Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

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TEEGER59
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

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Suite.

CHAPITRE 45.

Juan quitta la transe du guerrier. Il dut repousser une vive vague de lassitude. S'il n'avait pas aussi bien récupéré de son périple dans la forêt de la Braunhie grâce aux bons soins de Morgane, nul doute qu'il serait tombé inconscient. Épuisé par le contrecoup d'un combat aussi intensif.
Sur un geste de Don Luis, un page se rua vers le mercenaire pour lui reprendre son épée, un autre pour lui offrir de quoi se rafraîchir. Mendoza se contrôla pour ne pas se jeter sur ce simple verre d'eau. Il s'obligea à boire à petites gorgées. Elle était fraîche, si fraîche. En cet instant, cette eau valait largement le meilleur des vins.
Ce moment si doux, arraché au temps, fut trop vite terminé car le verre était vide. Mais le page se permit de lui faire un clin d'œil et le resservit. Le bretteur le remercia d'un sourire et but lentement, avec délice. Il se sentait mieux. Bien mieux. Pas seulement physiquement mais également libéré d'un poids. Un poids qui l'avait accablé durant toutes ces longues années d'exil. Restait en suspens sa mission de Yeoman.
Le Catalan rendit le verre. On lui laissa le temps de s'essuyer à l'aide d'une serviette et de revêtir sa tunique, tendue par le page, juste avant que ce dernier ne disparaisse avec les autres.
Enfin prêt, Mendoza contempla fièrement les membres du conseil. Il avait gagné cette manche mais la suivante se révélait encore plus ardue. Ce n'est pas avec l'acier qu'il allait se battre mais avec les mots. Et cela s'annonçait, pour le taiseux qu'il était, un combat bien incertain.
Il se retrouva seul. Seul avec les seigneurs de la Catalogne qui le toisaient depuis l'estrade. De sa voix chargée d'autorité martiale, Don Luis fit boucler les portes. La pièce fut ainsi protégée contre les oreilles indiscrètes.
Le vice-roi entama:
Fadrique: La lumière de Dieu a jugé! Pedro Folc de Cardona était donc un traître! Que l'Empereur lui pardonne... Une des plus grandes familles de l'Empire plongée dans le déshonneur, quelle tristesse...
Avec force, le secrétaire d'État affirma:
Cobos: Mendoza a donc fait reconnaître son bon droit... et la vérité! Juan-Carlos, tu étais donc innocent de ces regrettables accusations, d'évidence orchestrées par ce suppôt du diable. Jamais nous ne l'aurions soupçonné de cette vilenie. Quel gâchis!
Luis: À propos de gâchis, en voici un autre... Un problème urgent qu'il convient de régler au plus tôt. Nous n'avons plus personne pour mener notre projet, messeigneurs. Qui conduira nos soldats d'élite au combat? Leur rôle, je vous le rappelle, est tout de même prépondérant.
Le président de la Généralité intervint:
Francesc: C'est un problème facile à résoudre. La solution me paraît évidente. Juan-Carlos Mendoza, veux-tu, au nom de l'Empire, accepter cette charge qui t'est due, pour notre bénéfice à tous?
À part peut-être le cardinal Cardona, qui le regardait pensivement, aucun des autres seigneurs ne mettait plus en doute la loyauté du Catalan. Le Jugement de Dieu lui avait conféré la légitimité qu'il avait tant voulue.
Après avoir pesé sa réponse, le mercenaire répondit:
:Mendoza: : Messeigneurs, si vous saviez... j'ai attendu cet instant depuis si longtemps! Mais je dois pourtant refuser: sachez que je n'en suis aujourd'hui pas digne.
Francesc: Bien sûr que si, Mendoza. Inutile d'être si modeste après un tel combat!
:Mendoza: : Ce n'est pas cela...
Le capitaine prit une inspiration avant de poursuivre.
:Mendoza: : Durant ces années au contact des Anglais, mon âme a été souillée. J'ai dû commettre des actes dont je ne suis pas fier, bien éloignés des Préceptes Sacrés... Avant de songer à mon avenir, je dois me laver de cette influence pernicieuse. Je vous demande donc, Messeigneurs, de m'autoriser à faire le pèlerinage jusqu'à Compostelle. Comme il se doit vêtu de la robe des suppliants, selon les anciennes traditions. Lorsque j'aurai obtenu le pardon de Dieu, alors je pourrai accepter ce poste.
Soudain penché en avant, le cardinal de Barcelone susurra:
Juan: Et quels sont ses actes? J'aimerais en savoir un peu plus sur vos agissements passés...
:Mendoza: : Il va falloir que je me méfie de celui-là... (Pensée).
Malgré le Jugement, Cardona ne se départissait pas d'une pointe de défiance à l'égard du vainqueur. Et cette inimitié naissante se révélait réciproque.

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Avec douceur, le vice-roi fit:
Fadrique: Cardinal, s'il vous plaît, quittez donc vos manières d'inquisiteur. Mon jeune confrère, il est inutile d'importuner ainsi cet homme. Dieu l'a jugé et innocenté, dois-je vous le rappeler? Nous sommes rassemblés ici pour servir la même cause et nous aborderons la question Anglaise, soyez-en tous assurés. Cela dit, plus j'y pense, plus je me dis que notre Empereur, notre loué Charles Quint, doit avoir la primeur de ces révélations... et adouber Mendoza.
Cobos s'exclama:
Cobos: C'est vrai! Notre roi doit être averti.
Francesc opina:
Francesc: Je suis d'accord avec vous. Avant tout, notre souverain doit l'entendre. Mais comme il est toujours à Bologne, Juan-Carlos devra attendre son retour.
L'évêque de Siguenza renchérit:
Fadrique: Voici de sages paroles! Je partage également cette opinion.
Le secrétaire d'État s'enquit:
Cobos: Êtes-vous donc d'accord, Messeigneurs? Don Luis?
L'homme de guerre répondit:
Luis: Ma foi, étant moi-même membre de l'Ordre d'Alcántara, je peux toujours l'élever au rang de chevalier. Mais si Mendoza préfère être intronisé par notre roi, je n'y vois pas d'objection. On peut toujours lui trouver un suppléant pour diriger la première phase. Il y a bien le tout jeune Luys del Marmòl y Carvajal à qui je pourrais confier cette rude tâche, mais il manque encore d'expérience.
Cobos, qui n'avait rien perdu de ses facultés d'analyse stratégique, commanda:
Cobos: Eh bien, flanquez-le du meilleur de nos officiers... Un soldat qui connait bien les terres Africaines. Votre Luys del Marmòl y Carvajal s'appuiera sur ses conseils. D'ailleurs, vous voyez à qui je pense, non?
Le regard malicieux, le principal conseiller de l'Empereur s'exclama:
Cobos: Fernando Alvarez de Tolède.
Satisfait par cette solution, le militaire se lissa les moustaches et sourit largement.
Luis: Cobos, j'aurais dû y penser moi-même! Ainsi, dès son retour de pèlerinage et dès que la cérémonie de l'adoubement aura eu lieu, Mendoza pourra rejoindre nos troupes et prendre ses fonctions aux côtés du duc d'Albe. Luys del Marmòl y Carvajal deviendra son second... Oui, c'est une alternative tout à fait valable, j'y adhère sans réserve.
Pour sa part, Juan Cardona se contenta d'un reniflement de désapprobation mais il avait la majorité contre lui. Le regard rapide, bouche pincée, qu'il lança au meurtrier de son oncle indiquait néanmoins qu'il ne le tenait pas quitte de soupçons pour autant. Qu'il n'attendait qu'une erreur de sa part pour faire intervenir le pouvoir de l'Inquisition.
Ce point réglé, le vice-roi reprit:
Fadrique: Juan-Carlos Mendoza, il y a bien longtemps que je n'avais vu un homme suivre aussi rigoureusement les Préceptes que toi. Après ce que tu as vécu, c'est tout à ton honneur... Quel exemple pour nous tous! Je suis persuadé à présent de la justesse de notre choix: tu dois absolument devenir chevalier. Considère-toi dès maintenant comme pèlerin, ton jeûne vient de commencer! Tu partiras dès demain à pied pour Compostelle afin d'entreprendre ton pèlerinage sur le tombeau de Jacques, fils de Zébédée. Dès que ce sera chose faite, tu reviendras ici à Barcelone sans perdre de temps. Après l'obtention de ton nouveau statut, tu pourras assumer ta charge.
Sur ces mots, l'évêque de Siguenza se rassit. Don Luis convoqua l'un des serviteurs qu'il chargea de mener le Catalan jusqu'à ses nouveaux appartements. Il ordonna:
Luis: Laisse-nous, maintenant, Mendoza. Tu as besoin de repos et nous devons finaliser ce changement de stratégie et préparer une déclaration officielle sur les événements d'aujourd'hui. Ce page va te conduire jusqu'au palais Requesens. Cette nuit te permettra de préparer ton âme pour le pèlerinage. Et par ma voix, je me fais l'écho de tous: bienvenue chez les tiens!

CHAPITRE 46.

