Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

C'est ici que les artistes (en herbe ou confirmés) peuvent présenter leurs compositions personnelles : images, musiques, figurines, etc.
Répondre
Avatar du membre
TEEGER59
Grand Condor
Grand Condor
Messages : 4538
Enregistré le : 02 mai 2016, 14:53
Localisation : Valenciennes
Âge : 46
Contact :

Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 23.

Lorsqu'il s'éveilla, le lendemain matin, la petite fée avait disparu. Le sommeil de Mendoza avait été affranchi de cauchemars. Il s'éveilla frais et dispos mais resta un moment à contempler le plafond.

52.PNG

:Mendoza: : Quelle femme! (Pensée).
Il aurait facilement pu s'éprendre d'elle. Voire aspirer à la réciprocité, même si Morgane avait été claire à ce sujet. Mais de toute manière, ce genre d'espérance n'était pas pour lui. Avant, peut-être. Avant. Lorsqu'il était encore un jeune idéaliste, lorsqu'il croyait à l'Amour. Mais il l'avait chèrement payée, cette foi qu'il considérait comme sacrée. Avec pour toute récompense la trahison, la souffrance et se voir laissé baignant son propre sang. Non, il n'avait plus ce genre de croyance. Il ne se fiait à présent qu'à une seule personne, lui-même, et n'avait aucune envie de s'embarrasser d'une liaison sérieuse. Aucun désir, en fait, de s'embarrasser d'une liaison tout court.
D'un bond, il sauta de son lit et fit ses habituels exercices matinaux, de simples étirements avant de faire sa toilette.

☼☼☼

Dans la cuisine, il rencontra Théophraste. En chemise de lit*, la chevelure en bataille, les yeux lourds, le mage avait une mine de déterré. Ce dernier lança:
Théo: Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit! Rox' a eu le dessus et ne m'a laissé aucun répit: je suis griffé de partout!
Ils étaient seuls. L'Espagnol s'assit en face de lui et se versa un bol de lait tiède, accompagné d'une large tranche de pain recouverte de beurre salé. Il dégusta le breuvage et mordit dans sa tartine avant de demander:
:Mendoza: : Mais ça ne te gêne pas de coucher avec une amie?
Théo: Non, pas du tout. Écoute, les choses ont toujours été claires entre Rox' et moi. C'est une façon de partager l'amitié qui nous lie, car il ne s'agit que de cela. Et puis, tu sais, ça n'arrive pas si souvent et ça me convient. J'aime ma liberté, vois-tu, et je ne désire pas la sacrifier sur l'autel de l'Amour. Toutefois, qui sait ce que l'avenir nous réserve? Bon, je parle, je parle, mais Morgane t'attend dehors. Ah, au fait, avant de te laisser, j'ai croisé Hans, tout à l'heure. Il s'est déclaré. Le camélia qu'il portait à la boutonnière était éloquent. Selon les mœurs Suisses, il est à présent promis! Et je gage que Macumba porte la même fleur sur elle. Je pense qu'elle s'adaptera facilement aux coutumes du pays. D'ailleurs, les deux peuples ont beaucoup en commun. Hormis une conception bien différente du pacifisme! Je suis un gros bavard, n'est-ce pas? Mais ce n'est pas tout ça. Mon lit m'appelle, ami Mendson. À plus tard!
:Mendoza: : Ami... (Pensée).
Ainsi le mage le considérait comme tel.
La réciproque était-elle vraie? Mendoza n'en était pas sûr. Il avait cru en l'amitié. Autrefois. Et le prix en avait été exorbitant. Aujourd'hui, les seuls à vraiment se targuer d'être proches de lui étaient Ciarán Macken, l'Irlandais, ainsi que Sancho et Pedro, deux marins Espagnols avec qui il avait fait le tour du monde. En dépit de la distance, ils étaient restés en contact. Théo allait-il intégrer ce cercle des plus restreints?
Peut-être... S'ouvrir à une nouvelle amitié était une sensation étrange pour Juan. Il avait l'impression de devoir forcer au fond de lui-même une porte poussiéreuse, grinçante et fragile. Il n'était pas certain d'en être capable. Il s'ébroua. Ce n'était certes pas le moment pour de telles pensées. Plus tard. Un jour. S'il parvenait à réussir ce pour quoi il était revenu sur le continent.
Le Catalan prit le temps d'engloutir une assiette contenant une variété de différents fromages, accompagnée de figues et de noisettes, de fondantes galettes de froment et d'une demi-miche de pain aux céréales.
Il gagna ensuite la plate-forme qui l'amena au premier. Il avait l'impression de se trouver dans le chêne d'Allouville en Normandie*. Juan ouvrit la trappe et descendit l'échelle. Dehors se trouvait Morgane. De leur nuit commune, aucun signe. Elle lui sourit:
Morgane: Viens avec moi, dans la clairière. Quelqu'un désire te voir et je crois que cela te plaira.
Au-dessus de leur tête, le soleil continuait à briller d'abondance. Un vent folâtre agitait les arbres. Mendoza emplit ses poumons de l'air de la sylve, si vivifiant. Il avait du mal à croire que quelques jours auparavant, il était assailli par des trombes d'eau glacée.
Un bruit de galopade couvrit le chant des oiseaux. Alerté par cette cavalcade, le Yeoman épia sa maîtresse d'un soir. Elle paraissait toujours aussi détendue. Était-ce un piège? Non.

