zia: : Je vous prie de l'excusez, votre Majesté. Il est un peu chafouin en ce moment.
:Tao: : Oui... Désolé, votre Altesse! L'impatience me rend irritable. Continuez.
Neshangwe: Trop aimable! Donc, je disais qu'ils se trouvent à une vingtaine de lieues vers le nord-est, au pied du plateau de Manica.
Le roi leur narra ensuite l'histoire véhiculée par les tambours: l'attaque d'un convoi de missionnaires, la mort de leur guide, le sauvetage des Shonas par un couple d'aventuriers.
Neshangwe: Les bons samaritains se sont proposés de les escorter jusqu'à la rivière Buzi afin qu'ils puissent rejoindre Sofala.
Puis le monarque demanda à ses percussionnistes de propager le message aux villages voisins.
Quelques-uns d'entre eux se mirent à jouer gaiement. Le jeune Muen se mit enfin à sourire devant une telle démonstration d'allégresse. Il s'enthousiasma:
:Tao: : Zia, c'est fantastique!
Il serra sa jeune amie dans ses bras avant de se reprendre.
:Tao: : Enfin quelque chose de concret!
Il se rassit en exprimant sa joie par un grand rire, ses yeux pétillant de malice.
Estéban demanda:
:Esteban: : Vous avez un plan, votre Altesse? J'aimerais avoir une idée plus précise de l'endroit exact où nous devons nous rendre demain.
Neshangwe: Aucun souci.
Le grand frère de Nyamita entra dans son palais et en ressortit la minute suivante avec l'objet demandé. Il tendit la carte au naacal qui l'examina en marmonnant. Neshangwe lui expliqua:
Neshangwe: Vos deux amis se trouvent dans l'un de ces canyons.
:Tao: : Vous connaissez le coin?
Neshangwe: Non, et je ne suis pas le seul.
Tao posa un index sur le plan.

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:Tao: : Mendoza et Laguerra se trouvent probablement entre la jonction de la rivière Devuli et du fleuve Sabi. Enfin, j'ose espérer!
Le fils d'Athanaos hocha la tête:
:Esteban: : Avec ces indications, je pense que nous allons pouvoir les localiser demain.
:Zia: : Je n'en ai jamais douté, Estéban!
:Esteban: : Princesse Nyamita, si vous voulez bien nous servir votre ragout, à présent. Je ne pense pas être la seule personne affamée ici.
L'Atlante entama le plat qu'on lui servit avec plaisir.

☼☼☼

Un nouveau jour s'était levé sur le royaume de Mutapa. Dans le ciel immense, une file de nuages blancs cheminait paresseusement à contre-courant du convoi.
Celui-ci avançait sur une piste de terre ocre. Les chariots des missionnaires, trop larges et trop lourds, ne pouvaient emprunter le trajet prévu par les deux cavaliers, ce qui mettait la señorita Laguerra de mauvaise humeur.
Cette balade à cheval ne l'amusait plus. Le manche de son fouet lui rentrait dans les côtes et l'étui de son pistolet lui labourait le dos.
Elle finit par décréter une halte, histoire de faire souffler les montures. Ils établirent un bivouac dans une clairière, à côté d'un groupe de cinq acacias plantés en arc de cercle, en bas d'une pente.
Isabella en profita pour ranger ses armes dans ses fontes et d'aller explorer le terrain qu'ils allaient devoir franchir, un canyon aux parois de schiste qu'elle jugeait traître. Laissant les Shonas à la garde de Mendoza, elle déclara qu'ils repartiraient lorsqu'elle serait de retour.
Après un dernier regard à son compagnon, elle s'éloigna au petit galop en direction de l'est et finit par disparaître au détour d'une butte.
Comme à leur habitude, les missionnaires s'étaient installés en tailleur, formant un cercle, et chuchotaient entre eux. Pour tromper l'ennui, certaines femmes s'occupaient à repriser des vêtements, d'autres à ranger l'intérieur des chariots.
Restaient les trois femmes voilées, qui semblaient ne jamais vraiment se mêler aux autres. On ne voyait rien de leurs visages, si ce n'étaient leurs yeux sombres fardés de khôl.
Deux d'entre elles s'étaient installées l'une en face de l'autre et chantonnaient à mi-voix en jouant de la musique. Avec un morceau de bois, elles frappaient sur des calebasses retournées sur leurs genoux, réitérant le même rituel de la veille avant que l'espionne de Charles Quint ne leur somme d'arrêter ce boucan tout en arguant:
:Laguerra: : Vous voulez nous faire repérer, c'est ça?
Pourtant, ce langage tambouriné était la voix et même la langue humaine qu’on imitait au moyen d’un instrument. C’est l’un des éléments fondamentaux de la culture Africaine. Ce geste se faisait soit lors des traditionnelles lessives au marigot*, lors des travaux champêtres comme pour motiver. Ou encore pour informer de la disparition d’un être cher auquel elles étaient attachées, ce qui était le cas ici.
Était-ce une transe? Une prière? Peu importait. N'y trouvant rien à redire, le capitaine se détourna. Il avait pris l'habitude d'entendre le son des tam-tams à travers tout le pays du matin au soir, alors un de plus ou de moins.
Installé à l'écart, le dos calé contre un rocher, il sonda une nouvelle fois leur environnement et ne repéra rien qui puisse l'alarmer.
Si les Portugais ou toutes autres tribus épiaient leur avancée, ils prenaient soin de ne rien manifester de leur présence. C'était fort possible, d'ailleurs, mais la canopée qui entourait le convoi était tellement dense, offrait tellement de cachettes, que c'était une mission impossible de repérer d'éventuels guetteurs ennemis.
Satisfait de son examen, il étala ses lames sur sa couverture et entreprit de passer un chiffon huilé sur chacune d'entre elles. Une manière pour lui de passer le temps tout autant qu'un rite.
La troisième des femmes aux visages cachés s'ennuyait-elle? Toujours est-il qu'elle passa derrière un chariot, sans que le mercenaire ne s'en aperçoive. Dédaignant prévenir quiconque, elle s'éloigna de quelques pas, le regard fixé sur le sentier.
Soudain, elle tourna la tête vers le bas-côté.
Elle avança dans cette direction, son attention attirée par quelque chose. Devant elle, une dépression tapissée de terre meuble prenait la forme d'un creux circulaire de quinze toises de diamètre.
À peu près au centre de la cuvette, de beaux arbustes aux grandes feuilles en forme de cœur et aux bords finement dentés, portaient fièrement de magnifiques fruits juteux, ressemblant à des mûres aux tons rose à pourpre. Chacun possédait une seule graine qui se trouvait à l'extérieur de la baie.
L'espèce était un colonisateur des clairières de la forêt tropicale, les semences germant en plein soleil après un dérangement du sol.
La femme voilée contempla les buissons, hypnotisée tout autant par cette vision que par le chant séducteur de ses deux compagnes.
Tenaillée par la faim, la missionnaire avança jusqu'à poser le pied sur le rebord de la dépression. Encore un pas. Elle descendit la pente qui s'inclinait à peu près à trente-cinq degrés. Un autre pas et puis un autre. Elle progressait lentement, d'une démarche devenue mécanique. Ses prunelles s'étaient matifiées.
La plus grande des femmes voilées, qui venait de se rendre compte de ce qui se passait, s'écria:
:?: : Vimbai? Vimbai, où vas-tu?
Elle se tenait près d'un chariot et fixait le dos de la Shona qui disparaissait petit à petit dans la pente.
Maudissant tout autant sa propre inattention que l'imprudence de l'Africaine, Mendoza s'empressa de rengainer ses lames et se redressa d'un bloc. Il se rua de l'autre côté du véhicule.
Il vit la cuvette, il vit la femme qui s'y était engagée. Il vit les fruits.
Il songea aussitôt à l'avertissement donné par l'alchimiste: ici, la végétation peut être mortelle.
L'Espagnol devina que le terrain n'était pas stable et il avait une petite idée de ce qui allait se produire.
:Mendoza: : Isabella, c'est le moment de revenir!
À l'appel de son nom, Vimbai avait sursauté, mais sans pour autant cesser de se rapprocher des buissons.
Le mercenaire beugla:
:Mendoza: : Vimbai, arrête-toi! Ne bouge plus d'un pas!
Giflée par la volonté impérieuse qui sous-tendait la voix de l'homme à la cape bleue, elle cessa enfin d'avancer. Le cri de l'étranger avait suffisamment secoué sa conscience pour qu'elle reprenne enfin contact avec la réalité. Qu'elle se rende compte qu'elle courait un grave danger et qu'elle ne devait en aucun cas s'approcher de ces arbustes dangereux. Elle fit demi-tour mais se retrouva bien vite à quatre pattes.
:Mendoza: : Reviens!
Elle secoua la main pour lui faire comprendre que c'était une chose impossible.
En effet, le sol était glissant à cet endroit et elle fut dans l'incapacité de remonter la déclivité.
:Mendoza: : Que faire pour la ramener? Nous n'avons aucune corde...
Les missionnaires et leurs compagnes s'étaient rassemblés en ligne de part et d'autre de la charrette. Ils étaient immobiles, incapables de prendre une décision, incapable d'agir. La solution ne viendrait pas d'eux, c'était une évidence.
Et Laguerra qui brillait toujours par son absence! Son fouet aurait été le bienvenu...
L'Espagnol ne savait trop que faire. Lancer une liane? Encore fallait-il s'en procurer une, et vite. Or, dégager une plante grimpante de son support se révélait être une tâche trop fastidieuse. Il perdrait un temps fou.
Vimbai s'accrocha désespérément, cherchant une prise tout en continuant à glisser inexorablement.
Mendoza était incapable de la laisser là comme ça, sans réagir.
Ne voyant d'autre solution, il s'engagea dans la fosse encombrée d'épaisses ramures tombées d'un mopane planté au ras de la pente, afin de rejoindre la femme piégée. Épée à la main, il avança d'une dizaine de pas puis, sa senestre fusa vers le bas. Sa lame, fidèle alliée, s'enfonça alors violemment dans la terre meuble.
:Mendoza: : Viens!
Au moment où la jeune femme allait saisir la main qu'il lui tendait, elle dévala le versant de plus belle, sans rien pour la freiner.
:Mendoza: : Par la malepeste!
Il lâcha la poignée de son arme. Au terme d'un nouveau bond vers le bas, le capitaine dérapa en se réceptionnant. Il se rétablit en plantant sa deuxième lame jusqu'à la garde, à hauteur de Vimbai.
:Mendoza: : Allez! Accroche-toi et grimpe!
Ravalant un sanglot, elle saisit le pommeau de la dague sombre et tendit l'autre main pour attraper une racine effleurant au ras du sol. Elle réussit à remonter de quelques pas. Plus haut. Toujours plus haut. Derrière elle, l'Espagnol progressait aussi. Elle dérapa, retrouva pied, glissa de nouveau, luttant toujours contre la pente traîtresse.
Elle tombait quand elle sentit l'étranger l'envelopper de son bras et la pousser en avant, vers la première lame.
La plus grandes des femmes voilées hurla:
:?: : Allez, Vimbai! Encore un effort!
Elle se tenait un pas devant les autres missionnaires. Elle avança, se préparant à secourir sa compagne, mais l'un des hommes la saisit par le bras et la tira en arrière.
Soudain, perdant ses appuis, le marin se mit à dégringoler à son tour. Il roula une ou deux fois sur lui-même, puis partit dans une longue glissade sur le dos. Il essayait de freiner avec les talons, mais c'était inutile. Il ne réussissait qu'à projeter devant lui des gerbes de poussière et de cailloux. Il parvint enfin à agripper la saillie d'un rocher encastré dans la terre. Mais il était près des arbustes. Beaucoup trop près à son goût.
À l'instant où il se détendait, le morceau de roc auquel il se retenait se descella de la terre, et la glissade reprit vers les végétaux, tout proches maintenant.
C'était fini.
Mais au dernier moment, le creux de son bras accrocha le pied d'un buisson d'armoises. Sa chute stoppée, il n'osait plus faire le moindre geste. Quand la poussière se reposa, il s'agrippait toujours de la même manière... et ses bottes se trouvaient sous les plantes urticantes.
Quelque part au-dessus de lui, la grande femme voilée cria:
:?: : Tenez bon!
Entre ses dents serrées, le capitaine grinça:
:Mendoza: : Sûr! Pourquoi pas?
Mais sous son poids, les racines d'armoise se dégageaient peu à peu de la terre sèche, et le marin descendait centimètre par centimètre. Il regarda autour de lui, à la recherche d'une autre prise. Mais il n'y avait rien que de la caillasse et de la poussière. Il ne tiendrait pas plus de quelques secondes encore...
:Mendoza: : Il faut que je sorte de là!
Il passa une main sur son visage ruisselant de sueur et essaya de reprendre son souffle. Son corps était toujours dans cet état d'urgence et de survie qui lui permettait d'endurer la souffrance sans la ressentir sur le moment. Maintenant qu'il était en bas, il commençait à s'assurer qu'aucune douleur ne signalait une blessure sérieuse. Il avait quelques écorchures, mais rien de grave.
En se mettant à plat ventre pour entamer son ascension, le haut de sa cuisse entra en contact avec une tige. Elle crissa contre son pantalon, provoquant la cassure des petites ampoules de silice qui pénétrèrent dans la peau.
Sa jambe commença instantanément à le brûler, le faisant grimacer.
Avant que Mendoza ne fasse quoi que ce soit, il se coucha sur le flanc et inspecta l'étendue des dégâts. La morsure de la toxine brûlait son membre avec une intensité accrue. Son pantalon déchiré, laissait entrevoir une marbrure boursouflée immédiate.
Cette fois, se dégageant avec la plus grande prudence, le mercenaire entreprit de remonter à quatre pattes au niveau du premier palier.
:Mendoza: : Ma dague. Il faut que je l'atteigne.
Le Catalan s'était retiré en lui-même, focalisé sur un but unique: grimper. Sa cuisse palpitait de douleur et son équilibre s'en trouvait de plus en plus compromis. Il épongea son front. Il était brûlant. Aussi brûlant que sa jambe.
Le groupe de missionnaires assistait toujours à leur progression sans intervenir. La plus grandes des femmes était désormais maintenue par deux hommes. Elle criait des encouragements indistincts. Elle paraissait être la seule dotée d'un véritable caractère, ses camarades ne démontrant aucun tempérament. Là encore, ils n'avaient même pas penser à créer une chaîne humaine pour secourir l'une des leurs.
Le front de Vimbai perlait de sueur. Une crampe menaçait son mollet. Elle s'arrêta.
Beaucoup plus bas, englué dans cette gangue de douleur qui le rongeait, Juan n'était plus que l'ombre de lui-même. Ses muscles défaillants lui interdisaient de progresser vite, d'autant plus sur ce terrain instable. Il trébuchait fréquemment, bien trop, chaque écart grignotant le peu de réserve qui lui restait. Il serrait les dents contre la souffrance qui irradiait son être. Il avait bien suffisamment d'expérience pour se rendre compte que la plaie n'était pas qu'une simple brûlure. Il n'y pouvait cependant rien. Rien d'autre que de tenir bon.
Il s'entêta. Centimètre par centimètre. Sans la moindre plainte malgré cette inflammation qui augmentait de façon exponentielle, ce qui n'était pas bon signe.
Il avança, le corps tendu, arqué par ce supplice. Enfin, sa main atteignit sa lame sombre. Il n'en pouvait plus. Il lui sembla que sa cuisse s'ouvrait en deux, fissurée par la souffrance.

Dans un martèlement de sabots, Isabella déboucha de derrière un chariot. Elle avisa la situation d'ensemble en un clin d'œil. Elle hurla:
:Laguerra: : Mendoza!
En guise de réponse, celui-ci rétorqua:
:Mendoza: : Sauve la fille!
L'irruption de l'aventurière lui redonna des forces. Galvanisé, il dégagea sa lame sombre, la remisa dans sa botte et se jeta au-devant afin d'atteindre le second palier, porté par une rage glacée.
:Mendoza: : Bouge! Récupère ton épée.
Ses reptations maladroites et lentes, lui donnaient la nausée, aggravant son calvaire.
Au-dessus de sa tête, tout en déroulant son fouet, Isabella fit obliquer son cheval au bord de la butte, vers la missionnaire. Celle-ci restait figée.
La señorita lança sa lanière de cuir vers la Shona, qui tendait les bras vers elle.
:Laguerra: : Attrapez ça! Je vais vous hisser.
Or la jeune femme se révéla bien maladroite quant à saisir ce qu'on lui lançait.
:Laguerra: : Ce n'est pas possible! Mais quelle cruche! Je vais devoir procéder autrement.
La cruche en question poussa un cri de surprise quand l'extrémité du fouet s'enroula autour de sa taille.
:Laguerra: : Allez! Accrochez-vous et avancez!
Une fois au bord du talus, la bretteuse l'empoigna sous les aiselles et, se rejetant sur sa selle, l'arracha du sol. La plaquant ensuite en travers de son cheval, Isabella obligea son pie à effectuer une volte brutale et repartit en direction des chariots.
Tel un membre mort, la jambe blessée de l'Espagnol ne réagissait plus à sa volonté. En appui précaire sur l'autre, il continuait pourtant de se battre. Hors de question d'abdiquer. Toujours emprisonné entre les tenailles de cette fièvre insane, de cette chaleur intense qui le harcelait sans relâche, trait de feu, succube embrasé s'abreuvant de ses forces vitales, il était en nage et se sentait pourtant transi.
Saisi par une insurmontable vague de nausées, il vomit jusqu'à en avoir la gorge brûlée par le passage de la bile.
Puis il repartit. Tirant sur ses coudes, poussant sur ses genoux, il se mit en mouvement. Centimètre par centimètre, chacun de ses efforts faisait résonner en lui le tambour qui menaçait de lui faire éclater le crâne.
Et ce feu malsain qui continuait de s'épanouir, le faisant glisser lentement mais sûrement dans les griffes de l'inconscience. Un nouvel accès de fièvre le terrassa. Il se laissa aller sur le ventre, gémissant en sourdine. Sa cuisse n'était plus qu'un brasier qui s'enflammait à chaque frôlement. Ses tempes bourdonnaient et les sons lui parvenaient assourdis, distordus. Il avait chaud, il avait froid, il ne savait plus. Mendoza resta ainsi, incapable de réagir.