Le calme était revenu au sein de l'hôtel de ville, vidé de ses visiteurs. Le Yeoman avait été traité avec un grand respect. Il disposait à présent d'appartements privés dotés de tout le confort nécessaire, où il put se laver et se détendre sinon se sustenter, puisque son jeûne avait déjà débuté.
Ses maigres possessions avaient été empaquetées en vue du voyage, ses lames lui avaient été rendues, à son grand soulagement, même s'il devrait de nouveau les abandonner provisoirement une fois sur la route.
Après l'exaltation du combat, de la vengeance achevée, Mendoza se sentait soudain tiraillé.
Le plan qu'il avait conçu n'avait que trop bien fonctionné et la proposition du conseil résonnait encore à ses oreilles. Son honneur avait été restauré en même temps qu'avait été prouvée son innocence. On lui offrait tout. Tout le destin qu'il avait désiré. Que décider pour la suite, à présent qu'il avait un avenir si longtemps attendu? Il lui restait toujours sa mission de Yeoman à accomplir et il se demandait si cela en valait la peine. Rien ne l'empêchait plus de reprendre son allégeance au roi d'Angleterre. De le quitter afin de servir l'Empereur, de retrouver sa place parmi les siens.
Et malgré tout, quelque chose le dérangeait.
Mendoza s'assit en tailleur sur le sol. Se plongeant dans une sorte de méditation, il en profita pour affiner sa mémoire, pour revoir mentalement ce qu'il avait vécu depuis son arrivée dans le salon des Cent. Son intervention pour demander le Jugement. Le combat. L'entretien avec le Conseil... Un détail titillait son subconscient.
À force de concentration et de volonté, il trouva... Oui, c'était là... Peu avant que Pedro ne meure. Juan se repassa la scène. La révélation l'emporta comme une feuille ballottée par la tempête. Il ouvrit les yeux et se releva avant de se rasseoir. Le mercenaire réfléchit longuement, reliant plusieurs faits, du passé et du présent. Tout s'imbriquait maintenant. Son regard se durcit.
Son choix était arrêté. Il savait ce qu'il lui restait à faire. Plus aucun doute pour l'entraver.
Par-dessus un pantalon propre, ses bottes et sa tunique, le capitaine revêtit la robe des pénitents, tissée de lin clair. Déterminé, il saisit son paquetage et quitta le palais Requesens. Sa dague sombre était glissée dans sa botte gauche.

☼☼☼

D'un pas tranquille, Mendoza retourna à l'hôtel de ville et s'engagea à l'intérieur. Après une dizaine de minutes de marche, il finit par longer un couloir, désert, percé de colonnes, éclairé par des torches fichées en hauteur.
Il avançait trop confiant, désarmé de son habituelle prudence.
Au milieu du couloir, une masse énorme jaillit de derrière un pilier et vint le percuter sur le côté, l'envoyant bouler contre un mur, tel un pantin désarticulé. La puissance avec laquelle Juan-Carlos avait été frappé le laissait à la limite de l'inconscience, sans défense.
Emplie de fureur, une voix de baryton cracha:
:?: : Traître, tu les as tués! Pedro, Alfonso et les autres, tu les as tués! J'ai juré de te faire payer!
Mendoza reconnut cette voix de basse. Diricq de Melo. Le robuste Diricq avec qui il avait partagé tant de prières, qu'il avait patiemment aidé dans ses devoirs de stratégie militaire. Le Catalan avait totalement oublié le dernier des Compagnons et cette erreur risquait de lui coûter la vie.

☼☼☼

C'est alors qu'une autre présence se manifesta. Une autre voix connue s'éleva, au timbre encore plus grave, qui changeait la donne et lui redonnait espoir.
:x-): : Hé, le gros joufflu! Tu veux jouer? Et si tu choisissais un adversaire à ta taille? Ça serait beaucoup plus amusant, non?
:Mendoza: : Ciarán! Mais que fait-il ici? (Pensée).
Entre Mendoza et Diricq, l'Irlandais s'était interposé. Malgré ses vertiges, le mercenaire profita de ce répit miraculeux pour se redresser et s'appuyer contre le mur.
Sa chevelure hérissée au-dessus de son crâne, Ciarán Macken gronda en signe de défi. De Melo, cependant, ne recula pas. Il était embrasé par l'appel frénétique du combat. Il voulait voir couler le sang. Sentir la chair s'écraser sous ses poings avides. Entendre le craquement des os et se repaître des plaintes et des gémissements du nouveau venu.
Des poches de son pourpoint, il sortit deux cestes, une espèce de protège-poings garnis de pointes rugueuses, qu'il passa à ses doigts. Deux de ses armes favorites, conçues pour infliger de terribles blessures.
Diricq: Ne reste pas là, sous-homme, ou je vais t'arracher la couenne!
L'Irlandais sourit largement:
Ciarán: Aaah! Encore un petit vantard! Viens jouer avec moi, gros tas!
Ramassé sur lui-même en une boule compacte de muscles bandés, Poil-de-Carotte attendait, dévoilant sa nature de fauve.
Face à lui, Diricq écarta ses bras et baissa la tête. Il chargea avec toute la force de ses quatre mille cent soixante onces*.
Ciarán attendit l'impact avec une gourmandise manifeste. Au dernier moment, il bondit sur le côté, sauta sur le mur qui lui servit d'appui et retomba dans le dos du colosse. À peine au sol, l'Irlandais frappa. À deux reprises. Deux crochets vicieux, dévastateurs, destinés à mutiler les reins. Diricq s'effondra en grondant sourdement tel un ours blessé.
Ciarán: Alors, c'est tout? Je suis déçu.
Ciarán s'approcha de son adversaire en secouant la tête d'un air peiné. Un coup de poing recouvert d'acier jaillit du bas pour entailler profondément sa joue. Malgré la douleur irradiant ses lombaires, Diricq de Melo avait répliqué. Il se releva d'un bond, profitant de l'effet de surprise pour sauter sur le rouquin, l'étouffant de tout son poids, les mains plaquées sur sa gorge en pesant de toute sa masse. Il était écarlate d'effort dans sa tentative d'étranglement. Un réseau de câbles tendu gonfla le cou de Macken pour résister à cette menace.
Mendoza assistait à la scène sans pouvoir réagir. Encore sonné, il était incapable de se relever pour aider son ami. Il jura.

À suivre...

*
*L'once est une unité de masse, encore utilisée dans certains pays, dont la valeur est comprise entre 25 et 34 grammes.
4160 onces = 130 kilos.
Modifié en dernier par TEEGER59 le 23 oct. 2020, 13:35, modifié 1 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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yupanqui
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

Eh ben, ça n’est donc toujours pas fini...
Il en reste toujours un...
« On sera jamais séparés » :Zia: :-@ :Esteban:
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TEEGER59
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Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 47.

Étranglant son adversaire, Diricq de Melo ricana:
Diricq: Tu rigoles moins, à présent, maroufle!
Ciarán: Au contraire, c'est la fête!
C'est ce que réussit à articuler Ciarán avec un sourire étrange, empreint de folie.
Une ride de perplexité apparut sur le front massif du colosse. Il n'avait jamais vu quelqu'un résister à son étreinte meurtrière. Il serra encore, de toutes ses forces. Son visage était cramoisi par l'effort. Mais l'Irlandais vivait toujours. Il contre-attaqua même.
Toujours plaqué au sol par la masse de Diricq, Macken leva les bras, ouvrit les mains et, avec ses paumes, claqua sèchement les oreilles de son adversaire. Les tympans saturés, l'agresseur eut un tressaillement de douleur, un sursaut et un mouvement de recul. Poil-de-Carotte saisit alors ses poignets. Sans à coups, il se mit à écarter les bras de son opposant. Lentement, jusqu'à réussir à briser son étreinte. Alors, se redressant d'un coup, Ciarán lui flanqua un très violent coup de tête au visage. Puis un autre. Et un troisième.
Le son produit était horrible à entendre. Le nez de Diricq était éclaté, sa face défigurée par la violence du geste.
Ciarán: Tu ne dis plus rien, mon gros. Ça ne va pas? Une petite migraine, peut-être? Je vais arranger ça!
Et d'un ultime coup de tête, l'Irlandais mit fin à l'affrontement, frappant avec tant de force qu'il tua le dernier des Compagnons sur le coup. Celui-ci tomba sur le côté, inerte.
Macken se redressa en inspirant fortement. Massant sa gorge, il jugea:
Ciarán: Pas mal pour un vantard, après tout. Pas suffisant, mais pas mal!
Soufflant de soulagement, Mendoza s'écria:
:Mendoza: : Ciarán? Mille écus! Que fais-tu là?
Ciarán: Eh bien... je suis venu voir comment tu t'en sortais, Hombre... Ça va?
L'Irlandais saisit l'Espagnol pour l'aider à se relever. Le sang de Macken coulait d'une plaie à la joue gauche. Néanmoins, la blessure ne semblait pas l'incommoder outre mesure... tout autre que lui aurait eu la mâchoire fracassée. Il entreprit de remettre en ordre sa chevelure hirsute.
:Mendoza: : Tu n'es pas là par hasard, Poil-de-Carotte. Pas ici. Pas dans la Casa de la Ciutat. Tu me caches quelque chose, je le sens.
Le Catalan scruta intensément son ami qui ne put que baisser les yeux devant l'éclat de son regard noir.
:Mendoza: : Parle, tu me suis depuis le début, c'est ça?
Mal à l'aise, Macken baissa la tête.