53.PNG

Il s'agissait juste d'une troupe de chevaux sauvages qui prenait possession de la clairière. Leur éclaireur, un magnifique alezan, se dressa devant Morgane, comme pour la saluer, avant d'aller paître. Bientôt suivi d'une jument blanche, d'un robuste louvet, de plusieurs bais, clairs ou bruns, de quelques tachetés et enfin d'un grand gris. Son Boulonnais.
Le destrier de combat s'écarta de ses congénères et se mit au pas, agitant la crinière vers le capitaine qui s'étonna:
:Mendoza: : Mais, comment...?
Il avait du mal à comprendre la présence de l'animal dans ce lieu caché.
Avec un hennissement de joie, celui-ci vint droit sur lui et nicha affectueusement ses naseaux dans le cou de l'Espagnol, qui se tourna vers l'alcine, le sourcil haussé.
Morgane: Une caravane de Gitans en route vers Perpignan est passée à la limite de la vallée. Le cheval a tout simplement rompu ses attaches et nous a rejoints. Lorsqu'il est arrivé sur mon territoire, j'ai sondé son esprit et il avait ton image en tête. Et comme tu peux t'en rendre compte, ton cheval se trouve fort bien ici!
L'étalon se rendit de lui-même vers une couverture, une selle et un harnais, placés à l'écart sur une souche. Il hennit doucement en direction de celui qu'il considérait comme son maître.

54.PNG

Morgane: Il t'attend! Tu as l'après-midi. Ça fait partie de ta convalescence. Profites-en, mais si tu veux rester sous ma protection, ne sors pas de la vallée...
Mendoza ne résista pas. Il avait toujours aimé ces bêtes et avait su monter avant de savoir marcher. À peine sa monture harnachée, ils galopaient tous deux à travers bois.

À suivre...

*
Modifié en dernier par TEEGER59 le 06 juil. 2020, 22:39, modifié 1 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
Avatar du membre
Este
Maître Shaolin
Maître Shaolin
Messages : 1709
Enregistré le : 02 avr. 2020, 15:06
Genre : Homme
Localisation : Kûmlar
Âge : 16
Contact :

Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par Este »

J'adore !! J'aime bien Morgane !!
Saison 1 : 18/20 :D
Saison 2 : 13/20 :roll:
Saison 3 : 19/20 :-@ :-@ :-@
Saison 4 : 20/20 :-@ :-@ :-@ :-@ :-@

Perso préféré : Laguerra
Couple préféré : Mendoza et Laguerra
Avatar du membre
yupanqui
Grand Condor
Grand Condor
Messages : 3000
Enregistré le : 02 déc. 2012, 15:07
Localisation : Au cœur des 7 cités avec Zia
Âge : 52

Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

Un beau chapitre où l’on subodore le passé torturé et tourmenté de Mendoza.
Beaucoup de réflexion sur les aventures amoureuses, l’amitié, l’amour, la confiance, les trahisons.
Sympa cette parenthèse sur le retour du cheval.
Et bravo pour les montages.
« On sera jamais séparés » :Zia: :-@ :Esteban:
Avatar du membre
Este
Maître Shaolin
Maître Shaolin
Messages : 1709
Enregistré le : 02 avr. 2020, 15:06
Genre : Homme
Localisation : Kûmlar
Âge : 16
Contact :

Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par Este »

yupanqui a écrit : 06 juil. 2020, 22:32 Un beau chapitre où l’on subodore le passé torturé et tourmenté de Mendoza.
Oui c'est aussi ce que j'aime !!
Saison 1 : 18/20 :D
Saison 2 : 13/20 :roll:
Saison 3 : 19/20 :-@ :-@ :-@
Saison 4 : 20/20 :-@ :-@ :-@ :-@ :-@

Perso préféré : Laguerra
Couple préféré : Mendoza et Laguerra
Avatar du membre
TEEGER59
Grand Condor
Grand Condor
Messages : 4538
Enregistré le : 02 mai 2016, 14:53
Localisation : Valenciennes
Âge : 46
Contact :

Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 24.

Habillée d'une robe en armoisin blanc, bordée de broderies et fendue de la poitrine jusqu'en bas, pour laisser voir la jupe en voile de damas, Mary, de retour en Angleterre, se tenait dans le bureau de son frère. Cela ne lui fut pas difficile, car son aîné lui avait toujours offert libre accès. Elle avait seulement attendu que celui-ci sorte chasser avec sa "putain aux yeux de grenouille", pour y pénétrer.