32.PNG

Au même instant, l'aventurière pila devant le groupe des missionnaires et, sans ménagement, elle jeta leur compagne dans leurs bras.
Elle repartit aussitôt à pleine vitesse au bord de la cuvette. Vaillante, sa jument obéissait sans rechigner.
:Laguerra: : Mendoza!
Ce dernier n'avait plus la force de bouger. Il se contenta de lever les yeux afin de fixer cette forme féminine qui le surplombait.
:Laguerra: : Juan! Relève-toi!
Le temps s'étira dans ce panaché de souffrance qui tournait à l'enfer. Le Catalan comprit finalement que cette silhouette aux trois tons -blanc ivoirin, rouge vermeil et noir ébène- qu'il distinguait n'était autre que celle d'Isabella. Il n'avait qu'une envie, fermer les yeux, s'enfoncer dans un oubli libérateur. Mais non, il lui fallait bouger. Maintenant.
La vue de la jeune femme, cependant, réveilla une énergie qu'il croyait perdue. Une énergie cristallisée par les sentiments qui l'unissaient à elle, par le besoin impérieux qu'il ressentait de la rejoindre et qui, en définitive, ne l'avait jamais vraiment quitté.
:Mendoza: : Il est temps d'agir. Ignore la douleur. Bouge. Bouge ou capitule à jamais et reste ici à pleurer sur ton infortune.
Une minuscule mais indéniable étincelle nimba le noir éteint de ses yeux.
:Laguerra: : Juan! Aide-moi, je ne peux rien faire si tu ne fais pas un effort! Essaye d'attraper le manche de mon fouet!
La lanière de cuir se balança à moins d'une toise devant lui. Laguerra se mit à lui imprimer des secousses pour la rapprocher de Mendoza, mais elle n'arrivait qu'à la faire onduler sur place. Le capitaine tenta de la saisir mais jamais il n'aurait la force de combler l'écart.
:Mendoza: : Si!
Il lui restait sa dernière arme. Sa volonté. La volonté de ne jamais capituler. Puisant dedans, il ordonna à son corps de ne pas abdiquer. D'un coup de reins, il plongea dessus et le geste finit par payer.
:Laguerra: : Tiens-le bien!
Le marin était trop lourd pour que la jeune femme puisse le hisser à la force des bras. Elle se tourna instinctivement vers les Shonas, mais elle comprit qu'il était inutile de demander qu'on lui prête main forte.
:Laguerra: : Mais qu'est-ce c'est que ces missionnaires? C'est comme ça qu'ils comptent aider leur prochain?
Puisque personne ne leva le petit doigt pour elle, la duelliste enroula donc la pointe du fouet à son pommeau de selle et fit reculer sa monture, traînant son compagnon à sa suite.
Il quitta la cuvette, remonta la pente. Il était sauf, enfin, tout était relatif.
Le mercenaire n'en pouvait plus. À peine le cheval arrêté, Isabella bondit pour l'aider à s'allonger à l'ombre d'une carriole. Elle se redressa d'un bloc et se retourna face à la femme voilée qu'elle avait sauvée.
Le cœur de la duettiste s'emballa et elle sentit monter en elle le sentiment de colère qu'elle s'efforçait de maîtriser depuis la veille. C'est d'une voix glaciale qu'elle cracha:
:Laguerra: : Espèce d'idiote! Vous êtes bien native de ce pays! Vous devriez connaître le danger de ces plantes et arbustes, non?
Les yeux toujours voilés, Vimbai était trop choquée pour se rendre compte du reproche. Les autres missionnaires baissaient la tête, toujours aussi passifs. Seule la plus grande des femmes foudroya la bretteuse de son regard noir, mais elle ne dit rien non plus.
Les traits contractés d'une souffrance qui lui donnait des nausées, Mendoza, au prix d'un gros effort, tourna la tête et souffla à l'aventurière d'une voix faible et pourtant clairement audible:
:Mendoza: : Laisse tomber, Laguerra.
Isabella se retourna vers lui, se préparant à lui répondre vertement, mais en voyant son état pitoyable, elle écarquilla les yeux.
L'Espagnol n'en avait pas conscience mais son visage, devenu exsangue, avait perdu tout son hâle cuivré. La douleur s'épanouissait en lui et il devait serrer les dents pour ne pas hurler. Il avait la cuisse en feu, pire encore que si on lui avait appliqué un tisonnier chauffé à blanc.
Isabella courut jusqu'à lui et s'accroupit à ses côtés. Elle dégaina sa rapière et fendit le pantalon du blessé en long et en large pour dégager sa peau.
La blessure avait un terrible aspect. L'épiderme était couvert de petites taches rouges se réunissant pour former une masse pourpre et gonflée. Lorsque Laguerra en effleura le pourtour brûlant, le navigateur gémit.
Soucieuse, la duettiste se releva et s'empressa d'aller chercher ses fontes de selle. Elle les posa à côté de Juan et ouvrit l'une d'elles avant d'y fouiller.
Elle en sortit un rouleau de gaze, qu'elle posa à ses pieds, ainsi que deux petits pots d'argile. Le premier contenait du psilothrum qu'elle mit immédiatement à chauffer, le second, un onguent.
Une fois que l'espèce de cire fut a bonne température, elle murmura:
:Laguerra: : Ne bouge pas, ça va faire mal mais fais-moi confiance. Si je n'enlève pas ces poils urticants, tu peux y rester.
En s'appliquant, elle étala la substance sur sa blessure à l'aide d'une spatule, débordant largement sur les cotés.
La douleur le calcinait. Mendoza serra les mâchoires pour contenir le cri qui menaçait de jaillir de ses lèvres. Il vint quand Isabella tira d'un coup sec sur la bande dépilatoire.
Elle réitéra l'opération pour être certaine d'avoir tout enlevé. Ensuite, elle déboucha le second pot.
Une odeur fraîche, piquante, qui ressemblait à celle de l'eucalyptus mais plus prononcée, titilla les narines du capitaine.
:Laguerra: : Faute d'avoir de l'acidum salis*, je vais t'appliquer ceci.
L'alchimiste préleva une généreuse noisette, une sorte de pâte molle, vert d'eau, et tartina la chair meurtrie, recouvrant toute la plaie. Enfin, elle coupa un morceau de gaze qu'elle entoura délicatement autour de la cuisse de son compagnon.
Allant chercher sa gourde, elle lui fit boire un peu d'eau.
Le temps que l'électuaire fasse son office, Isabella fouilla à nouveau sans sa sacoche. Elle en extirpa un sachet de pot cirée. Elle y préleva quelques feuilles indigo, qu'elle glissa dans la bouche du marin.
:Laguerra: : Mâche, ça devrait soulager ta fièvre.
La jeune femme coupa un autre morceau de tissu pour en faire une compresse, qu'elle imbiba de sa gourde avant de la poser sur le front du malade.
:Laguerra: : Repose-toi.
Le mercenaire n'avait même plus la force de parler. L'onguent commençait à agir. Une vague de fraîcheur inonda sa blessure. La souffrance diminua d'un cran. Il ferma les yeux et sombra dans un néant tourmenté.

☼☼☼

Mendoza s'éveilla, allongé sous une couverture. Il avait profondément dormi toute la matinée.
Le repos lui avait fait du bien. La douleur qui le harcelait s'était calmée, transformée en un élancement sourd. Cependant, il se sentait atrocement faible.
Tellement faible qu'il parvint à peine à redresser la tête, le temps de constater qu'il avait été déplacé jusque sous les acacias dont les rameaux le couvaient de leur ombre. La seule chose qu'il parvint à distinguer était, d'un côté, l'arrière d'un chariot, de l'autre son alezan et le pie d'Isabella, tous deux dessellés, attachés à proximité d'un arbre.
L'écho d'une litanie provenant d'un chœur de voix humaines et qui sonnait comme une prière lui parvenait en sourdine, mais il était incapable de se lever assez pour en repérer la source.
Terrassé par la fatigue, il se rallongea et se rendormit.

☼☼☼

Il s'éveilla à nouveau. Tournant la tête, il aperçut Laguerra qui le veillait, assise à quelques pas de lui.
Constatant son réveil, elle se rapprocha et lui donna à boire.
:Laguerra: : Alors, comment te sens-tu?
:Mendoza: : Je ne sais pas trop. Enfin, mieux que tout à l'heure, en tout cas.
:Laguerra: : Ta cuisse?
:Mendoza: : Elle me fait encore mal mais c'est devenu supportable.
:Laguerra: : Voyons ça.
Isabella repoussa la couverture, ôta le bandage, puis examina soigneusement sa blessure. La plaie avait dégonflé, perdant cet aspect boursouflé et cette teinte malsaine. Elle restait cependant fort douloureuse au toucher et le capitaine n'aurait pas supporté de passer un pantalon et encore moins de chevaucher.
Tout en lui remettant du baume, avant de refaire son pansement, l'ancien bras droit de Zarès ajouta:
:Laguerra: : Tu as de la chance que mon père était docteur. Il m'avait inculqué quelques notions pour soigner efficacement. Bon, la bonne nouvelle, c'est que j'ai agi à temps. Il n'y aura pas de résurgence. Sans la cire et l'onguent, les picotements t'auraient rendu fou d'agonie... au point de mettre fin à tes jours. La mauvaise, c'est qu'il va falloir attendre que tu ailles mieux avant de repartir.
Le navigateur grimaça:
:Mendoza: : Nous n'avons pas de temps à perdre. Les enfants vont commencer à trouver le temps long. Je leur avait dit deux, trois jours maximum.
:Laguerra: : Tu n'as pas le choix, Mendoza. Et crois-moi, ça ne m'amuse pas plus que toi d'être bloquée ici. Le coin n'est pas sûr.
:Mendoza: : Tu as repéré quelque chose?
:Laguerra: : Juste des traces de pas, le long du canyon. Heureusement, elles s'éloignaient de nous. Mais cela ne veut pas dire grand-chose...
:Mendoza: : Vous n'avez qu'à me hisser dans un chariot, voilà tout.
:Laguerra: : Tu vas mieux, mais ça ne veut pas dire que tu es rétabli. Avec les cahots, tu vas souffrir le martyre, en outre, ce n'est pas en voyageant ainsi que tu reprendras des forces ou que tu cicatriseras convenablement. De plus, avec ce genre de véhicule, on avance lentement et on est repérable de loin. Si on se fait attaquer en nombre, je ne vois pas comment je pourrais défendre le convoi seule.
:Mendoza: : Écoute, on passe le reste de la journée ici et si je vais mieux ce soir, on repart.
Laguerra secoua la tête.
:Laguerra: : Tu ne seras pas en état de voyager cette nuit. Il faudra attendre quelques heures, pas moins.
:Mendoza: : On en reparle ce soir, d'accord?
:Laguerra: : Si tu veux, mais tu te berces de faux espoirs.
Elle se pencha vers lui et lui embrassa la joue. Une simple bise, mais chargée d'une tendresse infinie. En reculant, elle lui chuchota à l'oreille:
:Laguerra: : Si derrière toute barbe il y avait de la sagesse, les chèvres seraient toutes prophètes.
Après avoir mangé un peu, l'Espagnol se rendormit une nouvelle fois.

☼☼☼

Dans un ciel scintillant d'étoiles, une lune ronde et jaune s'était levée à l'est, baignant le paysage dans une lumière crue. Le camp était silencieux, les missionnaires déjà plongés dans le sommeil, installés dans leurs chariots ou en dessous. Laguerra montait la garde, effectuant des rondes régulières autour des véhicules et le longs des rochers.
Mendoza ne dormait pas. Il n'était pas question pour lui de perdre son temps ici. Sans parler des risques évoqués par l'aventurière concernant ces traces de pas. Mais comme elle l'avait dit, même si l'onguent avait fait du bon travail, la guérison était encore loin d'être complète.
L'Espagnol voulait en avoir le cœur net. Il repoussa sa cape et ôta son bandage. Il arrangea son mantelet de manière à se que sa cuisse soit baignée des rais de l'astre de nuit, sans pour autant que la bretteuse qui patrouillait ne puisse se rendre compte de son manège. Par chance, sa jambe blessée se trouvait à l'opposé de ses déambulations.
La jeune femme avait raison. Il se sentait encore faible et finit par sentir le sommeil le gagner de nouveau. Bénéfique, il s'y abandonna, bien décidé à partir dès le lendemain, coûte que coûte.
Quelques minutes plus tard, il dormait et s'enfonçait dans un étrange rêve.

Il portait des vêtements trop petits pour lui, datant de son enfance. Il se sentait particulièrement ridicule dedans. Il cherchait vainement la déesse Ishtar au Moyen-Orient, tandis que Laguerra, juchée sur son pie, se moquait de ses efforts et passait son temps à lui indiquer de fausses pistes. Puis, au moment où il allait enfin retrouver le tombeau, il se retrouva projeté dans un lieu bien différent de celui du désert des Chaldis. De retour au pays Dogon, vêtu cette fois d'un simple pagne léopard, il se retrouva confronté à une jeune femme aussi magnifique que maléfique: la maîtresse des esprits. Une guerrière, comme lui, aux cheveux hirsutes, au regard d'un troublant violet, le visage orné de peinture.
La sorcière N'Deye lui ordonna.

N'Deye: Rends-moi ma couronne et le Bako, vil crapaud!
:Mendoza: : Désolé! La couronne n'est plus en ma possession. Quant au masque voyageur, eh bien il est tout simplement retourné chez lui, à Orunigi.
N'Deye: Menteur! Je ne te crois pas!
Avant qu'elle ne tente quoi que ce soit, il la combattit, à mains nues. Et tandis que les traits de la reine déchue s'effaçait, sa silhouette se transforma lentement. La peau de l'Africaine perdit peu à peu de son hâle cuivré, mais son minois restait toujours indistinct. Mendoza eut le souffle coupé quand il découvrit enfin l'identité de la nouvelle venue: Isabella.

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Le combat prit alors une autre tournure lorsque le mercenaire finit par s'allonger sur elle, à l'embrasser à pleine bouche, tandis qu'elle répondait à son baiser avec une ardeur supérieure à la sienne. Ils firent alors l'amour avec une passion sauvage, intense, que jamais auparavant le marin n'avait ressentie.
Changeant à nouveau de décor, le lieu de leurs ébats était à présent un lit que le capitaine ne reconnaissait pas. Leurs bassins accolés, leurs sueurs mélangées, leurs regards plaqués l'un dans l'autre, leurs sourires, leur bonheur, ils s'abandonnèrent au plaisir.


Quel curieux songe, un cauchemar métamorphosé en un rêve aussi épicé qu'exquis.
De son côté, Laguerra était inquiète, moins pour l'état de Mendoza que pour les conséquences de cet état. Tant que ce dernier restait incapable de se mouvoir, ils resteraient ici, réduisant à néant leurs chances de semer les colons. D'ailleurs, elle se demandait pourquoi les Portugais ne les avaient pas encore rejoints et chargés, forts de leur supériorité numérique. Le capitaine et elle avaient pris soin d'effacer leurs traces sur les pistes empruntées, mais les traqueurs n'allaient pas tarder à les débusquer, impossible de raisonner autrement. Elle repoussa pour le moment cet état de fait. Contemplant le spectacle céleste révélé par le firmament, la jeune femme lutta pour ne pas glisser dans le sommeil.

☼☼☼

Mendoza quitta les bras de Morphée aux premières lueurs du jour, tandis que la nature se nappait d'un brouillard à l'humidité dense. Les oiseaux s'apostrophaient dans le haut des feuillages.
Il s'étira doucement et constata qu'il se sentait bien mieux que la veille.
En le voyant éveillé, Isabella vint le rejoindre.
La jeune femme avait passé la nuit à monter la garde. Elle avait les yeux cernés mais son regard restait clair et ses mouvements assurés.
:Mendoza: : Tu n'es pas trop éreintée, Laguerra?
:Laguerra: : Ça ira, ce n'est pas la première fois que je passe une nuit blanche, j'ai l'habitude.
:Mendoza: : Parfait, nous pouvons reprendre la route, alors.
Et le navigateur repoussa sa cape, s'apprêtant à se lever.
La fille du docteur s'écria:
:Laguerra: : Tu as ôté ton pansement? Tu es fou ou quoi? Montre-moi ta blessure!
Il sourit:
:Mendoza: : Quelle blessure?
Et c'était vrai. Guérie par l'alliance conjuguée de l'onguent et de presque une journée entière de repos, la plaie avait totalement cicatrisé, sans laisser la moindre trace ni aucune fièvre. Hormis un résidu de fatigue, Mendoza ne souffrait plus d'aucune séquelle.
Isabella jura doucement:
:Laguerra: : Par tous les diables! Je n'arrive pas à y croire! La pommade est efficace, c'est un fait, mais pas assez pour te soigner aussi vite!
le capitaine objecta dans un sourire:
:Mendoza: : Il semble pourtant que ce soit le cas. Écoute, j'ai survécu à toutes sortes de choses au cours de mon existence: plusieurs naufrages, la chute d'une falaise, l'éboulement provoqué par Zarès, les trois duels contre toi... Ce n'est certainement pas quelques petites piqûres d'arbuste qui vont avoir raison de moi!
La jeune femme lui étreignit l'épaule.
:Laguerra: : Tu sais que j'aurais pu te tuer dès le premier affrontement.
:Mendoza: : C'est vrai mais tu ne l'as pas fait. Tu étais déjà subjuguée par mon charme.
Isabella leva les yeux au ciel. Enfin, elle finit par lui dire:
:Laguerra: : Pardonne-moi si je n'abonde pas dans ton sens.
Il y eut un silence.
:Mendoza: : Au fait, une petite question: tu comptes terminer le travail?
:Laguerra: : Le travail? Quel travail?
:Mendoza: : Eh bien, regarde attentivement la surface imberbe de ma cuisse.
Lorsque l'aventurière inclina la tête, le marin pouvait sentir son haleine fraîche lui caresser la nuque.
:Mendoza: : Franchement, on dirait une piste coupant à travers la végétation. C'est hideux! Et comme je suis un tel parangon de beauté, tu ne peux pas me laisser dans cet état.
Isabella réprima le sourire qui menaçait d'envahir son visage. Il n'y avait rien de drôle dans les fanfaronnades du capitaine, même si elles étaient teintées d'une touche d'autodérision.
Elle se pencha vers lui. Avant d'embrasser sa joue, elle lui chuchota à l'oreille:
:Laguerra: : Si j'avais eu le choix, ce ne sont pas ces poils-ci dont je me serais débarrassée.

