FANFIC : "Au-delà des Mers" - republication

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Anza
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FANFIC : "Au-delà des Mers" - republication

Message par Anza »

Bonjour,

Cette fic est à la fois un préquel et une sequel à la saison 1, que j'ai commencé à écrire il y a 6 ans. D'où "republication", je l'avais enlevée pour y apporter des modifications.

Si je devais resumer :

C'est une aventure mettant en scènes quelques personnages (de camps opposés) de la première saison, forcés d'apprendre à se faire confiance pour faire front commun.
J'essaye aussi d'apporter des réponses à certaines questions restées en suspens à la fin de cette saison mythique.
Je sais que les persos ne sont pas ceux que vous avez l'habitude de retrouver ou sur lesquels vous aimez écrire, mais laissez une chance à cette fic (siouplééééééééééé...), y'a certes Calmèque, qui pour certains d'entre vous ne vaut pas mieux que Mussolini, mais y'a aussi Mendoza, qui reste à mes yeux un des plus subtiles et intéressant personnages de DA de tous les temps ! Et je tente de lui rester fidèle tout en approfondissant sa psychologie, son passé,... j'ai vraiment essayé de rester "crédible" par rapport à ce qu'on sait de lui.
Essayez de passer outre vos aprioris et si vous n'accrochez pas et bien, tant pis, mais au moins, vous aurez essayé.
Merci !




CHAPITRE 1

Au revoir, Lima !

Il avait l’œil vide, les traits tirés, le corps émacié et l’air absent. A peine reconnaissable. Mendoza ne fut d’ailleurs sûr de son identité que lorsque son maître, un Espagnol de grande taille, aux traits bourrus et aux gestes brusques, le nomma sèchement, lui reprochant d’être éternellement trop lent. Le bonhomme brandit alors une petite canne de bois souple et, afin de motiver son esclave, il se mit à le rosser sans ménagement, entaillant sa peau par endroits et laissant apparaître de petites traces de sang. C’est à peine si le petit homme réagit, se contentant de plisser les yeux fortement, de rentrer sa tête dans ses épaules, en un mouvement vain de protection, attendant, résigné, que la pluie de coups ne cesse.

Mendoza restait en retrait, spectateur perplexe. Observant l’esclave charger inlassablement sur une carriole des sacs qui paraissaient plus lourds que lui.
Jamais il ne s’était attendu à le revoir un jour, et surtout pas à Lima, cinq ans plus tard. Il l’avait cru mort, comme tout le monde.
Comment avait-il atterri là ?

Quelques heures plus tard, la nuit tombant, Mendoza retrouva le grand Espagnol attablé dans un bar malfamé devant un godet de mauvais vin. Le navigateur s’assit à la table de l’homme bourru, déposant une bouteille pleine en signe d’introduction.
L’homme leva les yeux, le regard aviné et interrogateur.

– Je me nomme Juan Alejandro Mendoza Alvarez, mais on m’appelle Mendoza !

Le gars, plus éméché qu’il n’y paraissait, arqua ses sourcils et attrapa la bouteille avec satisfaction avant de se servir généreusement.

– Federico, dit-il finalement. Federico Ibañez Cruz.

Mendoza sourit et se servit à son tour.

– Ca fait longtemps que vous avez quitté l’Espagne ? demanda Mendoza afin de commencer la conversation par une banalité.

– Quatre ans, répondit l’autre laconiquement en laissant sortir au même moment un rot sonore et malodorant.

Le navigateur dût prendre sur lui afin de ne pas montrer son profond mépris pour cette sorte d’individu et il lui sourit.

– Moi ça va bientôt faire sept ans.

Se découpant un morceau de pain à même une miche posée sur la table, Ibañez ne réplica rien et seuls ses bruits de mastication répondirent au marin.
Les manières de cet homme étaient épouvantables.

« Ca va être long. » se dit Mendoza.

S’en suivi une conversation sans intérêt, ponctuée de silences pénibles durant lesquels le marchand d’esclaves ne semblait pas réaliser que le temps s’écoulait dans le vide, jusqu’à ce que Mendoza en arrive là où il voulait en venir. Enfin !

– Je vous ai vu cet après-midi sur le port. Vous avez un esclave atypique !

L’autre leva vers lui une mine indéfinissable avant de grommeler.

– Mwouais, c’est un autochtone un peu bizarre mais il est solide.

– Vous l’avez dégoté où ?

– On me l’a refilé avec deux autres esclaves y’a quelques mois. Un marchant qui me devait de l’argent, une grosse somme.

– Mmm… fit Mendoza. Et les deux autres esclaves, interrogea-t-il, aussi étranges ?

Ibañez fit non de la tête.

– Les deux autres étaient des mayas. L’un des deux est mort. Le deuxième je l’ai revendu. Pourquoi ?

– Simple curiosité.

Mendoza marqua un temps d’arrêt avant d’enchaîner.

– A vrai dire, je me demandais si vous accepteriez de me le vendre.

L’homme s’arrêta de boire, interloqué.

– La crevette ? Non ! Il a pas l’air comme ça, mais c’est un coriace. Je préfère le garder.

Le marin fit la moue.

– Je vous en offre le double de ce qu’il vaut sur le marcher.

– C’est quoi l’arnaque ? fit le marchand de vies, les sourcils froncés.

Mendoza se cala dans son siège.

– Y’en a pas. Il m’intéresse, c’est tout.

Et il sortit un peu d’or de l’une de ses poches.

– J’ai de quoi payer.

Les yeux du marchand s’arrondirent, brusquement happés par l’apparition du bout de métal doré. Un sourire avide se dessina sur ses lèvres.

– Je veux pas savoir pour quelles raisons tordues vous tenez à avoir cet esclave, mais je crois qu’on va pouvoir s’entendre.

Le lendemain, en début de matinée, Mendoza avait rendez-vous avec Ibañez près du port pour la transaction.
Le grand Espagnol arriva, suivi de son esclave dont les mains avaient été liées dans le dos et qui fixait obstinément le sol, sans doute était-il déjà passé une dizaine de fois de mains en mains, de sorte que cette énième transaction ne paraissait pas le concerner, blasé. Un étroit collier de cuire, pourvu d’un anneau, lui enserrait le cou. Une chaîne y pendait. Ibañez la tendit à Mendoza tandis que celui-ci lui remettait son dû.

– Voilà, fit Ibañez en empochant l’or, un rictus malsain accroché aux lèvres, la crevette est à vous.

Le Navigateur sourit, alors qu’Ibañez s’en allait, satisfait de cette affaire inespérée.

Sitôt le sinistre sire éloigné, Mendoza intima à son esclave, d’un cou sec sur la chaîne, de le suivre et ils se mirent en route. En chemin, l’Espagnol lança quelques œillades à sa nouvelle acquisition qui marchait tête basse, ses cheveux lui couvrant le visage. Sous ses haillons, sa maigreur faisait peur. Le marin se souvenait qu’il n’était déjà pas bien gros à l’époque, mais là, il n’en restait rien.

« Il faudra qu’il se remplume ! »

Moins de dix minutes plus tard, ils arrivèrent à une auberge, ils y pénétrèrent et gagnèrent une chambre miteuse à l’étage. L’esclave n’avait pas dit un mot, pas levé les yeux un instant, sans doute résigné de son sort et trop éprouvé pour protester. Mendoza le fit s’assoir sur le seul lit de la pièce, une paillasse peu confortable et lui défit ses liens. Puis il prit une chaise et vint se placer en face de lui, à sa hauteur, sans un mot, attendant seulement qu’il lève le nez.

Il fallu quelques minutes mais, finalement, l’esclave releva timidement son museau vers son nouveau maître, avant de se figer dans une expression indéchiffrable. Il avait écarquillé les yeux, esquissé un mouvement de recul et pris une fugace mine paniquée. De son côté Mendoza n’avait pas bronché et affichait une mine goguenarde. Le sourire en coin. Satisfait de son petit effet de surprise. Quelques instants plus tard, l’esclave se détendit un peu et prit une mine désabusée.

– Et moi qui pensais qu’il ne pouvait rien m’arriver de pire, souffla-t-il d’une voix éteinte sur un ton un peu ironique avant de replonger son regard vers le sol. Gêné.

– Je te croyais mort, lâcha finalement l’Espagnol d’un ton neutre.

– Je le suis.

Mendoza se récréa en silence avant de se lever d’un trait.

– Repose-toi. On part demain ! lui ordonna-t-il sèchement.

Et la porte se referma, suivi d’un bruit de serrure, laissant l’esclave seul.

Passées quelques secondes nécessaires à encaisser ce revirement de situation inattendu, le petit homme s’avachit sur lui-même dans un profond soupire, en se cachant le visage dans ses mains. Au travers de sa tunique, lacérée d’entailles et de petites taches de sang séché, témoins muettes de la maltraitance dont il avait été victime ces derniers temps, on voyait saillir ses os et ses articulations et on discernait nombre de petites plaies et d’hématomes maculant son corps. Il faisait vraiment peine à voir. Confusément, il se demanda ce qui l’attendait. Mendoza ne le portait pas dans son cœur, loin de là, et la suite des événements ne lui inspirait rien de bon. Il fut pris d’une peur fugace mais intense et il sentit une vive émotion lui monter aux yeux, il eut juste le temps de la contrecarrer en serrant les points de toutes ses forces et en les frappant de rage contre la paillasse.

« Fait chier ! »


Le lendemain, Mendoza pénétra dans la chambre aux aurores. Le soleil se levait à peine. Il jeta sur la couche des vêtements propres. Le petit homme sursauta et se redressa. Il avait toujours son collier de cuire autour du cou, ne laissant aucun doute sur sa condition. Mendoza hésita. Et puis d’un coup, en quelques enjambées, l’Espagnol s’approcha de sa propriété et lui enleva son entrave avec rudesse.

-Enlève-moi ces guenilles et prépare-toi, on part dans une heure, fit-il de sa voix autoritaire. Et sois présentable ! Attache tes cheveux et lave-toi !

Avant de quitter la pièce, il lui lança un quignon de pain.

– Et mange ça, Calmèque ! ordonna-t-il. T’es tellement maigre, on a l’impression que tu vas te casser en deux !

La porte se referma lourdement.

Le Navigateur se figea dans le couloir un moment. Se demandant s’il ne faisait pas une belle erreur. Il tortilla ses lèvres en une moue dubitative avant de soupirer bruyamment.

« Quand le vin est tiré, il faut le boire » se dit-il.

Et comme il n’était pas homme à faire marche arrière, il se rasséréna et regagna la taverne au rez-de-chaussée de l’auberge pour y prendre son petit déjeuner.
L’avenir lui apprendrait bien assez tôt si son geste était une imbécillité ou non.

Ils étaient tous deux sur le port, moins d’une heure plus tard. Mendoza avait enlevé toutes espèces de chaînes à son esclave mais lui avait bien fait comprendre qu’il avait intérêt à se tenir à carreau. Calmèque était nerveux. Il appréhendait la suite avec méfiance. Pourquoi cet Espagnol agissait-il de la sorte ? Que lui voulait-il ?

Autour d’eux, le pont était noyé dans une effervescence dont Mendoza avait l’habitude et qu’il retrouvait avec un certain bonheur. Les odeurs de poissons et de denrées diverses, les cris des marins et les injonctions des gradés qui surveillaient l’embarquement des marchandises dans des cales toujours plus lourdes et plus remplies, faisant descendre à vue d’œil, les lignes de flottaison des navires à quai. Voilà un ballet qui était familier au navigateur qu’il était. Il inspira d’aise, comme s’il cherchait à s’imprégner de toute cette agitation, synonyme de retour à la maison. Son pays lui manquait.

Il obliqua son regard en direction de l’Olmèque qui observait toute cette agitation sans mot dire. Et Mendoza était content de constater qu’un brin de toilette et des vêtements propres lui avaient rendu figure humaine. C’était fou comme une tenue normale et des cheveux lui donnaient presqu’un air anodin. Bon, d’accord, il y avait toujours ces oreilles et ces yeux, à la couleur étrange, qui dénotaient, mais dans la foultitude de ce port bondé, son atypie physique passait pratiquement inaperçue.

– J’espère que tu as le pied marin Calmèque, parce que le voyage sera long.

L’Olmèque lui lança un regard inquiet.

– Vous n’avez tout de même pas l’intention de me traîner jusqu’en Espagne ?

– Oh mais si ! Tu es à moi, je te traîne où je veux !

– Non ! Pas question ! osa-t-il, terrifié à l’idée de rejoindre l’Europe et sa civilisation archaïque.
Mendoza le toisa sans animosité.

– Un an, Calmèque. Peut-être deux maximum et tu aurais fini par crever sous les coups et les humiliations. C’est ça que tu veux ? Tu veux que je te revende à un « Ibañez » ?

Calmèque se tut et prit la mesure de sa situation. Son corps n’était que douleur et il savait que Mendoza avait raison, il n’aurait plus tenu physiquement bien longtemps à ce régime. Mais qu’est-ce que cet Espagnol lui voulait ? Et ce qu’on racontait à propos de l’obscurantisme régnant sur le vieux continent lui faisait peur.

– Pourquoi ? fit simplement Calmèque, démuni.

– Nostalgie, répondit l’Espagnol sur un ton de plaisanterie avant d’intimer au petit homme de le précéder et de monter à bord.

Quelques heures plus tard, le navire appareillait et Calmèque regardait la côte s’éloigner avec angoisse.
Mendoza, lui, savourait ce retour vers son pays. Il lança un regard appuyé à son nouveau compagnon. Il semblait désespéré.

– Ne t’en fais pas, le rassura Mendoza. Tu t’y feras.

Calmèque tourna vers lui un visage sceptique.

– Je me demande ce qui aura ma peau en premier, maugréa-t-il, le manque d’hygiène, la Sainte Inquisition ou la Peste Bubonique ?

Mendoza sourit au sarcasme de l’Olmèque. Sarcasme qui cachait tant bien que mal sa profonde inquiétude.

– Je te rappelle que tu serais mort de toute façon ! Sois positif !

Un long silence s’en suivit tandis que la côte devenait minuscule au loin.

– Je dois vous appelez « Maître »? interrogea Calmèque d’un ton plus irrévérencieux qu’il ne l’aurait souhaité.
Mendoza lui répondit en s’éloignant.

– Oh ! Surtout pas ! Venant de toi, j’aurais l’impression d’avoir une centaine d’années !

Calmèque fit une petite grimace en se tournant pour le regarder s’éloigner. La main appuyée sur le bastingage, une envie fugace de se jeter à l’eau le prit afin de rejoindre la côte avant qu’il ne soit trop tard, mais quelque chose l’en empêcha. S’il s’échappait, il serait rapidement repris, soit par un marchant d’esclaves, soit par une tribu d’Indiens qui ne portaient pas les Olmèques dans leurs cœurs. Et ni l’une ni l’autre de ces possibilités ne l’enchantait. Ce départ pour l’Espagne ne l’enchantait guère, mais ce n’était peut-être pas ce qui pouvait lui arriver de pire. Restait à savoir ce que le navigateur lui réservait.

Le vent du large se levait à mesure qu’il quittait les eaux territoriales et que Lima disparaissait. Calmèque emboîta machinalement le pas de Mendoza, laissant derrière lui ses envies de baignade.


De par son statut de Navigateur, Mendoza avait sa propre cabine et mangeait à la table du Capitaine.
Il ne lui fut guère compliqué d’introduire son Olmèque au milieu du beau monde, ventant les mérites de son peuple au savoir impressionnant dont il était malheureusement le dernier représentant.

Au fil des conversations, Calmèque se mit à doucement entrevoir la raison à sa présence. Mendoza allait-il se servir de lui et de ses connaissances pour tenter de se faire un nom auprès des Grands d’Espagne ? Peut-être. En tous cas, même si l’entende avec l’Espagnol était des plus froides, les brimades et les coups n’étaient plus au programme et le petit Olmèque se remettait physiquement de ses cinq années de mauvais traitements. Les raisons de ce voyage n’étaient pas encore très claires, mais il avait nettement gagné au change.

Les premiers jours, pourtant, furent très pénibles. Manger à sa faim combiné au mal de mer l’avait plus d’une fois forcé à quitter la cabine en trombe, pris de nausées, pour aller vomir tout ce que contenait son estomac, et même des trucs qu’il n’avait pas avalés, par-dessus-bord, le laissant ensuite durant de longs heures, à genoux sur le pont dans un état lamentable, blanc comme un linge, sous les railleries de l’équipage.