55.PNG

Comme la plupart des sujets Anglais, elle n'appréciait guère la future reine, Anne Boleyn, qui fut l'une de ses dames d'honneur à la cour de France.
À peine entrée, l'épouse de Charles Brandon inspecta les lieux du regard. La pièce favorite de son frère avait changé d'aspect. Nouvelle décoration, mobilier à base de bois laqué sombre, et nouvel agencement. Sur deux des murs libres, des esquisses au fusain. Si la bibliothèque avait changé de place, elle se révélait toujours aussi fournie. Dans la cheminée qui lui faisait face, des bûches craquaient sous le feu qui les dévorait lentement.
La duchesse ne perdit pas de temps à étudier la décoration. Contrairement au roi, humaniste et cultivé, elle n'avait aucun goût pour l'art.
Elle fit quelques pas. Plutôt que d'effectuer un quadrillage minutieux de la pièce, elle préféra s'en remettre à son instinct.
Mary s'installa devant la table de travail. Celle-ci était encombrée d'une masse de dossiers, de recueils, de feuilles volantes, dont la lettre de démission du chancelier Thomas More qui avait obtenu de son souverain d'être relevé de ses fonctions, se prétendant malade et atteint de vives douleurs à la poitrine.
Les différents tiroirs contenaient un fatras similaire. La jeune femme sourit. Elle et son frère avaient beau être l'opposé l'un de l'autre, elle connaissait parfaitement son fonctionnement. Le désordre qui jonchait son bureau était inversement proportionnel à la clarté de son esprit, pourtant obsessionnel et paranoïaque, autoritaire et despotique. Mais ce désordre était un leurre. D'ailleurs, ce bureau lui-même en était un. Elle n'y trouverait pas ce qu'elle cherchait.
Mary: La bibliothèque peut-être? Henri annote beaucoup d'ouvrages... Non, encore un endroit trop évident pour lui. (Pensée).
Finalement, elle se releva et tourna lentement sur elle-même pour jauger la pièce.
Les dossiers! Où diable son frère pouvait-il cacher ces fameux dossiers?
Elle examina chaque statue, chaque bibelot. En vain. Dans un angle, le bar à liqueurs ne lui livra aucun secret. Elle en profita tour de même pour se servir un verre dont elle prit une gorgée. Son regard errait, à la recherche d'un indice. Elle ne voyait rien et reprit une lampée.
Mary: Pense à Henri. Mets-toi à sa place. (Pensée).
Son expression se fit plus vive.
Mary: Ce n'est pas un indice que je dois chercher, mais au contraire, une absence d'indices! (Pensée).
Immédiatement, son attention se focalisa sur le mur du fond. Un mur nu, parfaitement quelconque. Si elle connaissait bien son aîné, ce ne pouvait être que là.
Mary sourit, posa son verre sur la table basse et gagna ledit mur. Elle se mit à le sonder des mains, sans trouver aucun levier ou renfoncement caché, aucun mécanisme secret.
Pourtant, ce ne devait pas être une chose trop compliquée. Si le cabinet particulier du monarque se trouvait bien derrière cette cloison, comme elle l'espérait, son accès ne devait pas être trop difficile car il devait s'y rendre plusieurs fois par jour.
Elle finit par poser la main sur la fresque de pierre taillée décorant le manteau de la cheminée.
Un déclic se fit entendre et le pan de mur qui l'intéressait s'effaça, laissant apparaître un carré de lumière douce... Le studiolo.
Postée sur le seuil, la princesse ne repéra aucun verrou, ce qui l'étonna de la part de son frère, plutôt précautionneux de nature. En effet, lorsqu'il se rendait à Hever Castle, un havre de paix entouré d'eau et de verdure au cœur de la campagne du Kent pour chasser, rendant ainsi visite aux parents d'Anne Boleyn, il faisait poser des serrures partout.