Il se redressa avec précaution et put constater qu'il pouvait prendre appui sur sa jambe sans mal. Peut-être pas au point de courir un marathon, mais il pourrait sans doute monter à cheval.
Découpé par Isabella, infesté de poils urticants, son pantalon, par contre, était bon à jeter. Le capitaine en passa donc un de rechange. Et pendant qu'il y était, il se débarrassa aussi de sa tunique pour en revêtir une propre.
Une fois habillé de pied en cap, armé, il rejoignit la jeune femme qui ajustait la sangle de sa selle autour du ventre de son pie.
:Mendoza: : Merci Isabella.
:Laguerra: : Merci pour quoi?
:Mendoza: : Tu m'as sauvé.
Elle haussa des épaules.
:Laguerra: : Ce n'est pas grand-chose.
:Mendoza: : Pas grand-chose? Ma vie me semble plutôt importante à mes yeux. Capitale, même... alors très sincèrement, merci.
:Laguerra: : Bon, arrete un peu, beau gosse, sinon, c'est moi qui vais rougir!
:Mendoza: : Arrête de m'appeler comme ça!
:Laguerra: : Oh! Tu préfères sans doute boule de poils?
:Mendoza: : Non plus!
La complicité était là, à nouveau. Mendoza regarda la jeune femme et, sans pouvoir se retenir, lui adressa un sourire de connivence. Elle fit de même, son regard palpitant de sensualité. Elle avait l'air si sauvage et fière, si sûre d'elle et de ses moyens. Il éprouva le soudain et puissant désir de l'embrasser. Il contint pourtant cette pulsion car en la présence des Shonas, ils ne pouvaient s'accorder plus.
:Laguerra: : Mendoza.
:Mendoza: : Oui?
:Laguerra: : Je sais que tu leur as fait une promesse, mais pas moi. Et je ne tiens pas à passer une journée de plus avec ces lâches qui n'ont pas daigné lever le petit doigt pour toi. J'ai consulté la carte, ce matin. La rivière Buzi se trouve au sud-est de notre position. Et il est hors de question

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de s'aventurer par là. C'est bien trop loin! Nous retournons à Zimbabwe, comme tu le voulais. Donc je te préviens: au premier cours d'eau que nous croisons, je les laisse sur place! Ils n'auront qu'à le descendre. Tôt ou tard, ils finiront bien par rejoindre la côte.
Le marin soupira:
:Mendoza: : Très Bien, nous ferons comme tu veux.

Tandis que l'Espagnol préparait son cheval au départ, l'homme barbu qui faisait office de porte-parole des religieux vint le remercier d'avoir ainsi risqué sa vie pour sauver celle de Vimbai. Il expliqua que la femme voilée n'était pas venue elle-même car selon les préceptes de son culte, elle n'avait pas le droit de parler à des étrangers. Le capitaine comprit également qu'elle ne pouvait pas montrer son visage non plus.
Bien que reconnaissant, le missionnaire ne s'attarda pas pour discuter. Il semblait gêné, que ce fût par sa propre attitude lors du sauvetage ou par le contact avec le marin, dont il s'obstinait à fuir le regard.
Au passage, le Catalan se demanda comment des gens prêchant l'évangile pouvaient être aussi mal préparés et espérer survivre à leur voyage dans les terres intérieures.

Après avoir effacé les traces de leur bivouac, Isabella donna le signal du départ. Contrairement aux craintes qu'elle éprouvait, ils traversèrent le canyon sans être inquiétés.
La jambe de Mendoza tenait bon et il ne ressentait plus aucun picotement dans son membre.
Sortant du défilé, ils débouchèrent dans une sorte de plaine encadrée de roches escarpées, où la caillasse remplaçait la terre.
Tandis que l'Ange gardien fermait l'arrière-garde, à charge pour lui de camoufler les signes de leur passage, l'aventurière chevauchait bien en avant. Prudente, elle prenait le temps d'inspecter l'horizon afin de déceler tout danger éventuel. Par deux fois, elle les fit obliquer pour descendre dans un arroyo depuis longtemps à sec qu'elle leur fit remonter sur toute sa longueur.
Ils traversèrent ensuite un bois et s'arrêtèrent sous le couvert des arbres tandis que l'aventurière partait en avant reconnaître le terrain. Elle revint, annonçant à son compatriote que le chemin était dégagé et qu'ils pouvaient repartir.
Les missionnaires suivaient le mouvement, en silence, apathiques. Ils ne faisaient aucun effort pour communiquer avec la bretteuse ou le capitaine, ce qui leur convenait très bien à tous les deux. Mendoza se disait que Laguerra avait raison. Plus tôt ils quitteraient les religieux, mieux ce serait.
Arrivant au bout de la plaine, ils se retrouvèrent face à deux semblants de pistes qui serpentaient autour d'un piton rocheux. Remarquant les traces de sabots ferrés sur celle de droite, Isabella leur fit suivre la seconde.
Ils gravirent une pente à faible déclivité que même les carrioles pouvaient emprunter et s'engagèrent ensuite sur un plateau au sol de pierre, recouvert ça et là d'ossements qui craquèrent sinistrement sous les roues.
Après une courte pause, ils en redescendirent.

Le relief tourmenté dans lequel ils avaient voyagé cessa brutalement en s'aplanissant sur une espèce de terrain plat dépourvu de toute habitation.
Devant leurs yeux s'étalaient désormais de grands espaces plantés de bois, de bosquets ou de roches saillantes. Vers l'est, on pouvait distinguer les lignes massives et bleutées, un peu floues, du plateau de Manica.
Là encore, Isabella partit en éclaireur pour explorer les alentours.

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Semblable à celle que le capitaine et elle avaient croisé à l'aller, la Devuli, rivière appauvrie, n'ayant pas assez de pente pour descendre à la mer, errait sous leurs yeux, comme incertaine de la voie à suivre, et croupissait en grandes flaques stagnantes sur son lit presque à sec. Elle descendait pourtant le versant ouest des plateaux du royaume de Mutapa, arides par leur situation à l'ombre pluviométrique de ces montagnes.
La jeune femme poussa un soupir de soulagement. Il ne leur restait qu'une formalité à accomplir avant de pouvoir se séparer des religieux. La traverser.
Devant eux, une tranchée s'étalait en une ligne épaisse, étirée sur des lieues, couverte d'une boue sèche et donc sans danger pour les deux cavaliers, qui décidèrent d'un commun accord de quitter les missionnaires.
Les adieux furent réduits à leur plus simple expression. Mendoza ne parvenait pas à trouver ces gens sympathiques et il était ravi de pouvoir enfin s'en débarrasser. Du reste, ces derniers ne firent rien pour les retenir.
Les aventuriers s'écartèrent du convoi sans un regard en arrière. Mais ils s'arrêtèrent au bout de quelques dizaines de toises à peine.
En haut d'une petite butte, sur la droite, les attendait un cavalier solitaire.
Constatant leur arrivée, il descendit la pente, avançant au pas, à leur rencontre.
Mendoza et Laguerra regardèrent autour d'eux, mais ils ne repérèrent rien de nature à les inquiéter. La jeune femme, toutefois, empoigna son pistolet. Quant au marin, il posa sa main sur la garde de son épée.
Le cavalier approchait toujours d'une allure tranquille, juché sur un étalon, un rouan musculeux à la selle noire décorée de sequins d'argent mat.
Il était vêtu d'un long cache-poussière d'un gris ardoise, d'un pantalon sombre et de grandes bottes en cuir de buffle noir, décorées sur toute leur longueur, elle aussi, de sequin d'argent.
Sa posture en selle, souple, assurée, traduisait une véritable aisance à évoluer dans ces terres sauvages.
Arrivé à quelques pas des Espagnols, l'inconnu stoppa sa monture et mit pied à terre.
Aussi grand que le capitaine, très maigre, les traits émaciés, les orbites saillantes, il avait des cheveux anthracite qui lui arrivaient aux épaules, d'épais sourcils, une moustache fournie qui tombait de chaque côté de sa bouche, et une barbe broussailleuse. Ses petits yeux gris pâle luisaient de volonté et semblaient ne manquer aucun détail de ce qui l'entourait.
Son visage long et mat sillonné d'un réseau de petites rides qui, au lieu d'affaiblir ses traits ne faisaient que les renforcer, il semblait tout à la fois vieux et sans âge. Vieux mais nullement faible. Au contraire, l'homme semblait exhaler une force minérale, une puissance sereine, une résistance qui faisaient défaut à la plupart des hommes.
Du moins, c'est ainsi que Juan-Carlos le ressentit.
Le personnage gardait ses mains devant lui, largement ouvertes, afin de bien montrer qu'il n'avait pas d'intentions hostiles.
Son attitude paisible n'empêcha pas le mercenaire de se demander quelles lames l'arrivant pouvait cacher sous son manteau, car c'était un guerrier, et pas le moindre, il le percevait avec une acuité indiscutable. Tout comme son vis-à-vis devait ressentir le même genre d'aura émanant de l'Espagnol.
D'une voix particulièrement rocailleuse, le nouveau venu entama la conversation:
:?: : Bien le bonjour. Si vous le permettez, je vais aller parler aux miens.
Et d'un geste, il désigna le groupe de missionnaires.
Sans céder à la surprise, Mendoza opina. Et sans attendre, le vieux guerrier se dirigea vers le groupe. Pour le capitaine, l'arrivant semblait tout le contraire des missionnaires.
Se tournant vers eux, il constata que les Shonas saluaient l'inconnu avec une déférence marquée. Ce dernier échangea quelques mots avec les hommes du convoi puis parla plus longuement avec la plus grandes des femmes voilées. Celle-ci désigna Isabella et Mendoza mais le Catalan était trop loin pour saisir ses propos.
Le vieux guerrier finit par revenir devant les deux cavaliers et dit:
:?: : Je me présente: Simbarashe Mudenge. À qui ai-je l'honneur?
:Mendoza: : Je me nomme Mendoza et voici Laguerra.
Mudenge: Panashe m'a raconté votre sauvetage. Un noble geste, ma foi. J'ai une dette envers vous, que je compte bien honorer. J'imagine que vous allez à Sofala?
Cette fois, le capitaine secoua la tête.
:Mendoza: : Non, nous allons au sud-ouest, à Zimbabwe. Comment avez-vous su que nous passerions par ici?
Avec un semblant de sourire, Simbarashe fit:
Mudenge: Les tambours, mon ami, les tambours. Si vous allez à Zimbabwe, alors nous nous y reverrons peut-être. Bonne route à vous deux.
Tandis que l'aventurière partait en avant vers les collines, Mendoza salua l'homme d'un hochement de tête et talonna son alezan pour rejoindre la jeune femme.

À suivre...

*Marigot: Dans les pays tropicaux, bras mort d'un fleuve, d'une rivière ou mare d'eau stagnante.
*Acidum salis: Au Moyen Âge, les alchimistes Européens connaissaient l'acide chlorhydrique sous le nom d’esprit de sel ou acidum salis.
Modifié en dernier par TEEGER59 le 01 nov. 2021, 20:38, modifié 2 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par Marcowinch »

Pauvre Mendoza ! ;) Il va falloir qu'il ne sorte plus sans sa trousse à pharmacie !
Un excellent chapitre, qui plus est rempli de magnifiques images ! :)
*** :Tao: :Zia: :Esteban: Ma fanfic MCO : La Huitième Cité :) :Esteban: :Zia: :Tao: ***
J'espère qu'elle vous plaira :D

:Esteban: Bah voyons, Pattala ! C'est pas dans ce coin-là que vit la jolie Indali ? :tongue:
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par IsaGuerra »

:Pedro: : Tout le monde voit ce que tu veux dire, ma perle noire. → Mais c'est qu'il est mignon
→ Mendoza a clairement le chic pour se mettre dans de ces situations... :roll:
:Laguerra: : Ce n'est pas possible! Mais quelle cruche! → Et elle reste gentille je trouve
→ Isabella habillée de peau de léopard ça me tue :x-):
:Mendoza: : C'est vrai mais tu ne l'as pas fait. Tu étais déjà subjuguée par mon charme. → Ça va les chevilles ? :lol:

Bon chapitre hâte de lire la suite ^^
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par Chenille99 »

Eh bien un chapitre fort en émotion pour notre capitaine. Je n'ai pas arrêter de hurler aux missionnaires de se bouger pour les aider, ils sont vraiment étranges.
La blessure de Mendoza qui guérit miraculeusement vite est-ce un détail sans importance ou au contraire pas anodin pour la suite de l'histoire ? Je me pose la question 🤔
Laguerra avec la tenue d'N deyé, elle est juste sublime !!
Ma perle noire --> 😍 ce surnom est si magnifique, c'est un romantique notre Pedro :)
Le groupe se rejoindra-t-il enfin ? Seuls les tams-tams nous le diront 😆
Vivement la suite et bonne soirée !
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 11: (C)hyène de vie.

Après une seconde journée de recherches infructueuses, le condor sillonna une nouvelle fois le ciel, élargissant sa zone de recherche à l'est du périmètre qu'avait établi Tao. Mais ce dernier ne pouvait pas deviner que les deux cavaliers avaient renoncé à rejoindre la rivière Buzi et qu'ils se dirigeaient à présent vers le sud-ouest.
L'aptitude la plus élémentaire à s'orienter, la notion de droite ou de gauche, d'avant ou d'arrière, le naacal les avait perdues depuis longtemps et il ne s'en souciait plus. Elles n'avaient ni valeur ni sens au regard de ces champs clos, de ces hautes forêts sempervirentes, de ces clairières effilées en forme de demi-lune, de ces massifs d'arbres géants, de ces bois semés de prairies qui se succédaient, se chevauchaient, s'enchevêtraient dans un seul et même paysage à la fois bucolique et farouche, plein de douceur et de sauvagerie.
Le cœur battant, Il cherchait désespérément des yeux ses amis qui devaient probablement veiller à rester sous le couvert de la végétation.
Il s'interrompit en entendant des rires gras et puérils derrière lui.
Sancho et Pedro, toujours à la dévotion des enfants, faisaient les pitres, comme à l'accoutumée.

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Le Muen était vraiment de mauvaise humeur aujourd'hui. Leur quête n'avançait pas d'un pouce, en dépit de leurs efforts, et cette absence de résultats, frustrante, commençait à l'agacer sérieusement. Lui qui, jusque-là, s'était montré serein, devint d'un seul coup la proie d'une impatience qui touchait à la fureur. Une brusque montée de sang colora d'un rose délicat ses joues brunies. Excédé par le manque d’intérêt des deux compères, il se retourna vers eux et cria presque:
:Tao: : Dites, vous pourriez faire preuve d'un peu plus de sérieux, non? Même Gaspard à l'air plus concerné que vous!
Le marin à la face simiesque posa sur lui un regard crispé puis laissa échapper un grognement.
:Pedro: : Seigneur, quel rabat-joie!
Il ne répondit pas immédiatement, conscient de marcher sur des œufs avec son jeune compagnon. Finalement, Pedro se pencha en avant et lui tapota gentiment l'épaule en murmurant:
:Pedro: : Tu sais, mon garçon, Gaspard n'en a cure de retrouver Mendoza. Tout ce qui l'intéresse, c'est la señorita Laguerra!
Sans pouvoir dominer une irritation qui montrait que ses nerfs commençaient à lui désobéir de nouveau, l'adolescent rétorqua:
:Tao: : Peut-être, mais s'il la trouve elle, Mendoza ne sera forcément pas loin!
Un silence accueillit cette conclusion évidente.
Contrairement à Tao, Zia semblait munie d'une patience inépuisable. Et assurée du succès de leur entreprise. Elle avala sa salive en rassemblant ses pensées. Fermant les yeux, elle dit rêveusement:
:Zia: : De toute façon, il est temps de faire une pause, Tao. Je crois que chacun en a besoin, c'est capital.
L'inca ponctua son affirmation en laissant s'écouler un battement. Ensuite, elle demanda à Estéban de se poser.
Comment refuser une telle proposition? Lui aussi avait envie de se dégourdir les jambes.
Découragé, le jeune savant se demanda s'il trouverait jamais ceux qu'il cherchait dans cette jungle quasiment impénétrable. Qui sait si ses espoirs n'étaient pas vains?
Dès que l'Atlante eut terminé sa manœuvre d'atterrissage, au beau milieu d'une plaine, tout le monde sorti de l'appareil. Le naacal avait beau scruter le paysage à s'en assécher les yeux, toujours aucune trace de deux cavaliers.
Dans cet océan de verdure, le soleil faisait ressortir le ton sourd ou vif, brutal ou tendre de chaque mouvement d'herbes et de feuillages, et l'on y voyait surgir, comme autant d'écueils, les pitons formés par d'anciens volcans qui portaient leurs laves pétrifiées en couronnes de noire écume.
Zia s'exclama:
:Zia: : Regarde Estéban! La vue doit être magnifique de là-haut!
Ils s'observèrent quelques instants, se jaugèrent l'un l'autre, se remémorant le baiser échangé quelque jours auparavant.
Le fils du soleil saisit la main de la jeune fille et dit simplement:
:Esteban: : On va jeter un coup d'œil!
Mendoza et Laguerra n'étaient pas oubliés, juste en retrait. Elle se laissa entraîner.
À cet instant, Tao éprouvait une angoisse de solitude si féroce que, à sa première atteinte, il refusait d'y croire. Cette détresse était vraiment trop absurde. Elle ne pouvait pas avoir de vérité, de substance, de sens.
Il avait deux amis fidèles, sûrs et choisis, éprouvés au cours d'une aventure déjà longue.
Tout autour de la petite équipe, les craquements, gémissements, sifflements, chuchotements, tous les bruits de la brousse, formaient un secret langage. De temps à autre s'élevaient au-dessus de tous un cri aigu, une clameur rauque, un strident appel.
:Athanaos: : Les enfants! Ne vous éloignez pas trop tout de même!
L'intonation d'Athanaos exprimait la crainte.
:Esteban: : Ne t'inquiète pas, Papa! Avec Zia, je ne risque rien!
L'expression du jeune Atlante ne changea que d'une nuance. Elle suffit cependant pour donner une toute autre signification à ses traits encore juvéniles. Son père ne pouvait y déceler qu'une impatience heureuse et un demi-sourire attendri passa sur son visage.