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Il n'eut pas l'occasion de voir venir le coup qui le rejeta en arrière. Une droite sèche directement assénée sur sa joue blessée.
Le poing levé, Mendoza s'exclama:
:Mendoza: : Espèce de coprolithe! Tu m'as donc laissé tout seul affronter les brigands de Thuison, la Garde Écossaise et le sorcier Zarès! Tu aurais pu me donner un coup de main, non?
Ciarán: Et toi, tu as une idée de ce que j'au dû affronter pendant que tu prenais du bon temps chez la Dame du lac? Et puis figure-toi que j'avais des ordres stricts: n'intervenir qu'en dernier recours. Personne ne devait découvrir ma présence et l'Angleterre ne devait être impliquée sous aucun prétexte, tu connais la chanson!
Plutôt surpris par cette information, le Catalan demanda:
:Mendoza: : Qui t'a donné ces ordres... Le roi?
Ciarán: Non, le duc de Suffolk lui-même. Je sais que ce n'est pas courant de le voir intervenir dans une mission, mais il est tout de même le général favori du souverain. De plus, comme il s'est personnellement engagé vis-à-vis de son homologue Français, son honneur est directement en cause. Même moi, je ne pouvais refuser.
:Mendoza: : Oui, très efficace, au fait, Ciarán, ta manière de me protéger. Une vraie balade de santé, cette mission!
L'Irlandais cracha un jet de sang sur le front de Diricq, voilant ce dernier de rouge.
Ciarán: Oh, arrête Hombre! Tu es en vie, non? Tu as bien su te débrouiller pour survivre, comme tu l'as toujours fait. Alors cesse un peu de te plaindre! Sache que je ne me suis pas précisément amusé, moi non plus. Tes petits compagnons du détachement de l'armée du Saint Empire, qui crois-tu qui s'en est chargé? Après l'attaque des ours, ils n'étaient pas beaux à voir, crois-moi! Mais non... non, on a encore laissé à Ciarán le soin de se taper le sale boulot. Leur absence n'a pas tardé à rameuter les troupes de toute la région. Or, rassure-toi, le vieux Macken veillait au grain!
Il cracha un nouveau jet de salive rougeâtre.
Ciarán: Après cela, tandis que tu voyageais avec ta jolie gitane, j'ai réglé le compte d'une bande de détrousseurs en train de vous préparer une embuscade. Et puis j'ai joué à cligne-musette* avec une escouade de lanciers qui commençait à vous approcher d'un peu trop près. Ils doivent toujours fouiller la forêt de la Braunhie, ces imbéciles! Ensuite, il y a eu cette foutue tempête qui m'a fait perdre vos traces. Lorsque je les ai retrouvées, j'avais un sacré problème: ne pas me faire repérer par le mage et les deux archers Suisses... Ce qui soit dit en passant n'est pas un mince exploit! J'ai dû te lâcher lorsque vous êtes entrés dans le domaine de la Dame du lac. L'alcine n'aurait pas manqué de me sentir sur son territoire. Comme je savais que tu ne risquais rien sur place, tu n'avais plus besoin d'un chaperon. Je me suis dit que le mieux serait de te retrouver ici, dans la capitale, puisque telle était ta destination. J'ai eu raison. Preuve en est, je suis intervenu à temps pour te sauver, tu me dois la vie, Hombre!
:Mendoza: : Il y a de sérieuses lacunes dans tes explications, mais je n'ai pas le loisir de creuser maintenant. Il me reste de la besogne. Mais laisse-moi tout de même te dire une bonne chose, Poil-de-Carotte: si on commence à faire l'énumération des vies que l'on se doit, on n'a pas fini de compter! Et je ne suis pas certain que le résultat te soit favorable, d'ailleurs... Juste une chose, avant d'y aller, par curiosité: comment as-tu réussi à entrer à Barcelone sans te faire repérer par les gardes postés à chaque entrée? Les étrangers ne sont pas précisément bien vus des autorités locales...
Ciarán: Bah... j'ai attendu la nuit et j'ai escaladé les murailles extérieures. C'était amusant!
Ciarán Macken annonçait la chose tranquillement avec une fausse modestie presque parfaite. Ciarán l'Irlandais, un être pour qui escalader presque cinq toises* de pierres sculptées à la simple force de ses bras, dans la nuit noire, n'était qu'un simple divertissement.
Après avoir enfin réussi à aplatir ses mèches rousses, il passa sa main noueuse sur sa joue blessée. Déjà le sang avait cessé de couler. Ses grosses moustaches accrochèrent la lumière d'un éclat doré tandis qu'il penchait la tête de côté et souriait avec la malice d'un enfant.
Mendoza soupira en secouant doucement la sienne avant d'arborer un sourire léger mais franc. Il était impossible de lui garder rancune. Pas à Ciarán, pas lui. Ils avaient trop partagé.
Bouillonnant encore de l'énergie du combat, l'Irlandais demanda:
Ciarán: Bon! Qu'est-ce qu'on fait maintenant?
:Mendoza: : On va cacher le corps de Diricq quelque part dans l'hôtel de ville. Et après, je dois avoir une petite discussion avec quelqu'un... Tu crois pouvoir me suivre sans te faire remarquer?
Ciarán: Pour qui me prends-tu, Hombre? Je suis un pro dans l'art du camouflage!
Le mercenaire railla encore:
:Mendoza: : Ne pousse tout de même pas la discrétion jusqu'à me laisser étriper, hein!
Macken soupira:
Ciarán: Je crois que je vais entendre parler longtemps de cette histoire...
:Mendoza: : Ça, tu peux y compter, Poil-de-Carotte!

☼☼☼

Les deux compagnons atteignirent le patio en évitant toute rencontre. Le corps du molosse fut jeté dans le puits par l'Irlandais. Il ne devrait pas être découvert de sitôt.
:Mendoza: : C'est à moi de jouer, à présent. Toi, reste dans les parages. Attends-moi deux heures et surtout tâche de ne pas te faire repérer. Si je ne suis pas revenu dans le délai donné, va à la taverne de la Mouette Rieuse et fait envoyer un pli au duc de Suffolk. Écris-lui que les projets de conquête de l'Empire sont bien concrets, le conseil me l'a confirmé en personne. Les régiments se rassemblent déjà mais je ne connais pas les détails de leur offensive. Je te trouve ici dès que j'ai fini et on verra pour la suite.
L'Irlandais s'esclaffa:
Ciarán: Dis donc, Juan, au fait, laisse-moi te dire que tu es bien mignon dans ta jolie robe blanche!
:Mendoza: : Ciarán, tu veux te prendre un autre direct?
Son interlocuteur ricana:
Ciarán: J'ai idée que ça te rend hargneux, les robes.
D'un ton nettement plus sérieux, il ajouta:
Ciarán: Allez, trêve de plaisanterie, sois prudent, Hombre.
:Mendoza: : À tout à l'heure.
Le Yeoman avait récupéré de l'attaque surprise de Diricq. Il ne lui restait plus qu'une dernière confrontation à mener, une toute dernière, avant de pouvoir songer à son propre destin.
Ciarán: Deux heures à attendre. (Pensée).
Tandis que l'Espagnol s'éloignait en silence, l'Irlandais descendit dans le puits où il se camoufla pour s'octroyer le plaisir d'un cône à fumer en compagnie de sa victime.

CHAPITRE 48.

Mendoza traversa une nouvelle fois le patio et gravit l'escalier d'honneur. Les gardes en faction le saluèrent respectueusement. Les quelques personnes qu'il croisa n'osèrent l'importuner. Les rumeurs circulaient déjà. Juan-Carlos Mendoza, l'homme qui avait remporté le combat du Juste. Un très probable futur notable de Catalogne.
À l'étage, il rencontra un nouveau quatuor de gardes, qui n'agirent pas autrement que leurs prédécesseurs, et s'engagea dans l'aile ouest. Les murs étaient richement décorés, de lourdes et coûteuses tentures de brocards rouges et or, des meubles rares, au bois sombre finement ouvragé et laqué. Un épais tapis étouffait les pas du Catalan alors qu'il s'avouait fort étonné de la facilité avec laquelle on pouvait ainsi accéder dans le bureau privé d'un des personnages les plus importants du royaume. Seuls les festivités et surtout son nouveau statut pouvaient expliquer cet état de fait.
Après avoir remonté le couloir, il arriva à destination. Une porte décorée des armoiries de l'archevêque Fadrique. Personne dans les parages. Mendoza se mit à inspirer lentement, se plongeant quelques instants dans une méditation légère destinée à lui faire retrouver toute sa concentration. Trois minutes plus tard, il frappa à la porte et, sans attendre la réponse, entra.