56.PNG

Sans plus y penser, la voix libre, elle entra.
Là aussi, du bois aux tons foncés mais aucun objet de décoration. Au centre du cabinet, un faldistoire ayant l'air très inconfortable. Sur toute la surface des murs, des milliers de dossiers, soigneusement étiquetés et rangés dans des compartiments coulissants. Ils s'empilaient dans la pièce jusqu'au plafond.
Il y avait tant à lire. Et à apprendre. Mais la jeune femme était venue dans un but précis. Le seul problème était que les indications qui figuraient sur la tranche des casiers lui étaient incompréhensibles et que le mode de classement paraissait irrationnel. Mary savait toutefois que ce n'était qu'un subterfuge de plus de la part d'Henri. Il lui fallut à peine cinq minutes pour percer la clé alphabétique.
Elle savait à présent où chercher. Faisant pivoter le fauteuil, elle le rapprocha ensuite pour atteindre un tiroir contenant une série de dossiers bleues qui traitaient des accords commerciaux de sir Richard Gresham, un marchand Londonien renommé, qui avait négocié au bénéfice de son roi des prêts étrangers.
Voilà qui devrait satisfaire son amant sans trop dévoiler les affaires politiques de son frère. La jeune femme soupira de contentement. Elle saisit le premier document qu'elle ouvrit afin de mémoriser les informations qu'il contenait.
Le mercantilisme anglais prenait surtout la forme d'un contrôle du commerce international. Une large gamme de régulations fut mis en place pour encourager les exportations et décourager les importations. C'étaient les ordres du roi. Les Navigation Acts interdisaient aussi aux étrangers de faire du commerce intérieur sur l'île.
Sa tâche accomplie, elle rangea le tout, veillant à ne laisser aucun indice de son intrusion.
Elle avait fini. Mais au lieu de sortir, elle se mit à chercher un autre type d'information.
Une série de registres d'un rouge sang. Classés "Très secret" selon le code couleur en vigueur. Ces dossiers, il y en avait douze. Ils concernaient les Yeomen Warders.
Contrairement aux autres Puissances, l'Angleterre n'entraînait pas d'armée professionnelle digne de ce nom. Uniquement les troupes nécessaires à la sécurité des Tudor. Des garnisons basées à Berwick, Calais et Carlisle, comptant quelques centaines de soldats. Peu d'hommes donc, mais triés sur le volet, parfaitement éprouvés. Et parmi eux, l'élite, les douze gardes secrets du roi, dont les identités restaient mystérieuses même au sein de la cour.
Sans s'intéresser aux autres, Mary se jeta sur celui de Mendoza, qui se révéla étonnamment succinct. Y figuraient quelques lignes concernant sa jeunesse passée dans le domaine familial en Catalogne, son tour du monde sous les ordres de Magellan, et son retour à Barcelone. Sans plus de détails, suivaient la date de son arrivée en Angleterre, les grandes lignes de sa carrière de soldat et sa nomination comme capitaine. Un résumé de ses missions, toutes réussies. Le détail était référencé dans un autre registre. Une note ajoutait qu'il était à cet instant même en service sur le continent. Un nom de code suivait, que la jeune femme ne parvint pas à décrypter. C'était tout ce qui concernait l'Espagnol.
Elle parcourir les onze dossiers restants, mais les aboiements de la meute, suivis d'un bruit de cavalcade dans la cour l'avertissait du retour d'Henri.
Mary: Idiote! (Pensée).
Elle n'avait plus le temps à présent. Elle se hâta de mettre les registres en place, prenant soin d'en conserver l'ordre. Mary aurait dû les survoler tous, les uns après les autres, et sans attendre. Au lieu de cela, sotte qu'elle était, elle n'avait pu se retenir de consulter en détail celui du Catalan. Pour rien, en plus! Le dossier ne contenait aucune information vraiment intéressante. Et elle ne connaissait même pas l'identité des autres.
Son frère avait sans doute d'autres notes, encore plus secrètes, mais elle n'avait pas le temps de les trouver. Il lui faudrait revenir.
D'un bond, elle jaillit hors de la pièce secrète et actionna le mécanisme de fermeture. La duchesse n'eut que le temps de plonger sur la banquette d'angle et de saisir le verre qu'elle s'était servi. Il était temps car la porte venait de s'ouvrir et Henri entra, la mine songeuse. Mary scruta ses traits. Il ne s'était rendu compte de rien.
Perdu dans ses pensées, il fit encore trois pas avant d'aviser sa présence. S'il éprouva de la surprise à voir sa cadette lui rendre visite durant son absence, celle-ci ne transparut pas sur son visage.
De haute taille et bien bâti, le roi ne passait pas inaperçu. Malgré la rondeur de sa physionomie, il avait des traits délicatement sculptés sur une peau très blanche et très colorée à la fois. La fossette familiale au menton, il disposait de l'altière beauté dévolue à la descendance des York et des Lancastre.
"Passé quarante ans, un homme est responsable de son visage" disait Léonard de Vinci.
Mary jeta un œil à sa tenue: casaque de drap d'or, sayon à longues basques en fils d'or, disparaissant sous la veste dogaline rutilante qui élargissait ses épaules déjà imposantes.
Mary: Toujours aussi impeccable, mon cher frère.
La duchesse ne bougea pas pour aller à sa rencontre, mais leva son verre pour le saluer. En retour, Henri lui adressa un petit signe de tête poli.
Henri: Petite sœur! Je suis content de te voir, chère Mary. Que me vaut le plaisir?
Mary: Ce matin, je me suis réveillée avec l'envie de te voir, alors me voici.
Henri: Et je m'en félicite. Cela faisait trop longtemps que nous ne nous étions vus. Que fais-tu de ta vie, ces derniers temps?
Mary: Rien de plus que d'habitude. Tu me connais, je vais et je viens, au gré de mes envies. Je me balade.
Espérant entendre un autre discours, son aîné soupira:
Henri: Mary... Quand cesseras-tu tes frasques pour te consacrer à ton devoir, le bien-être de ta famille?
La jeune femme quitta sa pose alanguie et haussa le ton:
Mary: Inutile de te lancer dans tes pitoyables discours, je ne les connais que trop. N'espère pas me changer, Henri, je te l'ai déjà dit!
Il était dangereux de s'adresser au roi de la sorte. Brutal dans sa politique comme dans sa vie privée, souvent en proie à la paranoïa, Henri ne tolérait aucune forme de résistance. Pour imposer sa suprématie, il n'hésitait pas à faire exécuter tous ceux qui se trouvaient sur sa route. Il était en revanche beaucoup plus modéré envers ses sœurs et plus précisément avec sa cadette.
Henri: Oh, loin de moi cette idée, petite sœur. Il y a bien des années que j'ai cesser d'espérer te voir agir de manière sensée et responsable. Mais ce n'est pas parce que père te passait tous tes caprices que je vais m'interdire de te dire ce que je pense. Reviens parmi les tiens, viens tenir ta place à Westhorpe Hall auprès de ton époux et de tes enfants. Un jour ou l'autre, tes agissements irresponsables causeront grand tort à la famille Tudor, et je ne peux me le permettre.
Haussant les épaules, Mary répondit:
Mary: Tu me prêtes plus d'importance que je n'en ai.
Henri: Mais si tu es importante! Tu es une princesse, ne l'oublie jamais. Et peut-être la mère du futur roi. Tu sais que mon fils illégitime* ne pourra jamais prétendre au trône. En revanche, mon neveu*, ton fils, a une possibilité réelle qu'il le devienne un jour si je ne parviens pas à épouser Anne. C'est ainsi! À toi revient l'honneur de l'éduquer comme il se doit.
Mary: Quel honneur, en effet! Mais moi, je me refuse à renoncer à ma liberté. Hors de question que je te laisse m'emprisonner ainsi!
Henri: Je n'ai aucun désir de te museler. Je ne veux que ton intérêt, qui n'est d'ailleurs pas incompatible avec celui de notre famille. Le tout est de trouver un équilibre acceptable entre tes besoins et les miens.
À brûle-pourpoint, Mary demanda:
Mary: Au fait, tu sais où est passé Mendoza? J'ai passé la matinée à le chercher.
Henri: L'ambassadeur? Mais ma chère Mary, cela fait plus de trois ans qu'il est retourné en Espagne!
Mary: Pas l'ambassadeur, maître pantoufle!* Je te parle de son neveu. Tu l'as envoyé en mission?
Henri: Ce que je fais de mes hommes ne te regarde pas. Et laisse Mendoza en paix!
Mary: Tu as peur que je le pervertisse, ton fameux Yeoman?
Henri: Exactement. Il m'est bien trop utile pour être gâché dans et par tes bras. Et je te rappelle que tu n'es pas censée parler de son véritable rang. Il n'est pour tous que le capitaine de la Garde.
La jeune femme balaya la remarque de la main. Elle vida son verre d'un trait et se leva pour aller se resservir, un sourire malicieux au coin des lèvres.
Mary: Merci de tes bons conseils, mon frère.
Henri: Tu sais très bien ce que je veux dire, Mary, alors ne joue pas l'innocente, pas avec moi! Et permets-moi d'ajouter qu'il est temps que tu t'assagisses. Cesse donc de jouer les coureuses de rempart, tu ne fais que gâcher ta vie!
Mary: Garde ta morale pour toi, Henri. Tu es mal placé pour me dire quoi que ce soit sur ce sujet. Toi aussi, tu aimes les plaisirs de la chair... (Pensée).
Elle répliqua:
Mary: Je ne suis pas venue pour un sermon! Je veux juste être libre de faire ce qu'il me plaît.
Le roi soupira avant de poursuivre:
Henri: Laisse tomber.... Nous ne parviendrons jamais à nous accorder sur ce point. Laisse-moi au moins ajouter une chose: si tu as besoin de moi, sache que je suis là. C'est tout.
La duchesse faillit dire le fond de sa pensée mais se ravisa au dernier moment.
Mary: Merci. Cela m'a fait plaisir de te voir, grand frère.
Henri: Moi aussi. Attends, prends au moins cela.
Le souverain ouvrit l'un de ses tiroirs de son bureau pour en sortir une bourse pleine, contenant trois cent dix-huit livres* qu'il jeta à la duchesse. Celle-ci saisit l'argent au vol, et soupesa le sac en adressant un large sourire à son mécène.
Mary: De quoi apaiser ta conscience, Henri? Pourquoi pas? En tout cas, je boirai à ta santé dès ce soir!
Ils s'étreignirent. Malgré leurs différends, malgré leurs différences, le frère et la sœur se portaient une sincère affection.