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Courant de conserve en s'écartant volontairement de leurs compagnons, les Élus grimpèrent sur l'une des éminences, au sommet de laquelle s'étalait un bois de marulas, appelé localement "l'arbre-éléphant". Ils s'y engagèrent. Après avoir longé une mare encadrée d'ajoncs, ils atteignirent une trouée qui donnait sur un plateau composé de grandes pierres plates chauffées par le soleil. À cet endroit, on bénéficiait d'un panorama superbe sur la plaine, sans pour autant être repérable de loin.
La mère du Bako s'arrêta à la lisière du bois, cherchant une bonne position pour inspecter l'horizon. Elle finit par trouver l'endroit adéquat et s'approcha d'un buisson, en haut de l'une des plus hautes collines. Elle s'y installa et Estéban vint s'asseoir à ses côtés.
Tout en partageant de la viande séchée et des fruits secs, ils étudièrent le paysage. Où étaient donc leurs amis? Le roi Neshangwe leur avait certes révélé dans quelle zone chercher mais sans pouvoir préciser où exactement. Et en deux jours, les deux cavaliers eurent largement le temps de changer de coin.
Ils restèrent dans cette position, sans bouger. Zia laissa passer le temps en contemplant ce tableau idyllique jusqu'au moment où Estéban se tourna vers elle et la fixa d'un air particulier.
La fille de Papacamayo n'attendait que ça. Sa bouche s'ouvrait déjà, appelant au baiser. Le jeune garçon passa la main sur sa joue, se pencha sur elle.
Enfin la tentation l'emporta. La tentation de voir "sa" Zia heureuse. De la voir heureuse grâce à lui.
Elle ferma les yeux.
C'est lorsqu'ils étaient sur le point de sceller leurs lèvres que le phénomène se produisit.
L'Élue recula, le visage lisse de toute expression.
Comme chez la matriarche des Lenjé, elle eut une vision. Seulement, la petite sorcière n'avait pas cherché à provoquer cet état, cette fois.
:Esteban: : Zia...?
:Zia: : Chut!
Elle sombra dans une transe légère dans laquelle elle se retrouva projetée en pleine forêt tropicale. Un portrait commença à se dessiner dans sa conscience. Puis un second.
L'image mentale clignota avant de se stabiliser. L'inca poussa une exclamation entre ses dents. Peinant à se remettre de sa surprise, elle balbutia:
:Zia: : Mendoza, Laguerra!
Chacun entouré d'un suaire aux tons cramoisis bien trop familier, c'était bel et bien le visage des deux aventuriers qu'elle voyait flotter dans son esprit. De ce qu'elle pouvait en distinguer, les traits de ses compagnons semblaient tirés, inquiets.

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:Zia: : Bon sang! Où êtes-vous?
Comme giflée par une puissante bourrasque, sa vision se brouilla d'un coup avant de disparaître tout à fait.
Il était temps de plier bagage. Bondissant sur ses pieds, Zia s'écria:
:Zia: : Viens Estéban!
:Esteban: : Tu sais où ils sont?
:Zia: : Non. Cependant un danger les guette. J'ignore s'il s'agit de Zarès ou de quelqu'un d'autre, mais il faut reprendre les recherches...

☼☼☼

Tandis que les porteurs des médaillons du soleil rejoignaient les autres, Isabella et Juan-Carlos pénétrèrent au petit galop dans un entrelacs de collines rocheuses plus ou moins hautes et denses, une zone parfois tortueuse où l'on pouvait facilement se perdre.
La jungle s'éclaircissait, trouée de larges zones de savane à l'herbe jaune.
Leur provision d'eau étant presque tarie, ils s'y arrêtèrent le temps de remplir leurs gourdes à une source. Cette fois, aucun des deux ne proposa de baignade. À croire que chacun attendait de l'autre qu'il prenne l'initiative.
La nature restait sauvage mais semblait moins dangereuse. Moins dangereuse... La flore, peut-être, mais pas la faune.
Durant cette halte, le cheval de Mendoza dressa les oreilles et tourna la tête vers un point précis. Il avait perçu quelque chose.
:Mendoza: : Qu'y-a-t-il, mon vieux?
Laguerra s'empara de son arme à feu calée dans son dos et sentit les poils de sa nuque se hérisser.
L'alezan s'ébroua une nouvelle fois, baissa le cou et tenta de se libérer de la longe qui le maintenait accroché au tronc d'un arbre rabougri. Les yeux des deux montures reflétaient la panique. Elles avaient senti un animal approcher.
En effet, un lion traversa la piste vingt foulées devant le duo. Le fauve les contempla quelques instant avant de repartir, s'enfonçant sereinement entre les hautes herbes. Ils lâchèrent un soupir de soulagent et repartirent.
Les sens de l'Espagnol, exacerbés par le danger ambiant de ces trois derniers jours, s'apaisèrent pourtant d'un cran. Une grande partie de la tension qu'il éprouvait s'atténua d'elle-même mais il maintenait sa vigilance.
Pas suffisamment, apparemment.
Les deux cavaliers s'étaient engagés dans un réseau de collines. Ils avançaient au pas, longeant le bas d'une corniche qui dominait l'horizon, encadrée d'épaisses broussailles de mesquite.
Le guerrier qui les épiait depuis un moment déjà, surgit de derrière un rocher, au-dessus d'eux, et plongea sur le capitaine qu'il arracha de sa monture.
Son agresseur était un homme plutôt grand, le torse nu, la peau brun-rouge, les cheveux crépus retenus par un bandeau, vêtu d'un pagne en écorce martelée, dont un pan était entouré autour de la taille et l'autre passé entre les jambes et ramené à la ceinture, l'extrémité libre flottant par-devant.
L'inconnu dégageait un mélange de sueur et de graisse, un fumet âcre qui offensait les narines du Catalan.
Ils roulèrent sur le sol et Mendoza se retrouva plaqué dos contre terre.
Ses yeux noirs luisant de haine, la haine envers l'homme blanc, le colon, qui prétendait le spolier de ses terres. L'agresseur dégaina une hachette de sa ceinture et la rabattit droit sur le visage du marin. Ce dernier intercepta le poignet armé de sa main gauche, tandis que le guerrier, lui, emprisonnait la droite.
Du coin de l'œil, l'Espagnol vit Laguerra décocher une flèche pour abattre un autre assaillant en plein vol. Juste avant qu'un troisième sauvage ne jaillisse d'un fourré, à revers, pour la prendre par la taille et la jeter hors de sa selle. Puis, il se laissa tomber sur elle dans un cri triomphal, bloquant ses bras.
Ses mains prises, le mercenaire contracta ses abdominaux et se redressa le temps d'asséner un terrible coup de tête à celui qui le surplombait. Son nez tordu sur le côté, abruti par la douleur, son opposant relâcha son étreinte.
Aussi vite qu'il le pouvait, d'un geste sec, le capitaine libéra sa senestre et il écrasa aussitôt son poing en plein sur l'appendice nasal de l'autre. Puis, il le repoussa sur le côté, pivota vers l'aventurière, en appui sur un coude. Dans la seconde suivante, son autre main plongea dans sa botte, passa derrière sa nuque et se rabattit vers l'avant. Sa dague fusa à l'air libre pour aller terminer son vol d'acier dans le cou du guerrier juché sur la jeune femme.
Un autre indigène apparut à son tour des hauteurs, armé d'une lance, sauta d'un rocher et, à peine rétabli, chargea l'étranger dans un hurlement aigu.
Juan se détendit de l'autre côté. De ses doigts repliés, raidis, il broya la gorge de son adversaire initial. Il se redressa d'un sursaut des reins, et, dans le même mouvement fluide, dégaina son épée et trancha en diagonale basse. Sa lame découpa la lance en deux avant de fendre le torse du guerrier.
À peine libérée, Isabella avait roulé pour récupérer son arme à feu, tombée à quelques pas d'elle. Elle la ramassa et tira.
La balle passa très près de l'épaule de son compagnon, qui n'eut pas le temps de réagir, et alla se ficher dans le poitrail du quatrième ennemi lancé en pleine course, droit dans le dos de l'Espagnol.
Son tir imparable marqua la fin du combat.
Le mercenaire se laissa tomber sur son séant.
Les assaillants avaient tous la même carnation, le même nez épaté, les mêmes traits rigides ressemblant à ceux que l'on voyait sur les bas-reliefs de l'antique Égypte et portaient la même tenue légère.
Tout en récupérant l'unique flèche qu'elle avait tirée, Isabella fit:
:Laguerra: : Je ne sais pas qui sont ces guerriers mais mieux vaut ne pas traîner dans le coin. Nous ne sommes pas invincibles. Nous pouvons trépasser à la prochaine embuscade.
Le Catalan ne répondit rien, plongé dans ses pensées.

:Mendoza: : Tu m'impressionnes, Isabella. Tu es aussi résistante qu'un homme. Je me sens bien en ta compagnie. Il n'y a aucune gêne entre nous, bien au contraire.
:Mendoza: : Alors lance-toi! Assouvis tes besoins avec elle!
🧠 :Mendoza: : Non, je ne peux pas me le permettre maintenant. La mission de Rana'Ori prime, et j'ai vu trop d'hommes succomber, si talentueux soient-ils, pour avoir eu l'esprit déconcentré par une femme.
:Mendoza: : Tu y viendras, quoi que tu en dises...

Constatant la rêverie du capitaine, Laguerra l'empoigna. Il fut happé par le bras et redressé sans ménagement. Il cligna des yeux.
:Laguerra: : Réveille-toi, Mendoza! Tu veux te faire tuer? Fichons le camp d'ici!
Ils s'affrontèrent du regard, jusqu'à ce qu'il se soumette. Elle s'agrippa à sa tunique et soudain, s'abandonna contre lui.
Le moment était mal venu mais Moustique sentit son désir s'éveiller, attisé par la chaleur extrême que dégageait la jeune femme, par son parfum troublant, ses formes parfaites.
Néanmoins, il se ressaisit et se laissa conduire jusqu'aux montures.

Ils reprirent leur chevauchée, aux aguets. Une fois dépassée la corniche, ils repartirent au galop, reprenant la direction de Zimbabwe. Au bout d'environ trois heures, les collines boisées, toujours omniprésentes, s'aplanirent davantage, pour finalement s'ouvrir sur une grande plaine d'herbe ocre. S'ils ne s'étaient pas déplacés à cheval, celle-ci aurait facilement atteint leurs hanches.
De grands arbres aux troncs noueux parsemaient le paysage de leur présence verticale, délivrant leurs zone d'ombre ingrates. Quelques épais buissons de créosote leur disputaient le territoire. Un vent chaud soufflait avec paresse sur les lieux.
Ils galopèrent jusqu'aux herbages, avant de reprendre le pas, les chevaux ayant besoin de souffler.
Au centre de cette plaine, une chose attira soudain leur attention: le grand condor.

☼☼☼

Les aventuriers étaient juchés sur leur selle, menant toujours les équidés au pas. En dépit de la fatigue, ils se sentaient soulagés. Devant eux, ils pouvaient contempler la masse érigée de l'oiseau d'or. Plus que quelques minutes et ils l'atteindraient.
Le silence régnait, lorsque soudain, sur leur droite, des bruissements se firent dans les fourrés, le bruit d'une chute suivi d'un juron. Les épéistes dégainèrent, prêts à tout.
Du taillis surgit Tao, ses vêtements lacérés, déchirés, la chevelure en bataille et les traits tirés. Trois secondes plus tard, il trébucha sur une racine qu'il n'avait pas vue, à demie enfouie sous le tapis végétal. Le naacal bascula en avant pour aller mordre la poussière encore une fois. Il grommela:
:Tao: : Fichu pays! Pas moyen de faire un pas devant l'autre sans se casser la figure! Cet endroit n'a vraiment rien à voir avec un lieu de détente!

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Remisant sa lame au fourreau, les prunelles du navigateur brillaient d'un feu exprimant une joie franche. Descendant de son cheval, sa grande silhouette se dressa devant le Muen.
:Mendoza: : Tu as besoin d'aide, mon garçon?
:Tao: : Non, merci, ça va al...
Les traits du maladroit se figèrent d'étonnement à la vue du duo. Il se releva et s'écria:
:Tao: : Mendoza! Laguerra!
Dans un souffle, le capitaine dit:
:Mendoza: : Mais que fais-tu ici, Tao?
:Tao: : À ton avis?
:Laguerra: : Vous nous cherchiez?
:Tao: : Si on vous cherchait!?! Oh, hé! Ça fait trois jours qu'on survole la région en long et en large! Ça vous arrive de lever le nez en l'air, de temps en temps?
Sans leur laisser le temps de répondre, l'adolescent fit demi-tour en s'enfonçant dans les buissons. Il fut comme dévoré par eux.
Le capitaine et l'aventurière se retrouvèrent seuls au milieu du silence le plus complet qui pesait sur la terre sauvage de l'Afrique aux abords du tropique du Capricorne, quand le soleil dépassait seulement son zénith et que l'air était nourri, embrasé et terni de flamme.
Mais la quiétude ne fut que de courte durée. Ils entendirent les cris du savant fleurir de l'autre côté du mur végétal.
:Tao: : Estéban! Zia! Ils sont là! Je les ai trouvés!
Puis, vinrent ceux des Élus qui retentirent d'une hystérie joyeuse.
:Laguerra: : Je crois que tu peux dire adieu à ta tranquillité, capitaine. Ton rôle de protecteur reprend dès maintenant...

☼☼☼

Traînant chacun à la longe sa monture, Mendoza, Laguerra et leurs compagnons avançaient sous un soleil de plomb en direction du grand condor.
:Laguerra: : Alors, les enfants! Qui avait-il de si urgent qui ne puisse attendre un jour de plus?
:Esteban: : Eh bien...
:Mendoza: : Je crois qu'il vaut mieux patienter un peu, Estéban. Regarde autour de nous... Vous nous raconterez tout ça une fois à bord...
L'après-midi déclinait déjà et les animaux sauvages sortaient de leurs retraites. Tao les voyait à peine. Entre le monde extérieur et lui, il y avait Indali. Sa chevelure, ses yeux noisette, son front paré d'un bindi rouge entre ses sourcils, siège de la sagesse latente.
Voilà celle qu'il croyait apercevoir au détour de chaque buisson, dans chaque perspective de savane.
Des hautes herbes, sur leur gauche, une soudaine effluve musquée imprégna l'air. Quelque bête, probablement. Alors que l'odeur se renforçait désormais d'un relent de charogne à mesure que la petite troupe se rapprochait, un bruit curieux se fit entendre: on eût dit une sorte de gloussement narquois, un rire désagréable.
Brusquement, les oiseaux alentour détalèrent des arbres épars dans un concert désordonné de froissements d'ailes.
Au même moment, Pichu qui survolait tout ce petit monde d'un air serein, s'affola et se mit à scander comme à son habitude:
:Pichu: : Alerte! Alerte!
Un cri résonna, puis un autre, apeurant les chevaux par la même occasion. N'écoutant pas la bride, indifférents aux ordres de leurs cavaliers, ceux-ci se carapatèrent dans la savane tandis que les gloussements se muèrent en aboiements aigus et rageurs.
:Zia: : Les chevaux!
:Mendoza: : Quoi les chevaux?
:Zia: : Comment allons-nous les récupérer?
:Laguerra: : Ne t'inquiète pas Zia. Ces bêtes retrouvent toujours leur chemin. On les reverra probablement à Zimbabwe.
Les cris s'intensifièrent. Mendoza s'exclama:
:Mendoza: : Ne restons pas là! Au condor, vite!
Ils pressèrent l'allure, passant de la marche rapide à la course. La peur leur donnant toujours des ailes, Sancho et Pedro ouvrirent la voie à grandes enjambées.
Leurs poursuivants ne tardèrent pas à se montrer: sept guerriers portant des masques faits de bois et de paille, se lancèrent à leurs trousses en scandant une litanie incompréhensible dans leur propre dialecte.
:evil: : Wavekutamba nemoto unotsva! (Vous jouez avec le feu, vous allez vous brûler!)
Ils menaient une horde d'une bonne quinzaine de hyènes tachetées apprivoisées aux ricanements presque humains, chargés de menaces voraces. Les bêtes avaient la taille d'un énorme chien, le poil dur, mélange de brun grisâtre et gris jaunâtre pâle sur lequel se superposaient un motif irrégulier de taches arrondies sur le dos et l'arrière-train. Une tête large et plate avec un museau émoussé et une large truffe, des oreilles arrondies. Outre leur stature, leur puissance musculaire manifeste, leurs griffes solides, émoussées et leur dentition capable de fendre des os de girafes en faisaient des visions d'horreur.
Isabella fit volte-face et décocha une flèche en pleine gueule de la créature de tête, histoire de faire réfléchir le reste de la meute. De ce fait, l'un des sauvages imita à la perfection un "whoop", la vocalisation la plus connue, le son le plus reconnaissable de l'Afrique, ordonnant ainsi aux carnivores de maintenir un écart suffisant, hors de portée des traits de l'archère.
Profitant de ce bref répit, les aventuriers coururent à perdre haleine, traversant la savane aussi vite que possible. Mendoza s'élançait en arrière-garde, veillant à ne perdre aucun des membres de sa petite équipe. Ils dévalèrent une pente jonchée de lianes épineuses, qu'il valait mieux éviter, franchirent une palmeraie naturelle, longèrent une mare agitée de formes sombres. Cavaler toujours, talonnés par des ricanements plaintifs. Seule la menace des traits de l'aventurière tenait les bêtes à distance. Sans elle, les hyènes les auraient submergés.