– La mer, c’est pas pour les chochottes ! lui lançaient les matelots.

– La chochotte t’emmerde, grinçait Calmèque entre ses dents.

A ça ! Les premiers jours, il s’en souviendrait !



Cela faisait près d’un mois que le bateau avait quitté le nouveau continent et jusque là, le temps et la navigation n’avaient pas trop été éprouvants.

Ce matin-là, les hommes du capitaine étaient sur le qui vive, le cuisinier avait remarqué la disparition répétée de nourriture, et les quantités étaient trop importantes que pour être imputées aux rats, aussi gros soient-ils. Le bateau était donc systématiquement fouillé à la recherche du chapardeur, un passager clandestin.

Cette situation ne manqua pas de rappeler à Mendoza les débuts de son aventure avec les enfants. Il eut une pensée pour Esteban, il avait appris à aimer ce gosse au fil du temps et ne plus avoir de ses nouvelles depuis maintenant plus de cinq ans lui pesait. Peut-être était-il retourné à Barcelone ?

Il en était là à ses réflexions quand des hommes du capitaine lui demandèrent la permission de fouiller sa cabine. Il obtempéra sans objection.

La fouille dura encore plusieurs heures mais les hommes firent chou blanc et ne trouvèrent personne.
Tout en regagnant sa cabine en compagnie de Calmèque, Mendoza fit remarquer avec ironie que le « bougre se cachait bien ».
L’Olmèque lui demanda ce qui le rendait si sûr qu’il y eut un intrus à bord.

– Je suis pour ainsi dire né sur un navire, Calmèque, lui dit-il avec le regard malicieux. Il y a des choses qu’un marin sent !

Un peu plus tard, Mendoza avait été appelé sur le pont, laissant l’Olmèque seul dans la cabine. Calmèque s’était allongé sur sa couchette et regardait distraitement les poutres du plafond. Il soupira. Certains passagers, sans oser rien dire, l’observaient parfois comme s’il était un animal de zoo. Le souvenir de quelques visages atterrés le fit grimacer. Et puis il y avait cette aristo un peu précieuse qui, dès qu’il arrivait dans son giron, partait se réfugier avec toutes ses courtisanes à l’autre extrémité du navire.

Il roula des yeux vers le haut.

« N’importe quoi ! »

Il en était là, à se remémorer son début de voyage quand son attention fut brusquement attirée par un bruit ténu venant d’en dessous de lui. Il fronça les sourcils, arrêta instinctivement sa respiration et se concentra. Le bruit avait cessé presqu’aussitôt, mais il était sûre d’avoir entendu comme une sorte de frottement. Il se redressa et descendit de sa couche. Puis il s’agenouilla sur le sol et tendis l’oreille en direction du plancher. Le bruit se reproduisit et Calmèque crut reconnaître un reniflement cette fois. Perplexe, il se pencha et colla son oreille sur le bois du plancher. Puis il sourit.

– Je vous entends, lâcha-t-il doucement.

Il y avait là-dessous une respiration qui s’accéléra ! Mendoza avait raison : « le bougre se cachait bien ».
Un instant Calmèque se demanda que faire. Il n’ignorait pas le sort réservé aux passagers clandestins. Il fut alors pris d’un élan de compassion. N’avait-il pas du, lui aussi, se terrer comme un rat durant des mois pour fuir la région du Bouclier Fumant sans tomber entre les mains de Viraccocha ? Il fit alors le tour de la pièce des yeux. Il se saisit de l’épée de Mendoza, restée contre un mur, et après bon nombre d’efforts, parvint à désolidariser un pan latéral du caisson de bois se trouvant sous sa couchette pour découvrir un emplacement exigü entre le plancher des cabines et l’armature du navire qui semblait couvrir toute la surface de celui-ci. Il passa sa tête dans l’antre étroit et sombre. Ca sentait le bois humide et le rongeur.

Des centaines d’années terré sous la surface du sol pour se protéger des retombées nocives de la guerre entre Mû et Atlantide avait profondément fait muter les Olmèques. Ils avaient lentement acquis toutes les prédispositions nécessaires à la vie sous terre. Et une excellente acuité auditive mais aussi visuelle en faisait partie.

Il inspecta donc l’endroit sans difficulté et constata sans étonnement que celui qui avait été là quelques instants plus tôt, avait détalé sans demander son reste.

« Il doit pas être bien épais pour se cloîtrer là-dedans » se dit-il.

Et il décida de refermer sommairement la cachette, il n’avait aucune envie de se faufiler dans ce cloaque pour satisfaire sa curiosité. Le temps viendrait lui donner des réponses.

Quand Mendoza revint, Calmèque se garda bien de lui parler de sa découverte et quand l’Espagnol s’attabla à son bureau, déplia ses cartes de navigation, sortit son compas et commença ses calculs de position, Calmèque vint s’intéresser à son travail par-dessus son épaule.

– On est où ?

Mendoza sourit.

– A ton avis ?...

Les sourcils du petit homme s’arquèrent dans une expression d’ignorance. Il n’entendait strictement rien à cette carte et toutes les inscriptions qui se trouvaient dessus n’étaient pour lui que du charabia dans une écriture inconnue. Il prit une chaise et s’assit à la gauche de l’Espagnol.

– Je sais pas, quelque part là-dessus ? ironisa-t-il en désignant la carte.

– Exactement !

Calmèque laissa échapper un énorme soupir, l’inactivité sur ce bateau le pesait à mourir. Et les rares dialogues avec Mendoza étaient réduits à leur strict minimum. A croire que ce type ne pouvait pas aligner plus de cinq phrases d’affilé, enfin, en sa présence en tous cas, parce qu’il avait pu constater que l’homme se montrait soudainement très loquace en présences féminines. On pouvait résumer l’attitude de Mendoza comme suit : « Ta gueule Calmèque ! Bonjour mesdames ».

Il bascula un moment sa tête vers l’arrière, pensif, adossé à sa chaise. Puis demanda soudain, s’étant un instant replongé dans leur court passé commun.

– Pourquoi vous vous trimballez plus avec « Bègue et Ficelle » au fait ? Vous les avez perdus en chemin ?

L’allusion à Sancho et Pedro dérida Mendoza quelques instants.

– Non, ils sont retournés en Espagne plus tôt il y quatre ans déjà. Ils voulaient dépenser leur or et mener la belle vie, moi j’avais encore des choses à voir et à faire.

Un nouveau silence.

Calmèque revit en flash quelques images oubliées. La base, le vieux Menator, Les deux attaques successives, les pertes massives au sein de son armé qui l’avait beaucoup affecté mais qui avait laissé Menator de glace, poursuivant obstinément son projet sans se préoccuper de quoi que ce soit d’autre. Il revit aussi la petite Maïna, qui avait aidé à s’enfuir le gus à côté de lui.

« Maïna », elle était une des personnes à laquelle il repensait le plus souvent. Il s’était attaché à cette gamine, allez savoir pourquoi. C’est qu’elle était quand-même restée près de 2 ans prisonnière à Apuchi, et elle avait fini par faire partie du paysage. Qu’était-elle devenue ? Immanquablement il repensa alors à Esteban, Zia et Tao, le commando de sabotage. Il prit une profonde inspiration.

– Et les enfants ?

Mendoza s’interrompit un court instant pour détailler son interlocuteur.

– Ca t’intéresse vraiment ? s’étonna-t-il.

Calmèque s’affala d’un coup sur la carte, empêchant ainsi le navigateur de travailler.

– Je m’emmerde tellement que même vous, vous m’intéressez, remarqua-t-il.

Et il se redressa, en souriant et croisant ses bras fins sur sa poitrine.

– Tu veux que je demande au capitaine Diaz de te trouver quelques basses besognes à exécuter ? s’enquit le navigateur sans se départir de son calme.

Calmèque lui lança un regard peu avenant.

– Vous êtes très drôle.

Sans même regarder l’Olmèque et reprenant son travail, Mendoza poursuivit.

– Je suis sérieux, si y’a que ça pour te faire plaisir, je t’attache dans un coin de la pièce, je t’apporte quelques miettes de nourriture quand j’y pense, je passe mes nerfs sur toi une ou deux fois par jour et tu finiras le voyage plus mort que vif…

« Tiens tiens, voilà LE sujet qui fâche » se dit Calmèque. « Les enfants »

Calmèque le dévisagea ensuite. Impossible de savoir si l’Espagnol plaisantait ou non. Dans le doute, il valait mieux ne pas insister. Cet Espagnol lui avait à mainte fois prouvé par le passé, qu’en certaines circonstances, il pouvait se montrer tout aussi peu scrupuleux et impitoyable qu’il ne l’était lui-même. Après tout, il avait tendance à l’oublier, mais il n’évoluait pas vraiment sur ce bâtiment en qualité « d’homme libre ». Il se tut donc, reportant son attention sur sa mémoire et les innombrables détails qu’elle recélait. Il se hasarda quand-même, c’était plus fort que lui.

– Faudra bien à moment donné que vous m’appreniez à lire et écrire vos caractères latins. Sans quoi, je ne vous serai pas d’une grande utilité. Si vous consentiez à m’apprendre, je pourrais vous aider pour des tas de choses. Ranger vos cartes, commença-t-il à énumérer, vous aider à calculer un cap, vous lire des histoires, plaisante-t-il ou… écrire vos mémoires. Et il termina sa tirade dans un petit rire discret.

Il guetta une infime réaction du Navigateur qui ne se manifesta pas. Il poursuivit donc non sans une dose de sarcasme.

– Avouez que ce serait tout de même dommage de gâcher votre investissement.

Et il retourna s’allonger sous le regard indéchiffrable du bel Espagnol.
Modifié en dernier par Anza le 27 juin 2021, 09:25, modifié 20 fois.
8) Fane absolue de la 1ère saison, certes imparfaite, mais avec tant de qualités qu'on peut lui passer beaucoup de choses !
Perso préféré : Calmèque, cherchez pas, mon psy a jeté l'éponge ! MDR

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Anza
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Re: FANFIC : "Au-delà des Mers" - republication

Message par Anza »

CHAPITRE 2

Clandestin

Le lendemain, Mendoza tenait la barre, la mer faisait un caprice. Le vent était assez violent, et l’océan faisait piquer le navire de plusieurs mètres entre chaque vague. A part les marins, il n’y avait pas grand monde sur le pont. Toutes les personnes de « qualité » étaient calfeutrées dans leurs cabines. Calmèque fut content que ce premier grain ne se soit pas manifesté plus tôt durant leur voyage, sans quoi, par manque d’habitude, il aurait sûrement vomi ses tripes. Mais là, ça allait.

Mendoza était sérieux et attentif. Le moindre changement de direction du vent lui faisait lancer une série d’ordres à l’attention de l’équipage. Une grande partie de la voilure avait été affalée et quand la pluie se mit à tomber, le voilier prit des airs de chat mouillé.

Du coin de l’oeil, Calmèque observait le manège de deux mousses, toujours flanqués ensemble qui essayaient perpétuellement de tirer au flanc. Et il sentit que ça l’énervait beaucoup, sans doute une « déformation professionnelle ». Si ça n’avait tenu qu’à lui, mais il suspendit sa pensée. Il n’était plus commandant de rien du tout et les tire-aux-flancs n’étaient plus son affaire. Il se contenta donc d’hausser les épaules, impuissant.

La pluie se fit de plus en plus battante et la totalité des voiles furent tirées en riz.

-Calmèque ! cria Mendoza en fixant l’horizon des yeux. Va me chercher une corde solide ! Dépêche !

L’Olmèque, bien que ne comprenant pas l’objet de la manœuvre, estima qu’il n’était guère le moment de poser des questions idiotes et s’exécuta. Et c’est plus trempé qu’une soupe, les cheveux de son catogan collés à sa nuque et ses vêtements plaqués au corps qu’il retourna à l’intérieur à la recherche d’une corde. Il savait où en trouver, il en avait vu en masse dans les cales.

Quand il réapparût sur le pont, il lui sembla que la tempête s’était intensifiée. Il rejoignit Mendoza en hâte et celui-ci lui intima de l’attacher solidement à la base de la barre afin qu’il ne passe pas par-dessus bord. La tempête s’annonçait méchante et cette précaution n’était pas superflue.

Tandis que Calmèque obéissait, il ne manqua pas de lui faire remarquer qu’en définitive le premier attaché par l’autre n’était pas celui annoncé !

-Tu as de la chance que mes deux mains sont occupées, lui répondit l’Espagnol d’un ton monocorde. Maintenant fous-moi le camp.

-Vous êtes sûre ? S’enquit l’Olmèque.

-Dégage ! Tu n’y connais rien et la mer ne fait pas de cadeau aux amateurs !

A vrai dire, il se sentait mieux à l’intérieur qu’à l’extérieur et il trouva plus judicieux de ne pas ajouter quoi que ce soit, de peur qu’il change d’avis ! Il retourna donc au sec, sans demander son reste, laissant Mendoza et l’équipage de Diaz se dresser seuls contre les éléments.

« Mieux pour eux que pour moi. »

Les violents creux de vagues, propulsaient de bâbord à tribord tous ce qui se trouvait dans le bateau et revenir à la cabine fut plus compliqué que prévu, le ligotage de Mendoza prenait tout son sens.

Quand il entra, il ne remarqua pas de suite l’ombre qui se blottissait dans un coin de la cabine. Mais quand il la vit, il sursauta laissant échapper un petit cri de surprise, puis, une nouvelle facétie de l’océan le fit lourdement tomber de côté. Quand il réalisa qu’il devait s’agir du clandestin, il se mit en devoir de se relever et de s’en approcher pour mieux le détailler. Toujours en boule, le visage caché, visiblement terrorisé, il s’agissait d’un homme de petite taille et d’allure assez frêle. Les cheveux noirs coupés courts, les vêtements déchirés et troués de partout, crasseux. Calmèque fit la grimace et profitant d’une brève accalmie, il eut la présence d’esprit de fermer la cabine à clef.

-Je n’ai pas l’intention de vous dénoncer, dit-il à l’encontre de la silhouette tremblante. Sans quoi, je l’aurais déjà fait vous ne croyez pas ?

« Parlait-il seulement la même langue ? »

Il s’apprêtait à tenter une nouvelle approche quand un nouveau et terrible mouvement du navire le fit valser vers l’arrière, lui et le clandestin. L’instant d’après, ils étaient quasiment l’un sur l’autre, un peu sonnés. Mais dès que ce fut possible, le clandestin reprit ses distances. Il recula en rampant sous la lumière oscillante de la lampe à huile accrochée au plafond.

A présent Calmèque le voyait bien et quelque chose l’intriguait. L’autre aussi paraissait perplexe, il s’était figé et plissait les yeux en regardant l’Olmèque. Maintenant que leur centre de gravité était plus bas, les remous du bateau les affectaient moins. Un silence qui parût une éternité s’installa. Chacun comme essayant de percer le secret de l’autre. Brusquement les yeux du clandestin s’écarquillèrent.

« Calmèque » articula-t-il sur un ton abasourdi.

L’Olmèque plissa les yeux pour se concentrer sur ce visage qui lui était de tout évidence familier mais qui ?
D’un coup, ça lui revint ! Et le mot « Marinchè » s’étrangla dans sa gorge.

La tempête battait toujours son plein et les deux protagonistes se toisaient à présent, aussi stupéfait l’un que l’autre. Dans son souvenir elle était moins chétive et surtout plus « féminine ». Quel revirement. Plus rien à voir avec la Marinchè du passé. Il était réellement consterné.

De son côté, elle avait glissé jusqu’à atteindre le mur opposé et ils se faisaient à présent face, chacun assis et adossé à une paroi.

-J’te croyais mort, commença-t-elle, la voix éraillée.

-Idem, se contenta-t-il de répondre.

-J’ai bien failli, lui cracha-t-elle brusquement, le ton plein de ressentiment.

Il fit la moue. Calmèque se souvenait que lorsque ces trois-là avaient fait irruption dans leur base, ils étaient assez mal tombés. Et la délicatesse, niveau traitement, n’avait pas vraiment été de mise, il fallait le reconnaître. En même temps, à cette époque, les événements s’étaient enchaînés à la vitesse de l’éclair et il avait du prendre des décisions dans la hâte. L’incarcération de Marinchè, de celui qu’on appelait le Docteur et de Tétéola avait été dictée par les événements. Et puis, ils avaient débarqué avec leurs grands airs en faisant les malins, le ton mielleux et le geste condescendant, et l’hypocrisie, il avait horreur de ça !