☼☼☼

Une fois la jeune femme partie, Henri se rassit à son bureau. Malgré ses positions toujours aussi rebelles, il avait prit plaisir à la revoir. Cependant, son instinct le titillait. Quelque chose sonnait faux.
Pourquoi Mary avait-elle choisi le moment de son rendez-vous avec sa maîtresse pour le visiter? Elle savait que la chasse n'était qu'un prétexte pour passer plus de temps avec Anne, et Henri ne pensait pas qu'elle avait pu l'oublier. Ils avaient tout de même été élevés ensemble et sa cadette était loin d'être aussi écervelée qu'elle voulait bien le paraître. Elle se servait même très bien de ce subterfuge.
Le monarque finit par se lever et se fixer devant le mur vide, son regard scrutant le sol. Henri poussa un soupir et se baissa pour saisir quelque chose qui reposait par terre.
Il se rassit à son bureau, pensif. Pourquoi Mary avait-elle pénétré dans son cabinet particulier? Oh, elle avait été suffisamment habile pour ne pas laisser de trace de son passage, et il avait bien failli de pas se rendre compte de son intrusion. Seulement voilà, il y avait le cheveu qu'il avait ramassé sur le plancher. Un simple cheveu à lui, placé à quelques centimètres du bas de la porte et qui était tombé de son perchoir.
Abandonnant le poil roux sur sa table de travail, il songea:
Henri: Les choses les plus simples restent les plus efficaces...
À l'évidence, sa cadette était venue pour trouver des informations, mais lesquelles? Il y avait une telle masse de renseignements dans ces dossiers qu'il ne risquait pas de le deviner.
Henri: Petite sœur, à quoi tu joues encore? (Pensée).
Il décida de vérifier les lieux. Il ouvrit l'œil et parcourut minutieusement la pièce secrète. Mary avait tout remis bien en place. Par acquit de conscience, le roi vérifia si elle n'avait laissé aucun piège quelconque. Non qu'il pensât qu'elle en soit capable. Consulter ses précieux dossiers sans demander son accord, soit. Qu'elle l'ait fait avec habileté lui ressemblait bien. Mais la jeune femme ne pouvait pas aller plus loin. Cette injure serait difficilement pardonnable, même pour elle.
Il allait devoir changer ses mesures de protection, prendre de nouvelles précautions en matière de sécurité. Quelque chose d'efficace, mais sans excès, avec la pointe d'esthétisme qui était sa marque.
Henri: Non... (Pensée).
Henri se tapota songeusement les lèvres. Le meilleur moyen d'en savoir plus sur sa sœur était de la laisser libre de ses mouvements. Si elle prenait l'habitude de venir consulter les documents secrets, le roi finirait par comprendre ce qu'elle avait en tête. Il pourrait alors prendre les mesures nécessaires pour protéger ses affaires d'état et sa cadette.
Ainsi rassuré, il sortit du cabinet et en ferma l'accès. Il se rassit à son bureau, un verre de vin à portée de main. Il se carra dans son fauteuil et se mit à réfléchir à la suite. Il se demanda si les manigances de Mary avaient un rapport avec l'une des missions en cours.
Des douze hommes d'élite qu'il dirigeait, il n'y en avait actuellement que quatre en service. Et sur ces quatre-là, trois avaient démarré leur mission depuis déjà plusieurs mois... L'une d'elle prendrait au moins un an, rien que pour l'infiltration. Elle se déroulait au Pale, région d'Irlande où la domination Anglaise était sans opposition, et c'était Derrick Coyle, le meilleur des douze- meilleur même que Mendoza- qui en était chargé. Non, il n'y avait aucune connexion possible. Ne restait que la mission de l'Espagnol venait de débuter. Et s'il y avait un rapport, ce qui n'était pas prouvé, alors la France était impliquée.
Henri se retint de briser son verre. Depuis longtemps, il aurait dû faire surveiller sa cadette, et de près! Seulement voilà, profitant d'un instant de faiblesse de sa part, lors de son retour sur l'île après la mort de Louis XII, Mary lui avait arraché la promesse de ne jamais épier ses faits et gestes. Et le roi avait mis un point d'honneur à tenir sa parole. La jeune veuve en avait profité pour épouser secrètement le duc de Suffolk, sans le consentement de son frère qui avait d'autres projets matrimoniaux pour elle. Théoriquement, ce mariage avec une princesse royale sans l'accord du roi avait rendu Charles Brandon coupable de trahison. À cette époque, Henri entra dans une colère noire en l'apprenant.
Pour ce qui concernait le problème actuel, devait-il en parler à Thomas Cromwell, son nouveau chancelier? Ou alors à Charles Brandon en personne? Il doutait que cela serve à quelque chose. Le duc chérissait son épouse, et, depuis leur mariage, lui avait passé tous ses caprices et toutes ses frasques. Tout costaud qu'il était, il s'avérait incapable de résister à sa femme chérie.
Henri leva ses jambes pour poser les pieds sur son bureau et se renversa dans son fauteuil. Il y avait longtemps qu'il voulait voir Mary s'intéresser aux affaires de la famille, mais de cette manière, il y avait de quoi s'inquiéter.
Néanmoins, son trouble ne dura pas. Il reprit une position plus conventionnelle et convoqua son conseil. Il y avait une foule de problèmes à régler, bien plus concrets au demeurant que ceux que pouvait poser sa sœur. Chaque chose en son temps. Le cas de Mary ne serait pas oublié.