La meute était sur leurs talons, ricanante. Les guerriers choisirent une nouvelle tactique. Sur l'aboiement de l'un d'eux, les charognards adoptèrent une formation en croissant.
Isabella se retourna une nouvelle fois en pleine course et abattit les deux hyènes les plus avancées à gauche, tandis que Tao aveuglait provisoirement celles de droite avec une sphère de lumière, prise dans l'inventaire du coffre contenant les artefacts de Mu. Ces dernières trébuchèrent et s'écroulèrent, leurs suivantes s'effondrant sur elles.
Les fuyards reprirent de l'avance.
:Mendoza: : Pedro, nous n'arriverons jamais au condor sans qu'ils nous rattrapent! Trouve-nous un endroit où nous pourrons faire face à leur assaut!
Le marin à la face simiesque opina, son regard perçant balayant l'horizon.
Soudain, Zia trébucha sur une pierre, mais Isabella s'empressa de l'aider à retrouver son équilibre. Le capitaine s'était interposé entre elles et leurs poursuivants. Ceux-ci avaient comblés l'écart. Le restant de l'équipe se déploya de part et d'autre de l'Espagnol, formant une ligne défensive.
Les traits gauchis d'un rictus mêlant colère et peur, Estéban demanda:
:Esteban: : Mais enfin! C'est qui encore, ceux-là?
Athanaos lui répondit:
:Athanaos: : Des guerriers du peuple Maravi dont le nom signifierait "rayons de lumière". Ils lancent des raids annuels contre leurs voisins pour ramener nourriture ou prisonniers... Prisonniers qu'ils revendent comme esclaves à Kilwa ou Zanzibar.
:Esteban: : Comment tu sais ça, papa?
:Athanaos: : Tu oublies qu'on m'appelait le prophète voyageur, mon fils...
:Esteban: : Mmm! En tout cas, je n'irai pas caresser leurs animaux de compagnie...
:Athanaos: : Ces guerriers ont domestiqué des hyènes recueillies en bas âge. La sélection sur quelques générations a permis d'obtenir des individus dociles et dépourvus d'agressivité uniquement à l'égard des éleveurs qui, selon le folklore Maravi, croient que leur présence tient les démons à distance et leur associent des propriétés mystiques telles que la bonne nouvelle...
Estéban n'essaya même plus de comprendre comment son père pouvait savoir de telles choses. Tout comme Athanaos, le jeune Atlante avait bourlingué dans de nombreux pays, mais jamais il n'avait rencontré de bestioles aussi laides. Et dans le genre impressionnant, elles n'étaient pas mal non plus. Sans parler de l'odeur infecte de charogne qu'elles exhalaient.
:Esteban: : Qu'est-ce que c'est, exactement?
:Athanaos: : La Crocuta crocuta.
:Esteban: : La quoi?
:Athanaos: : La Crocuta crocuta. La hyène tachetée. Elle est connue pour son cri ressemblant à un rire désagréable qui signifie qu'elle a trouvé de la nourriture...
Levant un doigt vers le ciel, la naacal rétorqua dans la seconde:
:Tao: : Les crocodiles pleurent quand ils veulent, et les hyènes rient pour attirer leur proie...
:Gaspard: : Ce n'est pas le moment de philosopher, gamin!
Chargée d'exaspération, la voix de Gaspard avait claqué comme un fouet. Rangé sur le côté gauche du navigateur, son relatif point faible puisqu'il était droitier, il souffla:
:Gaspard: : Donne l'ordre de la charge, Mendoza, et j'en fais des saucisses, de ces maudits roquets!
Le militaire voulut cracher sur le sol mais il avait la bouche trop sèche.
Les deux groupes se toisèrent. Aucun n'osait prendre l'initiative. L'arc encoché de Laguerra était pour beaucoup dans l'hésitation des guerriers. Elle les visait de son arme, passant de l'un à l'autre, seconde après seconde, sans ciller. Les Maravis maintenaient leurs bêtes à leurs pieds. Les créatures semblaient avides de bondir et de déchiqueter, mais encore sous contrôle.
Mendoza se préparait à donner l'assaut. Autant attaquer les premiers, c'était leur seule chance, à présent.
Posté à quelques pas en retrait des autres, Pedro s'écria:
:Pedro: : Là-bas, sur la gauche! On pourra s'y retrancher!
Il désignait un monticule qui dérangeait la monotonie de la savane par son agrégat de terre brune et de gros rochers rosacés.
L'homme à la cape bleue clama:
:Mendoza: : Brouillard!
Dans la seconde, Estéban et Tao jetèrent leurs grenades. Les sphères dégagèrent une intense fumée grise qui boucha la vue des Maravis et de leurs bêtes. Isabella lâcha trois flèches successives à travers l'opaque rideau, provoquant des gémissements de douleur animale. En retour, une lance franchit la purée de pois mais ne toucha personne.

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La fine équipe reprit la fuite avec pour objectif d'atteindre l'éminence. La distance fut avalée en quelques minutes, juste à temps, car les guerriers avaient relancé leur meute.
Les aventuriers gravirent la pente légère et se glissèrent entre les gros blocs de granit qui jonchaient l'endroit.

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Au passage, le fils du soleil lança ses deux dernières grenades de fumée, créant un nouvel écran d'opacité au milieu de la déclivité. Ils atteignirent le haut du mamelon, un terre-plein de terre brune ceinturé par la roche qui constituait une approximation de rempart.
D'un rapide coup d'œil, Mendoza analysa leur environnement et donna ses ordres:
:Mendoza: : Formation en deux groupes... Gaspard, Pedro, le premier. Vous bloquez cet accès-là. Athanaos, Sancho en deuxième groupe, vous bloquez celui-ci. Isabella, tu vas avoir du mal avec ton arc alors tu fais ce que tu peux. Zia, tu restes au centre et tu gères. Estéban, je te demande de veiller sur elle. Tao, tu surveilles nos arrières.
Le naacal opina tout en s'armant d'un bâton.
Du côté par lequel ils venaient d'arriver, il n'y avait que deux ouvertures, découpées dans la roche. Le père d'Estéban se campa devant celle de droite, José-Maria prit celle de gauche. Souriant largement, il s'adressa aux enfants:
:Gaspard: : Ne craignez rien, les mômes, tonton Gaspard vous protège!
Les autres se répartirent comme convenu.

Traversant le nuage de fumée, les premières hyènes arrivaient au contact, leurs oreilles étirées vers l'arrière. Les goulets formés par la roche entravaient leurs mouvements, elles ne pouvaient attaquer de front. De même, la duelliste était handicapée pour tirer ses flèches, faute d'avoir assez d'espace découvert. Elle aurait pu grimper sur l'un des rochers pour surplomber la mêlée mais elle aurait alors constituée une cible parfaite pour les lances ennemies. Les Maravis, quant à eux, semblaient rester à distance, excitant l'ardeur de la meute de leurs aboiements rauques.
Sur la butte, le combat avait déployé ses rets de violence.
Gaspard et Athanaos étaient destinés à recevoir l'essentiel de la charge. Le barbu avec sa rapière, l'alchimiste avec son épée bâtarde et son bouclier rond.
José-Maria reçut la première hyène de plein fouet mais celle-ci rebondit sur le bouclier protecteur que Zia venait d'ériger autour du militaire. Ce dernier répliqua de sa lame qu'il fit tournoyer avant de l'abattre, sectionnant son épaule. Son arme fut relevée en un arc de cercle qui s'abattit pour trancher sa tête.
Une bête plongea sur le père de l'Élu, les yeux haineux, les forces décuplées d'une rage insufflée par la faim. Athanaos redressa son bouclier au dernier moment. La mâchoire carnassière de la hyène se brisa dessus. Derrière elle, ses congénères gémissaient d'impatience, se bousculaient sans efficacité, attendant fiévreusement l'opportunité d'attaquer. L'alchimiste repoussa la créature d'un coup de botte, son épée fusa pour la frapper en plein crâne, pulvérisant sa cervelle. Il rabaissa ensuite son bouclier en toute hâte, interceptant un coup de griffe. Sa lame partit en un coup de taille horizontale mais le second fauve bondit en retrait, avant de relancer son assaut d'un saut agressif. Ayant confié son arc à Estéban, l'aventurière réagit au quart de tour en faisant usage de son pistolet. Dans un bruit de détonation assourdissant, la balle atteignit l'épaule de l'animal juste avant le contact. La hyène fut repoussée dans la pente, jappant de dépit.
Constatant que les hommes tenaient leur poste, bloquant l'avancée des quadrupèdes, Mendoza en profita pour monter sur un rocher et se jeter à plat ventre. Il avisa deux guerriers qui entreprenaient de contourner la butte par le côté droit, escortés de cinq carnassiers. Il les suivit du regard. Si ceux-là parvenaient à les prendre en tenaille, ils allaient être submergés.
Sautant de rocher en rocher, il prit son élan, courant parallèlement à ses adversaires. Ces derniers ne l'avaient pas encore repéré. La transe était là, prête à l'emporter une fois encore sur le champ de bataille. Le capitaine sauta dans le vide, droit sur ses ennemis. En plein vol, il lança deux poignards. Le premier se ficha dans le tympan d'un guerrier, le second perça la patte d'une hyène.
Il prolongea son mouvement qu'il transforma en saut périlleux avant puis retomba sur le dos d'un fauve qu'il égorgea de sa dague sombre, ravivant l'appétit de cette dernière. Il roula sur le sol, se redressa à côté de l'animal blessé, se baissa pour esquiver un revers de griffes, récupéra son poignard planté dans la patte de la bête, et le plongea dans son cou. Elle s'écroula, morte.
Le mercenaire n'avait marqué aucun temps d'arrêt. Il roula de nouveau sur le sol, passa la main à sa ceinture, le temps d'empoigner sa dernière lame, celle de son baudrier, qu'il projeta au sortir de sa roulade. Le sauvage fut atteint en pleine glotte, avec tant de force qu'il décolla du sol projeté une toise en arrière.
Une hyène bondit sur lui, par derrière. Alerté par la transe, il se laissa tomber au sol, tout en se tordant pour faire face au danger. Il frappa vers le ciel et la dague sombre, sa Dagua de la Muerte, se gorgea du sang de la bête qu'elle éventra de tout son long, rougeoyant de contentement, animée de pulsations pourpres tandis qu'elle s'abreuvait de l'âme du félin. Le carnassier s'écroulait à peine, plongé dans une agonie sans échappatoire, que l'homme à la cape bleue était déjà relevé, déjà en mouvement, concentré sur un nouvel adversaire.
Dans son esprit, la dague sombre ordonna, supplia:
🗡: Encore! Du sang et des âmes. Encore!
Mendoza s'abandonna à ces encouragements spectraux sans résister. Son cœur battait avec une force incroyable. Il se sentit gagner en puissance, en soif de tuer. Ses mouvements s'affinèrent en un battement de cils, pour trouver une grâce si parfaite qu'elle en devenait irréelle.
Il lui restait deux hyènes à affronter, tandis que du monticule lui parvenaient les clameurs et les fracas de l'affrontement âpre livré par ses amis.
Le Catalan se laissa totalement porter par le chant de sa lame étrange. Un unique mouvement. Un seul, rien de plus, et cependant une figure idéale, étincelante d'équilibre, de rectitude, une figure marquée du sceau de la violence, du trépas. Animée d'une part de cruauté qui n'avait rien d'humaine.
Mendoza bougea, trop vivement pour être perçu. Toujours porté par la transe? Il n'aurait su le dire. Même pour lui, les choses allèrent trop vite.
Les deux bêtes s'affaissèrent dans l'herbe qu'elles maculèrent de leur sang, leur corps déchiré, tranché, découpé par les lames du marin.
L'Espagnol retrouva contact avec la réalité. Avisa le monceau de cadavres qu'il avait livré à sa vieille maîtresse, Dame Mort. Il fut incapable de se remémorer les gestes, l'exploit qu'il avait accomplis. Il fila récupérer ses poignards puis s'élança vers le haut de la butte, quittant la transe d'une pensée, sans se soucier du léger vertige consécutif. Ses compagnons avaient besoin de lui.
:Mendoza: : Je suis l'Ange gardien des Élus. Je dois tuer, encore et encore.

☼☼☼

Sur la butte, tout le monde tenait bon.
Zia jonglait avec sa magie protectrice, déplaçant son bouclier de Gaspard à Athanaos et vice versa. Elle était consciente que la moindre erreur de sa part pouvait entraîner la mort de l'un d'eux, voire l'anéantissement de l'équipe entière.
Pas plus chanceux que l'aventurière, Estéban cherchait à placer une flèche, sans succès. Trop peu d'espace et trop de risques de toucher l'un des siens.
Un Maravi profita de l'ardeur des combats pour ramper du côté du jeune archer, sur l'autre versant du rempart de roche qu'il escalada. Il sauta sur lui et le frappa d'un revers de poing au coin du crâne. L'Élu s'effondra, en laissant tomber son arme. Le guerrier leva la sienne, une hachette dont la lame accrocha un rayon de soleil. Il visa le cou offert du dernier Atlante.
Lancée à pleine vitesse, Isabella le percuta dans les côtes. Ils chutèrent tous les deux. Sans daigner se relever, le guerrier Maravi se détendit et frappa d'un revers de sa hachette. Allongée elle aussi, l'aventurière roula sur elle-même pour éviter le coup. Elle ramassa ses jambes et les joignit avant de les balancer dans la mâchoire de son adversaire. D'une torsion des reins, elle se redressa à genoux, et plongea sur lui.
Si la fille du docteur était avant tout une alchimiste, en tant qu'espionne, l'art de tuer était loin de lui être inconnu. Elle en connaissait même toutes les subtilités bien que l'idée d'ôter la vie d'un être humain la rebutait.
Un deuxième Maravi avait suivi le même chemin que son comparse. Il sauta sur Zia, occupée à maintenir son bouclier protecteur sur Gaspard. La petite sorcière malmenée, l'écran protecteur se dissipa et la hyène qu'affrontait le militaire le bouscula d'un coup d'épaule, l'envoyant cogner contre un rocher, complètement sonné. Une autre des bêtes se rua dans le passage dégagé pour tomber sur Pedro, ses deux épées courtes dégainées, déjà en train de tisser un fil d'acier.
Le marin et l'animal bondirent en même temps l'un sur l'autre. Pedro retomba souplement. La cuisse ouverte, le carnassier s'écrasa au sol, décapité par le double ciseau que l'homme au foulard vert lui avait infligé. La seconde des hyènes, qui l'avait dédaigné, s'en prit à Tao. Elle fonça sur ce dernier et se jeta sur lui de tout son poids. D'un coup de mâchoire, elle le happa par sa tunique et se mit à le secouer tandis que ce dernier tentait de la repousser.
Aux prises avec le guerrier Maravi, Zia reçut un coup au visage. Estéban s'interposa en hurlant entre la guérisseuse et l'assaillant. Avant que le fils du soleil ne prenne lui aussi un mauvais coup, l'inca répliqua par la pensée en portant deux doigts sur sa tempe gauche. Le guerrier fut projeté sur le côté. Isabella surgit dans son dos, lui tira la tête en arrière en l'empoignant par les cheveux. N'ayant pas le choix, elle l'égorgea d'un geste sûr.
Zia s'empressa de créer un bouclier autour de Tao. Juste à temps. La hyène qui pesait sur ce dernier de tout son poids allait lui déchiqueter le cou. Ses crocs rebondirent sur l'écran défensif. Sancho bondit sur le dos de la bête. S'étant emparé d'une dague adverse, il la planta dans les épaules du fauve, puis dans son dos, son cou et à l'arrière de son crâne. Le bègue frappa de toutes ses forces, hurlant sa rage, hurlant sa peur que Tao n'ait subi une blessure mortelle.
La créature rendit son dernier souffle et s'écroula sur le naacal.
Pedro avait reprit la défense du goulet, tandis que Gaspard roulait sur le sol, aux prises avec une hyène. Le colosse jurait et son sang coulait. Il croisait les mains devant lui pour empêcher le fauve de l'égorger. Les griffes cependant le lacéraient aux bras et aux jambes. José-Maria prit son élan et asséna un monumental coup de tête à son agresseur.
:Gaspard: : Prends ça, face de chihuahua teigneux!
Sonnée, la hyène desserra son étreinte. Gaspard en profita pour rouler sur le côté, puis sauta sur son dos. Ses grosses mains agrippèrent le quadrupède par le devant et l'arrière du crâne. Alors l'officier militaire tira et tourna, de toutes ses forces. La nuque de l'animal se brisa dans un craquement à la fois sourd et sonore.
Le barbu se redressa en chancelant. Et, relevant la tête vers le ciel, il poussa un cri libératoire aux accents sauvages.
Athanaos perdit son arme, emportée par un coup de griffe. Il bloqua la charge de son adversaire en redressant son bouclier et pressa un bouton caché, faisant jaillir de l'écu une lame étincelante et courbe. Lâchant un rire rauque, l'alchimiste esquiva une nouvelle attaque en bondissant sur le côté. Il abattit son pavois dans la foulée, d'un revers en diagonale basse. La bête jappa de souffrance tandis que la lame dévoilée tranchait son museau. Le père de l'Élu reprit son épée en se baissant rapidement, pivota sur lui-même pour gagner en puissance, et asséna une frappe formidable de son arme. Le crâne de la hyène fut fendu en deux dans un geyser de sang.
Un autre fauve jaillit d'entre les rochers. Enfin Estéban avait assez de champ, il abattit le carnivore de deux traits successifs au poitrail.
Sancho et Pedro joignirent leurs efforts contre l'une des hyènes, le gros marin pour déséquilibrer la bête après l'avoir focalisée sur lui, son comparse pour le coup de grâce sous forme d'un doublé en revers de ses épées.
Isabella n'eut pas le temps de souffler. À peine avait-elle sauvé la jeune Inca que le kalonga, le chef des Maravis se ruait sur elle, sa hachette s'abattant en direction de son joli visage. L'aventurière intercepta de ses deux mains le poignet armé du plus massif des guerriers. Dans la foulée, elle lui donna un coup de genou dans le bas-ventre. Puis elle pivota sur elle-même, tout en exerçant une traction circulaire sur le bras de l'homme. Ce dernier fit un soleil avant de retomber lourdement sur le dos. La duelliste arracha son arme de sa main sans force et la lui fracassa sur le front.
Athanaos et Gaspard s'occupaient d'une hyène. Avant de pouvoir porter le moindre assaut, cette dernière fut coupée en deux par l'épée de l'alchimiste tandis que la rapière de l'officier lui pulvérisait la gueule.
Le seul guerrier encore en vie se glissait derrière Zia, occupée à vérifier l'état de Tao. Les autres, plongés en plein affrontement, n'avaient pas repéré son approche.
Mendoza apparut du haut d'un rocher. Il ne lui fallut qu'un instant pour comprendre la situation. Il devait attirer l'attention. Il fit pivoter la base du pommeau de sa dague et la lança aussitôt, provoquant un sifflement strident, une sorte de cri étrange et menaçant.
Le sauvage sursauta et se tourna vers l'origine du bruit. La dague se planta jusqu'à la garde en plein milieu de son front.
La flèche empennée d'Estéban cueillit la dernière des hyènes en pleine tête. Morte la bête. Fin de la bataille.
Tous se laissèrent tomber au sol, le souffle saccadé. Les blessures infligées par les carnassiers étaient horribles à contempler. Des lacérations, des déchirures sanguinolentes laissant les chairs à nu. Gaspard, Athanaos et Estéban étaient sévèrement touchés, Tao gravement atteint.
Zia s'occupa de ce dernier durant presque une heure, lui insufflant une bonne part de sa propre énergie pour soutenir le processus de guérison implanté par ses sorts. Elle se redressa en s'étirant, les muscles rouillés par le temps passé à genoux dans la terre auprès de lui.
Sancho et Pedro montaient la garde. De même que Mendoza qui regardait Laguerra récupérer ses flèches. L'horizon était désormais vide de toute menace mais l'Espagnol savait que plus ils restaient sur place, plus ils augmentaient les risques d'une nouvelle attaque.
La fille de Papacamayo était agenouillée auprès de l'Élu. C'était le dernier à soigner.
:Zia: : Ça devient une sale habitude, Estéban!
:Esteban: : Que veux-tu, Zia, lourdaud comme je suis, je suis incapable de me battre sans récolter au moins une blessure.
:Zia: : Oh mais j'ai bien compris ton manège, tu n'es pas si lourdaud que ça, finalement!
La seconde suivante, son visage se figea et elle éclata en sanglots. Isabella vint enlacer ses épaules:
:Laguerra: : Tu es épuisée, Zia. Tu as trop donné de toi-même.
Le jeune Atlante vint s'asseoir auprès de sa jeune amie et prit sa main qui disparut entre les siennes.
Le capitaine les rejoignit. D'un ton doux, il demanda:
:Mendoza: : Que se passe-t-il, Zia?
Le visage emperlé de larmes, la voix secouée par les sanglots, elle soupira:
:Zia: : J'ai failli causer votre perte à tous. Je ne suis pas à la hauteur. Je n'en peux plus!
:Mendoza: : Tu te trompes, Zia. Sans toi, nombre d'entre nous seraient déjà morts.
Laguerra renchérit:
:Laguerra: : Tu es la meilleure et tu es indispensable. Sans toi, nous ne sommes rien.
Les autres, même Gaspard, assurèrent en chœur:
:Esteban: / :Pedro: / :Sancho: / :Mendoza: / :Athanaos: / :Gaspard: : C'est vrai!
Mendoza reprit:
:Mendoza: : Tu es épuisée, nous t'avons trop demandé. Je vois bien que tu as besoin de repos... mais nous ne pouvons rester ici, alors tu vas devoir serrer les dents jusqu'au condor. Et je suis d'ailleurs persuadé que tu vas tenir. Tu sais pourquoi?
La petite sorcière secoua la tête.
:Mendoza: : Parce que la dernière princesse de Mu t'a choisie, rappelle-toi. Et je ne peux que l'avouer, après tout ce temps à te côtoyer, je suis fier de toi tout comme Rana'Ori doit l'être.
Il ajouta avec force, criant presque:
:Mendoza: : Vous entendez, je suis fier de vous, les enfants. C'est un honneur que de voyager avec vous.
Zia releva le menton avec une force nouvelle dans le regard. Elle redressa ses épaules et échangea un sourire complice avec Laguerra. Elle se remit sur pied et sourit à Mendoza aussi. Un faible sourire, et pourtant, dans les prunelles de la jeune fille, le Catalan lut une étincelle de résolution.
:Zia: : Je tiendrai, Mendoza.