Il se souvenait que, ne voulant pas statuer sur leur sors sans avoir le temps d’y réfléchir, il avait préféré les faire emprisonner, le temps d’y voir clair. La suite, on la connaissait. Mais qui aurait pu prédire que Marinchè s’en sortirait vivante ? Tout comme lui d’ailleurs ?

Une fois les regards de reproche copieusement échangés, ils consentirent à désarmer un peu.

-Je ne savais pas que « ça » avait des cheveux un Olmèque, ironisa-t-elle.

-Si seulement il n’y avait que ça que tu ne savais pas…, rétorqua-il.

Il la vit serrer les dents, l’air mauvais.

-Qu’est-ce que tu fous sur ce rafiot ? finit-elle par demander.

-C’est pas tes oignons, je crois que t’as des problèmes bien plus préoccupants, coupa-t-il, n’ayant absolument pas envie de commencer à rentrer dans les détails de son embarcation forcée. Et pour détourner la conversation, il préféra attaquer avant de se faire « encercler ».

-A commencer par ta dégaine et… il plissa les yeux dans sa direction. C’est des cheveux que t’as sur la tête ou un animal mort ? Il fit une grimace de dégoût. Ca expliquerait l’odeur…

-Figure-toi qu’il ne fait pas spécialement bon être une femme quand on voyage seule, siffla-t-elle. Les hommes sont des… porcs. Alors moins je ressemble à une femme, mieux je me porte !

Il la toisa des pieds à la tête.

-Je te rassure, c’est très réussi !

Silence… long, pesant. Marinchè devait tenter de se calmer un peu, elle nourrissait un pénible passif à l’égard de l’ex-Commandant mais en attendant, il ne s’était pas jeté dans le couloir pour la dénoncer et sans doute valait-il mieux ne pas lui donner envie de le faire. C’est alors qu’elle se mit en devoir d’essayer de l’amadouer en tentant de lui inspirer de la pitié. Elle prit une petite voix légèrement éteinte et une tête d’oiseau tombé du nid.

-C’est pratiquement un miracle que je sois encore en vie…

Calmèque soupira et roula des yeux vers le plafond.

-Épargne-moi ton numéro,… ces dernières années n’ont pas été une partie de plaisir pour moi non plus, tu n’as pas l’exclusivité des mauvais jours.

Comme le petit homme n’était pas dupe et qu’elle n’avait décidément pas l’énergie suffisante pour minauder assez longtemps que pour le faire plier, elle se laissa à nouveau submerger par son ressentiment et se fit cassante.

-C’est le cadet de mes soucis, c’est pas toi qui risque d’être jeté par-dessus bord !

Les yeux de Calmèque s’étrécirent.

-Non t’as raison, moi je risque juste d’être torturé et brûlé vif par des prêtres inquisiteurs fanatiques qui verront en moi l’incarnation du Diable dès que j’aurai mis un pied en Espagne.

-Et ce ne sera que justice ! cracha-t-elle. Nabot !

Calmèque s’apprêtait à lui rétorquer une horreur quand le destin vint lui prêter main forte.
On frappa à la porte et Marinchè blêmit en une fraction de seconde. Elle lança alors un regard de supplique à celui qu’elle venait d’insulter et celui-ci fit mine d’hésiter. Savourant le moment.
Puis il sourit et articula tout doucement dans sa direction :

-On fait moins la maline, hein ?...

On refrappa, plus fort.

« Est-ce que tout va bien ? »

-Oui, oui, pas de soucis ! répondit-il.

« Il faut que vous éteigniez votre lampe à huile, pour éviter les incendies ! »

-D’accord, je le fais de suite.

Et il lança un nouveau regard amusé à une Marinchè qui n’en menait pas large tandis qu’il se levait pour éteindre la lumière.

Quand la lumière disparut, Marinchè se serra instinctivement contre le mur. Elle jeta un coup d’œil à l’ouverture plus sombre dans le plancher par laquelle elle était arrivée, et envisagea un instant de s’y fondre. Mais elle avait mal partout, ses articulations la faisaient souffrir et le réduit dans le quel elle se terrait depuis plus d’un mois était humide et froid. Elle avait besoin de reprendre un peu « son souffle » hors de cet enfer, ne fut ce que quelques heures.

De son côté, Calmèque, toujours détrempé, avait du consentir à se rassoir par terre pour ne pas mouiller sa couchette. Et un moment, ce fut tout. La petite joute verbale entre eux deux avait pris fin, comme absorbée par l’obscurité. Et le silence avait repris ses aises, tout juste perturbé par les grincements du bateau malmené par l’océan. La lampe à huile couinait en se balançant au plafond et si on tendait l’oreille, on pouvait entendre des marins s’affairer sur le pont, des bruits de poulies et de cordages, la pluie ininterrompue aidée par le vent qui déversait son mépris en rafales à la gueule de l’orgueilleuse embarcation humaine.
Un tintamarre lointain.

Le petit Olmèque se sentait lasse. Cette situation avait quelque chose d’irréel et il se demanda un moment s’il n’allait pas se réveiller. Il ferma les yeux. Il n’avait plus envie de penser à rien. Et pourtant… « Torturé et brûlé vif par les prêtres fanatiques… » c’était la première fois qu’il arrivait vraiment à verbaliser cette peur et ça la rendait plus réelle.

Au bout d’un long, très long moment, la voix un peu calmée de la miss tinta de nouveau au milieu des ténèbres.

-C’est Mendoza qui est là-haut ?

Calmèque ré-ouvrit un œil et ne lui répondit qu’au bout d’une bonne minute.

-Oui.

-Je l’ai reconnu sur le port quelques jours avant de me faufiler à bord, dit-elle. Y’a pas mal d’aristos sur ce bateau… ils ont du mettre le prix pour que Mendoza soit leur navigateur.

Elle avait dit ça à la façon de quelqu’un qui pense tout haut. Sa voix était à peine audible. Sans doute à cause de la fatigue mais aussi pas peur de se faire entendre. Quoi qu’avec la tempête qui faisait rage, il y avait peu de chance pour que quelqu’un entende quoi que ce soit.

-Un si long voyage est toujours plus prudent sur un navire bien entretenu et avec un bon navigateur… conclut-elle presque pour elle-même.

Calmèque avait effectivement entendu Mendoza discuter avec un jeune homme quelques temps plus tôt lui expliquant qu’il avait patienté près de 2 mois au port de Lima avant de voir arriver un bateau apte à tenir la mer jusqu’en Espagne. C’est alors qu’il s’était fait connaître auprès du Capitaine et que celui-ci avait été enchanté d’annoncer à ses augustes passagers que leur Navigateur, s’ils y mettaient le prix, pourrait être un des meilleurs d’Espagne. Les aristocrates s’en étaient félicités et n’avaient pas hésité à y aller généreusement de leur poche, le Capitaine Diaz ayant raflé sa commission au passage.

« Y’a pas de petit profit. »

Ils en étaient tous les deux là… devenus muets après avoir craché leur fiel, adossés aux parois de la cabine, les yeux dans le vague, perdus dans leurs pensées, aussi brisé l’un que l’autre, conscients de marcher inexorablement vers une destinée peu enviable.

Calmèque fut pris d’un frisson, puis deux et au troisième, il décida d’ôter sa veste et sa chemise toujours plaquées par l’eau contre sa peau. De suite, Marinchè ne discernant pas grand-chose dans le noir s’inquiéta.

-Qu’est-ce que tu fous ?

Sa voix était à nouveau plus incisive.

-Je suis détrempé et j’attrape froid, c’est un crime ?

-Reste bien de ton côté, ne put s’empêcher de menacer l’Inca.

L’Olmèque leva une nouvelle fois les yeux au ciel.

-J’ai des défauts, mais je ne les ai pas tous, soupira-t-il d’une voix désabusée.

Et comme pour achever de la rassurer, il ajouta :

-Et puis sans vouloir te vexer, dans ton état tu ne donnes pas fort envie.

La fin de sa phrase se fondit dans une sorte de petit rire moqueur. Il s’en voulu presqu’aussitôt, mais elle l’avait cherché. Et puis même en guenilles et pouilleuse elle conservait une sorte de suffisance naturelle qui l’insupportait.

Il l’entendit se renfrogner dans son coin sans demander son reste. Il posa sa tête contre le bois de sa couche et tira à lui de tissus râpeux qui lui servait de couverture. Il frissonna encore une dizaine de minutes puis sentit que la fatigue le gagnait.

« Torturé et brûlé vif… »

Il fallait qu’il pense à autre chose…


Il se réveilla en sursaut. La tempête semblait avoir laissé place au calme.
On frappait à la porte. Lourdement. Il fallut qu’il soit dans un profond sommeil pour ne se réveiller que maintenant.

-Calmèque bon dieu ! Ouvre cette porte ou je l’enfonce !

Mendoza n’avait pas l’air de bonne humeur. Il se tourna et découvrit une masse figée sous les draps de sa couche.

« Elle manque pas d’air ! »

Il se releva, un peu raide et dégagea le loquet de la porte en se tenant la nuque.
Le regard courroucé de Mendoza l’accueilli.

-On peut savoir à quoi tu joues ?

Il lui tourna le dos, peu enclin à se faire engueuler une fois de plus et ralluma la lampe à huile. Sans un mot il récupéra ses effets restés à terre, parfaitement secs à présent, et se rhabilla sans hâte.

Mendoza était maintenant statufié devant la forme planquée sous les draps. Muet de stupeur. Ensuite, les yeux de Mendoza convergèrent dans la direction de l’Olmèque. Comme la porte de la cabine était restée grande ouverte, sentant le coup de semonce arriver, Calmèque, suivi du regard par le navigateur, referma la porte tout en reboutonnant sa chemise. Puis l’Espagnol parvint à articuler.

-Pendant que je risque ma vie, monsieur s’envoie en l’air ?

Calmèque affichait une expression étrange et ne répondit rien tandis que l’Espagnol en deux enjambées avait rejoint la couche et arraché le drap avec humeur.
Dès qu’il vit ce qui se cachait dessous, il détourna le regard et pris un air dégouté.

-Et avec un homme en plus, tu me répugnes.

Calmèque se contenta d’afficher une petite moue étrange, la situation avait quelque chose de cocasse, mais son intuition lui prédisait qu'elle risquait de devenir explosive d'ici peu, aussi jugea-t-il le moment opportun pour aller voir ailleurs.

-Je… j’ai besoins de prendre l’air, ça me fera du bien, assura-t-il en ré-ouvrant la porte, alors qu’il finissait de remettre sa chemise dans son pantalon.

-Toi, tu restes ici ! ordonna le navigateur.

Mendoza s’apprêtait à le rattraper quand la voix de Marinchè l’arrêta net dans son élan. Il se retourna comme un automate.

« Cette voix… »

On entendit les mouches voler.
Marinchè était misérable, les yeux implorants en direction de l’Espagnol. Elle avait l’air d’un chien battu. Les cheveux coupés trop courts, n’importe comment et de surcroit dégoutants. Couverte de plaies plus ou moins visibles sous ses guenilles crasseuses, elle était très amaigrie et avait le teint cireux. Elle tremblait, sans doute de peur, mais aussi peut-être de froid. On aurait dit qu’elle allait se mettre à pleurer. Elle faisait vraiment pitié.

« Quelle comédienne ! » se dit Calmèque.

Et c’est, profitant de cette diversion, qu’il s’éclipsa en silence.


Mendoza le retrouva accoudé au bastingage sur le pont près de la proue, plus de deux heures plus tard. Le soleil crevait les nuages ici et là et il ferait sans doute beau d’ici peu.
Il s’accouda à côté de lui, la moue aux lèvres. Un rayon de soleil plus hardi que les autres parvint à se frayer un chemin à travers la trame nuageuse et vint frapper leurs visages un instant, puis le reste du pont avant de disparaître, happé par le ciel.

-Tu sais que de dissimuler un clandestin est passible du même sort que celui de l’incriminé.

Sa voix était calme. Presque trop.

-Vous dites ça pour moi ou pour nous ?

L’Espagnol observa le silence encore un moment, comme cherchant lui-même la décision à adopter.

-Il reste encore deux bons mois de traversée, quelqu’un finira forcément par remarquer sa présence, déjà qu’il y a des soupçons.

-Oh Mendoza, je ne vous imaginais pas si poltron. Comme si ils allaient balancer leur navigateur à la flotte.

-Premièrement après avoir dépassé le Détroit de Magellan, n’importe quel marin expérimenté sera en mesure de mener ce navire à bon port. Et puis deuxièmement, il s’interrompit.

-Oui ? Et puis deuxièmement ?

-Laisse tomber !

Mais loin de laisser tomber, Calmèque vissa ses yeux dans ceux de l’Espagnol et attendit. Bien décidé à savoir.
Mendoza fit mine de ne rien remarquer mais savait qu’il en avait trop dit ou pas assez. Agacé, il lâcha le morceau.

-Deuxièmement, cette femme n’en vaut pas la peine. C’est une vipère qui ne manquera pas de nous poignarder dans le dos dès que la direction du vent aura changé.

Calmèque eut un rire amusé.

-A vous entendre, vous la détestez encore plus que moi.

Mendoza serra le poing sur le bastingage comme pour appuyer ses dires.

-A côté d’elle, t’es un enfant de chœur. Marinchè est une salope qui n’a pas une once de principe ! Et il est hors de question que je risque ma peau pour elle !

Une sorte de colère excessivement bien contenue animait Mendoza et Calmèque se fit la réflexion que l’Espagnol ne l’avait pas habitué à un tel comportement. Il fallait que son ressentiment soit profond pour réagir de la sorte. Il le dévisagea alors un long moment avant de replonger son regard sur la ligne d’horizon, au loin. Mendoza n’avait peut-être pas tort. Après tout, ils ne lui devaient rien à cette nana. Et pourtant… une forme d’intuition bizarre ne le quittait pas.

-Mais…, tenta d’argumenter l’Olmèque.

-Non ! trancha sèchement Mendoza. Elle retourne dans son réduit et on ne l’a pas vue ! Sinon je te jure que vous laisse tous les deux servir de hors d’œuvre aux requins !

Le petit homme soupira bruyamment, comme pour attester de sa résignation, mais n’en pensait pas moins.
-A vos ordres… obtempéra-t-il.

Mendoza s’attendait à ce que cette histoire fasse encore des remous, et passablement énervé par le risque que l’Olmèque leur avait fait courir, il partit se calmer à l’autre bout du pont, feignant de surveiller le cap.
Et le soleil sortit son nez pour de bon.

Calmèque en profita pour détacher ses cheveux, qui maintenus en catogan restaient humides depuis la veille.
Il les avait aussi lisses qu’un asiatique mais dénués de pigmentation, ils étaient d’un blanc immaculé. C’était malheureusement loin d’être le cas de sa chemise. Il la trouvait grisâtre et les manches en étaient un peu trop froissées à son goût. Il passa deux trois fois ses mains dessus en vain, le vêtement était sec, il aurait fallu le remouiller et…

« L’hygiène et la propreté étaient de vrais problèmes sur ce rafiot. » pensa-t-il.

Il s’étira alors discrètement, il se sentait courbaturé de partout pour avoir dormi assis. Sa nuque lui faisait mal et ne parlons pas de son dos. Il se dit alors que l’Espagnol avait vraisemblablement passé une nuit blanche et lui lança un regard. Il plissa les yeux, le soleil commençait à bien taper. Mendoza n’était plus là. Peut-être était-il parti rejoindre le quartier des officiers ou la cabine du capitaine afin de prendre son petit déjeuner.

Tandis qu’il laissait vagabonder ses pensées en scrutant le large, une voix le héla poliment.

-S’il vous plaît ?

Il se retourna et découvrit une jeune femme cachée sous une ombrelle. Elle était vêtue de foncé et sa peau était diaphane. Elle avait le port altier et un petit accent indéfinissable. Il lui sembla qu’elle souriait, mais il n’en était pas sûr. Elle détourna lentement la tête, les yeux dans le vide.

« Mmmm» souffla-t-elle.

Puis elle le regarda à nouveau et lui tendit d’un mouvement délié, une lettre cachetée à la cire.

-Vous remettrez ça à votre maître, Le Navigateur.

Un peu perplexe, Calmèque se saisit de la missive tandis que la jeune femme s’en retournait déjà vers les cabines. Il observa le bout de papier, protégé de la curiosité par un imposant cachet aux armoiries très ouvragées.