À suivre...

*
*Fils illégitime: Henry FitzRoy (15 juin 1519 – 23 juillet 1536), 1er comte de Nottingham et 1er duc de Richmond et Somerset, est le fils du roi d'Angleterre et de sa maîtresse, Elizabeth Blount. Il est le seul fils illégitime reconnu par Henri VIII, d'où son nom provenant de l'expression française fils du roy.
*Neveu: Henry Brandon (encore un Henry!) né en 1523, il devient 1er comte de Lincoln à deux ans seulement mais il décède sans enfants en 1534.
*Maître pantoufle: Sot. Idiot.
*318 livres: (155 479,74 livres actuelles). C'est la somme dépensée par leurs parents, Henri VII et Élisabeth d'York, pour les funérailles de leur sœur Élisabeth Tudor (1492-1495).
Modifié en dernier par TEEGER59 le 09 juil. 2020, 15:04, modifié 3 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
Avatar du membre
Este
Maître Shaolin
Maître Shaolin
Messages : 1709
Enregistré le : 02 avr. 2020, 15:06
Genre : Homme
Localisation : Kûmlar
Âge : 16
Contact :

Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par Este »

Chapitre assez stressant et excellent !!
Saison 1 : 18/20 :D
Saison 2 : 13/20 :roll:
Saison 3 : 19/20 :-@ :-@ :-@
Saison 4 : 20/20 :-@ :-@ :-@ :-@ :-@

Perso préféré : Laguerra
Couple préféré : Mendoza et Laguerra
Avatar du membre
yupanqui
Grand Condor
Grand Condor
Messages : 3000
Enregistré le : 02 déc. 2012, 15:07
Localisation : Au cœur des 7 cités avec Zia
Âge : 52

Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse

Message par yupanqui »

Les intrigues de cour !
La perfide Mary...
Bien écrit, une nouvelle fois. On se prend au jeu.
« On sera jamais séparés » :Zia: :-@ :Esteban:
Avatar du membre
Este
Maître Shaolin
Maître Shaolin
Messages : 1709
Enregistré le : 02 avr. 2020, 15:06
Genre : Homme
Localisation : Kûmlar
Âge : 16
Contact :

Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse

Message par Este »

yupanqui a écrit : 09 juil. 2020, 14:12 La perfide Mary...
Ah celle-là !!...
Saison 1 : 18/20 :D
Saison 2 : 13/20 :roll:
Saison 3 : 19/20 :-@ :-@ :-@
Saison 4 : 20/20 :-@ :-@ :-@ :-@ :-@

Perso préféré : Laguerra
Couple préféré : Mendoza et Laguerra
Avatar du membre
TEEGER59
Grand Condor
Grand Condor
Messages : 4538
Enregistré le : 02 mai 2016, 14:53
Localisation : Valenciennes
Âge : 46
Contact :

Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 25.