☼☼☼

Ils retournaient vers l'oiseau d'or.
Zia somnolait tout en avançant tant elle était exténuée. C'était l'usage répétée de sa magie qui l'avait le plus vidée de son énergie mais la marche forcée aggravait son était de lassitude. Malgré sa fatigue, elle ne se plaignait pas. Elle avançait comme les autres en serrant les dents.
Estéban marchait trois pas derrière elle, légèrement sur sa droite. Il aidait à porter le brancard que les hommes avait monté pour Tao. Choqué, ce dernier n'avait toujours pas rouvert les yeux.
L'Atlante couvait son amie d'un air inquiet. Avec la charge qu'il soutenait, il ne pouvait cependant rien faire pour l'aider. S'avisant à son tour de l'état de la jeune fille, Isabella se proposa pour la soutenir. L'Élue refusa d'un grognement las. C'est alors que Mendoza surgit à leurs côtés:
:Mendoza: : Ne place pas l'orgueil au-dessus de ta santé, Zia. Tu n'en peux plus et je le vois. Alors laisse-toi aider. Un peu de soutien ne te fera pas de mal.
La petite sorcière opina, trop fatiguée même pour parler. Elle se laissa aller contre l'aventurière, qui enlaça sa taille pour l'aider à progresser.
Au passage, le capitaine fit un signe de tête à Laguerra. Rien ne la forçait à proposer son aide.

☼☼☼

Un quart d'heure plus tard, ils volaient en direction du village. Zia semblait avoir recouvré un bon moral car Tao s'était réveillé. Elle se tourna vers le pilote.
:Zia: : Estéban, je te remercie. Tu as risqué ta vie pour moi. Mais ne commets plus jamais ce genre de folie!
:Esteban: : Au contraire, je le referai chaque fois que ce sera nécessaire.
:Zia: : Mais...
:Esteban: : Pas de mais. Je te cède sur tous les points excepté celui-ci. Inutile d'insister.
Elle soupira:
:Zia: : Tu es un gros lourdaud mais je t'aime bien!
:Esteban: : Et toi une biche innocente que je protégerai au péril de ma vie!
:Zia: : Non. Surtout ne dis pas ça... C'est... c'est bien trop sérieux et si triste.
:Esteban: : Ah non, je ne veux pas te voir triste.
:Tao: : Vous avez fini, tous les deux? On va finir par croire des choses si vous continuez ainsi.
:Esteban: : Tais-toi, Tao. Tu n'es qu'un vilain sire!
:Tao: : Moi aussi, je t'aime bien, Estéban. Mais je me demande pourquoi.
Installé sur l'une des banquettes arrières, poussant un soupir, Mendoza lâcha:
:Mendoza: : Dites, quand vous aurez fini, vous pourriez peut-être nous informer de ce qui se passe!
:Tao: : Oui, bien sûr!
Le naacal vint s'asseoir à côté des marins, échangeant sa place avec celle d'Athanaos.
:Tao: : Je me demande par quoi commencer...
Dans un haussement de sourcils, le capitaine conseilla:
:Mendoza: : Eh bien, par le début, Tao.
Ce dernier prit une grande inspiration et narra les événements depuis que le roi Neshangwe leur avait appris que la personne qu'il cherchait était une déesse Mésopotamienne.
Le Catalan se garda bien de dire que Laguerra lui avait révélé ce détail deux jours plus tôt.
:Tao: : Il est donc nécessaire de se rendre à Akkad au plus vite.
Soufflant dans l'esprit de l'homme à la cape bleue, la lame sombre se réveilla et scanda:
🗡: Trouve Ishtar!
D'un ton sec, Mendoza répliqua mentalement:
:Mendoza: : Dague, je m'y emploie!
Ayant muselé l'esprit de sa vieille alliée, il reprit:
:Mendoza: : Attendez une minute! Comment savez-vous où se trouve la tombe?
Dressé en face de lui, le jeune garçon claqua dans ses mains:
:Tao: : Voyons, parce qu'on s'est renseignés. Afin de trouver des informations sur Ishtar, nous nous sommes rendus chez Waga Fayat.
:Mendoza: : Vous êtes retournés à Ormuz? Mais... il faut bien plus que trois jours pour faire l'aller-retour, même avec le condor!
:Tao: : Pas si tu connais une personne capable d'invoquer une porte d'énergie...
Le Muen résuma leur passage éclair chez l'antiquaire. La suite vint aisément. C'était à lui de raconter l'histoire. Ce dont il ne se priva pas. Il exagéra à peine, provoquant l'intérêt, de nouvelles questions.
Et comme l'Espagnol put le constater, pendant qu'il vivait ses propres aventures, de leur côté, les enfants avaient continué leurs recherches sur la déesse.
De temps à autre, d'un chuchotement, Zia lui rappelait qu'il avait omis un détail.
Par manque de place et surtout pour bien faire passer le message à Gaspard, Laguerra s'était assise sur les genoux de Mendoza. Les paupières closes, elle paraissait engourdie. Mais le capitaine la connaissait trop bien à présent pour s'y laisser tromper. Sous le couvert de l'indifférence, elle réfléchissait intensément. Il y percevait le dessein têtu de ne pas prendre part à la conversation.

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Quand Tao eut achevé son récit, le silence s'instaura.
Le reste du trajet s'écoula paisiblement.

À suivre...
Modifié en dernier par TEEGER59 le 18 avr. 2021, 11:28, modifié 4 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par Marcowinch »

TEEGER59 a écrit : 15 avr. 2021, 14:48 Estéban, je te demande de veiller sur elle.
Je crois qu'on n'a pas besoin de le lui dire, lol.
Juan-Carlos
José-Maria
J'ai toujours du mal à me faire à leurs prénoms, lol. Ca doit être juste moi... ;)
Ne craignez rien, les mômes, tonton Gaspard vous protège!
"Tonton Gaspard", lol Il se laisse aller, notre homme d'armes :D
Pas de mais. Je te cède sur tous les points excepté celui-ci. Inutile d'insister.
Bien parlé, Esteban ! :)

Un excellent chapitre, rempli d'action et de tension dramatique. :-@
Heureusement que nos héros s'en sont sortis !
*** :Tao: :Zia: :Esteban: Ma fanfic MCO : La Huitième Cité :) :Esteban: :Zia: :Tao: ***
J'espère qu'elle vous plaira :D

:Esteban: Bah voyons, Pattala ! C'est pas dans ce coin-là que vit la jolie Indali ? :tongue:
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par IsaGuerra »

:Esteban: : Ne t'inquiète pas, Papa! Avec Zia, je ne risque rien! → Ça dépend si elle se sert de ses pouvoirs au bon moment ! :lol:

Du taillis surgit Tao, ses vêtements lacérés, déchirés, la chevelure en bataille et les traits tirés. Trois secondes plus tard, il trébucha sur une racine qu'il n'avait pas vue, à demie enfouie sous le tapis végétal. Le naacal bascula en avant pour aller mordre la poussière encore une fois. → Pauvre Tao !

tonton Gaspard vous protège! → Tout simplement très drôle ! :lol: :lol:
Puis elle pivota sur elle-même, tout en exerçant une traction circulaire sur le bras de l'homme. Ce dernier fit un soleil avant de retomber lourdement sur le dos. → Et là je pense à la prise de Eri Kisaki (comprendra qui pourra :tongue:) En tout cas prise rudement efficace !
→ Sacré bataille en tout cas et j'ai le rire de Ed dans la tête maintenant c'est malin !
une biche innocente → Alors autant Esteban gros lourdaud j'ai pas réagit en revanche là si ! :lol:

Sympa comme tout ce chapitre avec beaucoup d'action ! :x-):

Juste une petite faute sur la fin : Et comme l'Espagnol put le constater
« On le fait parce qu'on sait le faire » Don Flack
« Ne te met pas en travers de ceux qui veulent t'aider » Sara Sidle

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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 12: Hâtons-nous de succomber à la tentation...

La nuit était tombée très tôt sur le Grand Zimbabwe.
Le roi Neshangwe Munembire veillait à entretenir son influence sur l'Empire du Mutapa. Il restait également attentif à maintenir entre ses sujets et lui de bons rapports. Ainsi, chaque semaine, il donnait une grande fête dans l'enclos principal, à laquelle tous pouvaient participer, se restaurer ou boire pour un prix modique.
Le village était brillamment éclairé. Non seulement par la lueur de la lune, mais aussi par une série de torches accrochées sur chaque hutte, ainsi qu'au sommet des poteaux en stéatite surmontés d’oiseaux, ces derniers se trouvant disséminés un peu partout.

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Les coups précipités des tam-tams appelaient le peuple Shona à la bamboula.
Près de la forge, de gros quartiers de bœuf ou de venaison rôtissaient sur des braseros. Des tonnelets de bières, de vin ou de rhum, achetés aux colons Portugais, avaient été mis en perce tandis que plusieurs nattes avaient été étendues à même le sol.
Il y avait certes plus d'hommes que de femmes mais l'atmosphère n'en était pas moins enthousiaste pour autant. Les gardes du monarque veillaient au grabuge et ceux qui prétendaient nuire à cette atmosphère d'allégresse seraient sévèrement châtiés.
Mendoza arriva sur les lieux.
Un peu plus tôt, alors que le soleil se couchait à l'horizon, il s'était rendu en marge du village pour faire le point et prendre une décision.
L'Espagnol était partagé. Il n'avait aucune envie de s'éloigner de l'aventurière, et en même temps, il était heureux de quitter le village afin de trouver ce temple où reposait la dépouille de la déesse Ishtar.
Dans l'esprit du marin se manifesta justement la voix de sa lame sombre:
🗡: Trouve Ishtar. Trouve son tombeau.
:Mendoza: : Eh, la dague, tu crois que c'est facile? Aide-moi donc si tu es si impatiente!
🗡: Peux pas. Cherche. Trouve!
:Mendoza: : Merci, merci beaucoup de ton appui, il me réchauffe le cœur! Si tu ne peux pas faire mieux, alors je préfère autant que tu retournes à ta sieste!
L'arme étrange mit fin à l'échange d'un ricanement.
Mendoza n'accorda pas plus d'attention à cette manifestation. Ces dialogues avec sa lame, bien que peu fréquents, étaient devenus pour lui chose naturelle.
Conforme à son caractère austère, le bretteur ne profitait pas de ce moment festif, toujours centré qu'il était sur les révélations de Tao à propos de la déesse. Du reste, à présent qu'il était rentré, il recherchait également quelqu'un d'autre, sans vraiment se l'avouer. Laguerra.
Apercevant ses deux lieutenants et leurs compagnes, Gaspard et les mômes, il se joignit à eux. À peine installé, on lui servit une cervoise et un plat de brochettes.
Tout en mangeant, sans véritablement s'intéresser à son assiette, de son regard perçant, il contempla les gens qui trinquaient et discutaient, jusqu'à repérer Isabella. Elle était là, passant de Li Shuang aux alchimistes, buvant sans gêne avec ceux qui s'accordaient avec son humeur étrangement enjouée.
Contrairement aux autres femmes présentes, plutôt que de passer une robe, l'aventurière avait gardé sa tenue habituelle. Cela ne l'empêchait pas de resplendir au sein de cette masse festive, de rayonner de féminité, de sensualité naturelle.
Le marin réprima l'envie de l'aborder. Avant d'y songer, il lui restait une tâche à accomplir.
:Mendoza: : Les garçons, dès demain matin, nous partirons rien qu'à trois pour Akkad avec le condor. Zia, puisque tu sembles capable d'invoquer un portail à présent, tu te rendras à Patala accompagnée de Laguerra, de Gaspard et des alchimistes après avoir fait un crochet par la Chine pour ramener Li Shuang. Une fois que nous aurons trouvé ce pour quoi nous sommes venus, nous nous reverrons là-bas, d'accord?
Ayant vidé sa première chope en trois larges rasades et s'empressant de se resservir, le capitaine d'armée fit:
:Gaspard: : Moi, ça me va très bien!
Finissant de siroter son jus de tamarin dans sa coupe en ébène, Zia opina:
:Zia: : Je n'y vois rien à redire non plus, mais en as-tu parlé avec Isabella?
:Mendoza: : Euh, non... Pas encore.
Le capitaine ferma les yeux et massa doucement l'arrête de son nez.
:Mendoza: : Il faut dire que j'appréhende un peu sa réaction.
Estéban, exsangue à l'idée d'être séparé de l'Élue durant quelques jours, ne fit cependant aucun commentaire. De son côté, dépité de savoir que ses retrouvailles avec Indali allaient encore être reportées, le naacal ne se gêna point pour souffler:
:Tao: : Pfff! Dois-je vraiment t'accompagner, Mendoza? Je préférerai de loin céder ma place à ...
:Mendoza: : Non, Tao. Tu viens avec moi. Cette décision peut te sembler ingrate, or je vais avoir besoin de tes lumières. C'est l'évidence même!
:Tao: : Mais...
:Mendoza: : Mais rien du tout! Dans la vie, on ne fait pas toujours ce que l'on veut, mon garçon. Et quoi que tu en penses, cette solution est de loin la plus sensée. Nous ne pouvons embarquer tout le monde à bord du condor, c'est un fait! Il faut donc nous séparer en prenant compte des talents de chacun. Tu sais invoquer une porte d'énergie, toi? Non! Alors je t'emmène. Et puis, pour lire le Muen, tu as plus de pratique que Zia. Maintenant, assez perdu de temps en bavardage. Il se fait tard et tu dois te reposer après l'attaque que tu viens de subir. File!
Pendant qu'il sermonnait le naacal, une jeune femme se rapprocha de lui d'une démarche féline pour lui servir un autre verre. Le capitaine la remercia d'un sourire et d'une pièce d'or.
Tandis que la servante s'éloignait, une voix douce, railleuse, résonna soudain aux oreilles du Catalan. Elle murmura:
:Laguerra: : Si tu as l'intention de faire des folies avec elle plutôt qu'avec moi, je vais t'en vouloir...
Dans le bruit ambiant, il ne l'avait pas entendue arriver. Mais avant qu'il ne puisse répondre, Isabella avait disparu dans la foule, tel un feu follet moqueur.
Sans attendre la réaction de Tao, Mendoza se prépara à se lever pour la retrouver mais la fille qui venait de le servir avançait de nouveau vers lui. Elle lui proposa alors clairement de venir passer un bon moment avec elle.
Cette beauté était du genre à lui plaire et, en d'autres circonstances, il se serait sans doute laissé tenter. Toutefois, il déclina l'offre avec tact. Ce n'était pas elle qui occupait son esprit et il refusait d'être infidèle. Sa relation avec Isabella était encore timide mais pour lui bien concrète. Il était hors de question de la trahir.
Et tandis que l'inconnue repartait déçue, le capitaine se remit sur pied et fendit la foule.