☼☼☼

Malgré l'heure tardive, le vice-roi était tranquillement assis derrière son bureau, en train de classer des papiers officiels. En avisant son visiteur, il retourna rapidement le document qu'il tenait en main. Juan fit comme s'il n'avait rien remarqué. Il avait toutefois reconnu le sceau du grand conseil.
D'un ton respectueux, il souffla:
:Mendoza: : Votre éminence, puis-je retenir votre attention? Je sais qu'il est tard, mais je vais débuter mon pèlerinage. Avant de quitter la ville, je voudrais bénéficier de votre bénédiction. Vous demander la faveur de me confesser avant de rejoindre la Galice. Je dois partir le cœur libre de toute haine, en attendant que saint Jacques puisse délivrer mon âme tourmentée.
Le mercenaire avait quitté son manteau de dureté, d'assurance, pour prendre celui des humbles. Un peu surpris, l'archevêque le détailla quelques instants, le visage impénétrable, les mains croisées devant lui. Un noble sourire éclairant ses traits, il finit par dire:
Fadrique: Louable intention, mon fils. Vraiment louable... Je ne peux rien te refuser. Tu es notre nouvel espoir et ton désir de rédemption te fait honneur! Accorde-moi tout de même quelques instants. Ces derniers jours ont quelque peu perturbé mon emploi du temps. Permets-moi de finir de préparer ces documents et je suis à toi. Cela ne prendra pas longtemps, j'ai presque fini. Tiens, assieds-toi sur ce fauteuil, face à moi.
Alors que Mendoza obtempérait, il profita de ce que Fadrique Noreña apposait sa signature et son sceau de la jerarca* sur la pile de papier devant lui pour détailler l'office de ce dernier. L'endroit donnait une solide impression de sobriété mais également de confort. C'était une pièce ornée de grands panneaux de bois recouvrant les murs de marqueterie, un travail d'artiste reproduisant l’expansion catalane des XIIIème et XIVème siècles.
Le bureau d'honneur avait un accès au balcon donnant sur la place Sant Jaume. Au sol, d'épais tapis en laine recouvraient un parquet. Une large cheminée abritait un vif foyer. En face de celle-ci, une grande bibliothèque. À côté, un autel de prière en bois clair. Poussé contre un mur, une table ovale, encadrée de lourds fauteuils choisis pour le bien-être des visiteurs. La table de travail était plutôt bien rangée malgré la présence de nombreux dossiers. S'y trouvaient également une carafe de liqueur, un verre presque vide, une pipe en bois et un cendrier en cuivre ciselé. Une ouverture au fond de la pièce donnait sur un couloir ouvrant sur une autre salle. Juan mobilisa ses sens dans cette direction et d'instinct, il sentit que ce lieu était vide.
La voix douce de Fadrique mit fin à l'examen des lieux:
Fadrique: J'ai fini. À présent, mon fils, je suis à toi. Je t'écoute...
Le capitaine hésita:
:Mendoza: : C'est que... je n'ose me confier... si quelqu'un d'autre que vous m'entendait?
Ouvrant chaleureusement les mains, l'archevêque assura:
Fadrique: Tu peux parler en toute liberté. Mes serviteurs ont quitté leur service. À cette heure avancée de la nuit, nous ne serons pas dérangés, je te l'assure.
Le vice-roi se repositionna dans son fauteuil pour une meilleure écoute, croisant ses mains potelées sur sa tunique longue, d'un blanc immaculé à parements de fils d'or. De tout son être émanait une aura débonnaire, paternelle. L'homme d'église passa un bout de langue le long de ses lèvres pleines. Il fixa Mendoza de ses prunelles noires, prêt à entendre ses confidences.
:Mendoza: : Voici ma confession, votre éminence... Contrairement à ce que j'ai affirmé au conseil, je ne suis pas revenu pour réclamer mon héritage et devenir chevalier. Non, c'est bien trop tard. Si je suis revenu ici, chez les miens, c'est pour me venger! Car voyez-vous, Éminence, ce n'est que ce soir que j'ai enfin compris qui était l'instigateur de toute cette mascarade. Et finalement, ce n'était pas Pedro, le véritable responsable, malgré les apparences...
Le Yeoman s'exclama:
:Mendoza: : Non, tout ce qui s'est produit ce soir-là, c'était par ta faute, Fadrique Noreña!
Mendoza avait retrouvé toute sa froideur, toute sa dureté naturelle et sous le poids de son regard sombre où bouillonnait une colère à peine maîtrisée, l'archevêque recula jusqu'à se cogner le haut du crâne contre le dossier de son siège.
Mendoza se redressa et poursuivit, la voix plus dure encore:
:Mendoza: : J'ai compris tout à l'heure, en repensant au duel. Ma mort n'était qu'une partie d'un plan plus global. L'assassinat d'Esteve de Garrett était le but principal des comploteurs. Et Pedro Folc de Cardona, en tout cas, n'avait aucun grief contre lui. C'est à mon égard qu'il en avait. Il voulait devenir chevalier à ma place, Esteve était là pour le former... tout comme moi... Et ces mystérieuses lettres qui ont servi à m'incriminer pour le meurtre de l'inquisiteur? Ce n'est certainement pas Pedro qui a pu se les procurer. Je l'avais suffisamment fréquenté pour savoir qu'au moins il n'avait aucun intérêt pour les Français. Ces lettres, qui d'autres qu'un véritable plénipotentiaire pouvait s'en servir? Pedro avait donc un complice à la solde du Roi de France, il l'a d'ailleurs laissé entendre avant de m'éventrer dans cette geôle. Et ce complice qui le manipulait, c'était toi! Avant de mourir, Pedro a jeté un regard désespéré en direction du conseil. Il cherchait un soutien. Il l'a interpellé et ses paroles étaient faciles à interpréter, Pedro voulait l'aide de son comparse. Dans son champ de vision, il n'y avait que son neveu et toi... J'ai réfléchi... Même si l'évêque Cardona me paraît hostile à mon égard, il est bien trop jeune. Il n'était pas en poste dans la capitale, il y a dix ans. Toi, si, Noreña. Tu étais déjà là, j'en suis certain. C'est toi que Pedro a regardé lors du duel. C'est toi, son complice. Non, n'essaie même pas d'y penser. Tu crois vraiment pouvoir atteindre ce cordon, là, derrière toi, avant que je ne puisse te planter ma dague dans la nuque? Et si jamais tu réussis à m'échapper, que vas-tu raconter aux gardes? Que j'affabule, que je suis fou? Le Marquis consort de Mirabel, Don Luis, sera-t-il aussi crédule que tu sembles le penser?
Mendoza s'exprimait avec une douceur soyeuse et menaçante. Agrippant les accoudoirs de son siège, Fadrique Noreña était livide. Il balbutia:
Fadrique: Mon fils, tu divagues, en effet. Tu dois être exténué par tes épreuves pour m'accuser de la sorte. Il y a dix ans, je m'occupais encore de mon diocèse de Siguenza, dans la province de Guadalajara. Ce n'est qu'en 1525 que je suis venu m'installer à Barcelone. Je conçois qu'après la trahison de Pedro, tu sois un peu méfiant, mais tout de même! Quelle absurde théorie!
À mesure que le vice-roi s'exprimait, sa voix retrouva de l'assurance, enfla et acquit juste ce qu'il fallait de dédain, mâtiné de juste indignation.
:Mendoza: : Silence!
Juan s'exclama d'un ton si glacé que ce simple mot figea l'archevêque de Saragosse. Il poursuivit:
:Mendoza: : Ta misérable existence ne vaut plus rien! Et aucun citoyen ne viendra te sauver. Vois-tu, il n'y a pas que ma vengeance qui entre en ligne de compte. D'autres que moi en veulent à ton auguste personne!
Fadrique: D'autres?

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La mine soucieuse de l'ecclésiastique se teinta de stupeur. Il tenta néanmoins de reprendre le contrôle de la conversation:
Fadrique: Voyons, mon fils, tu devrais te calmer. Je ne comprends rien à tes paroles. Henri Tudor a dû pervertir tes pensées. C'est sans doute une habile manipulation de sa part. Il faut briser son influence sur toi. Tu dois me faire confiance, je suis le seul à pouvoir t'aider...
La voix de l'archevêque avait changé, empruntant de chaudes inflexions, aussi suaves, aussi chargées d'effets que les caresses d'une femme amoureuse. Mais l'effet persuasif, hypnotique de son timbre laissa son interlocuteur de marbre. Mendoza le dévisagea les yeux étrécis et toujours aussi glacés.
Noreña parut soudain avoir chaud, très chaud. Il ouvrit le col de sa soutane pour mieux respirer.
Le mercenaire souligna:
:Mendoza: : Tu ne sembles pas avoir compris, Fadrique... Sache que la France a ordonné ton trépas. Un des légats du Roi-Chevalier, Anne de Montmorency, l'a directement commandité auprès de mon supérieur, le duc Charles Brandon! Je vais donc avoir le privilège de régler d'un seul coup de dague et ma vengeance, et ma mission. Prépare-toi à payer!
Le vice-roi était écarlate. Il se mit brusquement à hoqueter, à tousser. La toux se fit plus forte, chargée. Fadrique se pencha en avant et éructa plusieurs fois bruyamment sous l'œil étonné du Yeoman. L'ecclésiastique se rencogna dans son fauteuil, baissant la tête sur sa poitrine en murmurant une suite de mots inaudibles. Lorsqu'il se redressa, Juan ne put s'empêcher de sursauter. Le visage de l'ecclésiastique avait gonflé, les veines de ses tempes battaient à tout rompre et la sueur inondait son front. Les traits congestionné de haine, il empoigna la dague camouflée sous son bureau. D'un geste vif, fluide, parfait, il se jeta en avant, droit sur le Catalan, pour le frapper mortellement.
Mendoza leva ses bottes et cogna de toutes ses forces le coffrage du bureau. L'élan généré lui permit de faire basculer son fauteuil en arrière. En tombant, il vit la dague passer juste au-dessus de lui. Le trait d'acier fendit l'air pour aller se ficher dans le mur d'en face.
Le bretteur ne prit pas le temps de penser à ce qu'il serait advenu de son visage s'il avait été atteint par la lame meurtrière. Galvanisé par une colère trop longtemps différée, il se redressa, empoigna son fauteuil pour le jeter à la face de Noreña. Un glapissement de douleur et un bruit de chute annoncèrent que le tir avait porté. Sans attendre, il sauta par-dessus le bureau et saisit l'archevêque par les pans de sa soutane.