Une monture racée galopant sous le soleil automnal, le corps caressé par une petite brise... Que demander de plus? Mendoza n'aurait pas échangé son Boulonnais contre un autre coursier. Leur entente était parfaite. Le gris réagissait à la moindre pression de la jambe et filait sous le vent, infatigable et sûr, aussi heureux que son cavalier.
L'Espagnol croisa des animaux de toutes sortes. Ils ne ressentaient visiblement pas le besoin de se cacher. Il vit même des ours, qui le toisèrent placidement avant de continuer leur chemin.

57.PNG

Comme le lui avait expliqué Morgane, les animaux savaient que sur son domaine, ils pouvaient bénéficier d'une entière liberté, protégés par la bienveillance de "Dame Nature". Alors qu'il se reposait en haut d'une pente d'un galop particulièrement rapide, le Catalan avisa en contrebas un couple marchant main dans la main au milieu d'un champ. Il n'eut aucun mal à reconnaître Macumba et Hans.
L'archer avait donc déclaré sa flamme.
:Mendoza: : Un "problème" de réglé.
Juan ne tenait pas à s'encombrer plus longtemps de la jeune femme. Elle n'avait aucune place dans ses plans. À Barcelone, elle risquait d'entraver ses gestes, de perturber sa concentration. Il n'aurait pas le temps de veiller sur elle. Sa mission était combien plus importante. Et la vengeance, primordiale.
Soulagé d'un poids, il fit demi-tour, préférant laisser les deux jeunes gens profiter de leur innamoramento*.

☼☼☼

La Gitane se sentait si bien auprès du Suisse. Après le repas, elle avait pu se laver et passer une robe propre, en lin couleur crème. Hans l'avait alors conviée à une promenade. Depuis leur rencontre, elle resplendissait de l'attention soutenue mais respectueuse que lui prodiguait l'archer.
Mac: Hans...
La danseuse ne pouvait s'empêcher de susurrer son nom pour elle seule, savourant chaque son.
Il la troublait si profondément, encore plus que le mercenaire aux cheveux bruns. Comme ils étaient différents. Elle percevait parfaitement la méfiance et la dureté de John Mendson, constamment sur le qui-vive, et sa réserve, bien qu'il ait su la protéger. Alors que le Suisse l'inondait de sa confiance, d'attentions qu'elle devinait honnêtes, d'une promesse qui la laissait rêveuse. Sa paume était chaude, si chaude, et serrait la sienne avec un mélange de force et de douceur. De temps en temps, ses doigts caressaient le dos de sa main. De sa voix chantante, il lui faisait découvrir les merveilles de la forêt.
Jamais Macumba ne s'était sentie aussi heureuse. Trop souvent meurtri, le cœur de la jeune Gitane s'ouvrait au regard tranquille du forestier. Un amour naissant et manifestement réciproque.
La danseuse se permit un regard sur le jeune homme. Elle croisa ses yeux et s'y perdit avec ravissement. Elle avait chaud, brusquement, portée par une langueur exquise. Elle aurait pu goûter indéfiniment à cet abandon, le reste ne comptait plus. Elle murmurait pourtant le doux nom du Suisse, le cœur battant la chamade.
Main dans la main, ils marchaient au milieu de la vallée. Se parlaient sans mots, se découvraient, se partageaient.

58.PNG

Ils ne virent pas le cavalier monté sur un grand cheval gris qui les observa un moment d'un surplomb avant de disparaître.