Une invitation galante ? Sans en être le moins du monde surpris, il avait pu constater que l’Espagnol avait son succès auprès de la gente féminine, il ne put malgré tout cacher son étonnement. D’ordinaire, les mœurs voulaient que ce soit l’homme qui fasse le premier pas et non l’inverse. D’autant que la demoiselle en question semblait de toute première « qualité ». Pas une de ces filles de mauvaise vie aux allures peu ragoutantes ou encore une courtisane qui une fois le fard et les atours ôtés sentait la luxure de la veille et les emmerdes du lendemain.

Calmèque ignorant où se trouvait Mendoza, décida de profiter du soleil encore un moment avant de partir à sa recherche. Après tout « Dame Ombrelle » n’avait pas précisé que le pli était urgent.
Modifié en dernier par Anza le 27 juin 2021, 09:36, modifié 3 fois.
8) Fane absolue de la 1ère saison, certes imparfaite, mais avec tant de qualités qu'on peut lui passer beaucoup de choses !
Perso préféré : Calmèque, cherchez pas, mon psy a jeté l'éponge ! MDR

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Re: FANFIC : "Au-delà des Mers" - republication

Message par Anza »

CHAPITRE 3

Apprentissage

Une demi-heure plus tard, il reprit ses cheveux à présent secs en une petite natte qui maintenait proprement ceux-ci en arrière et dissimulant par la même occasion une grande partie de ses oreilles problématiques.
Et c’est à regret qu’il quittât le pont baigné de soleil pour se diriger vers l’endroit le plus probable où Mendoza pouvait se trouver à cette heure. La cabine du Capitaine Diaz, pour prendre son petit déjeuner. Sur le chemin, il croisa le Second du Capitaine, un gars à l’allure sèche et froide, les traits du visage coupés au couteau, Jimenez. Comme il se devait, en le croisant, l’Olmèque baissa la tête et celui-ci ne sembla même pas le remarquer.

L’instant d’après, il frappait à la porte de la cabine du Capitaine comme il l’avait fait à plusieurs reprises depuis le début du voyage. Un serviteur ventripotent vint ouvrir, faisant barrage.

-Est-ce que Don Mendoza est ici ? demanda Calmèque.

-Oui, répondit platement le bonhomme à la panse avinée.

-J’ai un pli à lui remettre, dit-il en brandissant la lettre.

La vision du pli aux allures officielles fit courber l’échine du portier qui consentit à laisser entrer l’Olmèque.
L’ouverture de la porte fit se taire les quatre hommes assis autour d’une table copieusement servie. Mendoza qui reconnu son Olmèque fronça les sourcils en guise de question. Calmèque regarda l’Espagnol et se ravisa à l’idée d’exhiber le pli devant tout le monde. Il préféra faire comprendre au Navigateur qu’il fallait qu’il lui parle. Et Mendoza craignant qu’il n’y ait un souci avec leur clandestine accompagna Calmèque hors de la cabine sans discuter.

-Qu’est-ce qui se passe ? s’inquiéta vivement l’Espagnol.

-Pas de panique, Mendoza. C’est juste qu’on m’a demandé de vous remettre ceci et que j’ai jugé plus prudent de le faire discrètement. On ne sait jamais.

Mendoza se détendit instantanément et prit la lettre avec incrédulité. Il remarqua immédiatement le cachet aux armoiries compliquées qui scellait la missive.

-Qui t’a remis ça ? interrogea le Navigateur.

-Une femme, aristocrate, plutôt bien mise et… qui ne sentait pas mauvais, ce qui sur ce bateau est une preuve de savoir-vivre.

Et il renifla à l’attention de l’Espagnol qui comprit l’allusion.

-J’ai passé une nuit blanche sous une pluie battante à me démener contre l’Océan, se défendit-il.

Mendoza ne s’offusqua pas vraiment de la réflexion parce qu’il trouvait aussi qu’il devait se laver. Sur ce point, lui et l’Olmèque étaient d’accord la plupart du temps !
L’Espagnol décacheta le pli et le parcourut rapidement.
Il le replia une fois fini et le rendit à son « esclave » sans dire un mot, ce qui, il le savait, l’énerverait passablement. Il aimait bien l’asticoter quand il le pouvait.

-J’en déduis que vous ne me direz rien ?

Mendoza prit un air à la fois hautain et amusé.

-Pas un mot.

Mais tandis que l’Espagnol s’amusait à narguer « sa propriété », il commença à enlever patiemment le haut de ses vêtements pour finir torse-nu et à mesure qu’il enlevait ses frusques, il les tendait à l’Olmèque qui les attrapait de mauvaise grâce.

-T’as raison, ça sent vraiment pas bon. Va me les laver.

-J’ai une tête de blanchisseuse ? se vexa Calmèque.

Mendoza planta ses yeux dans ceux de son interlocuteur.

-A part de gargouille, t’as une tête de rien… alors démerde-toi, sois inventif !

Alors que le Navigateur s’en retournait à la cabine de Diaz, il lança encore à l’attention de l’Olmèque.

-Epate-moi !

Resté seul dans le couloir, il soupira très bruyamment « gargouille… » et faillit pester quand tout d’un coup une idée lui vint et cette seule pensée suffit à lui rendre le sourire.


Un peu plus tard, il venait de franchir la porte des cuisines. Il tomba nez à nez avec le cuistot, un petit bonhomme plutôt jovial qui ne dessaoulait presque jamais.
Quand il vit entrer l’Olmèque dans sa cuisine il se fendit d’une sourie.

-Ha ! Tu tombes bien ! Tu vas m’aider à balancer les épluchures par-dessus-bord !

Calmèque lui rendit son sourire.

-Pas de souci, mais t’aurais pas quelques coquilles d’œufs de ce matin ? lui demanda-t-il en passant en revue les quelques denrées en partie cuisinées qui se trouvaient sur le billot.

Le cuisinier s’étonna mais n’en fit pas une histoire.

-Bah si. Qu’est-ce que tu veux en faire ?

-Je les mange, lui répondit Calmèque en rigolant.

Le cuistot ne fit aucune réflexion, il en avait tellement vu au cours de sa vie en mer, plus rien ne pouvait le surprendre. Alors que ce personnage bizarre bouffe des coquilles d’œufs, pourquoi pas ? Du moment qu’il continuait tous les jours à venir lui filer un coup de main pour les ordures. Le petit bonhomme fit un petit tas dans un coin et sortit un petit baluchon de tissus blanc. Il noua le tout et le tendit à l’Olmèque.

-Tiens, comme d’habitude.

Calmèque prit son petit paquet qu’il planqua sous sa veste avant d’aider le cuistot à se débarrasser de ses poubelles. Une fois de retour en cuisine, les deux hommes se saluèrent et se souhaitèrent une bonne journée.
Il y a avait quelques chose que Calmèque avait appris au cours de sa vie, toujours ménager les « personnes ressources » et sur un bateau perdu en pleine mer, il n’y avait pas ressources plus vitales que l’eau et la nourriture. Aussi dès les premiers jours avait-il trouvé le moyen de s’assurer les bonnes grâces du cuisinier du navire, qui sait ce qui pouvait se passer.

Il regagna ensuite la cabine. Dans un coin de celle-ci, se trouvait une caisse bourrée à raz-bord d’agrumes que Mendoza avait pris soin de faire livrer avant d’embarquer. Il connaissait les ravages du scorbut. L’Olmèque prit trois citrons qui commençaient à montrer des signes de moisissure mais qui feraient parfaitement l’affaire pour sa mission.


Quand L’Espagnol reparut, il découvrit son linge occupé à sécher dans la cabine dans une odeur d’agrumes.
Assis sur sa couche, son Olmèque était adossé à la paroi du navire, la lettre de l’inconnue à côté de lui et prenant des notes sur un bout de papier posé sur ses genoux.

-Votre système d’écriture semble n’être formé que d’un nombre de caractères restreint. J’en ai dénombré une trentaine sur cette lettre, mais peut-être en manque-t-il ? Quoi qu’il en soit, poursuivit-il, on dirait que chaque caractère représente un son. Ca paraît assez facile.

Et il leva la tête pour voir si Mendoza confirmait ses déductions.
Le Navigateur passa ma main sur la manche de sa chemise qui pendait et la porta à son nez.

-Citron ? se contenta-t-il de dire.

-Oui… citron et coquilles d’œufs dans de l’eau bien chaude. Ca dégraisse, blanchit et sent bon.

Mendoza fit une moue impressionnée.

-Tu vois que t’es blanchisseuse…

Visiblement de bonne humeur Calmèque s’en amusa et taquina l’Espagnol.

-Et oui… comme quoi… alors c’est d’accord ? Vous m’épousez ?

Mendoza accepta de se détendre et de ne pas plomber l’atmosphère. Après tout, essayer de maintenir un climat agréable était profitable pour tout le monde. En cette fin de journée en tous cas, il n’avait pas du tout envie de casser la bonne ambiance. La journée avait été bénéfique et il savait qu’il avait marqué des points auprès de l’équipage après sa prouesse remarquable de la nuit précédente. Du coup, il obtempéra et s’approcha de l’Olmèque.

-26. Nous avons 26 lettres.

Calmèque en fut visiblement étonné, il avait relevé bien plus de caractères que ça. Mais Mendoza répondit à sa question muette simplement.

-Mais chacune de nos lettres peut s’écrire de quatre façons différentes. Et il faut ajouter à cela la ponctuation.

Mendoza s’assit à côté de l’Olmèque et prit la lettre à titre d’exemple.

-Ce pli est en caractères manuscrits puisqu’écrite à la main. Et il peut se composer de 26 lettres chacune écrite soit en majuscule soit en minuscule.

Mendoza pointa le début d’une phrase et le début de certains mots.

-En début de phrase, nous utilisons une majuscule, ainsi qu’au début des noms propres.

L’Olmèque fronça les sourcils en signe de concentration.

-Après il y a les caractères d’imprimerie, comme sur les cartes ou dans les livres. Les lettres sont sensiblement différentes de leur version manuscrite. Et il y a ensuite l’utilisation d’un certain nombre de signes qui forment la ponctuation, et l’association de certaines lettres qui forment de nouveaux sons.

Le cours se poursuivit jusque tard dans la soirée. Mendoza finit par se prendre au jeu et se découvrit des talents de pédagogue qu’il ne s’imaginait pas. En même temps, l’Olmèque était tout sauf un abruti, il assimilait vite et posait des questions pertinentes, ce qui ne rendait pas le cours rébarbatif. A l’heure du repas, Mendoza leur fit apporter le diner en cabine et pour la première fois il ne partit pas manger avec les officiers et partagea son repas avec son compagnon de voyage.

Tout en mangeant, Calmèque s’essayait à quelques exercices d’écriture. Formation des lettres, intervalles réguliers, domptage de la plume d’oie et de la juste quantité d’encre à utiliser,…
Il griffonna plusieurs mots avec autant d’application qu’il pouvait, mais à chaque fois qu’il rencontrait une résistance avec l’ustensile d’écriture, il pestait sans ménagement.

-Une plume d’oie ?!? Non mais sérieusement ! Ca fait peut-être très romantique mais j’ai jamais rien utilisé d’aussi archaïque… pourquoi pas des arrêtes de poissons tant qu’on y est ?!?

Mendoza s’amusait pas mal de le voir s’énerver comme ça. Calmèque avait beaucoup de mal à admettre qu’il n’arrivait pas à faire quelques chose du premier coup. C’est que ce petit machin était orgueilleux !

La nuit était calme, rien à voir avec celle de la veille et le Navigateur d’ordinaire plus prudent sur la boisson, s’était autorisé quelques verres de vin d’une excellente cuvée que le Capitaine gardait jalousement pour lui et ses proches officiers. L’alcool lui vissait un petit sourire taquin au coin des lèvres et le rendait beaucoup plus détendu qu’à son habitude. L’Olmèque s’en aperçu et se permit de le mettre gentiment en garde quand il le vit se servir pour la sixième fois.

-Si vous continuez, vous finirez votre nuit dans les bras de la première « syphilis » que vous aurez croisée et au petit matin, elle vous aura, en prime, détroussé du peu que vous possédez…

L’Espagnol le regarda en dodelinant de la tête.

-Tu es beaucoup trop sérieux Calmèque, lui reprocha-t-il d’un ton léger.

-On va dire ça, conclut l’Olmèque qui n’avait pas envie de batailler.

Après tout, le Navigateur était un grand garçon.

A cet instant, Calmèque grogna de désespoir devant la énième tache d’encre qui venait de ruiner ses efforts. Il invectiva alors l’Espagnol en brandissant la maudite plume.

-Vous savez ce que c’est ça ?

Mendoza arqua ses sourcils en signe d’ignorance.

-C’est une insulte à la bonne volonté !

L’Espagnol ne put que rire devant l’air dépité de son compagnon.

-Ca fait une heure que tu essayes, laisse-toi un peu de temps !

-Ouais, bah ça m’énerve… fit-il en boudant. Ca traverse des océans et c’est pas foutu d’inventer un stylo.

Pour essayer de dérider l’Olmèque et lui prouver que ses efforts n’étaient pas vains, Mendoza se mit en devoir de déchiffrer à voix haute ce qu’il avait essayé d’écrire, mais il trébucha misérablement sur les premières syllabes et écarquilla les yeux.

« Cal-Hayan Ezran Nati Mek-Enzi Ori Na… Gros pâté qui rendait le dernier mot illisible»

-Qu’est-ce que c’est que ce charabia ? balbutia le Navigateur

-Je sais pas, répondit l’autre ronchon. En secouant les quatre neurones encore à moitié sobres de votre cervelle, vous allez peut-être trouver…

Mendoza fit un effort de concentration en relisant attentivement la suite de mots sans signification. S’il n’avait pas bu, peut-être qu’il aurait compris, mais là… il devait admettre que le mystère restait complet. Il lui vint bien à l’idée que l’Olmèque n’avait finalement rien compris à leur système d’écriture, mais il préféra envisager une autre explication, sans quoi, il n’avait pas fini de l’entendre.

-C’est quoi ? implora le Navigateur après de longues minutes à se creuser la cervelle.

Calmèque soupira…

« L’alcool est une plaie. »

-C’est mon nom,… complet,… enfin presque, la fin est sous cette infâme tache noire, là…

-Merde… fit simplement l’Espagnol. Et moi qui trouvais nos noms ibériques compliqués.

Mais après un instant de stupéfaction, Mendoza revint à la charge.

-Mais… pourquoi on t’appelle « Calmèque » ? C’est le seul mot bizarre qu’il n’y a pas dans ta liste !

L’Olmèque fit claquer sa langue deux fois en signe de désapprobation, mais il n’était pas vraiment contrarié, c’était juste pour la forme, il se doutait bien que ces sonorités heurtaient les oreilles de l’Européen. Et c’est de bonne composition, profitant de l’excellente humeur de son « propriétaire » qu’il leva le voile sur ce mystère. Après tout, lui qui se plaignait d’un manque de communication avec l’Espagnol, pour une fois qu’il ne passait pas sa soirée à regarder le plafond… pendant que l’autre courait les jupons.

Il pointa donc du doit deux syllabes de la longue succession de noms : la première et une au milieu.

-Première syllabe de « l’ascendance », commença-il. Et première de la « branche d’origine ». On a coutume d’assembler les deux pour former le nom usuel. Ici c’est « Cal » et « Mek ».

Mendoza plissa les yeux pour faire lui-même l’association et vérifier les dires.

« Ah oui… »

-Mais en vrai, c’est quoi le prénom dans tout ça ?

-Au sens où vous l’entendez, ce serait « Calhayan », mais on ne s’en sert que pour l’énumération de l’ascendance, dans les registres et au moment des naissances,… c’est purement administratif.

Mendoza fit la moue. Une moue à la fois comique et circonspecte, que son absorption de vin rendait presque caricaturale.

-Bon là je suis trop éméché, mais faudra un jour que tu m’expliques comment un peuple stérile peut parler d’ascendance et de naissances…

Calmèque s’attendait à avoir un jour cette explication à donner. Fallait dire que ça lui pendait au nez, n’importe qui s’interrogeant cinq minutes à propos de son peuple finissait immanquablement par se poser des questions. Il était même étonnant que personne ne s’en soit jamais inquiété plus tôt. Ceci dit, si l’intérêt de l’Espagnol pouvait s’expliquer principalement par la boisson peut-être était-ce aussi le signe que leur « relation » évoluait.
Peut-être était-ce inévitable avec une telle promiscuité ?
Peut-être pas.
Quoi qu’il en soit, même s’il n’avait pas trop envie de rentrer dans les détails, il se sentait obligé de ne pas complètement fermer la porte. Il se fit alors la réflexion que l’ébriété de Mendoza pouvait peut-être l’aider.