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Il le hissa vers lui si violemment qu'il déchira son habit d'ecclésiastique. Le mercenaire découvrit alors un Fadrique métamorphosé. Celui-ci avait perdu toute sa bonhomie, son visage s'était mué en un masque rigide, composé de calcul et de férocité. Sa chevelure neigeuse était devenue un réseau de cheveux filasses, trempés de sueur. À la place du doux regard, des yeux d'orage aux prunelles fendues de noir contemplaient Juan-Carlos avec une haine mêlée d'inquiétude.
Si le Catalan avait eu des doutes, ils auraient été balayés instantanément. Ces yeux valaient toutes les confessions. Seul un traître pouvait user d'une couverture si parfaite, aussi longtemps, et la garder au sein même du grand conseil de Catalogne.
Le Yeoman eut un rictus. Sans prévenir, il fracassa le nez de l'archevêque d'un coup de tête. Fadrique s'écroula en gémissant de plus belle.
Furieux, Mendoza le gratifia d'un coup de botte dans l'estomac. Jaillissant de la soutane du vice-roi, un stylet gifla l'air, sa pointe dressée pour frapper. Le capitaine ne lui laissa pas le temps d'attaquer. D'un geste aussi souple que rapide, il saisit sa dague, se pencha vivement sur le côté, et, d'un revers, il désarma la main qui le menaçait, la blessant au passage.
Noreña hurla. Son petit doigt fut à demi arraché.
:Mendoza: : Ainsi, tu as tombé le masque, traître! J'avais vu juste: l'archevêque Fadrique de Portugal, vice-roi de Catalogne et membre du Conseil des Cent, est donc bien en réalité un espion du roi Français. Ce cher Charles Quint ne va jamais s'en remettre lorsqu'il l'apprendra!
L'intéressé passa sa langue sur ses lèvres pour lécher le sang coulant de son nez blessé. Depuis qu'il avait lancé sa dague et perdu son stylet, il était désarmé. Il essaya:
Fadrique: On peut sûrement s'arranger. Trouver une solution... Je suis riche, très riche...
:Mendoza: : Tu m'a volé ma vie! Tu as détruit ma famille! Et tu veux qu'on s'arrange? M'offrir ton vulgaire argent? Tu crois que tu vas t'en sortir avec un ignoble marchandage?
L'expression qu'arborait Mendoza valait toutes les potences. Fadrique Noreña s'affaissa, terrassé par son agressivité. Il eut un sursaut désespéré et joua son dernier atout en lâchant d'une seule tirade:
Fadrique: C'est vrai, je suis ou plutôt j'étais un espion à la solde des Français! Lorsque j'occupais la présidence de Siguenza, dès 1512, j'ai dû partir pour le nord de l'Espagne où je devais signer des pactes avec eux en territoire Guipuscoa*... Le royaume d'Aragon de Ferdinand II venait de s'emparer de la Haute-Navarre du roi Louis XII. J'y suis retourné, huit ans plus tard, en 1520. La France et l'Espagne avaient changé de souverain et c'est durant cette période que mon passé peu glorieux m'a rattrapé: je fus accusé d’abus de pouvoir et d’utilisation de l’inquisition lors des Cortes de Montsó en 1510. Pour ne pas ébruiter cette affaire, j'ai accepté, à contrecœur, ce rôle de traître. Je me trouvais à présent à danser sur le fil du rasoir, écartelé entre les deux plus grands princes d'Europe. Mais je m'étais engagé de moi-même sur cette voie et il était trop tard pour reculer. Je devais aller jusqu'au bout et ce qui pourrait m'arriver par la suite, je refusais d'y songer. Au début, ce que l'on me demanda n'était pas bien méchant: glaner des renseignements concernant les grands d'Espagne, à intervalles espacés. Je veillais à un point, cependant: soigneusement distiller les informations traîtresses que je livrais au roi de France afin de le noyer dans un flots de données intéressantes, certes, mais pas décisives. De quoi nourrir sa curiosité, tout en dévoilant le moins de secrets possibles. Mais plus tard, en 1523, je fus contraint de passer au stade supérieur: j'ai dû organiser le meurtre d'Esteve de Garrett et trouver un bouc émissaire. J'ai donc orchestré ton implication pour te perdre... Selon les instructions de François Ier, qui estimait que cet homme devenait trop entreprenant dans sa lutte contre son allié, Soliman. L'inquisiteur avait entrepris de créer un ordre d'élite que tu étais censé intégrer et mener. J'ai fait tuer Esteve par Pedro Folc de Cardona, qui s'était servi de ton épée. Il s'est ensuite chargé de ton cas tandis que je plaçais les lettres compromettantes dans tes affaires. Il a été très facile de manipuler les Compagnons. La jalousie que Pedro éprouvait pour toi constituait un levier bien suffisant. Sans compter qu'il faisait pour François Ier un homme-lige parfait, beaucoup plus intéressé par les plaisirs qui accompagnaient sa vie dissolue que par ses nouvelles responsabilités. Deux chevaliers éliminés d'un coup.
Fadrique reprit sa respiration avant de poursuivre docilement. Il avait perdu toute pugnacité, toute ruse.
Fadrique: Tu l'as compris, j'étais effectivement au service du roi de France et durant cinq années, je l'ai servi du mieux que je pouvais. Puis, en 1525, lorsque j'ai vu mes aspirations s'élever à l’une des positions les plus importantes de la monarchie Espagnole, j'ai décidé de reprendre ma liberté. L'Empereur venait de me nommer vice-roi de Catalogne et son capitaine général, commandant de la même manière en Sardaigne et dans le Roussillon. Cette existence s'avéra bien plus agréable à vivre que celle d'un espion. Alors, depuis presque sept ans, je suis entièrement à la solde de Charles Quint comme je l'étais naguère avec sa grand-mère, Isabelle la Catholique. Tu vois, j'avoue tout. Je t'en prie, épargne-moi!
Le mercenaire s'étonna:
:Mendoza: : Tu penses encore pouvoir t'en sortir la vie sauve? Juste parce que tu as avoué tes méfaits?
Fadrique: Je sais des choses, beaucoup de choses. Emmène-moi voir ton maître. Je parlerai si tu m'emmènes en sécurité! Je t'en supplie!
Voyant que l'Espagnol ne paraissait pas convaincu, l'espion lâcha d'une nouvelle traite:
Fadrique: J'ai un renseignement qui te concerne au premier chef. Je te l'échange contre ma vie sauve!
Mendoza cracha:
:Mendoza: : Ne joue pas avec moi!
Il plaqua l'archevêque contre le mur et appuya fortement son coude en travers de sa gorge, de manière à l'immobiliser. Il saisit le nez de son captif et le tordit sans pitié, provoquant les geignements de douleur du supplicié.
:Mendoza: : À présent, parle! Quelle est cette si précieuse information?
Fadrique: Non, jure d'abord sur ton honneur! Tu peux me faire mal, très mal, tu peux me tuer, soit. Mais j'étais un espion, la torture ne suffira pas à me faire parler, tu dois le savoir.
Intéressé malgré lui, le Catalan dut maîtriser sa soif de sang. Et ce ne fut pas tâche facile, il se voyait déjà vider la grosse panse du notable de sa dague. Toutefois, il se remémora les paroles de son ami, Pedro le marin:
:Pedro: : Tu ne peux pas faire ça!... Tu dois renoncer à cette folie... C'est quelqu'un de bien. Il gouverne son diocèse, et non sans grâce. Avec sa générosité, il donne beaucoup, comme cette collection de cassettes de factures de Bourgogne, aux dépendances Cabildo...
Le capitaine pesa soigneusement ses options. Après tout, il était en train d'outrepasser ses ordres et devait trouver une solution convenable. Finalement, il se décida:
:Mendoza: : Fort bien, Noreña, j'accepte. Mais si tu penses que tu peux me manipuler comme Cardona, tu risques une sacrée désillusion. Et si j'estime que ton information ne vaut pas le coup, ou si je sens que tu me mens, je t'égorge sans attendre.
Ne pouvant cacher son espoir, l'archevêque souffla:
Fadrique: Tu engages ton honneur? Tu me laisseras vivre?
:Mendoza: : Oui, moi Juan-Carlos Mendoza, je jure de te ramener en vie en Angleterre, sur mon honneur de Yeoman. Ça te va? Parle, maintenant!
Fadrique: Voilà, je ne sais pas si tu vas me croire mais le roi de France en a après toi. Ce n'était pas le cas il y a dix ans. Si tu as été choisi à cette époque, c'était parce que Pedro voulait ta peau... Non, l'intérêt du monarque à ton encontre est beaucoup plus récent... Il y a sept mois de ça, environ, bien des années après avoir changé d'allégeance, j'ai reçu un message direct de sa part: je devais rassembler tous les éléments sur toi, Juan-Carlos Mendoza, et sans perdre de temps. Évidemment, j'ai trouvé cette demande troublante. Comme tout le monde ici, je te croyais mort. Je n'ai en fait rien trouvé d'intéressant à rapporter sur ton compte. Tout ce qu'on savait de toi datait d'avant ta disparition et je n'ai rien trouvé qui permette de penser que tu avais survécu à notre complot. Je ne sais rien de plus à ce sujet, car le mois suivant, j'ai détruit tout ce qui pouvait me rattacher aux Français, notamment mes lettres. Depuis, je ne communique plus avec ceux que j'ai reniés.
Estimant que son interlocuteur lui disait la vérité, le capitaine s'interrogea:
:Mendoza: : Mais pourquoi? Que me veut le roi de France? Je ne le connais même pas...
Fadrique haussa les épaules.
Fadrique: Je n'en sais rien. Cela a rapport avec une prophétie, mais je n'en sais pas plus. La seule chose que je peux ajouter, c'est qu'il a peur de toi. Et jamais personne ne l'a vu craindre qui que ce soit auparavant!
Quoi que lui veuille le Roi-Chevalier, ce ne devait sûrement pas être très amical. Cela pouvait expliquer la chasse de la Garde Écossaise et de Zarès, ainsi que l'assaut des valientes Nyerros. Bien que peu réjouissante, l'information valait son pesant d'or. Le bretteur allait devoir se montrer très prudent à l'avenir. Et devenir encore plus méfiant qu'avant. Il devait en parler à quelqu'un de haut placé. Son maître pourrait peut-être l'aider au sujet de cette mystérieuse prophétie. Tout à fait le genre d'énigme que Charles Brandon appréciait.
:Mendoza: : Bon, je verrai ça plus tard. En attendant, tu viens avec moi. Mon supérieur décidera lui-même de ton sort. Sois sage et tout se passera bien... Enfin, je l'espère pour toi car si Henri VIII est dans l'un de ses mauvais jours, je ne suis pas sûr que tu y gagnes au change...

☼☼☼

Mendoza délaissa son prisonnier le temps d'aller jusqu'aux épais rideaux de velours, d'en défaire les cordons et s'en servir pour lier les mains de Fadrique dans son dos. Il revint se placer devant lui et plaqua ses yeux dans les siens avant de dire d'un ton suave:
:Mendoza: : Ah, Noreña, il reste un point à régler! Tu as oublié? Nous devons encore solder notre petit compte, à tous les deux.
Le Yeoman empoigna sa dague avec un sourire carnassier. Il s'approcha de l'archevêque sans défense. La lame vibrait dans la main de son propriétaire, réjoui de ce qu'il allait perpétrer. Le vice-roi de Catalogne faisait une victime de tout premier choix. Il s'écria:
Fadrique: Nooonn!... Tu as juré de ne pas me tuer! Aahh!!!
L'horrible hurlement qu'il poussa fut suivi d'un gargouillis. Puis, du son déplaisant de la chair incisée. Enfin, d'une série de gémissements presque inaudible.
Après avoir accompli sa sinistre tâche, Mendoza se releva pour aller se laver les mains dans le cabinet de toilette de l'archevêque. Ce dernier s'était évanoui sous la douleur. L'Espagnol ne craignait pas d'être importuné. Aménagé de façon à étouffer les sons produits à l'intérieur, garantissant ainsi que les entretiens de l'ecclésiastique restent confidentiels, les appartements garderaient le secret sur ce qu'il venait de commettre.
Le capitaine examina les documents sur le bureau. Y figurait un dossier que le félon avait tenté de cacher: une copie du plan de conquête de l'Empire avec tous les détails nécessaires. Il l'empocha aussitôt en se félicitant de sa chance. Les informations secrètes en révélaient suffisamment pour pouvoir anticiper les manœuvres des troupes et, ainsi, au besoin, briser leur tentative d'invasion sur le plan militaire. Ce dossier se révélait également d'une grande importance stratégique pour l'Angleterre. Des plans établis par l'Empire, Henri VIII tirerait une manne de renseignements sur l'organistion des armées de son neveu Charles, l'étendue de ses ressources, ses options tactiques, le nom de tous les officiers supérieurs en poste, et probablement encore bien d'autres richesses.
Les autres papiers ne présentant aucun intérêt pour Mendoza, il les jeta dans l'âtre avec le petit bout de chair sanguinolent qu'il avait coupé à Noreña.
Ce dernier poussa un gémissement. Il revenait à lui.
Dépouillé de ses vêtements, bijoux et parures, les épaules parcourues de spasmes, l'archevêque frémissait, choqué et meurtri. Son visage était recouvert d'un linge assombri par le sang frais coulant de son nez. Quant à la blessure de son petit doigt, elle était déjà recouverte d'une poupée imbibée de vin afin d'aseptiser rapidement la plaie.