☼☼☼

Escorté par la musique entraînante, il marchait à longues enjambées, faisant le tour de la place.
Elle était là. Discutant avec les alchimistes, riant avec eux, si sensuelle, magnifique même, dans cette obscure clarté tombant des étoiles.
L'esprit de Mendoza s'embrasa en la voyant. Il resta figé devant sa beauté. Le souvenir de ses formes fuselées, lorsqu'elle s'était savonnée devant lui, vint le frapper d'une gifle brûlante.
Il avança droit vers elle, sans la quitter des yeux.
Sa rousseur ramassée avec soin en une longue natte, Hortense s'écria tout de go:
Hortense: Eh bien, regardez qui voilà! Ne serait-ce pas le vaillant capitaine qui a osé braver Ambrosius à mains nues?


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Isabella tourna la tête, le repéra à son tour et le fixa avec autant d'intensité. Elle ramena ses mèches qui voilaient son visage derrière son oreille, quitta le groupe qu'elle côtoyait, fit quelques pas dans sa direction et s'arrêta.
Elle le toisa, avec une espèce de défi dans ses yeux. Le regard se prolongea. Il finit par la rejoindre.
:Mendoza: : Tu as mangé?
:Laguerra: : Pas encore.
Il prit sa main, sans rien dire, et l'entraîna, la conviant ainsi à s'asseoir avec ses compagnons.

☼☼☼

Quelques grillades plus tard, alors que le silence s'instaurait, la voix un peu pâteuse de Gaspard s'éleva. Jusqu'alors, il n'avait pas fait grand-chose d'autre que cajoler sa bière.
:Gaspard: : Dis donc, Mendoza, que vas-tu faire après avoir aider Tao à fonder son Ordre? Tu ne comptes pas passer le reste de ta vie en compagnie de ces gamins, tout de même?
Laguerra en profita pour s'engoufrer dans la brèche:
:Laguerra: : C'est vrai, ça! N'aurais-tu pas un projet qui te tienne à cœur, quelque chose que tu aimerais réaliser dans le futur?
Elle avait choisi le moment idoine pour poser cette question. Sachant que cette fois, il n'y échapperait pas, le capitaine lissa les poils de sa barbe avant de répondre:
:Mendoza: : Tu sais ce qui me plairait? Je veux dire vraiment?
:Gaspard: : Élever des chèvres sur le mont Cavall Bernat?
:Mendoza: : Gaspard, tu sais quoi? Tu prends ton élan et tu vas t'écraser le crâne contre un mur, d'accord?
Curieuse, Isabella relança:
:Laguerra: : Alors, ce projet, c'est quoi?
Le marin se rencogna contre le moule d'orichalque derrière lui et croisa les mains sur son ventre:
:Mendoza: : Ce qui me tenterait bien, c'est d'acheter une hacienda en dehors de Barcelone, des vignes et de produire mon vin. J'y ai mûrement réfléchi... Il me faudrait une exploitation encore modeste mais avec un gros potentiel. De quoi faire un rouge haut de gamme dans quelques années, un rouge honnête pour tous les jours, et pourquoi pas un peu de blanc, mais alors du liquoreux.
:Gaspard: : Et pourquoi pas du Vin Jaune? C'est bon, le Vin Jaune!
:Mendoza: : Gaspard, ne devais-tu pas t'emplafonner dans un mur? Du Vin Jaune? Pouahh! Par la malepeste, autant fabriquer de l'urine d'ânesse pendant que tu y es!
:Gaspard: : Tu n'as aucun goût, Mendoza.
:Mendoza: : Quand je vois comment tu t'habilles, je te trouve particulièrement mal placé pour parler de goût, grosse baderne!
D'un ton étouffé, le barbu maugréa:
:Gaspard: : C'est bon pourtant le Vin Jaune. Et avec une bonne raclette*, c'est franchement délicieux!
Le Catalan foudroya l'officier avant d'achever:
:Mendoza: : Tel est mon rêve, señorita. Le problème est que je n'ai pas de quoi me le payer, faute de n'avoir déniché un seul gramme d'or.
:Laguerra: : Au moins, as-tu trouvé l'endroit qu'il te faudrait?
Il soupira.
:Mendoza: : Il se trouve que oui. Un petit domaine, sur le versant sud-ouest de la colline Penya del Moro. La terre est composée d'un bon schiste, l'exposition se révèle idéale. Il faudra planter un peu pour accroître la production. Il y a là une ferme à rénover avec trois corps de bâtiment, une chênaie... Un endroit parfait! Juste avant que je ne parte à la recherche de la deuxième cité d'or, le propriétaire mourut en laissant le domaine à ses héritiers. Ceux-ci m'ont promis d'attendre mon retour avant de le vendre au plus offrant.
:Laguerra: : Et pour vinifier, tu sais à qui faire appel?
D'un ton plein d'espoir, Gaspard s'enquit:
:Gaspard: : Moi?
:Mendoza: : Toi? Sûrement pas! Pour que tu boives la production à toi seul? En plus, il te manque le sens du vin, tu n'es qu'une outre à cervoise... Non, pas toi, mais oui, je connais l'homme idéal. Il s'appelle Miguel de Rodas... Un chic type, aussi à l'aise pour faire du rouge que du blanc, et encore du fameux.
:Gaspard: : Tu m'étonnes! Je le connais de réputation. Il fait un liquoreux admirable!
:Mendoza: : Voilà bien une chose sur laquelle je suis d'accord avec Gaspard. Incomparablement fruité, avec cet arôme délicat de lacté qui couronne l'arrière-bouche.
Tapotant son petit nez, l'aventurière renchérit:
:Laguerra: : Certes oui, un breuvage digne de demeurer dans les annales du temps et de l'effort.
:Gaspard: : En termes de vinasse, de Rodas est un as!
Levant les yeux au ciel, Isabella grimaça:
:Laguerra: : Affreux, littéralement affreux comme jeu de mot, Gaspard!
Elle relança:
:Laguerra: : Et ça coûte combien, ton petit paradis?
:Mendoza: : Deux cent cinquante ducats d'or.
:Laguerra: : Ah, tout de même!
:Mendoza: : Pour ce que ça représente, ce n'est pas cher. Mais laisse tomber, ce n'est qu'un rêve, je le sais bien.
:Pedro: : Eh, Mendoza, tu ne lui as pas encore parlé de l'expédition de demain, tu sais, celle où tu ne veux que les garçons pour t'accompagner!
Nyamita donna un coup de coude dans les côtes de son compagnon.
Nyamita: Chut!
Le capitaine toussa, évitant le regard de l'aventurière, qui le foudroya en retour.
:Laguerra: : Tiens donc! Intéressant... Tu comptais m'en toucher deux mots, Mendoza?
Tout en baissant la tête vers son auge, Pedro souffla:
:Pedro: : Oups, la boulette!
Un rictus enlaidissant ses traits, le capitaine toisa l'assistance du feu de ses iris, défiant quiconque d'intervenir.
:Mendoza: : Bien sûr que j'allais t'en parler!
:Laguerra: : Ah oui? Et quand ça, dis-moi? Demain matin, en me mettant devant le fait accompli? À moins que tu n'espérais que je dorme suffisamment longtemps pour que tu puisses te sauver comme un voleur...
Sans cacher sa jubilation, les lèvres de José-Maria se retroussèrent d'ironie tandis qu'il enchérissait:
:Gaspard: : Ça va chauffer!
Or, rien ne se passa. Cependant, le restant du repas s'acheva dans la morosité. Plus personne ne prenait la peine d'entretenir la conversation. Le seul à passer du bon temps était ce soiffard de Gaspard qui engloutissait chope après chope, muré dans un univers personnel régi par l'alcool. Son teint devenait de plus en plus rubicond. Pedro, lui-même, ne relevait plus le nez de son assiette.
Mendoza finit par s'adresser à l'assistance:
:Mendoza: : Si vous le permettez, je vais me retirer. Je me lève aux aurores demain et il me reste quelques détails à régler.
Nyamita opina:
Nyamita: Bien sûr, capitaine! Bonne nuit.
Une fois le Catalan parti, Laguerra termina sa chope de bière et se leva, elle aussi. Sans regarder personne, elle se contenta de dire bonne nuit avant de prendre congé à son tour.
Dès qu'elle fut hors de portée, Naïa ironisa:
Naïa: Merci pour cette excellente soirée.
Livrés à eux-mêmes, le restant des convives se contemplaient sans mot dire.
Avec une grimace contrite, Pedro souffla finalement:
:Pedro: : Eh bien je crois que le dîner est terminé. Comme vous l'avez remarqué, notre capitaine n'est pas homme porté sur les mondanités. Tu viens te coucher, mon sucre brun?
Nyamita: Je te suis, mon lion d'amour!
:Pedro: : Bonne nuit à tous, et bonne chance pour demain, Gaspard.
Ce denier resta seul avec son tonnelet de bière. Il salua d'un geste vague du poignet, mais les autres avaient déjà déserté les lieux. Constatant qu'il était seul, l'officier émit un rot sonore et, dans un gloussement alcoolisé, se resservit une tournée.

☼☼☼

Alors qu'ils venaient de quitter leurs hôtes et se dirigeaient vers leur case respective sans qu'aucun mot ne soit échangé, le capitaine finit par annoncer à mi-voix:
:Mendoza: : Laguerra, se rendre à Akkad avec nous représente une belle folie. Ça peut être dangereux si Zarès se trouve là-bas. Zia t'a-t-elle fait part de sa dernière vision?
Saisi d'une sueur glacée en évoquant ce sujet, l'Espagnol frissonna. Cette angoisse, cette terreur insane qu'il éprouvait sans rien pouvoir y faire, était comme une araignée noire qui le grignotait de l'intérieur, jusqu'à planter ses crocs dans son cœur. Car l'idée de perdre l'un des enfants ou Laguerra lui faisait cent fois, mille fois plus peur que la mort.
Il ajouta:
:Mendoza: : Et puis, tu vas perdre ton temps.
L'aventurière s'arrêta et se tourna vers lui. Elle se frotta les tempes avant de lâcher d'un ton heurté:
:Laguerra: : Qu'en sais-tu, Mendoza? Tu estimes que passer un moment ensemble est une perte de temps? Pas question! On reste à deux. D'ailleurs tu vas me vexer car je sais me défendre et tu le sais. Nous partirons demain avec les garçons, inutile de tenter de me faire changer d'avis.
Ils reprirent leur marche en silence, aussi contrariés l'un que l'autre. Le mercenaire finit par reprendre:
:Mendoza: : Mais pourquoi on se dispute ainsi? Je ne comprends pas... ni ta réaction. Tu me connais pourtant, tu sais comment je suis, comment j'agis. J'ai tendance à surprotéger mon entourage, et tu en fais partie. Écoute, je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose, Laguerra. Même si je ne sais pas comment gérer nos relations, je tiens trop à toi.
À ces mots, l'aventurière s'arrêta une nouvelle fois et fit volte-face. Les yeux brillants, elle se rapprocha du capitaine, les lèvres entrouvertes. Avant de se rendre compte qu'ils se trouvaient tous deux en plein milieu du village, à la vue de tous. Elle recula, poussant un soupir.
:Laguerra: : Il faut vraiment qu'on se parle à cœur ouvert, tous les deux. Mais tant que nous serons ici, il va falloir patienter... Tu ne perds rien pour attendre, señor Mendoza!
Ils arrivèrent dans l'enclos où se trouvaient les deux petites huttes qui leur servaient de logis. Ils s'observèrent, soudain gênés. L'évolution de leur rapport restait une question à résoudre qui les embarrassait tous les deux. Mais comme Laguerra l'avait affirmé, ce n'était ni le lieu, ni le moment.
Ils se regardèrent, donc. Sans oser parler, ni agir. Brisant le silence, la jeune femme finit par capituler. Elle fit:
:Laguerra: : Il vaut mieux aller se coucher, j'imagine que ton départ aura lieu dès le lever du soleil. Bonsoir, capitaine.
Elle se hissa vers lui et l'embrassa à la commissure des lèvres.
Puis l'aventurière recula et resta ainsi, en attente d'un mot ou d'un geste de sa part.
:Mendoza: : Embrasse-la, triple buse! Elle n'attend que ça!
Pourtant, il n'en fit rien, incapable de prendre l'initiative. Il était pourtant seul avec elle, partageant ce moment d'intimité, et voilà qu'à nouveau, il ne savait plus que faire, aussi gêné, aussi emprunté qu'un damoiseau.
Sans pouvoir cacher tout à fait sa déception, Isabella gagna sa case et ferma la porte.
Resté seul, Mendoza se dit que céder à cette attirance n'était pas raisonnable du tout, pas ici. Et dans les circonstances actuelles, cela pouvait même les mettre en danger.
Sa conscience ricanante le tança:
:Mendoza: : Tu te cherches des excuses! Toi, le vaillant capitaine, incapable d'aller vers celle qui te plaît tant.
Tout en se maudissant, il rentra dans la hutte qu'il partageait depuis son arrivée avec les garçons. Il ôta ses bottes et se coucha, fixant le toit de chaume sans vraiment le voir. Il était troublé. Pas seulement par son manque d'initiative vis-à-vis de Laguerra, mais également parce qu'il ressentait toujours cette tension, cette angoisse sourde qui imprégnait les lieux depuis que Zarès avait attaqué le village. Une tension qui se révélait bien pire, bien plus profonde et prégnante que celle du dîner. Quoi qu'en dise la jeune femme, l'expédition du lendemain était placée sous de très mauvaises auspices, il le pressentait.
:Mendoza: : Tu dois veiller sur les enfants. Tu dois les protéger, à tout prix!
Il tourna et se retourna sur sa couche, incapable de s'endormir.


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Au moment où il ferma les yeux, on toqua à sa porte.
L'Espagnol se rechaussa, ramassa sa cape et l'enfila, plus par habitude que par besoin, puis alla ouvrir. Laguerra se tenait sur le seuil, vêtue de sa seule chemise qui lui arrivait à mi-cuisse. Un pli inquiet barrait son front. Avant qu'il ne puisse parler, elle lâcha dans un souffle.
:Laguerra: : J'ai peur, Mendoza.
:Mendoza: : Voyons Laguerra! Tu as peur, toi? J'ai du mal à le croire!
:Laguerra: : J'ai peur de nous, de notre relation, grand benêt!
Isabella baissa les yeux et continua sur un ton où filtrait l'embarras:
:Laguerra: : Je ne cesse de penser que nous allons finir par nous faire du mal à nous tourner ainsi autour sans savoir comment réagir. Je n'en dors plus, même si j'essaie de ne rien en montrer. Je crains constamment de dire un mot de trop, de te froisser, de faire un geste qui puisse t'effaroucher. Je ne sais jamais sur quel pied danser avec toi. Depuis que je t'ai retrouvé, dans ce village Maasaï, mon cœur tourbillonne. Ta présence me trouble, dès que tu es près de moi, je lutte chaque jour pour résister à cet élan qui me pousse vers toi. Malgré mes bonnes résolutions, je n'arrive plus à faire le tri dans mes pensées, à me concentrer alors que je ne pense qu'à me jeter dans tes bras. Je... Je n'arrive plus du tout à cloisonner! Rien qu'aujourd'hui, j'ai eu envie de toi du matin au soir. Je suis désolée, je croyais être plus forte que cela, je pensais pouvoir tout contrôler. Et maintenant, c'est pire encore. Toi et moi. Seuls. Cette nuit. Qui sait ce qui peut t'arriver en allant à Akkad? Qui sait si ce n'est pas la dernière occasion? Et si c'était notre dernière chance? Je n'arrête pas d'y penser!
Elle leva enfin ses yeux hésitants sur lui.
:Laguerra: : Qu'allons-nous faire, Mendoza? Aide-moi à y voir clair, je suis perdue.
:Mendoza: : Laguerra... Je ne suis pas un grand orateur, tu le sais. Ce que je voudrais te dire... enfin... Chaque fois que je cède à l'amour, chaque fois que je m'investis dans une relation, je finis par souffrir.
Catalina Folc de Cardona, Marinché. Toutes deux, bien que différentes, avaient meurtri son âme.
La conscience de l'Espagnol, cette voix tour à tour grincheuse, ironique, mordante, persifleuse, qui le harcelait avec tant de constance, se réveilla:
:Mendoza: : Arrête de te mentir à toi-même! Tu sais parfaitement que ce n'est pas ça, le fond du problème!
La jeune femme répliqua doucement:
:Laguerra: : Je me doute que tu as souffert, tout comme je sens que tu penses à celles qui ont piétiné ton cœur. Mais je ne suis pas elles. Je suis Isabella et je me tiens là, en face de toi.
:Mendoza: : Et si c'était notre dernière chance?
Elle leva sa main fine et caressa sa joue rugueuse, une lueur dans le regard. Une lueur que l'Espagnol avait appris à reconnaître. Ils se fixèrent, se sourirent.
La pensée de Mendoza resta cette fois muette, et c'était parfait ainsi.