-En fait, éméché ou pas, vous n’y comprendrez rien de toutes façons, lui assura-t-il en lui vidant le reste de la bouteille de vin dans son verre, alors autant que je vous explique maintenant. Comme ça ce sera fait.

En fait, il espérait que Mendoza n’oserait pas trop poser de questions embarrassantes à cause de son état second, comme si celui-ci le garderait confiné dans une sorte d’oisiveté cotonneuse de l’esprit.
C’était mal connaître Mendoza…

Calmèque se concentra un instant afin d’être le plus clair possible. L’idée était de l’assommer avec une succession de mots incompréhensible pour lui et de ne pas le laisser respirer, histoire de le perdre dans les nimbes de l’alcool et de ne plus avoir à revenir sur le sujet, même plus tard.
Il se racla le fond de la gorge avant de se lancer.

-Petit 1, on n’est pas stérile de fait, on est stérile de contexte.

« Ne pas laisser Mendoza l’interrompre avec des questions. »

Aussi quand il vit la bouche de l’Espagnol s’ouvrir pour l’interroger, il l’ignora et enchaîna rapidement.

-Quand les femmes ont commencé à diminuer en nombre dans notre peuple, nos ancêtres ont prélevé autant d’ovocytes que possible sur les femmes encore disponibles et ils ont été cryogénisés en vue de fécondations in-vitro futures. Depuis près de 400 ans, notre peuple survit de cette manière. Arrivé à un âge honorable où un Olmèque a rempli son devoir vis-à-vis de sa communauté, il « part en paternité ». En gros, un ovocyte lui est assigné en rapport avec son patrimoine génétique et on pratique une fécondation assistée en laboratoire. Dès que la mitose cellulaire commence, l’embryon est placé en incubateur et termine ses neuf mois de maturation jusqu’à sa naissance où il est pris en charge par son père. Et voilà ! C’est tout simple !

Mendoza lui lança un regard indéfinissable tandis qu’il finissait son verre de vin. Il prit son temps. Comme assimilant tant bien que mal cette débauche de jargon scientifique. Il soupçonnait d’ailleurs l’Olmèque de n’avoir fait aucun effort pour lui simplifier la vie, mais qu’à cela ne tienne.

« Tout se paye » se dit-il.

-Bon alors… je vais être franc Calmèque, je n’ai compris qu’une seule chose : vous baisez pas...

Calmèque se grata distraitement le crâne en jetant vers Mendoza un regard goguenard.

-C’est sûre que vous, vous pourriez pas… ,admit-il.

-Non mais… vous baisez pas ? insista l’Espagnol un peu lourdement.

-Je suis au-cou-rant, articula le petit homme avec fermeté, espérant que le Navigateur en resterait là.

-Non mais sans déconner, renchérit l’autre porté par l’alcool. Vous faites comment ? Vous… avez jamais envie ?

L’autre roula des yeux vers le plafond en inspirant bruyamment et en se laissant tomber sur le dossier de sa chaise.
Voilà LA discussion qu’il ne voulait pas aborder avec Mendoza. Pas avec ce Don Juan !

« Fais chier ! »

-On fait avec ! affirma-t-il sèchement.

Les yeux du Navigateur s’étrécirent jusqu’à ne devenir que de fines lignes sur son visage.

-J’en crois pas un mot… lâcha-t-il en dévisageant l’expression contrariée de son compagnon.

Au bout de quelques instants, Calmèque débraya un tout petit peu et obtempéra pour offrir un semblant d’explication. Obligé, sans quoi l’Espagnol ne l’aurait pas lâché.

-La nature est bien faite, affirma-t-il. Quatre cent ans sans nécessité de reproduction directe et notre libido est tombée à zéro. Ou quasiment.

Un silence gêné s’empara de la cabine accompagné de légères effluves de vin rouge et de viande fumée. Mendoza préféra ne pas préciser le fond de sa pensée tout haut puisque de toutes évidences ça crispait beaucoup son interlocuteur.

« Ou quasiment… »

Quelle taille pouvait avoir le fossé situé entre « zéro » et « quasiment zéro » ?
Mendoza continua de dévisager encore un instant le petit homme avant de se lever d’une traite et de sortir, le plantant là. Calmèque suivit des yeux la sortie précipitée de l’Espagnol et en demeura perplexe quelques instants avant de se concentrer sur son autre préoccupation.
Il frappa du pied deux fois sur le sol à l’attention des petits grattements qu’il percevait depuis plus d’une demi-heure.

-Y’a des planchers indiscrets par ici…, se plaignit-il tout haut.
Modifié en dernier par Anza le 28 juin 2021, 09:03, modifié 5 fois.
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Message par TEEGER59 »

Eh bien j'ai trouvé mon occupation pour ce soir. Je lirai ça en rentrant.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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Re: FANFIC : "Au-delà des Mers" - republication

Message par Anza »

TEEGER59 a écrit : 01 déc. 2020, 17:21 Eh bien j'ai trouvé mon occupation pour ce soir. Je lirai ça en rentrant.
J'espère que ça te plaira, je mettrai 3 chapitres de plus demain.

Bonne lecture
8) Fane absolue de la 1ère saison, certes imparfaite, mais avec tant de qualités qu'on peut lui passer beaucoup de choses !
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Message par TEEGER59 »

Calmèque, la crevette! :x-):

Quelques fautes relevées:
CHAPITRE 1.

De par son statut de Navigateur,...
Il ne lui fut guère compliqué d’introduire son Olmèque au milieu du beau monde...
un nom auprès de la Cours :arrow: pas de "s" à cour et "d" minuscule :arrow: D’Espagne ?
...mais les hommes firent choux blanc :arrow: pas de "x" à chou.
...dès qu’il arrivait dans son girond :arrow: pas de "d" à giron.
...pour découvrir un emplacement exigüe :arrow: pas de "e" à exigü.
...mais il n’évoluait pas vraiment sur ce bâtiment en qualité « d’homme libre ».

CHAPITRE 2.

...il en avait vu en masse dans les calles. :arrow: un seul "l" à cales.
...ne voulant pas statuer sur leur sort sans avoir le temps d’y réfléchir...
C’est le cadet de mes soucis, c’est pas toi qui risque d’être jetée par-dessus bord !
...ses articulations la faisaient souffrir et le réduit dans lequel elle se terrait...
Le petit Olmèque se sentait lasse :arrow: las. À moins que tu nous apprennes que Calmèque est une femme! :x-):
Il posa sa tête contre le bois de sa couche et tira à lui le tissus (pas de "s" à tissu) râpeux qui lui servait de couverture.
Je… j’ai besoins :arrow: (pas de "s" à besoin) de prendre l’air...

CHAPITRE 3.

Oui, répondit platement le bonhomme à la panse avinée.
Quand il vit entrer l’Olmèque dans sa cuisine il se fendit d’ un sourire.
Dans un coin de celle-ci, se trouvait une caisse bourrée à ras bord d’agrumes que Mendoza avait pris soin de faire livrer avant d’embarquer.
Le Navigateur passa ma (la ou sa) main sur la manche de sa chemise qui pendait et la porta à son nez.
C’est sûre :arrow: (pas de "e" à sûr) que vous, vous pourriez pas… ,admit-il.


J'adore le langage "fleuri" que tu emploies. J'ai beaucoup ri.
Marinchè est une sal*** qui n’a pas une once de principe ! 8-x
Sinon je te jure que vous laisse tous les deux servir de hors d’œuvre aux requins ! :x-):
J’ai une tête de blanchisseuse ? :x-): :x-): :x-): Non, une tête de gargouille!
Et oui… comme quoi… alors c’est d’accord ? Vous m’épousez ? :lol:
Bon alors… je vais être franc Calmèque, je n’ai compris qu’une seule chose : vous baisez pas... :x-): puissance 10!

Merci, merci pour cette bonne tranche de rigolade. Je t'en prie, continue! Le récit est passionnant et amusant! CLAP, CLAP, CLAP!
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
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Re: FANFIC : "Au-delà des Mers" - republication

Message par Anza »

Oh mon dieu, si tu veux corriger toute l'ortho, ma pauvre, t'as pas fini... je suis pas nulle, mais... je suis pas une "Capelovicette" ;)
Merci, je corrigerai, promis !

Sinon, merci pour les passages relevés qui t'ont plus, ça fait plaisiiir :)
Vraiment, merci ! Quand on écrit dans son coin, on s'amuse à écrire des choses qui nous font rire et on espère qu'on sera pas la seule à trouver ça drôle :)
Tu n'imagines pas à quel point ça fait du bien.
C'est gentil, merci !
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Re: FANFIC : "Au-delà des Mers" - republication

Message par Anza »

CHAPITRE 4

Un coup dans l'aile

Une voix étouffée lui parvint. Tout juste audible.
-Donne-moi quelque chose à manger. Les réserves de nourriture ont été mises sous clefs. Je meurs de faim…
Comme Calmèque ne semblait pas réagir, Marinchè se sentit obligée de marchander.
-Je peux t’aider à lire la lettre…
Elle attendit.
« Pourvu qu’il accepte… »
Marinchè était une femme d’une fierté hors du commun, mais là, elle n’en menait vraiment plus large et l’époque des airs hautains touchait à sa fin, s’il fallait qu’elle supplie, elle le ferait. Ce misérable Olmèque était son seul espoir de survie et elle ferait ce qu’il faut.
Tapie dans l’obscurité de son réduit, Marinchè frissonnait, de froid et d’angoisse, ses nerfs commençaient à la lâcher après plus de 34 jours de mers, de privations et de peurs. Elle entendit un frottement à quelques mètres d’elle, elle contint un cri d’effroi. Les rats… ils avaient de moins en moins peur d’elle et se rapprochaient chaque jour d’avantage.
-Je t’en prie Calmèque… aide-moi et je t’aiderai…
Sa supplique se perdit dans le silence et elle sentit des larmes lui monter aux yeux.
« Il ne fallait pas pleurer ou on allait l’entendre… ne pas pleurer… tenir bon… »
Un nouveau frottement… plus près…
Cette fois elle laissa un léger cri sortir de sa bouche qu’elle étouffa aussitôt de ses mains.
Elle tremblait.
« Ouvre-moi… ouvre-moi… ouvre-moi… par pitié… »
Au-dessus, Calmèque était partagé entre sa conscience et les directives de Mendoza. Il avait du mal à « oublier » purement et simplement la présence d’un cadavre en sursis sous ses pieds. Et en plus, à bien y réfléchir, il commençait à se demander si un tête à tête avec la noyade n’était pas plus enviable qu’avec l’Inquisition. Ca se bousculait dans sa tête, un peu trop d’ailleurs ! Et il se dit qu’il trancherait sur le sujet plus tard quand il aurait le temps pour y réfléchir. Là, Mendoza allait sûrement revenir et il n’avait que peu de temps.
Il ferma les yeux.
« Et merde ! »
Il ramassa sur la table en hâte quelques restes de pain, de viande fumée, quelques olives macérées et une orange. Bref, ce qui traînait et n’éveillerait pas l’attention de l’Espagnol. Il désolidarisa la planche sous sa couche et jeta presque sans regarder les aliments dans le trou. Mendoza allait sûrement revenir d’un instant à l’autre.
En voyant de la lumière parvenir jusque dans ses ténèbres, Marinchè cru que son cœur allait s’arrêter. Mais elle eut à peine le temps de passer ses doigts pour empêcher l’Olmèque de refermer aussitôt.
-Attends, je t’en supplie, laisse-moi sortir un peu.
-Impossible, il va revenir.
Et à cet instant, ils entendirent tous les deux la démarche du Navigateur dans le couloir. Marinchè récupéra ses doigts en vitesse et Calmèque replaça la planche avant de se relever et de prendre un air aussi naturel que possible.
Mendoza passa la porte avec son petit sourire narquois vissé aux lèvres, brandissant une nouvelle bouteille de vin. Calmèque demeura crispé dans une sorte de sourire déstructuré, heureusement, le Navigateur ne s’en aperçu pas. Il referma la porte et s’attabla comme s’il n’avait jamais quitté la pièce. Lançant à son compagnon de cabine un regard entendu, il l’invita à revenir s’assoir en sa compagnie. Il ouvrit la nouvelle bouteille et en huma exagérément l’arôme à la sortie du goulot. Calmèque savait que l’Espagnol allait le forcer à boire et ça ne lui plaisait pas du tout.
Et de fait, Mendoza se servit un verre et en remplit un second qu’il planta devant la chaise encore vide de son bonhomme. Sans un mot, Mendoza fit un signe de main lui intimant de regagner sa place. Calmèque fit « non » de la tête mais avec une conviction toute relative, il savait que ça ne servait à rien et que ses objections ne feraient que retarder l’inévitable. L’Espagnol avait apparemment décidé de l’initier aux « plaisirs » de l’alcool cette nuit et pas une autre !
Et c’est en traînant les pieds qu’il consentit à se rassoir.
-Je ne bois pas, soupira-t-il en regardant l’Espagnol d’un air presque plaintif.
-C’est bien le problème, assura l’Espagnol.
-Quoi ? fit l’Olmèque d’un ton sceptique. Je vais remonter dans votre estime dès l’instant où j’aurai vomi mes tripes par-dessus bord ?
-C’est pas impossible…
Calmèque opposa encore un peu de résistance même s’il la savait vaine. Il renâcla, les bras croisés en signe de protestation sous le regard toujours amusé du Navigateur qui avait décidé d’attendre patiemment que l’Olmèque se résigne et accepte qu’il n’avait d’autre issue que d’accepter. Et rien que ça, ça en valait la peine. Lui rappeler gentiment qu’il n’avait pas vraiment le loisir de refuser…
Il y a avait là un petit jeu de rapport de force nécessaire qui plaisait au Navigateur.
-En plus vous allez être déçu. L’alcool m’endort, ça me rend même pas plus marrant, lâcha l’Olmèque en dernier recours.
-Laisse-moi en juger…
Et sur ce, l’Espagnol poussa le verre un peu plus vers le rebord de la table. Insistant.
Lançant au verre un regard de dépit, Calmèque inspira très profondément avant de le saisir dans un mouvement d’humeur, de l’avaler d’une traite et de le reposer sur la table.
-Content ?
Mendoza se mit à rire d’une façon très élégante en remplissant le verre pour la seconde fois.
-Bon alors, petit un, si tu bois à cette vitesse, les choses risquent de devenir très amusantes bien plus rapidement que prévu. Petit deux, ce vin est un vrai nectar et tu me feras le plaisir de prendre le temps de le déguster un peu !