☼☼☼

Juan se rendit jusqu'à la garde-robe pour y prélever un ample manteau brun, anonyme, qu'il revint passer à son prisonnier, rabattant la capuche sur son visage. une écharpe servit à le bâillonner. Noreña entreprit de se débattre, mais le mercenaire l'assomma d'un coup de coude dans la nuque.
En dépit des apparences, le Yeoman tenait sa promesse. Il ferait ramener l'homme d'église sur l'île Anglaise, en vie. Sans avoir renoncé à sa vengeance.
Il avait agi selon sa propre morale, son propre code. Le passé était enfin mort pour lui. Il en avait finalement rompu les attaches corrosives. Il renaissait. Il était libre, libre de forger sa destinée. Et comme il l'avait annoncé à l'archevêque, il avait choisi de servir un autre maître que l'Empereur.
Mendoza allait disparaître une bonne fois pour toutes, de sa propre volonté. Remplacé par John Mendson...
John Charles Mendson. Le nom d'emprunt donné par son oncle Íñigo lui allait si bien. Il sonnait juste.

À suivre...

*
*Cligne-musette: cache-cache.
*Cinq toises: neuf mètres, à peu près.
*Jerarca: Hiérarque, personnage important, haut placé dans une hiérarchie, en particulier dans l'ordre de l'Église.
*Guipuscoa: L'une des trois provinces de la communauté autonome du Pays basque, dans le nord de l'Espagne.
Modifié en dernier par TEEGER59 le 30 oct. 2020, 20:13, modifié 1 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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IsaGuerra
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par IsaGuerra »

Petit rattrapage de lecture,

Chapitre 38
Chemin de traverse : Oupsss j'ai pensé à Harry Potter
→ Les petites retrouvailles avec le vrai Pedro que c'est mimi ^^
Petit travail de récupération... Quelle drôle de façon de parler de l'enlèvement de Zia :roll:

Chapitre 39
→ Et bien si une femme lui prendra l'Espagnol

Chapitre 40
il s'était déjà cogné la tête à plusieurs reprises sur les aspérités traîtres du plafond :lol: :lol:
→ Une promenade de santé qu'ils avaient dit hein :roll:
→ Alors comme ça Patakon connait JC depuis des années sympa la protection jusqu'à Barcelone aussi

Chapitre 41
→ Charmante embuscade entre compagnons... Et pauvre Moustique même si on s'attendait à un truc du genre
→ Ça va chauffer sévère pour certain.

Chapitre 42
→ J'aime bien la façon d'appeler l'instigateur « l'Autre»
→ La fin de séance et l'arrivée de Mendo, j'ai ri
Luis: Taisez-vous, Pedro! Le Conseil juge. : Pan ! Mange toi ça PFC :lol:
→ Sacré récit et violence !

Chapitre 43
→ Un récit réellement passionnant et le duel qui va s'en suivre le sera tout autant à mon avis

Chapitre 44
→ Quel mignon Mendoza jeune. Bien choisi !
→ Bon je m'en doutais un peu mais dans la rage de Pedro il y avait surtout de la jalousie pure et simple
→ Quel joli retour pour sa vengeance éventré son propre ''assassin''

Chapitre 45
→ Bon j'ai pas pu m'empêcher de rire quand j'ai vu la tête de Gaston :lol:

Chapitre 46
→ Que Ciaran soit là c'est cool il vole à la rescousse de Mendo mais n'empêche qu'est ce qu'il fout là ?

Chapitre 47
→ Sympa le coup de pouce de Poil de carotte
si on commence à faire l'énumération des vies que l'on se doit, on n'a pas fini de compter! :lol:
→ Tu m'étonnes que Mendoza ne puisse pas en vouloir à Ciaran, ils passent leur temps à se chercher l'un l'autre surtout le 2° envers le 1°

Chapitre 48
→ Eh bah ! Il n'est pas au bout de ses peines notre pauvre Mendoza ! Il a accompli sa vengeance suite à un premier complot et en voilà un deuxième qui s'annonce.
→ La fin je dois dire que je reste perplexe, j'ai hâte de lire pour qu'elle raison JCM va rester Juan-Carlos Mendoza et ne pas finir en John Charles Mendson

Et évidemment des montages toujours aussi bien fait !
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yupanqui
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

Encore des rebondissements.
J’espère qu’il ne faudra pas attendre 48 chapitres pour que le capitaine résolve ses problèmes avec le roi de France.
Belle amitié avec l’Irlandais.
« On sera jamais séparés » :Zia: :-@ :Esteban:
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TEEGER59
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 49.

Afin d'être aussi peu visible que possible, Mendoza s'enveloppa dans sa cape et vérifia que personne ne traînait dans le couloir. Chargé du corps inanimé de Fadrique, il se fondit dans la pénombre. Plutôt que de prendre le même chemin qu'à l'aller et se faire arrêter par les gardes, il emprunta l'escalier dévolu aux serviteurs, désert à cette heure. Le Catalan connaissait suffisamment l'hôtel de ville pour atteindre le patio sans passer par la galerie gothique.
Une fois dans la cour intérieure battue par un léger crachin, il chuchota:
:Mendoza: : Ciarán?
Des gargouilles, au pied des arcs-boutants, déversaient les eaux des toitures et couvraient le son de sa voix.
:Mendoza: : Ciarán?
Émergeant de sa cachette, son cône planté au coin de la bouche, Macken lui répondit sur le même ton:
Ciarán: Eh, Hombre! Tu as réussi à ce que je vois!
Son acolyte posa son colis avant de rétorquer:
:Mendoza: : En effet. Dis, donne-moi un peu de ton chanvre...
Ciarán: Tu veux fumer?!? Je rêve ou quoi? Mais que t'arrive-t-il?
:Mendoza: : T'occupe!
Ciarán: Tiens mon ami, mais vas-y doucement!
:Mendoza: : Dommage que Patakon ne soit pas là! (Pensée).
Contrairement à ses habitudes, Mendoza prit une ample bouffée de fumée, qu'il relâcha par la bouche pour aussitôt l'inspirer par les narines. Le chènevis fusa dans son corps, remplaçant la tension accumulée par une vague de délassement et d'euphorie. Il se sentait soudain tout léger.
Fort surpris de ce comportement, l'Irlandais s'exclama:
Ciarán: Par le dragon de Saint Georges, je n'en crois pas mes yeux! Rends-le-moi, maintenant. Tu vas être malade si tu continues à tirer dessus comme ça. Bon, eh bien, que comptes-tu faire de ton fardeau, à présent? Le larguer dans le puits, tout comme le cadavre du gros Diricq?
:Mendoza: : Cet homme n'est pas mort, Ciarán. Je l'ai épargné.
Ciarán: Hein? Et la mission? Ne devais-tu pas tuer Fadrique Noreña? Qu'est-ce qui te prend d'aller à l'encontre des instructions de Charles Brandon?
Ce qu'il y avait de bien avec Poil-de-Carotte, c'est qu'il ne perdait pas son temps en circonvolutions. Son flair avait aisément démasqué l'identité du prisonnier.
:Mendoza: : J'ai promis à l'archevêque de lui laisser la vie sauve et de le ramener en Angleterre. J'ai quelques éléments à faire valoir au duc pour agir ainsi. Je pense qu'il aurait fait la même chose s'il avait été à ma place.
Ciarán: Explique-toi.
:Mendoza: : Plus tard, je suis exténué et ne rêve que d'un bon lit... Et ce n'est vraiment pas l'endroit pour avoir ce genre de discussion... Écoute!... Des marcheurs au pas de l'oie.
En effet, le raclement des bottes ferrées d'une patrouille faisait résonner les échos de la nuit.

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Le Somatén, la milice traditionnelle de Catalogne, ne servait pas à grand-chose si l'on considérait le nombre de meurtres qui se perpétraient quotidiennement, mais il fallait tout de même compter avec elle, lorsqu'on la rencontrait, si l'on ne voulait pas tâter des cachots de la prison de Barcelone.
Ciarán: Ils ne sont pas loin... Il faut marcher, et marcher vite.
:Mendoza: : Restons plutôt cachés dans l'enceinte de la Casa et attendons qu'ils s'éloignent.
Déjà trempé comme une soupe, le mercenaire leva les yeux et s'abandonna quelques instants à contempler la voûte étoilée.
Reviendrait-il un jour entre ces murs? Il en doutait. La disparition de Noreña et la sienne allaient causer un grand choc au Conseil des Cent. Sans lige et sans archevêque, le plan de conquête allait connaître un net recul, sinon un abandon pur et simple. Serait-il pour autant tenu pour responsable? Pas évident. En bon Yeoman, il n'avait laissé aucun indice pour l'incriminer. Il avait remporté le combat du Juste, ce qui lui conférait au moins pour un temps une certaine immunité. Il serait sans doute plutôt considéré comme une victime.
Au moins, une chose était sûre, c'est sans regret qu'il allait quitter ce lieu. Sa vengeance assouvie, plus rien ne le retenait ici. Il ne savait pas de quoi serait fait son avenir, mais à présent qu'il avait brisé les chaînes du passé, il était enfin à même de vivre pleinement son existence.
Une fois la milice passée, Mendoza souleva son prisonnier, toujours inconscient, le cala sur son épaule tel un vulgaire sac et, d'un pas décidé, franchit la porte donnant sur la place Sant Jaume, sans un regard en arrière.
Le patio fut laissé désert sous le regard hiératique de la lune.
L'Irlandais prit la tête. L'Espagnol suivait de son mieux car, bien que la calle del Mar fût l'une des plus grandes voies de Barcelone, son sol où alternaient dalles antiques et gros pavés offrait maints obstacles au piéton qui s'y engageait de nuit. La pluie avait disparue comme par magie, mais les gouttières la remplaçaient avantageusement.
Ils passèrent sans encombres les endroits délicats et, comme la rue s'élargissait encore, les deux hommes purent cheminer de front.
Il leur fallait songer à trouver un endroit pour le reste de la nuit. La Mouette Rieuse se révélait le choix le plus judicieux. En conséquence, après avoir déjoué toute possibilité de filature, il s'y rendirent. À cette heure, les portes étaient fermées mais Azucena, qui pétrissait du pain en cuisine, les fit entrer. L'amie de Patakon ne posa aucune question quant à l'étrange colis.
Mendoza ne pensait plus qu'à une chose, dormir. Il laissa son compagnon en compagnie de la patronne. Affamé, Poil-de-Carotte fureta dans le garde-manger, hésitant entre les restes d'un jarret de veau et sa sauce aux morilles ou ceux d'une cassolette de porc au caramel et petits oignons.