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Il ne put s'empêcher de prendre cette main, de l'embrasser, puis de l'attirer contre lui. Les lèvres ourlées d'un rictus triomphal, l'aventurière ne résista pas.
Une digue s'était rompue, le dernier lien à entraver la liberté qu'il s'était choisie. Plus question de se retenir, de refuser. Plus question de fuir, de tergiverser. Au contraire, le moment était venu de s'abandonner à l'évidence. Cette femme sublime était un défi à la virilité d'un homme. Et, tout ascétique qu'il fût, il n'arrivait plus à résister à la sensualité subtile qu'elle dégageait. Il avait d'autant plus de mal à s'en défendre qu'il était frustré de sexe depuis trop longtemps.
:Mendoza: : Et si c'était notre dernière chance?
N'y tenant plus, il l'embrassa ardemment, allant jusqu'à lui mordre la lèvre. Isabella poussa un gémissement qui n'avait rien à voir avec la douleur. Elle répondit au baiser avec une avidité équivalente à la sienne, se collant contre lui.
Comment décrire un baiser? Comment décrire un acte aussi simple, aussi important?
Comment retranscrire le plaisir éprouvé, l'excitation des sens, de l'esprit, le désir furieux qui s'éveillait.
Elle. Elle. Elle.
Plus rien d'autre ne comptait.
Les mains de la jeune femme s'étaient hissées jusqu'à la nuque du marin qu'elle s'était mis à pétrir doucement. Leurs souffles s'étaient accélérés.
Un homme, une femme. Debout, l'un face à l'autre. Rapprochés par la même soif.
:Mendoza: : Et si c'était notre dernière chance?
C'était une sensation merveilleuse qu'il n'était plus question de contenir, de maîtriser. C'était si bon, si doux, si palpitant. Si exaltant de savoir que ce qui allait suivre était inéluctable.
Avant de partir d'un gros rire, Ciarán aurait dit:
Ciarán: On n'a qu'une vie, Hombre, il faut en profiter au mieux!
:Mendoza: : Oui, tu avais raison, Poil-de-Carotte! J'en ai besoin... Mais pas ici! Pas en présence des garçons!
Mendoza la détailla de son regard brûlant tandis que le sang battait à ses tempes. Il n'en pouvait plus de repousser ainsi les appétits impérieux de son corps, lui qui n'avait pas connu l'ivresse d'une femme depuis si longtemps. Laguerra lui offrait un défoulement des sens réclamé depuis son arrivée sur le continent Africain.
:Mendoza: : Viens!
Il la saisit dans ses bras, la souleva sans effort, sortit du village et la porta jusque sous le ventre du condor. Après être passé par la soute, il repoussa la porte de l'une des cabines d'un coup de botte et s'engagea à l'intérieur, tenant toujours la jeune femme dans ses bras.
Il referma l'huis d'une talonnade et gagna le milieu de la pièce tandis que la señorita l'embrassait à pleine bouche. En retour, les mains du Catalan enserraient ses hanches.
Leurs regards fixés l'un sur l'autre s'alourdissaient de désir. Un désir brut, sauvage.
Plaquant Laguerra contre la cloison, il se pencha sur elle pour humer son parfum envoûtant, s'en imprégna avec délectation. Puis il posa sa bouche sur la peau de son cou, si douce. Il fit doucement aller ses lèvres hardies de sa gorge à sa clavicule, passant de l'une à l'autre, patient, concentré sur ce qu'il provoquait.
Son assaut délicieux fit naître en elle une série de gémissements qui ne faisait qu'exciter davantage encore ses propres pulsions. Parcourue de frissons, Isabella se redressa. Ses lèvres cherchèrent à nouveau les siennes. Les trouvèrent sans peine. Leurs souffles se conjuguèrent, leurs langues entremêlées, curieuses, avides. Les mains du capitaine descendirent se poser sur les fesses de la jeune femme qu'il pétrit doucement, enivré de leur fermeté, de leur grain soyeux.
Si passionné fût-il, le baiser ne pouvait durer. Leur attirance, leur désir, tous deux renforcés de sentiments sincères qui couvaient depuis des semaines, maintes fois ignorés, repoussés, reportés, pouvaient enfin éclore dans leur pleine mesure. Ils avaient trop attendu l'un de l'autre pour s'épancher en longs préliminaires. Isabella se dégagea, repoussant Mendoza contre la paroi opposée.
Ôtant sa cape, débouclant son large ceinturon et arrachant presque la tunique du marin afin de la jeter sur le côté, elle se rua ensuite sur lui pour plaquer sa bouche contre son torse et couvrir sa chair de baisers passionnés.
L'Espagnol ne put retenir un gémissement à ce contact. Il en poussa un autre quand elle joua de son désir à travers l'étoffe de son pantalon, le faisant croître en écho avec le sien. Une vague brûlante monta en lui, irradiant son bas-ventre et tout le long de ses dorsaux. Mendoza s'écarta, inquiet de ne pouvoir se retenir. Il souffla:
:Mendoza: : Cela fait des mois, ma belle...
Cet aveu sembla plaire à Isabella qui rétorqua doucement, compréhensive:
:Laguerra: : Nous avons tout le temps, capitaine.
Elle reprit ses caresses. Consciente de son manque, elle le frôlait délicatement afin de ne pas le pousser trop vite dans les retranchements de la jouissance.
Le Catalan la laissa manœuvrer, la tête renversée contre la cloison, les yeux grands ouverts, chavirés par des sensations exquises, avivées par sa chasteté.
Sans doute moins experte qu'une courtisane, l'aventurière continua d'explorer ce grand corps, mordillant certains endroits, caressant d'autres. Mais c'était Laguerra. Laguerra envers qui il ressentait un sentiment de plus en plus puissant qu'il refusait encore de nommer. Et cela faisait toute la différence. La jeune femme décuplait ses sensations, son ressenti, son plaisir, son abandon.
Certains hommes préféraient enchaîner les rencontres, accumuler les conquêtes et les ballets de séduction. Mendoza n'était pas de cette trempe. Bien au contraire, il avait toujours éprouvé le besoin incontournable d'avoir des sentiments pour sa partenaire, telle était sa nature profonde.
La jeune femme entreprit ensuite de déboutonner son pantalon mais il la repoussa gentiment. Il avait un peu plus d'expérience qu'elle dans ce domaine et savait l'importance de ces moments exploratoires.
Isabella sentit frémir les paumes de son partenaire posées sur ses hanches. Des hanches étroitement drapées dans le tissu qui laissait de la souplesse sur le devant et s'épanouissait en un volant coquillé. Les doigts du marin remontèrent jusqu'à sa taille, entraînant la chemise avec eux.
Leurs mains, toujours. Elles s'étaient transformées en entités vivantes, douées de leur propre volonté, et chacune d'entres elles partit à la découverte du territoire qui s'offrait.
Les courbes, les creux, les rondeurs et les angles. La douceur de la peau, la densité des muscles. Le parfum de la virilité, celui de la féminité.
Et le toucher, la conscience de caresser, d'être caressé, les sensations créées, reçues, éprouvées, partagées.
Doucement mais fermement, le capitaine fit reculer Laguerra et l'allongea sur l'étroite couchette. Cela ne les rebuta nullement. Enfin, il glissa sur la jeune femme nue, offerte et sans défense, ne portant plus que ses pendants d'oreilles. Il l'enferma dans ses bras puissants et prit sa bouche qu'il fouilla d'un baiser dévorant sous lequel elle défaillit.
Lorsqu'il sentit que c'était le moment, il descendit vers sa gorge délicate et se concentra sur les courbes de sa poitrine. Les seins de l'aventurière, ronds comme de beaux fruits mûrs, étaient surmontés d'une alléchante petite framboise. Il fallait qu'il y goûte, qu'il les mordille afin d'en éprouver la fermeté du bout de ses dents. Isabella se tordait sous lui. Mendoza fit ensuite courir sa langue jusqu'à son ventre. Elle était légère mais précise, adroite, audacieuse et conquérante. Son voyage s'acheva lorsqu'il atteignit l'intérieur de ses cuisses satinées. La bouche entrouverte, totalement abandonnée, Isabella frémissait. Son partenaire s'attarda sur cette zone, embrassant le velouté de sa peau, provoquant de nouveaux émois. Il se délecta de cette chair si tendre, savoura cette odeur si enivrante, si ensorcelante. Laguerra hoquetait, serrait les draps de ses poings, gémissant et ondulant des hanches à un rythme affolant. Elle priait pour ce qu'elle vivait en cet instant présent ne s'arrête jamais.
:Laguerra: : Mendoza...
Elle était au bord de l'embrasement, Juan le sentait aux contractions qui l'agitaient, à son souffle de plus en plus heurté, à ses doigts qui agrippaient sa chevelure. Le corps de l'aventurière s'arqua en arrière. Elle poussa un gémissement qui s'étira sous le talent du mercenaire. Isabella retint brusquement sa respiration, ouvrit les yeux en grand, avant de relâcher son souffle dans un cri libéré qui se termina en soupir rauque, la laissant vidée d'énergie, tremblante.
La petite mort, comme on l'appelait. Curieuse expression, selon le capitaine. Et si vraiment il s'agissait de cela, celle-ci était particulière, sans commune mesure. Parce qu'au fond, elle glorifiait les forces de la vie.
Relevant la tête, il posa son regard sur elle, se repaissant de sa beauté, une beauté secrète, nouvelle, qu'il ne découvrait qu'en cet instant présent.
Elle souffla:
:Laguerra: : Viens. Je n'en peux plus de t'attendre, Mendoza. Par pitié, aime-moi.
Il se redressa, la bouche pleine de son parfum salé, ôta son pantalon, dernier rempart de sa nudité et s'allongea sur elle de tout son long. Le corps de la jeune femme se tendit, s'arqua une nouvelle fois, comme s'il voulait quand même échapper au poids qu'on lui imposait. Mais sans brutalité, le Catalan maîtrisa sa révolte et, soudain, elle sentit son bas-ventre calé contre le sien...
Mendoza resta immobile un moment. Laguerra le laissa faire, s'accordant à ses besoins. Puis, les mains noyées dans les flots soyeux de la chevelure dont le parfum l'enivrait, il bougea enfin. Il commença doucement, tout doucement sa danse, imprimant un mouvement doux et circulaire à son bassin, se perdant dans le ressac si particulier qui les agitait. Et c'était délicieux. Délicieux non seulement de faire l'amour mais également de ne plus songer à rien. Juste de vivre le présent, de vivre ses propres sensations et celles d'Isabella. Celle-ci écarquilla les yeux devant le plaisir qu'il arrivait encore à provoquer en elle. Une félicité différente, complémentaire de celle engendrée quelques instants plus tôt.
Chaque va-et-vient emportait la jeune femme un peu plus loin vers les frontières extrêmes de ce territoire secret. L'Espagnol variait les intensités, temps forts, temps faibles, le plaisir n'en était que meilleur. Il était si doux, si dur, si réceptif, tout cela à la fois. Il adoptait le bon rythme, d'instinct, le rythme parfait, sans qu'elle eût besoin de le guider. Isabella perdit contact avec la réalité. Ainsi investie, elle n'était plus que désir, elle n'était plus qu'abandon, émerveillement et reconnaissance. Et ces sentiments-là ne pouvaient naître que de l'amour.
Plus rien ne comptait. Plus rien qu'eux deux. Amants, enfin.
La vague brûlante du plaisir fut pour l'aventurière une découverte. Une ode à la vie qui semblait n'avoir aucune limite. C'était comme si Mendoza avait ouvert une porte en elle qui donnait sur un univers étrange, sans tabou, où le désir était roi. Laguerra avait connu deux ou trois galants avant lui. Mais c'était la première fois qu'elle éprouvait une telle extase, à la fois si complète, si naturelle, si renouvelée. Le bretteur l'emportait si loin dans ces terres exquises et immatérielles qu'elle se demandait si elle pourrait revenir à la réalité.
En cet instant, tout le village aurait pu se réunir devant eux, spectateur de leur ébats, qu'elle s'en serait parfaitement moquée.
La houle les emportait toujours plus loin.
Enfin, le moment était venu pour Mendoza. Il s'était retenu autant qu'il le pouvait, à la limite du supportable. Les palpitations étaient descendues le long de son dos pour gagner ses cuisses, pour se rassembler en un noyau brûlant qui se mit à parcourir sa colonne de chair. Il lui semblait que celle-ci enflait encore, au-delà du possible, étreinte par cet écrin soyeux, appelée par cette féminité épanouie.
Cependant, il n'était pas question pour l'homme viril et respectueux qu'il espérait incarner de s'abandonner à la félicité avant sa partenaire. À tort ou à raison, il s'en était toujours fait un point d'honneur et chaque fois qu'il avait connu un échec en la matière, il en avait été vivement mortifié.
Trouver l'équilibre entre abandon et contrôle n'avait cependant rien d'une tâche facile, d'autant plus avec une femme telle que Laguerra, et le climat de passion débordante qu'elle avait su créer entre eux.
La vague ultime était là, proche, inexorable, un formidable raz-de-marée qui engloutit soudain Isabella. Elle exprima son plaisir dans une sorte de cri rauque, étiré, tandis qu'elle enfonçait ses ongles dans la chair du capitaine.
Ce dernier tenta de se contenir encore quelques instants, encore un peu, un tout petit peu. Mais c'en était désormais trop pour lui, il ne parviendrait plus à différer encore.
Un trait de lumière éclatante le traversa de part en part, parcourant son corps comme son esprit, laissant derrière lui les corolles d'un infini bien-être. Il vint dans un grand cri libérateur, provoquant un nouveau déluge physique chez l'aventurière qui cueillit son nom au plus fort du plaisir.
La petite mort? Sûrement pas! C'était même le contraire, c'était le symbole de la vie, pour lui. C'était une renaissance, un renouveau, la conscience de ce que l'existence pouvait offrir de meilleur.
Il retomba à côté d'elle. Ils étaient tous deux haletants, tous deux comblés. Leurs mains se cherchèrent, se trouvèrent. Tout allait bien.
Éreintés des délices qu'ils s'étaient prodigué réciproquement, impressionnés par l'intensité de ce qu'ils venaient de partager, ils se blottirent l'un contre l'autre. Leurs souffles apaisés, repue, Isabella s'allongea sur lui et couvrit son visage de doux baisers, murmurant son nom dans une litanie sans fin de tendresse.
Enfin, d'une voix gourmande, elle murmura, les prunelles malicieuses:
:Laguerra: : Ah, si j'avais su! Plutôt que de te servir un discours sur l'honneur et te fuir comme je l'avait fait, j'aurais dû te sauter dessus lorsque tu m'avais rejoint dans la nef. Pour une première fois, c'était meilleur encore que dans le plus parfait des rêves!
Les traits de Mendoza, d'ordinaire si rudes, avaient perdu toute sauvagerie, toute dureté. Ils échangèrent un sourire d'une complicité qui les surprit l'un l'autre, ne ressentant plus le besoin de parler. Leur union était bien plus forte que des mots, ces derniers ne feraient qu'amoindrir cette béatitude qu'ils partageaient sans aucune retenue.
Le corps inondé d'endorphines, le capitaine se sentait merveilleusement délassé. La débauche d'énergie qu'il avait livrée était telle qu'il ne se sentait plus la force de garder les yeux ouverts.
Bien à l'abri sous une couverture de laine épaisse, il s'assoupit sous les caresses délicates que l'aventurière prodiguait à son large poitrail. Elle aussi finit par glisser dans le sommeil, lovée contre lui sur cette banquette trop étroite, tous deux loin de tout, protégés de la nuit froide, et, temporairement, des malheurs du monde.

Laguerra courait dans une forêt sombre, désarmée, poursuivie par un groupe d'hommes aux tatouages agressifs. Mendoza était là, lui aussi. Il tentait de rejoindre la jeune femme pour lui porter secours. Mais la jungle était devenue une entité vivante fermement décidée à entraver sa course. Les arbres bouchaient sa vue. Les branches le faisaient trébucher. Les ronces l'agrippaient, déchirant sa chair. Le capitaine haletait, le regard désespéré, son esprit et son cœur fouaillés par les appels à l'aide d'Isabella. Le corps lacérés, il parvint enfin à atteindre une grande clairière. L'aventurière se trouvait au centre, cernée par ces hommes mystérieux. L'Espagnol bondit sur eux, se déchaîna et les massacra. Il se retourna alors sur sa compagne, pour constater qu'elle était étendue sur le sol, le ventre ensanglanté d'une plaie béante. Une silhouette encapuchonnée se tenait au-dessus d'elle, une dague maculée de rouge dans sa main livide. Le mercenaire tomba à genoux sur la terre couverte d'un sang visqueux. Ambrosius apparut dans un flamboiement de lumière, de même que Gomez, tous deux se gaussant de sa douleur et de son désarroi. Perché sur un nuage sillonné d'éclairs, un Gaspard convulsé de colère tonna:
:Gaspard: : Tu devais la protéger. C'est ta faute si elle est morte!

☼☼☼

Mendoza s'éveilla aux derniers instants de la nuit, l'esprit chamboulé par cet affreux cauchemar.
:Mendoza: : Laguerra!
Elle était là, contre lui, saine et sauve, encore assoupie. Il sentait sa chaleur, le parfum de sa peau, le poids de son corps souple alangui contre le sien. Sensations merveilleuses qui allégèrent son esprit. S'il avait su qu'il connaîtrait avec elle une telle quiétude, un tel plaisir, cette complicité... Une nouvelle fois, il se dit que décidément, il était d'une maladresse insigne concernant les affaires de cœur.
Cependant, la réalité avait repris ses droits et le capitaine n'avait pas oublié qu'il devait partir en expédition avec Estéban et Tao. Il se leva en prenant soin de ne pas déranger l'Espagnole. Il resta un temps à la contempler dans la lueur de ces espèces de tubes lumineux qui éclairaient l'intérieur de la cabine. Elle était si belle dans le sommeil, sa chevelure brune ébouriffée, les lèvres entrouvertes d'un souffle léger. Attendri par ce spectacle, Juan constata que la peau de son cou était tout irritée.
Il commença par se rhabiller. Il s'arrêta en entendant un bruit de galop au loin. Des animaux se rapprochèrent, inexorablement, avant de stopper devant l'entrée du village en s'ébrouant bruyamment.
Tournant le dos à la belle endormie afin d'aller voir de quoi il retournait, le capitaine grogna entre ses dents:
:Mendoza: : C'est quoi, encore?
Il descendit du condor et reconnut son alezan et le pie de sa compagne. Les bêtes roulaient des yeux terrifiés en écumant, leurs selles à moitié détachées. Leurs longes étaient usées à force d'avoir traîner dans les broussailles. Mendoza s'approcha lentement des chevaux en prononçant à voix basse des paroles apaisantes.
:Mendoza: : Doucement, vous deux. Doucement. Tout va bien.
Il voulut leur flatter le col, mais les équidés reculèrent en aplatissant leurs oreilles.
:Mendoza: : Doucement.
Le cavalier saisit délicatement la longe de son alezan et le caressa longuement jusqu'à ce que celui-ci se calme. Puis, il fit la même chose avec la jument pie. Ramassant les selles, il se dirigea vers le corral quelques instants plus tard.

À suivre...

*
*Raclette: Eh oui, on mange de la raclette depuis le Moyen-Âge.
Modifié en dernier par TEEGER59 le 23 avr. 2021, 11:33, modifié 2 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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