Une petite heure plus tard, Mendoza remplissait un cinquième verre. Calmèque lutait pour garder un minimum de lucidité, mais son manque d’habitude l’avait très vite mené à la frontière entre ce qui était contrôlable et ce qui ne l’était plus…
-Je vous déteste… lâcha-t-il d’une voix sourde.
-Ca fait dix fois que tu me le dis.
-Oui… mais je le pense de plus en plus…
L’Olmèque se cacha le visage de ses deux mains en maugréant.
-Je vois vraiment pas l’intérêt de se mettre dans des états pareils… c’est n’importe quoi.
Commençant de son côté à dessaouler lentement, Mendoza ne pouvait qu’apprécier la situation.
-Attends encore un peu… on y est presque.
-Où ça ?
-Au moment où tu vas enfin cesser d’être raisonnable.
-Mais vous espérez quoi exactement ? s’enquit le petit homme dont l’élocution devenait traînante.
-Savoir avec qui je voyage.
-Parce que vous croyez vraiment que je vais vous faire des confidences ?
Mendoza afficha une moue convaincue.
-Dans moins d’un quart d’heure, à n’en pas douter !
-Vous prenez vos désires pour des réalités… dans moins d'un quart d'heure, je me serai écroulé, c'est tout...
L’Espagnol lui décocha un sourire mystérieux.
-On verra…
Il s’écoula encore quelques minutes durant lesquelles le léger ressac du bateau combiné à l’ivresse achevaient de filer le tournis à l’Olmèque.
Patientant calmement, Mendoza en profitait pour grignoter quelques bricoles qui traînaient encore sur la table. Il eut une pensée comme il lui en venait souvent pour Esteban. Il espérait secrètement le recroiser à Barcelone ou ailleurs, un jour. Il imaginait mal ne plus jamais le revoir. Et pourtant, cette possibilité existait. A cette idée, il sentit quelque chose se serrer dans sa poitrine et il chassa rapidement cette sensation qu’il jugea « stupide ». Il fallait qu’il se change les idées. Du coup, il jugea que la « cuisson » de son Olmèque était à point et il passa à l’action.
-Bon ! fit-il sentant que son petit jeu pouvait démarrer. Je commence. Je m’appelle Juan Alejandro Lazaro Mendoza Alvarez y Cordero, né dans le sud de l’Espagne près de Séville il y a 38 ans. Mon père était un notable de la ville et ma mère une femme de petite noblesse. J’ai eu la chance d’étudier l’art de la navigation avec l’un des meilleurs du Royaume, ami de mon père, et grâce à lui je jouis aujourd’hui d’une excellente réputation…
Il s’interrompit, attendant une éventuelle réaction de son éméché mais celui-ci ne broncha pas. On aurait pu croire qu’il n’avait rien entendu, mais Mendoza était certain du contraire.
-A ton tour, conclut-il en incitant l’autre à se livrer.
Calmèque inclina sa tête très lentement et lui lança un regard médusé.
-Aller ! Insista le Navigateur. Ca va pas te tuer ! Ou je remplis à nouveau ton verre ! menaça-t-il en soulevant la bouteille.
Boire encore signifiait pour Calmèque le risque de perdre un peu plus le contrôle sur ce qu’il dirait ou non, alors il décida qu’il valait mieux essayer de limiter les dégâts.
-OK OK, consentit-il d’une voix timbrée différemment que d’habitude. Bon alors… Je m’appelle pas Juan Alejandro Mendoza Machin chose et je suis pas du tout né dans le sud l’Espagne.
-Mais encore ?
« La pompe est dure à amorcer, mais on va y arriver… »
-Mon nom est une longue litanie que vous avez déjà lue et que jamais vous ne retiendrez donc, on s’en fout.
Il marqua un temps d’arrêt, sans doute pour réfléchir aux infos qu’il lâchait ou pas mais aussi pour contrer un étourdissement. Le Navigateur le vit fermer fortement les paupières en soupirant. Il continua quand il ré-ouvrit les yeux.
-J’ai 36 ans et je suis né dans la région dite de «La Venta » sur un continent que vous autres, cons d’Espagnols…, avez pris pour les Indes, ironisa-t-il en narguant l’Espagnol. Je ne manquerai donc pas de venter votre excellente réputation de navigateur auprès de Kirshna la prochaine fois que je la verrai !
Calmèque rit de sa propre plaisanterie et s’en excusa quelques instants plus tard sans parvenir complètement à arrêter de rigoler. Ce qui constituait la preuve, s’il en fallait une, qu’il n’était plus tout à fait dans son état normal.
-Elle était facile, j’avoue…
Mendoza accepta la petite attaque de bonne grâce. Calmèque marquait un point. Vu qu’il allait sans doute perdre tous les suivants, Mendoza pouvait bien lui accorder celui-là.
Il attendit.
Le petit rire de l’Olmèque s’éteignit progressivement et il resta ensuite un long moment les yeux rivés sur le rebord de la table sans plus dire un mot. Lui forcer la main ne servirait à rien, Mendoza en avait la conviction, il fallait le laisser venir. Aussi, attendit-il patiemment qu’il reprenne la parole. Il paraissait perdu loin dans ses pensées. Des pensées qu’on devinait peu agréables à en juger par son expression. Et puis d’un coup, il eut cette phrase, prononcée dans un souffle et tombant comme une enclume.
-Apuchi était comme une prison… une prison triste et froide abritant l’agonie d’une race arrivée en fin de parcours…
Mendoza fronça les sourcils. Il ne s’était pas attendu à de tels mots, et surtout pas maintenant. Pas si vite. Et il dut se faire violence pour ne pas faire de bruit, malgré la stupéfaction. La moindre interférence aurait pu troubler le fil. Etait-ce l’alcool qui l’avait amené à faire cette confidence ? Ou l’envie d’en parler à quelqu’un depuis longtemps profitait-elle juste de l’excuse que l’ébriété lui offrait ?
Calmèque tourna la tête avec lassitude vers son pourvoyeur d’ivresse et lui offrit un sourire désabusé.
-C’est ce genre de choses que vous voulez que je vous raconte ? Vous voulez savoir si votre « gargouille », ironisa-t-il en reprenant le nom dont l’Espagnol l’avait affublé le matin-même, est capable de sentiments ? Ou si le fait d’être né avec de grandes oreilles fait forcément de nous des êtres sans âme ?
Il se tut, les yeux mi-clos. L’air profondément triste.
-Ne soyez pas stupide Mendoza. Personne n’est tout noir ou tout blanc. Nous ne sommes que des nuances de gris, coincés dans nos histoires et nos décors… Et je suis comme tout le monde…
Mendoza croisa les bras. Les choses ne se passaient pas comme il l’avait prévu. Il venait de se prendre une claque et de se faire remballer dans les cordes.
Depuis le début de leur voyage, Mendoza avait eu à plusieurs reprises la conviction, un peu dérangeante, que l’Olmèque n’était pas aussi lisse qu’il l’aurait voulu. Il aurait aimé garder de lui l’image d’un petit roquet à la solde se son Maître, dénué de toute forme de conscience. Le bras armé de Ménator, juste un pion à qui on disait « saute » et qui sautait sans poser de question. C’eut été tellement plus simple de le réduire à ça. Mais personne ne pouvait être aussi basique. Il en savait quelque chose.
L’Espagnol l’observa en silence de longues minutes. Un peu méfiant. Il se demandait si l’Olmèque n’avait pas retourné le petit jeu à son avantage en lui servant exactement ce qu’il espérait. Parce que, si ce qu’il prétendait était vrai, cela signifiait qu’il n’était pas aussi raccord qu’on aurait pu le croire avec son ancien Maître et… ça semblait peu probable. Mendoza avait encore en mémoire son zèle inébranlable. Le doute s’empara de l’Espagnol. Soit il devait accepter d’avoir peut-être mal jugé le petit homme ou alors celui-ci était un manipulateur qu’il convenait de garder à l’œil.
Il détailla la petite silhouette assise devant lui, les avant-bras posés sur ses cuisses, le dos courbé, la tête basse, le regard éteint, écrasé par l’alcool qui continuait à prendre le pas,… Il paraissait réellement affecté.
Mendoza était partagé, il lui faudrait creuser la question.
Doucement, il le vit entrouvrir les lèvres mais le son ne suivit pas immédiatement. Malgré l’alcool, il gardait l’esprit relativement clair, mais son corps fonctionnait au ralenti. C’était une réaction que Mendoza n’avait encore jamais constatée. Un décalage étonnant.
-Je voudrais me coucher s’il vous plaît. J’me sens pas très bien, finit par dire le petit Olmèque de façon presque inaudible.
Mendoza ne répondit rien.
-S’il vous plaît…, insista-t-il.
L’Espagnol hésitait entre l’envie de le pousser plus loin dans ses retranchements ou le laisser croire qu’il avait gobé son histoire. A bien y réfléchir, il se dit que cette dernière solution était la meilleure. S’il disait la vérité, il valait mieux le laisser tranquille pour le moment et s’il avait essayé de la lui « faire à l’envers », mieux valait qu’il le laisse croire qu’il avait un coup d’avance. Rien n’est plus imprudent qu’un manipulateur qui se croit hors d’atteinte.
Mendoza se tut donc avant de permettre à son compagnon de mettre fin à cette discussion d’un hochement de tête.
Calmèque se redressa donc et prit appui sur la table pour se lever, un peu oscillant. Et c’est sans échanger un regard que Mendoza le vit rejoindre sa couche d’un pas incertain et s’allonger sur le côté, tourné vers le mur, ramenant au maximum ses genoux devant sa tête, les bras par-dessus, enfouissant son visage en lui-même comme pour se protéger du monde extérieur. Comme l’aurait fait un enfant.
L’Espagnol resta pensif. Puis il jeta un coup d’œil à la lettre posée un peu plus loin sur la table et qui leur avait servi pour le cours d’écriture. Il repensa à ce qu’elle impliquait et réfléchit un moment. Il tendit le bras et la saisit. La relu.
Plusieurs fois. Il allait devoir donner une réponse. Il laissa un long soupir s’échapper. La proposition était alléchante mais elle le détournait de ses plans initiaux et ça l’ennuyait. Mais ne fallait-il pas savoir saisir les opportunités quand elles se présentaient ?
Quelle heure pouvait-il être ?
Il n’avait pas du tout envie de dormir, il tapota le papier de la lettre deux ou trois fois sur la table avant de le lâcher, de se lever et de quitter la cabine en quelques enjambées. Il avait envie de se changer les idées. Envie de compagnie féminine, d’un peu de douceur et de câlins. Et il savait qu’il n’aurait pas beaucoup de difficultés à trouver son bonheur. Une petite marquise avec laquelle il avait longuement conversé plus tôt dans la journée, saurait lui apporter le réconfort dont il avait besoin. Et s’il savait s’y prendre, peut-être que ses deux dames de compagnie feraient aussi partie de la nuit.
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8) Fane absolue de la 1ère saison, certes imparfaite, mais avec tant de qualités qu'on peut lui passer beaucoup de choses !
Perso préféré : Calmèque, cherchez pas, mon psy a jeté l'éponge ! MDR

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CHAPITRE 5

Des ennuis


Elle regardait en tremblant ce qui constituait son ciel depuis plus d’une trentaine de jours. Le souffle court, dans cette atmosphère confinée, elle s’entendait respirer beaucoup trop fort, chacun de ses mouvements lui renvoyant une distorsion d’elle-même. Elle n’aurait bientôt plus assez de force ni de raison que pour supporter cet emmurement. Elle aurait voulu dormir pour gagner quelques heures, sombrer et oublier le temps d’une courte trêve, relâcher ses muscles tendus à l’extrême, fermer ses yeux qui la brûlaient de rester grands ouverts en permanence, mais la peur des rats tout proches la tenait malgré elle dans un état second.
Elle ne tiendrait sûrement plus deux mois de cette façon. Elle avait présumé de ses forces.
Ca faisait un moment que les voix au-dessus d’elle s’étaient tues et que le silence avait figé les lieux.
Elle hésitait.
Elle avait entendu l’Espagnol quitter la cabine et savait qu’il ne reparaîtrait plus avant la fin de matinée. Quant à l’autre, il ne faisait aucun bruit. Sans doute dormait-il. Elle guettait les alentours, ses sens fatigués aux aguets. Ces maudis rongeurs étaient plus actifs la nuit et elle savait que des heures sombres se profilaient. Elle tendit ses mains dans le noir vers la planche amovible qui menait à la cabine de ses complices de fortune. Au moment du contact avec le bois, son angoisse redoubla, mais son instinct de survie fut plus fort et elle appuya avec prudence sur le seul obstacle qui la séparait de la délivrance.
La lampe à huile était restée allumée et se balançait doucement au plafond, faisant osciller une lumière réconfortante. Elle se faufila comme un chat et referma aussi silencieusement qu’elle le put, mais elle comprit vite que ses efforts n’étaient pas nécessaires, l’Olmèque dormait très profondément, recroquevillé sur lui-même.
Les yeux de la jeune femme s’animèrent en découvrant les reliefs du repas et elle ne se fit pas prier. Elle engloutit tous les restes qu’elle pu trouver et termina le fond de vin pour faire passer le tout. Elle se laissa alors tomber sur une des deux chaises et consentit à souffler un peu. Comme si le fait d’avoir pour la première fois depuis plus d’un mois l’estomac rempli lui procurait une sensation de sécurité.
C’est alors qu’elle vit la lettre traîner sur la table. La curiosité la fit sourire et c’est avec un rare plaisir qu’elle lu la missive. A la fin de celle-ci, une petite moue vint danser sur ses lèvres. Et elle sursauta en entendant l’Olmèque bouger. Elle le surveilla quelques instants afin d’être certaine qu’il dormait bien. Fausse alerte, celui-là avait eu son compte. Mendoza l’avait fait boire et il ne risquait pas de se réveiller de si tôt. Elle se détendit à nouveau. Son regard convergea alors vers la couche du Navigateur. Elle était quasiment sûre que l’Espagnol était absent pour la nuit, mais un léger doute subsistait, la rendant hésitante. Elle tendit l’oreille, guettant d’éventuels bruits de pas, mais tout était silencieux dans le couloir et elle se risqua, se jurant de se réveiller assez tôt que pour regagner sa cachette à temps. Elle s’allongea et se recouvrit de la fine couverture, s’endormant presqu’instantanément.

Elle fut réveillée par un léger secouement. Des raies de lumière filtraient aux travers des interstices des planches du navire. Le soleil était levé depuis un moment. Elle se leva d’un bond ce qui eut pour conséquence de saisir l’Olmèque qui fit deux pas en arrière.
Il lui fallut quelques secondes avant de reprendre pied, le cœur battant.
Le navigateur n’était pas encore revenu. Quelle heure pouvait-il être ? Elle jeta à l’Olmèque un regard étrange. Enfin, c’est lui qui le jugea étrange mais en même temps, une migraine lui cognait les tempes rendant son jugement très relatif.
-Tu vas nous faire tuer, lui reprocha-t-il.
-Si j’étais restée là-dedans cette nuit, je me serais faite bequetée par les rats ! C’est facile pour toi de critiquer, mais c’est pas toi qui rampe dans le noir depuis un mois !
Et sur ce, elle se leva et à regret regagna le trou qui menait à sa planque. Elle n’avait aucune envie de replonger dans cet enfer mais savait son sort scellé. Calmèque soupira et elle ne sut pas s’il s’agissait d’abattement ou d’agacement. Peut-être un peu de deux. Et elle le vit sortir.

Quand il revint dans la cabine une demi-heure plus tard, la jeune femme avait rejoint son réduit et l’endroit était désert. Il était aux alentours des neuf heures du matin et Calmèque savait que Mendoza ne re-pointerait pas son nez avant le milieu d’après-midi au plus tôt. A cette heure il était encore entre les bras, ou les jambes, de sa dernière conquête.
Quelques planches de bois récupérées dans la calle, un marteau et de longs clous, voilà ce qu’il avait ramené.
Le visage figé dans une expression d’inconfort due à sa gueule de bois, il ouvrit la cache et héla discrètement la clandestine qui ne se fit pas prier.
-Quoi ?
-Sors de là ! Mendoza reviendra pas avant des heures, dit-il d’une voix éraillée.
Marinchè sortit en hâte et s’assit sur la couchette de l’Olmèque en l’observant. Il ne lui avait pratiquement pas adressé de regard. Il avait quelque chose derrière la tête et elle se demandait ce que c’était sans oser lui demander.
Elle le vit chipoter quelques minutes avant d’insérer une des planche dans la cache et de l’entendre mettre quelques coups de marteau. Intriguée, elle descendit de la couche et vint se placer à côté de lui afin de percer le mystère de ce bricolage matinal. Quand elle comprit, elle en fut médusée. Il était occupé à restreindre l’accès au petit espace situé sous sa couchette de telle sorte qu’il ne communique plus avec le reste du réduit. Si elle avait été dans sa cachette à cet instant même, ça l’aurait empêché de pouvoir réemprunter le passage vers la cabine du Navigateur, mais vu qu’elle était dans la cabine…
-Ni confortable, ni enviable, mais au moins les rats ne pourront pas t’atteindre, lâcha-t-il finalement en terminant son ouvrage.
Il se tourna vers elle, l’air passablement fatigué.
-Mais faudra te tenir tranquille. Si Mendoza s’en rend compte… ça va barder pour nous deux…
Marinchè se sentit obligée de le remercier mais elle n’y parvint pas et Calmèque soupira en fermant les yeux.
-De rien. J’adore risquer ma vie, lui lança-t-il en quittant les lieux.



Les jours qui s’en suivirent furent sans surprise. Mendoza gardait le silence la plupart du temps, Calmèque aussi, leur soirée commune avait jeté un froid entre les deux hommes. L’Olmèque lui en voulait de l’avoir mis dans une situation qu’il jugeait indécente et Mendoza ne savait plus trop quoi penser de lui, hésitant entre deux inclinaisons radicalement opposées, ce qui le mettait très mal à l’aise. Du coup, ils s’évitaient la plupart du temps et Mendoza avait pratiquement déserté la cabine pour ne réapparaître que sporadiquement. Quant à Marinchè, Calmèque l’entendait à présent respirer chaque nuit à quelques centimètres sous lui et dès qu’il en avait l’occasion, il lui glissait de la nourriture ou la faisait sortir pour qu’elle puisse se « déplier ».
Les choses auraient sans doute pu se dérouler de la sorte sagement encore longtemps, mais tous moments de quiétude ont une fin.