☼☼☼

Le patio de l'hôtel de ville ne resta pas inanimé bien longtemps. Quelques minutes à peine après le départ des deux Yeomen, Juan Cardona, l'évêque de Barcelone, et cinq hommes constituant sa garde personnelle descendirent l'escalier d'honneur.
Cinq hommes vêtus de robes grenats, portant à la main une épée. Ils se placèrent en éventail, prêts à couvrir leur supérieur, leur lame pointée dans la ligne de leurs regards vigilants.
Personne.
Cardona siffla de dépit. Il leva son avant-bras gauche, le poing fermé, et l'agita à trois reprises afin de découpler sa meute. Sur son ordre, les sicaires s'égaillèrent dans la cour intérieure à la recherche d'indices. Ils revinrent l'un après l'autre, bredouilles. De plus en plus irrité, Cardona les renvoya, après avoir ordonné à l'un d'eux d'activer son réseau de renseignement. Le signalement de Mendoza serait diffusé en ville et sur l'ensemble du territoire. Une fois repéré, les affiliés auraient l'ordre de le surveiller en gardant leurs distances et de prévenir séance tenante leur évêque de sa localisation.
Plus tôt dans la nuit, Cardona s'était rendu au palais Requesens, dans les appartements de Moustique, pour s'entretenir avec lui afin de lui arracher quelques informations avant que celui-ci ne parte pour la Galice.
Mais Juan-Carlos Mendoza avait disparu.
Sur ces entrefaites, un valet vint du palais épiscopal pour l'avertir. L'un des gardes de l'hôtel de ville, en effectuant sa ronde, avait découvert la porte du bureau de l'archevêque Noreña entrouverte. Suspicieux, il l'avait poussée sans ménagement pour constater que la pièce était dans un triste état. Cardona s'y était rendu immédiatement avec ses hommes pour découvrir les meubles renversés, les papiers brûlés dans la cheminée, la disparition de Fadrique et de son exemplaire du plan d'invasion.
L'évêque sauta aux conclusions et ses soupçons se transformèrent en certitude. Juan-Carlos Mendoza avait menti sur toute la ligne. Homme voué à la France depuis le début, probablement même l'un des favoris du Roi-Chevalier, il était réapparu afin d'assassiner son oncle, puis pour enlever un notable d'Espagne en la personne de Noreña et ainsi porter un rude coup aux projets de conquête de l'Empire.
Cette histoire d'allégeance à l'Angleterre n'était qu'un habile mensonge destiné à appâter les membres du conseil. La mystérieuse Angleterre dont on ne savait rien ou presque de ses agissements. Avec Henri VIII, on ignorait toujours de quel côté penchait la balance. Soutenait-il le Saint-Empire? La France? Difficile à dire. Quoi qu'il en soit, ce n'étaient que des fadaises qu'avaient gobées les autres seigneurs!
J.C: Tu as trompé le Conseil, mais pas moi, Juan-Carlos Mendoza! Tu as choisi de trahir les tiens, de tourner le dos à l'Espagne. Fort bien. À présent, tu as des comptes à me rendre. À présent, l'Inquisition gronde après toi!... Cours, Moustique, cours te cacher de ma colère! Je te débusquerai et tu paieras. J'en fait le serment sur mon honneur, tu n'auras aucun répit!
Pour valider son vœu, il traça dans l'air le signe de croix, le signe de confirmation et d'engagement. Sur cette tirade, l'évêque franchit la porte empruntée par sa cible, quelques instants plus tôt.

☼☼☼

Le lendemain matin, après avoir pris soin de vérifier les liens et le bâillon de Fadrique, Mendoza l'enferma à double tour dans sa chambre afin de se rendre dans celle de Ciarán. Jouant de ses charmes auprès d'Azucena la nuit dernière, ce dernier n'eut aucune difficulté à en obtenir une, même à une heure aussi tardive.
Poil-de-Carotte se levait à peine. L'œil embrumé, la chevelure dressée dans tous les sens, il gratta son torse velu et croassa:
Ciarán: Je ne pensais pas que tu te lèverais si tôt, Juan! Qu'est-ce que tu veux?
:Mendoza: : J'ai changé d'avis...
Ciarán: Tu as changé d'avis? Mais à quel propos?
:Mendoza: : Cela concerne l'archevêque. Je ne tiens pas à m'encombrer de sa présence.
Le Catalan présenta ses arguments tandis que son compagnon l'écoutait, tranquillement installé dans un fauteuil, un verre de vin à portée de main.
:Mendoza: : ... Ainsi, pour répondre à la demande d'Anne de Montmorency, le duc de Suffolk m'a ordonné de faire disparaître ce Fadrique Noreña. En un sens, j'ai obéi, puisque pour le moment, il est mon captif. Et personne ne pourra faire le lien avec l'Angleterre étant donné que je n'ai laissé aucun indice. En revanche, le bazar provoqué par la lutte dans son bureau va en laisser plus d'un perplexe.
Ciarán: Si tu décides de ne pas le ramener avec nous, que vas-tu en faire, alors?
:Mendoza: : Lui rendre sa liberté, mais à une condition...
Ciarán: Laquelle?
:Mendoza: : Il doit reprendre du service. Mais pour le compte de Brandon, cette f...
L'Irlandais le coupa:
Ciarán: En le laissant ici, ne crains-tu pas qu'il te dénonce... ou qu'il s'enfuie?
:Mendoza: : Non, je crois être tranquille de ce côté-là. Il ne pourra faire ni l'un ni l'autre sans dévoiler son double-jeu. De par ses choix passés, Noreña s'est mis dans une situation inextricable.
Ciarán: Tu penses qu'il acceptera de faire ce que tu viens de dire?
:Mendoza: : Ah, mais l'idée vient de lui! Crois-moi, cet archevêque n'a rien d'un homme d'église paisible. Il a mené un jeu bien dangereux à trahir sa propre patrie. Alors une fois de plus... À mon avis, je pense qu'il est bien trop habile pour se faire coincer. Et même s'il était pris en flagrant délit, tant qu'il n'avoue rien, protégé par son statut, il ne risque pas grand-chose, hormis peut-être de sévères remontrances de la part de l'Empereur.
Du moins, Mendoza voyait les choses ainsi.
Ciarán: Ainsi, ce bon Fadrique était un espion à la solde des Français. Mais alors pourquoi nous ont-ils demandé de le supprimer? Quelle est ton opinion à ce sujet, Hombre?
:Mendoza: : Ma théorie est la suivante. Si les Français nous ont engagés, c'est effectivement parce qu'ils étaient incapables d'approcher Noreña pour le tuer. Ils voulaient supprimer cet homme, c'est un fait, dans le but de faire échouer la phase de conquête qui menace leur allié, l'Empire Ottoman. Mais il y a une autre raison, peut-être plus importante. Car ils auraient très bien pu choisir un autre des membres du Conseil, non? En tant que moine Bénédictin, l'archevêque n'est pas concerné au premier chef par la guerre. Don Luis de Ávila y Zúñiga, par exemple, aurait fait une cible bien plus évidente puisque c'est lui qui dirigera les armées de l'Espagne. Non, je pense que les Français ont spécifiquement décidé la perte de l'ecclésiastique.
Ciarán: Pour quelle raison?
:Mendoza: : Parce qu'il les dérangeait... Parce qu'il avait repris son indépendance. Ce que Fadrique m'a confirmé, si tant est que ses propos soient fiables, ce qui est loin d'être sûr.
Ciarán: Soit! Tu as donc débusqué un espion pour le séquestrer quelques jours afin de le conditionner. Et après?
:Mendoza: : Plus qu'un simple espion, Ciarán. Un traître! Un traître à la tête de la Catalogne! Un membre direct du Conseil disposant donc de nombreux secrets sur celui-ci. Et sans oublier ceux de François Ier! Je suis persuadé que si les Français se sont bien cachés de nous révéler que l'archevêque travaillait pour eux, c'est qu'il a bien plus de valeur vivant que mort. Fadrique était acculé quand il a déclaré détenir des informations importantes au sujet du Roi-Chevalier, c'était sa dernière carte, la plus importante. Ce savoir qu'il s'est déclaré prêt à transmettre à notre maître pour sauver sa peau pourra sans aucun doute lui être profitable... J'ai soupesé les faits et me suis adapté, jugeant qu'il serait plus intelligent de ne pas le tuer... Malgré mon désir de vengeance... Si Fadrique a menti, il sera toujours temps de lui faire regretter. Si le duc en décide ainsi, je m'en chargerai avec plaisir. Je reviendrai et...
Éclusant son verre, l'Irlandais rétorqua tout net:
Ciarán: Non! Pour l'instant, tu ignores ce que Brandon va décider. Il faut avant tout lui en faire part.
Il se resservit dans la foulée avant d'ajouter:
Ciarán: Mais je suis du même avis que toi. Il est effectivement plus utile de garder Noreña vivant. Bravo, Juan! Pour ma part, je pense que tu as bien agi, ou réagi devrais-je dire. L'Empire déstabilisé dans ses rêves de conquête et l'archevêque représentant un atout sur les Français dont les limites restent à cerner...
Ciarán plissa son visage.
Ciarán: Humm... Il reste toutefois un point à régler. Que va présenter le duc en guise de version officielle? Hors de question que quiconque apprenne que Noreña est désormais sous son égide. Brandon devra, tour à tour, donner la preuve de sa mort à Henri VIII, puis à son commanditaire, le duc de Montmorency... Je suis sûr que tu as pris cette donnée en compte. Qu'as-tu prévu comme parade?
Le regard de l'Irlandais pétillait. L'Espagnol sourit tranquillement.
:Mendoza: : Eh bien, pour convaincre son royal beau-frère, le duc n'aura qu'à lui donner ceci!
Mendoza dévoila un sac de toile qu'il jeta sur les genoux de Poil-de-Carotte. Taché d'une substance que Macken analysa d'un coup d'œil comme du sang séché. D'une main fine, il l'ouvrit et contempla son contenu, sourcils haussés.
Ciarán: Une soutane? C'est celle de Noreña?
:Mendoza: : Exact!... Tu remarqueras également qu'elle est en charpie. Je pense que cela suffira amplement. Henri VIII et les Français n'auront aucune raison de douter de la parole de Charles Brandon. Et pour lui, la valeur de cet homme restera intacte puisqu'il restera sous son contrôle.
Il y eu un blanc dans la conversation.
:Mendoza: : En ce qui me concerne, moi, j'ai complété ma vengeance. Noreña est cerné de toute part: il doit se faire passer pour mort aux yeux de la France et du roi d'Angleterre mais il ne peut s'enfuir de Catalogne car ses responsabilités en tant que vice-roi l'en empêchent... Échec et mat! À lui de justifier son absence lors de ces quelques jours auprès de ses pairs... Il n'aura qu'à prétendre s'être rendu à Saragosse. Il en est l'archevêque et n'y a encore jamais mis les pieds, paraît-il... (Pensée).
Ciarán: Henri VIII apprendra tôt au tard cette duperie. J'espère le plus tard possible. Mais alors, que lui dira le duc de Suffolk?
:Mendoza: : Et depuis quand un général ne peut-il plus mener son propre jeu? Charles Brandon n'a commis aucune traîtrise envers son roi. On lui a demandé de faire disparaître l'archevêque, d'enrayer l'attaque de l'Empire. Cela a été fait. L'absence temporaire de Noreña fait qu'il ne siégera peut-être plus au Conseil. La mort de Pedro Folc de Cardona, le scandale provoqué suffiront à reporter, voire à annuler le plan de conquête de l'Empire*. Et si ce n'est pas le cas, ce document que j'ai découvert sur le bureau de l'archevêque permettra au duc de prévoir tous leurs mouvements. Il saura mieux que moi en tirer parti. Ainsi, il sera couvert, quoi qu'il arrive... D'ailleurs, Brandon ne devra strictement rien aux Français. Au contraire, ce sont eux, qui, à présent, seront débiteurs envers lui, n'est ce pas? Et je te rappelle que leur attitude est suspecte, ils ont menti en omettant de dire que Fadrique était leur espion.
Macken saisit le papier que lui tendait Mendoza et le lut aussitôt. Quelques secondes lui suffirent pour comprendre les grandes lignes du projet d'invasion.
Ciarán: Ah, Juan, quelle rhétorique! Avec de tels arguments, le duc sera paré pour répondre aux questions du roi. Pour la plupart des gens, Noreña sera mort.
Poil-de-Carotte se leva, manifestement réjoui. Il fit quelques pas, les mains dans le dos et enfila sa tunique avant de se rasseoir.
Ciarán: Et toi, que penses-tu de tout cela? De toutes ces guerres?