Il faisait magnifique en cette après-midi, la mer était calme, les clapotis sur la coque étaient une musique reposante et Calmèque profitait de ce qui aurait pu être un moment de pur bonheur si l’angoisse de l’Inquisition ne venait pas continuellement le hanter.
Il y avait du monde sur le pont, tout ce que le bateau comptait de personnes de qualité était de sortie. Près de la barre, il vit le Capitaine Diaz, son Second Jimenez et Mendoza discuter de la trajectoire en consultant une carte. Diaz avait souhaité faire un détour pour se ravitailler sur une petite île abritant un comptoir commercial. Et les trois hommes discutaient de la faisabilité de l’entreprise. Mendoza n’était pas chaud, il aurait pour sa part préféré ne pas se détourner de leur route, mais le Capitaine Diaz avait souligné l’importance de se ravitailler en nourriture et eau potable, mais en réalité, ce qu’il voulait vraiment, c’était de faire le plein de précieuses marchandises qu’il pourrait négocier à prix d’or une fois arrivé à Barcelone. Diaz avait proposé une belle rallonge au Navigateur pour le convaincre et ce dernier avait fini par céder.
Le petit mutant était là, à regarder gesticuler tout ces gens quand une voix qu’il avait déjà entendue vint tinter à son oreille. Il tourna la tête, plus pour avoir un contact visuel que pour avoir confirmation.
« Dame Ombrelle »… il l’avait presqu’oubliée. Elle et sa lettre, que Mendoza avait récupérée et cachée on ne sait où, pour éviter sans doute qu’il ne la lise.
Comme à leur première rencontre, elle était vêtue de sombre et se cachait sous sa protection solaire, le visage dissimulé dans l’ombre. Et comme la première fois, elle lui adressa la parole sans lui accorder un regard, feignant de trouver la ligne d’horizon plus distrayante.
-Votre Maître a-t-il donné une réponse ?
Calquant son comportement sur celui de la femme, il s’accouda au bastingage et noya ses yeux au loin.
-Je pensais qu’il vous aurait contacté directement.
-Il aurait pu…
Etait-ce un reproche ? Difficile à dire.
Elle avait une façon très étrange de s’exprimer, traînante, vaporeuse… il se dit que ça se voulait sans doute raffiné. Mais il trouvait ça, pour sa part, assez dérangeant. Il fallait dire que ses oreilles n’étaient pas qu’une décoration, elles lui offraient une bien meilleure ouïe que le commun des mortels et certains sons, certains timbres de voix, inflexions à peine perceptibles étaient pour lui très révélateurs. Et cette femme se donnait beaucoup de mal pour rendre chacune de ses phrases blanches et monocordes. Comme si cacher ses émotions étaient le top de la bienséance. Il se promit de se pencher sur la question à l’occasion.
-Faut-il que j’insiste auprès de lui ? demanda Calmèque.
-Et bien… plus que quelques semaines avant notre arrivée à Barcelone et nous aimerions être fixés, oui.
Elle tourna les talons après avoir gardé le silence un court instant comme pour garder en mémoire les couleurs du ciel et de la mer.
-Dites-lui bien que son prix sera la nôtre et qu’il ne doit pas avoir peur d’être indécent. L’argent n’est pas un problème.
Et sur ce, elle s’en retourna à l’intérieur.
Calmèque jeta un coup d’œil aux trois hommes près de la barre et il vit que Mendoza avait remarqué la scène et qu’il lui lançait un regard interrogateur. L’Olmèque ne broncha pas, il lui en voulait toujours. Tout esclave qu’il était, il avait décidé que si Mendoza voulait savoir, il devrait mouvoir son auguste personne jusqu’à lui. Du coup, il se détourna et replanta ses yeux sur le large, sachant que l’Espagnol ne tarderait pas à venir satisfaire sa curiosité. Et de fait, Mendoza arriva d’un pas lent à sa hauteur moins de cinq petites minutes plus tard.
-Ca y est ? Tu dragues ? fit-il calmement en essayant de plaisanter
Calmèque resta de marbre.
-Elle veut connaître votre réponse par rapport à la lettre.
Mendoza laissa un petit soupir lui échapper et Calmèque renchérit en lui signifiant que l’argent n’était pas un problème et qu’il ne devait pas hésiter à taper très fort pour le prix.
Le problème redouté par le Navigateur pointait son nez, doucement, le mettant au pied du mur. Il allait devoir rendre sa décision.
-Tu fais la gueule ? demanda-t-il alors à son compagnon de route après quelques minutes à contempler le bleu profond de l’océan.
-Non.
-C’est bien imité pourtant.
L’autre ne répondit rien.
-Si je le tolère Calmèque, c’est uniquement parce que j’en porte la responsabilité, mais ne pousse pas le bouchon trop loin.
-Reçu, finit par lâcher platement l’Olmèque.
Le Navigateur ne sut pas quoi répondre. Depuis leur fameuse soirée, l’Olmèque s’était montré plus froid qu’une porte de prison. Mendoza hésitait. Son indécision quant aux raisons profondes et réelles qui animaient son compagnon le travaillait toujours. « Pouvait-il lui faire confiance ? » Voilà qui était une sacrée bonne question !
C’est à cet instant que l’attention de Mendoza fut attirée au loin, sur un point à l’horizon qu’il pensait avoir aperçu et qui avait disparu aussitôt. Il plissa les yeux et concentré au maximum, il scrutait la ligne où le ciel et la mer s’embrassaient.
« Pourvu que j’ai rêvé… »
Les mains de l’Espagnol se crispèrent sur le bastingage et le point à l’horizon réapparut une fraction de seconde pour re-disparaître, happé par les flots. La respiration de Mendoza se figea et Calmèque prit conscience que quelque chose se passait. Instinctivement, il regarda dans la même direction que l’Espagnol et ne tarda pas à voir la même chose que lui.
-Je savais qu’il n’était pas prudent de nous écarter de notre route ! maugréa le Navigateur. On a été pris en chasse !
Il planta là l’Olmèque et regagna la poupe du navire, près de la barre où se tenaient encore le Capitaine et son Second. Calmèque les vit s’afférer brusquement et se mettre à balayer le lointain avec leur longue-vue. Il visa encore l’horizon et le point grossissant doucement était bien là. D’autres personnes sur le pont commencèrent à chuchoter et à scruter le lointain.
-Des Pirates ! cria l’un d’eux.
Et une panique sans nom s’empara de tout ce qui se trouvait sur le pont. En moins d’une minute, il n’y avait presque plus personne. Seuls les membres de l’équipage et quelques âmes plus curieuses que peureuses étaient restées. Silencieuses.
Mendoza revint près de Calmèque, l’air sombre.
-Leur voilure est plus grande que la nôtre et leur navire est plus léger. Ils battent pavillon noir. Ils seront sur nous d’ici une demi heure si les courants leurs sont favorables. Une heure tout au plus. Il se ré-appuya sur le bastingage, comme cherchant à savoir quelle était la meilleure stratégie, et d’instinct il posa sa main sur le pommeau de son épée.
-J’espère pour toi Calmèque que tu sais te défendre.
Calmèque fit la grimace.
-On n’a pas d’armement plus sophistiqué que ça ?
Mendoza eut un petit rictus.
-On a des canons, mais ils en ont aussi ! Le gros des combats aura lieu sur ce pont, en corps à corps. Ils ne courront pas le risque de nous mettre par le fond, ils en veulent à notre cargaison.
-Qu’est-ce qu’on transporte d’aussi précieux ? s’étonna l’autre.
-Rien ! Mais ça ils ne peuvent pas le savoir tant qu’ils ne l’ont pas constaté par eux-même. Et comme nombre de bateaux retournant en Europe sont chargés d’or…
Calmèque prenait conscience de la merde dans laquelle ils se trouvaient.
-Et ben… c’est pas les aristos qui vont nous aider.
-Je te l’confirme.
Mendoza semblait vraiment inquiet et c’est ça qui finit de convaincre l’Olmèque que la situation était grave. Le Navigateur n’était pas homme à se laisser démonter facilement.
-Viens ! ordonna l’Espagnol.
Et ils partirent tous les deux en direction des cales non sans avoir jeté un dernier regard à la menace.
Une fois dans les entrailles du navire, Mendoza inspecta en connaisseur l’état des canons, les marins étaient déjà à leur poste. Jimenez surveillait la manœuvre. Deux hommes par pièce d’artillerie. Il y en avait vingt de chaque côté. L’endroit sentait la poudre et la sueur. La peur était là, elle aussi, palpable, sur chaque visage, dans chaque souffle. Mendoza colla brusquement une épée imposante dans les mains de Calmèque et l’extrémité de celle-ci retomba sur le sol avec fracas.
-T’en auras besoin !
Calmèque se saisit de l’arme à deux mains et la souleva péniblement.
-Vous avez pas plus lourd ? ironisa-t-il. Non parce que celle-là elle fait deux fois mon poids.
-Démerde-toi.
Le Navigateur quitta la cale accompagné de son Olmèque qui peinait avec sa charge.
-La vôtre est plus légère, insista Calmèque. On échange ?
-Hors de question ! Une arme maniable est indispensable pour rester en vie !
Calmèque s’immobilisa dans la coursive et fit la moue. Mendoza s’arrêta quelques mètres plus loin.
-Si t’es pas content, tu peux aller demander un couteau à ton copain cuisinier.
Un bruit de ferraille retentit tandis que l’épée tombait au sol, lâchée par le petit homme.
-Excellente idée !

Le cuisinier n’était pas dans sa cuisine et avait déjà embarqué les grands couteaux. Il ne restait que quelques « épluche- légumes » émoussés et un petit couteau à dépecer d’une dizaine de centimètres.
« Ca fera l’affaire ».
Et il le passa dans sa ceinture.
Les Olmèques apprenaient à se battre en faisant de leur petite taille et de leurs aptitudes physiques particulières de vrais atouts en corps à corps et le tranchant d’une lame ne lui serait sans doute pas très utile, mais « on ne sait jamais ».

Le pont avait des allures de ville fantôme et même le soleil s’était fait la malle. La barre avait été encordée pour qu’on n’ait pas à s’en soucier pendant l’affrontement et que le cap ne soit pas trop modifié. Tout ce que le bateau comptait d’hommes en mesure de livrer bataille attendait. Crispés. Concentrés. Tâchant de tromper leur peur du mieux qu’ils pouvaient, ils observaient l’impressionnant bateau pirate fondre inexorablement sur eux.
Mendoza bourrait calmement son pistolet avec de la poudre et une balle unique qui pourrait lui venir en aide au moment opportun. Il avait aussi enlevé sa cape, afin de que celle-ci ne le gêne pas pendant les combats. Ce ne serait pas la première bataille à laquelle il prenait part, il était aguerrit aux combats et avait servi quelques années dans la cavalerie royale. C’était un homme d’action et de terrain. Son Lieutenant d’alors avait souhaité le voir embrasser une carrière prometteuse d’officier, mais le Navigateur avait préféré retourner en mer. Rien n’égalait cette impression de liberté qu’offrait l’Océan à qui savait le comprendre. Et Mendoza aimait le bruit des voiles dans le vent, l’odeur des embruns et du sel, l’immensité de l’eau qui savait le calmer quand son cœur débordait d’émotions, le mystère des profondeurs cachés sous la coque, les coups de gueule de l’Océan, sa force et son implacabilité et puis… le plaisir de regagner un port après une longue traversée…
La Mer le rappelait toujours. Où qu’il soit.
A ses côtés se tenait « sa gargouille ». Il n’avait pas l’air nerveux, mais il était tendu, les sens aux aguets.
-Va-t-on faire feu ? interrogea l’Olmèque.
-Quand ils nous prêteront le flanc pour pouvoir nous aborder, on aura la possibilité de lancer deux ou trois salves maximum.
Le bateau n’était plus qu’à cent mètres et on pouvait discerner les assaillants à la proue du navire, prêts à bondir au bon moment. Une petite odeur âcre et désagréable parvint au nez de l’Olmèque qui ne fut en mesure de l’identifier.
Quelques instants plus tard, le navire était quasiment sur eux. C’était un bateau aux dimensions impressionnantes, à la coque sombre, dont le bois avait été blessé et entaillé par les nombreux affrontements, à la voilure gigantesque et à l’équipage inquiétant qui à leur approche s’était mis à pousser des cris étranges, à mi-chemin entre les cris de guerre et les cris d’animaux enragés. Ca foutait froid dans le dos.
Et l’effervescence qui régnait sur le bateau ennemi contrastait avec le silence qui s’était emparé de « La Myrta », la nef espagnole.
Mendoza se tenait prêt, il attendait que le bateau assaillant n’amorce sa manœuvre d’abordage. Il s’apprêtait à entendre toner les canons. Certains navires se débarrassaient de leur armement afin d’alléger leurs calles et pouvoir embarquer plus de trésors, leurs ennemis ne pouvaient donc pas être certains qu’ils soient armés ou non.
Encore quelques instants, le choc était imminent. Le bruit des cris devenait difficilement supportable et la plupart des marins avaient déjà dégainé leurs épées. Mendoza ne faisait pas exception.
Encore quelques secondes…
Le navire des pirates était à présent presque à porté de tires, mais pas encore dans la bonne position.
Et pourtant la détonation déchira le temps en deux. Avant et après le premier coup de canon.
Les projectiles tombèrent presque tous à l’eau mais ceux qui atteignirent leur cible firent de beaux trous dans la coque.
-C’est trop tôt ! cria Mendoza. Il fallait attendre qu’ils nous offrent leur flanc !
Mais sa voix se perdit dans les cris et le brouhaha qui s’amplifiait.
L’Espagnol jura copieusement avant de voir les premiers cordages d’abordage se planter tout autour de lui et de voir les pirates commencer à les emprunter pour gagner leur navire. Il se mit en garde et coupa autant de cordages qu’il pu, ce qui mit quelques pirates à l’eau. Mais pour une corde coupée, deux autres étaient lancées, le combat ne se gagnerait pas de la sorte !
Les premiers pirates parvenant à mettre un pied sur la nef furent accueillis par une marrée humaine déchaînée lutant pour sa survie et les premiers corps à corps débutèrent. Les lames se heurtaient avec violence et on frappait presque au hasard sur tout ce qui semblait vouloir du mal, pourvu que la personne agonisante à terre dans son sang ne soit un autre que soi. C’était la seule règle.
Mendoza se battait comme un diable. Transperçant autant de corps qui se présentaient devant sa lame. Il était excellent, maîtrisant l’escrime de façon étonnante.
Durant un bref instant de répit, il eut le temps de voir que Calmèque n’avait rien à apprendre non plus en matière de combat. Pris à parti par deux gaillards deux fois plus grands que lui, Il le vit prendre son élan depuis le sol et enfoncer l’arrête nasale du premier et dans un mouvement et une détente qui tenait du félin, il avait coincé le cou du second entre ses cuisses et lui avait brisé la nuque sans ménagement.
« Pas besoin de s’inquiéter pour celui-là… »
Et Mendoza replongea dans la fureur de la bataille.

« Manquait plus que ça ! » se dit Marinchè.
L’œil vissé au niveau d’une planche disjointe de la coque, elle essayait de voir comment les choses tournaient, mais depuis son poste d’observation, on ne pouvait pas discerner grand-chose. Elle pestait, tentée de retourner se cacher dans son réduit. Si les pirates l’emportaient, elle ne préférait pas savoir quel serait son sort. Ces brutes abuseraient d’elle sans relâche jusqu’à ce qu’ils la revendent et qu’elle finisse sa vie dans la puanteur d’un bordel quelque part sur une île au large de nulle part, repère de flibustiers entre deux traversées. Elle deviendrait une putain exotique dont les marins raffolent. Cette pensée lui fila la chair de poule.