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L'Espagnol se massa le front et répondit:
:Mendoza: : Je ne fais que mon travail. Je suis un Yeoman, j'ai été formé comme tel. Tu veux savoir si j'y prends du plaisir? Et bien non! La guerre n'est autre pour moi qu'un problème mathématique à résoudre. Henri VIII commande des victoires au duc de Suffolk, je lui en obtiens, et si j'en ressens une certaine satisfaction, c'est une récompense intellectuelle. La preuve que j'ai résolu un nouveau défi. Je n'éprouve rien de plus à ce sujet. Et je peux m'enorgueillir d'une chose, plus importante pour moi que le succès. En éliminant un seul homme ou quelques-uns lors de mes différentes missions, je contribue à épargner la vie de milliers d'autres.
Ciarán: Mais tu n'as pas envie d'autre chose? D'une autre vie?
:Mendoza: : Jusqu'ici, je ne m'étais même pas posé la question.
Ciarán: Jusqu'ici soit! Mais à présent?
:Mendoza: : À présent, je me pose la question...
Ils se dévisagèrent intensément. Jusqu'à ce que l'Irlandais ajoute d'un ton ironique:
Ciarán: Fais-moi signe quand tu auras la réponse.
Juan opina gravement:
:Mendoza: : Tu peux y compter.
Ciarán: Pour cette histoire de prophétie, le duc s'en chargera. Je ne sais pas ce que François Ier peut bien te vouloir, mais le seigneur Brandon creusera la question. En attendant, tant que tu ne remets pas les pieds en France, tu ne crains rien.
Ciarán se leva de nouveau.
Ciarán: Bon, eh bien, je te salue compagnon. On se voit dans quelques heures...
:Mendoza: : Tu ne restes pas avec moi?
Ciarán: Écoute, Juan, tu es vivant et ta mission est un succès. En conséquence, la mienne également. Alors je vais profiter d'être ici pour traîner un peu en ville. Contrairement à toi, je n'ai pas à me cacher et j'ai envie de découvrir les plaisirs proposés par la capitale de la Catalogne. J'ai grand faim, tout d'abord. Et puis, on m'a donné l'adresse d'une certaine maison. Il paraît que les filles y sont fantastiques!
L'Irlandais adressa à l'Espagnol un clin d'œil égrillard. Celui-ci répliqua:
:Mendoza: : Pas la peine d'entrer dans les détails, espèce d'obsédé!
Les deux compagnons se saisirent l'avant-bras, échangeant le salut des frères d'armes.
:Mendoza: : Ciarán?
Ciarán: Hum?
:Mendoza: : Quand tu auras cinq minutes, essaye de trouver un autre établissement pour nous accueillir, le temps de prendre nos dispositions pour le voyage du retour.
Ciarán: Pourquoi? Celui-ci est très bien!
:Mendoza: : En effet mais on m'y a trop vu. Il est temps pour moi de changer d'air.
Il savait Azucena toute disposée à les héberger et pourtant il préférait éviter de loger à la Mouette Rieuse. Impossible de rester chez elle sans lui attirer des ennuis. Il ne pouvait même pas visiter sa mère sans la mettre en danger.
Ciarán: Je m'en charge. En attendant, je te prie de m'excuser mais je dois te laisser.
Macken fit quelques pas pour s'éloigner avant de se retourner.
Ciarán: Juan?
:Mendoza: : Oui, Ciarán?
Ciarán: Même tactique qu'à Linlithgow Bridge?
Le Catalan adressa à son comparse un sourire aussi autenthique que rare. Ce simple nom évoquait maints souvenirs pour les deux hommes. Rien de moins que leur rencontre, la naissance de leur amitié. Cette phrase était une sorte de mantra, le gage et le rappel de cette camaraderie.
Le capitaine répéta doucement:
:Mendoza: : Même tactique qu'à Linlithgow Bridge.
Et Poil-de-Carotte prit congé de sa démarche bondissante, ouvrant la porte et disparaissant sans un bruit dans l'escalier dont il ne fit même pas craquer une marche.

À suivre...

*
*Report du plan de conquête de l'Empire: véridique. La bataille de Tunis aura lieu trois ans plus tard, du 16 juin au 21 juillet 1535.
Modifié en dernier par TEEGER59 le 04 nov. 2020, 23:31, modifié 3 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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yupanqui
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

Très beau récit.
Mention spéciale au développement de Mendoza sur sa mission de Yeoman + la réplique « A présent je me pose la question », humour et ouverture.
Et la belle camaraderie.
J’espère que la magicienne va lui permettre de traverser l’Espagne et la France en soucoupe volante car sinon ça ne va pas être de tout repos entre l’inquisition espagnole menée par JC et les sbires du roi de France à ses trousses...
Modifié en dernier par yupanqui le 05 nov. 2020, 22:41, modifié 1 fois.
« On sera jamais séparés » :Zia: :-@ :Esteban:
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par Tika »

I like this interpretation of Mendoza- it really helps explain why he is the way he is. I personally think he's less bloodthirsty in the series, but it makes for an interesting read and does make a lot of sense. Mendoza in this fanfic reminds me a lot of Roland from the Dark Tower series by Stephen King (book not movie).
The second book ( The Drawing of the Three) is the best in my opinion.
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TEEGER59
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par TEEGER59 »

Thank you so much, Tika!
I don't know these Stephen King's books.
I will read them if the opportunity arises.
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:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
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IsaGuerra
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par IsaGuerra »

Chapitre très sympa !

→ Décidément les Cardona sont de vrais imbéciles doublés de casses bonbons : On en perd 1 il pourrait être tranquille mais non faut que le neveu prenne la suite

→ Petit plus pour le passage dans la chambre à la Mouette Rieuse, c'est pas mal de le voir s'interroger sur ce qu'il va faire
« On le fait parce qu'on sait le faire » Don Flack
« Ne te met pas en travers de ceux qui veulent t'aider » Sara Sidle

« J'ai de bonnes raisons de faire ce que je fais » Isabella Laguerra
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