Sur le pont, les combats avaient commencé plus d’une demi heure plus tôt et le paysage se clairsemait doucement. Bien des hommes jonchaient le sol, morts ou dans les derniers instants de leur agonie. Les canons s’étaient tus assez vite, causant trop de dégâts collatéraux. A la faveur d’une accalmie, Mendoza reprenait son souffle, appuyé au mât de misaine quand il fut surpris par un homme qui se jeta sur lui par derrière et qu’il n’avait pas entendu venir. Il eut à peine le temps de lui faire face que ce dernier était déjà sur lui. C’était un pirate de très grande taille, à la force et la carrure impressionnante, Mendoza esquiva sa dague de justesse mais eut toutes les peines du monde à le repousser. L’homme étant trop près de lui, son épée ne lui était d’aucune utilité. Ils se jaugèrent un court instant avant que l’énorme pirate ne se rejette sur Mendoza de toutes ses forces. L’Espagnol grimaça sous le choc et sentit son souffle se couper sous la pression qu’infligeait le colosse à son cou avec ses avant-bras, coincé qu’il était entre le pirate et le mât. Et d’un coup, Mendoza vit les yeux du pirate s’arrondir de surprise, sa bouche se figer dans une expression indistincte et la pression de ses avant-bras se relâcher.
L’instant d’après, la montagne de muscles s’écroula au sol, un couteau planté dans la nuque.
Mendoza porta sa main à son cou, et toussa deux trois fois, le temps de reprendre ses esprits.
-Je vais le garder celui-là, il est bien équilibré.
Calmèque venait de récupérer le poignard qu’il avait lancé pour abattre le pirate et en essuya la lame sur les vêtements de celui-ci. Puis il le considéra un court instant à la faveur de la lumière avant de le rengainer à sa ceinture, satisfait. Il en avait récupéré plusieurs au fil de la bataille dont il s’était séparé presqu’aussi tôt. Cette arme-ci était la seule qui valait la peine d’être conservée.
-Je suppose que je dois te remercier ? articula l’Espagnol.
-Je suppose que oui… mais vous n’en ferez rien. Alors oublions ça.
Modifié en dernier par Anza le 08 juin 2021, 11:46, modifié 3 fois.
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CHAPITRE 6

On respire !


Les deux hommes s’observèrent un bref instant avant de reporter leur attention sur les combats qui en raison de la fatigue commençaient à ressembler à du catch. Contre toute attente, les pirates perdaient du terrain. Il ne restait qu’une dizaine de corsaires plus morts que vifs tous pris à partis par deux ou trois marins de La Myrta. Calmèque fit le tour du pont des yeux, analysant la situation au même titre que le Navigateur.
– Nous avons gagné, fit-il platement.
– Oui, acquiesça l’Espagnol. Étonnamment…
– Certains d’entre eux ne semblaient pas physiquement en grande forme.
– Scorbut, dit simplement le Navigateur.
– Vous croyez ?
– J’ai l’habitude de remarquer les premiers signes de ce fléau. Jambes gonflées et ecchymoses en quantité anormale. Associé à une grande faiblesse générale.
Un rapide coup d’œil aux dépouilles autour d’eux permis à Calmèque de constater que l’Espagnol avait sans doute raison. Mendoza lança un regard au navire ennemi.
– Nous en aurons le cœur net en le fouillant. Je suis certain qu’on n’y trouvera rien d’adéquat niveau nourriture.
Ils gardèrent le silence un moment, un peu vides. Sonnés et épuisés par l’effort intense fourni cette dernière demi-heure. Puis une idée vint éclairer le regard de l’Olmèque.
– Dites-moi Mendoza, les pirates font-ils des prisonniers ?
– Ca arrive quand les prisonniers ont une quelconque valeur. Pourquoi ?
– C’est donc plus souvent des femmes que des hommes, n’est-ce pas ?
– Où veux-tu en venir ?
L’Olmèque lui sourit.
– Vous n’avez plus besoin de moi ici ! lança-t-il avant de tourner les talons et de disparaître dans le ventre de La Myrta.
Mendoza le regarda partir, sans aucune envie de le suivre, son attention très vite ré-accaparée par les restes du combat en cours. Il acheva sans difficulté un pirate déjà à moitié mort qui arriva à sa portée et il échangea un salut de la main avec un matelot qui devait être son adversaire de départ. L’Espagnol fit un tour complet sur lui-même afin de contrôler son espace et ne plus se laisser surprendre. Mais il n’y avait vraiment plus grand-chose à craindre.

De son côté, l’Olmèque entra en trombe dans la cabine et y découvrit sans surprise que Marinchè avait préféré se cacher dans son petit « habitacle personnel ». Pressé par le temps, Calmèque appela la jeune femme et lui intima de sortir de sa cachette.
– Marinchè, sors de là ! Magne !
La planche sous la couche s’ébranla et l’Inca pointa son nez hors des ténèbres, un peu méfiante.
– Quoi ?
– Dépêche-toi ! Sors !
Pour qu’elle accélère le mouvement, il l’attrapa pas le bras et la fit sortir sans ménagement. Dès qu’elle fut dehors, il tapa du pied dans les planches qui barraient l’accès au reste de l’entre-cale jusqu’à ce qu’elles cèdent.
– Tu va te démerder pour monter à bord du bateau des pirates.
– Quoi ?
– Ils ont perdu, ils ne sont plus qu’une poignée à vivre leurs dernières minutes sur le pont. D’un instant à l’autre, des gars à nous vont monter à bord de leur bateau pour se faire une idée de la situation.
Il s’interrompit. Elle le regardait, incrédule.
– Tu veux qu’on me trouve à bord ? demanda-t-elle.
– Absolument !
– Mais…
– Mais quoi ?
– Mais je sais pas… je… je…
Elle était un peu secouée. Mais l’idée était bonne. Si on la retrouvait à bord du bateau pirate, on la prendrait pour une prisonnière et… elle pourrait réintégrer La Myrta officiellement.
– Exécution ! ordonna Calmèque et il la poussa dans le réduit. Faut pas qu’on te voit quitter le bateau. Sors par là ou t’es entrée, c’est encore le bordel là haut, personne fera attention.
– Je suis entrée par le trou de la chaine de l’ancre, confia-t-elle.
– Parfait ! Tu repars dans l’autre sens !
– Mais je pourrai pas gagner l’autre bateau sans nager.
– Et tu sais pas nager ?
– Si… mais…
– Et ben alors ? Démerde-toi ! Je suis pas ta mère ! T’es maligne, tu trouveras !
A ce moment, Mendoza déboula dans la cabine, il avait fini par comprendre où voulait en venir sa gargouille.
– Merde ! Je me demande ce qui me retient de vous passer tous les deux par le fil de mon épée ?
– La peur de vous ennuyer ? plaisanta l’Olmèque.
Puis il se reprit.
– Sérieusement, c’est inespéré ! assura Calmèque. Mais faut se dépêcher !
Le visage de l’Espagnol se chiffonna et il grogna, contrarié.
– Vous allez me rendre dingue tous les deux !
Et il ressortit en claquant la porte.
Quand Mendoza regagna le pont, le ciel était toujours gris et une brise s’était levée. La plupart des pirates étaient mort et les combattants en étaient à compter leurs blessures et à reprendre leur souffle. Il y avait beaucoup de sang, beaucoup de corps jonchaient le sol et on ne discernait presque plus le plancher. Il se dirigea d’un pas décidé vers l’endroit le plus étroit qui séparait les deux navires. Si quelqu’un devait « trouver » Marinchè, sans doute valait-il mieux que ce soit lui. Il sauta sur le bastingage de La Myrta et d’un bond, il fut à bord du navire des flibustiers. Il en fit le tour des yeux, pour s’assurer qu’aucun danger ne se cachait encore à bord. Par prudence, il dégaina son épée et se mit à marcher en restant sur ses gardes. Il était très fatigué, mais cette nouvelle montée d’adrénaline l’avait regonflé à bloc. Il tendit l’oreille. Il y avait Marinchè, bien sûre, mais la possibilité que quelques pirates soient encore à bord ou qu’il y ait vraiment des prisonniers était possible. Il marcha lentement en direction du centre du pont, à cet endroit, on pouvait voir le fond de la cale recouverte d’une épaisse grille de fer. Il lança un regard dans les entrailles du navire. Il n’y avait rien, à part quelques cordages, des poulies, des bouts de voilure, des filets, quelques harpons,… Rien d’étrange.
Dans son champ périphérique il vit Jimenez qui montait à son tour à bord du bâtiment ennemi. Comme lui, il se tenait prêt à se défendre au cas où. Les deux hommes échangèrent un regard entendu et après s’être silencieusement renseigné l’un et l’autre sur leurs intentions, ils prirent d’un commun accord des directions opposées.
Mendoza se dirigeait prudemment vers l’imposante cabine de poupe qui surplombait la mer, la cabine du Capitaine. Les bruits de cordages mal tendus, qui par faute d’équipage, commençaient à être malmenés par le petit vent qui s’intensifiait, les grincements du bois, les clapotis de l’eau, le tissus qui se gonflait et s’affalait brusquement au gré des petites bourrasques, donnaient à l’atmosphère quelque chose d’inquiétant.
La porte de la cabine du Capitaine n’était pas fermée et battait par intermittence contre son chambrant en gémissant doucement. Mendoza ouvrit la porte en grand du bout de son épée et jeta un bref coup d’œil à l’intérieur. L’endroit semblait vide. Mais son attention fut pourtant attirée par un léger bruissement sur sa droite. Il voulu s’approcher mais il se figea en voyant l’éclair d’une courte lame, sortie de nulle-part, venir se poser sur sa gorge.
– Don’t move ! tinta une voix féminine plus que déterminée.
Mendoza reconnu une langue qu’il avait entendue parler à plusieurs reprises et qu’il détermina comme étant de l’Anglais, mais qu’il ne parlait que très rudimentairement.
– Spain ? Portugal ? Italy ? France ? From where are you ? demanda la femme.
– Spain, répondit Le Navigateur qui attendait le bon moment pour prendre le contrôle de son agresseuse.
A cet instant, on entendit une voix de femme s’élever et héler l’équipage de La Myrta dans une langue aux sonorités étranges. Si Mendoza n’avait reconnu la voix de Marinchè, il aurait commencé à se poser des questions quant à l’équipage de ce navire. Il profita de cette courte diversion pour se saisir du poignet de son Anglaise et de lui faire une clef de bras afin de lui faire lâcher son arme et la maîtriser.
Quand il fut devant elle, il fut surpris de découvrir une ravissante rousse, vêtue comme une vraie lady.
Un plaisir des yeux. Trop élégante que pour être une fille de joie ou « une » pirate. Une dame de qualité captive, certainement. Pour une rançon peut-être ?
– Not enemy, fit simplement Mendoza afin de rassurer la rouquine sur ses intentions.
Son peu d’Anglais lui venait d’un compagnon d’arme qu’il avait eu vingt ans plus tôt et qui s’était enrôlé sous la bannière espagnole pour voir du pays alors qu’il venait d’Angleterre. « Thomas »… c’était il y a si longtemps.
Au dehors, Marinchè avait dû se résoudre à se glisser dans l’eau et prétendre qu’elle avait profité de la bataille pour tenter de gagner La Myrta et échapper à ses geôliers. Mendoza ne se faisait aucun souci pour elle, elle s’en sortirait très bien, elle ferait son cinéma et tout le monde n’y verrait que du feu. Il reporta son attention sur sa jolie découverte.
– Vous peut-être pas enemy, mais vous faire mal, lui lança-t-elle d’une voix pincée mais avec un accent charmant.
Mendoza la lâcha mais non sans lui faire comprendre qu’il était armé et que toute beauté qu’elle était il n’hésiterait pas à la trucider si elle se révélait dangereuse. D’un signe de tête il lui fit signe de sortir de la cabine la première. Elle s’exécuta après s’être emparée en hâte d’un violon qui se trouvait sur le sol et de s’y accroché comme s’il s’était agi de sa vie. Ils sortirent tous deux de la cabine au moment où Marinchè était hissée à bord de La Myrta. La rousse, vêtue d’une très belle toilette, avançait en direction du bastingage. Une passerelle de bois avait été improvisée avec une planche pour permettre de joindre les deux navires. Jiménez, qui avait fouillé le reste du bâtiment sans rencontrer âme qui vive, les rejoignit presqu’au même moment. A la vue de la jeune femme, Jimenez eut un bref mouvement de recul. C’était bien la première fois que Mendoza voyait cet homme sec manifester une quelconque forme d’émotion.
« Une rousse »… Les superstitions ont la vie dure.
Sur le pont de la nef espagnole, Marinchè avait été enveloppée dans une couverture et était l’objet de toutes les attentions. Dans le registre du labrador battu, elle faisait fort. Un vrai rôle de composition ! Elle avait commencé par parler dans sa langue maternelle, histoire de se rendre plus vulnérable et accentuer le côté « pauvre petite âme perdue dans ce monde de brutes » pour finir par parler un Espagnol absolument remarquable qui forçait l’admiration de ses sauveurs : une Inca aussi civilisée.
« Voilà qui était un problème réglé » se dit Mendoza en regagnant le pont du bateau, le sourire aux lèvres. Et il devait bien reconnaître qu’il préférait ça. Ca faisait un moment qu’il savait que Calmèque « s’occupait » de la clandestine et la situation commençait à l’inquiéter sans qu’il ne se sente le cœur d’y mettre fin. Il n’aurait pas bien vécu qu’on la retrouve morte entre les planches du navire… pas bien vécu du tout.
Il vit de l’autre côté de la nef, trois marins envoyer les cadavres des pirates par le fond aussi discrètement que possible. Les corps de l’équipage de La Myrta se verraient quant à eux, offrir un office religieux avant d’aller tailler une bavette avec le plancton.
Une brise vivace vint le tirer de ses réflexions, le temps semblait tourner…
Un peu en retrait se tenait Calmèque qui, s’étant un temps amusé du cinéma de Marinchè, ne cachait à présent pas sa surprise quant à la jeune femme que Mendoza avait ramenée. Il remarqua aussi à quel point le reste de l’équipage la jaugeait avec autant d’appréhension qu’il n’en avait eut à son propre égard au début du voyage. Et il ne comprenait pas pourquoi. Quand la Rousse vit Marinchè, elle fit la moue et Mendoza comprit qu’elle mettait en doute la présence de l’Inca sur le bateau pirate. Mendoza se pencha à son oreille.
– Perdue dans les faveurs de la cabine du Capitaine, vous ne pouviez sûrement pas savoir que d’autres avaient eu moins de chance que vous et croupissaient dans les cales…, argua Le Navigateur.
La Rousse se tourna vers son interlocuteur et le toisa d’un air peu convaincu.
– C’est sûrement ça, oui…
Le Capitaine Diaz vint à la rencontre de son Navigateur et de Jiménez. Il lança un regard circonspect à la jolie rouquine avant de l’ignorer comme s’il avait rapidement jugé qu’à part une bouche de plus à nourrir, elle ne présentait aucun intérêt.
– Señores ! Quelque chose d’intéressant à bord de ce « Nazaré » ?
– C’est une caravelle portugaise qui aura été volée à son équipage d’origine, Capitaine, répondit Jiménez. Le navire est de belle facture mais ne contient aucune cargaison de quelque sorte que ce soit. Il reste un stock de nourriture et d’eau qu’on pourra adjoindre au nôtre. A part ça… rien.
Diaz fit la moue.
– Est-il envisageable de le remorquer ? demanda Diaz en faisant mention du navire. Ce serait dommage de le laisser à la dérive.
Mendoza lança un regard à la très belle caravelle et en jaugea la valeur.
– La remorquer est risqué, elle nous ralentirait énormément en augmentant beaucoup trop notre tirant d’eau. En outre, en cas de mer agitée, ce n’est pas gérable. Par contre, elle ne nécessiterait qu’une dizaine de marins pour la manœuvrer. Il serait plus prudent de naviguer de concert jusqu’au Comptoir commercial. Là, il… nous sera facile de la vendre à un très bon prix.
Diaz et Jimenez partagèrent avec Mendoza un sourire avide.
– Parfait, Señores ! Parfait ! fit Le Capitaine d’un air plus que satisfait.

Un dizaine de marins expérimentés prirent Le Nazaré en main avec Jimenez à leur tête. L’homme était, lui aussi, navigateur. Même s’il n’avait pas l’expérience de Mendoza, les deux hommes avaient eu l’occasion d’échanger à plusieurs reprises et Mendoza avait pu s’apercevoir que le bonhomme savait de quoi il parlait. C’est lui qui aurait du assurer le poste de Navigateur de La Myrta si Mendoza ne s’était manifesté à Lima.
Le Nazaré était entre de bonnes mains.
Modifié en dernier par Anza le 08 juin 2021, 11:47, modifié 3 fois.
8) Fane absolue de la 1ère saison, certes imparfaite, mais avec tant de qualités qu'on peut lui passer beaucoup de choses !
Perso préféré : Calmèque, cherchez pas, mon psy a jeté l'éponge ! MDR

MY FIC : https://tinyurl.com/4we7z2j7
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