☼☼☼

Trop tôt, l'après-midi toucha à sa fin. De retour dans la clairière, Mendoza prit soin d'ôter le harnachement du Boulonnais, de curer ses sabots, de le brosser soigneusement et de l'essuyer, une manière de lui faire ses adieux. Il soupira:
:Mendoza: : Au revoir, mon ami. Tu as choisi le meilleur des endroits...
Sans trop savoir comment il pourrait tenir sa promesse, il acheva:
:Mendoza: : Je tâcherai de venir te voir...
L'animal se cabra deux fois en guise de salut, puis s'élança de sa foulée puissante pour rejoindre ses congénères qui l'attendait en bordure de la clairière. Hennissant leur joie de vivre, les chevaux s'égayèrent dans la forêt.
Le Catalan dut admettre que cette fantastique chevauchée l'avait apaisé de bien des tensions.
Il grimpa sur le flanc de l'arbre.
Morgane l'attendait sur la plate-forme, comme si elle avait pressenti l'exact moment de son retour. D'un nouveau sourire, elle le mena dans une salle de soin. L'Espagnol livra son corps au massage expert de la petite fée. Ses doigts agiles lui pétrirent la chair, chassant les derniers restes de fatigue et de meurtrissures. Il ferma les yeux tandis qu'il sentait ses mains parcourir son dos avec douceur.
Après quoi, il passa une petite heure au sauna en compagnie de Théophraste. Les deux hommes devisèrent de tout et de rien, se découvrant un mutuel penchant pour Pantagruel, le roman de François Rabelais.
Un bref bain d'eau glacée pour terminer le traitement, suivi d'une nouvelle sieste. Morgane avait insisté sur ce point.
Mendoza se réveilla en début de soirée. Il y avait bien longtemps qu'il ne s'était pas autant senti en paix. La cour d'Angleterre n'incitait ni à la confiance ni à la détente. Tandis qu'ici, la vie s'écoulait au rythme paisible décidé par la maîtresse des lieux.
Pouvait-il lui faire confiance? Morgane connaissait maintenant sa véritable identité et s'en moquait, il aurait pu en jurer. Si elle avait voulu lui nuire, elle en aurait eu plusieurs fois l'occasion. Au contraire, elle l'avait remis sur pied, sans aucune contrepartie. Enfin presque... La faveur demandée n'était pas la chose la plus désagréable à laquelle se plier. Oui, il pouvait accorder sa confiance à la jeune femme aux cheveux sombres. Dans une certaine mesure et avec des limites définies.
L'Espagnol s'habilla sans hâte, passant la nouvelle tenue qu'il s'était choisie au comptoir. De facture impeccable. Ses nouveaux vêtements dotaient sa personne d'une élégance certaine. Il laissa son épée dans sa chambre, à l'exception de sa dague, qu'il glissa comme d'habitude dans sa botte gauche. Il passerait reprendre le reste de ses affaires avant de partir.
Car cette nuit, enfin, si tout se passait bien, et si le mage tenait bien sa promesse, il foulerait les pavés de la cité couronnée.
On frappait à sa porte. C'était Théophraste.
Théo: Morgane nous concocte un nouveau festin. Ah, tu m'en diras des nouvelles! Viens, on va d'abord boire un verre là-haut. Les autres nous attendent.
Un dîner à ciel ouvert, éclairé de quelques chandelles sous la voûte étoilée. La Dame du lac leur servit un mijoté de veau et chou blanc braisé avec du lard, relevé de quelques épices. Roxanne apporta sa contribution en ajoutant une de ses spécialités: un pain lourd, croustillant, à la mie parsemée de noisettes, de figues et de noix. Un pain que Mendoza trouva véritablement délicieux. Il savourait également la viande et le chou. Quelles saveurs si rares! Le poivre, la cannelle et le safran, c'était ce que mangeaient les nobles et les riches marchands. De retour en Espagne en 1522, on lui avait expliqué un jour, à la plage:
:?: : Quand nous, les bateliers, nous déchargeons l'une de ces épices, nous prions. Si elles tombaient à l'eau ou s'abimaient, nous n'aurions pas de quoi payer leur prix. Et là, c'est la prison assurée.
Le Catalan arracha un morceau de pain et le porta à la bouche, puis il prit sa chope.
Théophraste lui avait servi une bière, légère et rafraîchissante. Il était hors de question pour le capitaine de s'enivrer. Les autres dégustèrent la sélection du mage, des vins rouges d'un incomparable bouquet.
Un repas somme toute assez simple dans sa définition, mais où chaque saveur était portée à son summum. Entre deux bouchées, le savant ne tarissait pas d'éloges sur les mérites de la cuisinière.
Le destin de Macumba et de Hans semblait scellé. Assis l'un un côté de l'autre, ils s'effleuraient souvent du bout des doigts. Ils ne se quittaient plus. Amusé, Peter veillait sur eux, caressant l'encolure du Rusé couché à ses pieds.
L'Espagnol n'avait jamais vu la Gitane si épanouie. Elle était venue le voir avant que l'on serve le repas pour lui annoncer qu'elle allait accompagner les frères Füssli au sein de leur clan. Qu'elle allait suivre Hans et l'épouser. Mendoza approuva cette décision qui l'arrangeait bien. Il se retrouverait enfin seul, libre de ses mouvements et de ses actes. L'atmosphère de détente, d'abandon, de confiance qui se diffusait à l'intérieur du domaine de Morgane était grisante. Mais Juan, et lui seul, restait sur la défensive. Non pas qu'il se méfiât encore de son hôte. Elle avait prouvé sa bienveillance à son égard. La Dame de fer elle-même était devenue amicale et n'était pas du genre à feindre. Mais cependant, la soif de vengeance interdisait au Yeoman de s'abandonner. Il se reposait, certes, mais sans oublier son but, car plus rien d'autre ne comptait. Son objectif. Barcelone. Sa mission. Et les retrouvailles avec les Compagnons.
Si le mage tenait parole, il y serait largement dans les temps. Il rattraperait le retard accumulé.
Ils en étaient au dessert. Avisant l'attitude concentrée du mercenaire, Théophraste vint le rejoindre.
Théo: Je vois que tu n'es pas vraiment avec nous. N'aie crainte! Je n'ai pas oublié ma promesse. Dès ce soir, tu fouleras les pavés de Barcelone. Je suppose que tu es prêt à partir. Je vais laisser Macumba et les deux Suisses ici. Ils ne sont pas fait pour la ville. Et encore moins pour une capitale. En ce qui nous concerne, nous partirons d'ici deux ou trois jours pour le pays de Vaud. Sache également que le Don de la danseuse pourrait lui attirer la bienveillance de Herta, ma maîtresse. Son focus est désorganisé mais puissant. Je l'aiderai à développer son pouvoir, et je m'engage sur mon honneur de mage à lui apporter mon entière protection. En Suisse, elle sera en sécurité. D'ailleurs, à l'occasion, tu pourras nous rendre visite. Tu seras le bienvenu chez nous. Oui, oui, je sais, je parle beaucoup trop. Allez, va chercher tes affaires!

☼☼☼

Le départ fut tout aussi chaleureux que le souper. Les embrassades se succédèrent et, à sa grande surprise, Mendoza fut gratifié de trois baisers.
Macumba, la première, l'embrassa sur la bouche. Le baiser tendre d'un sœur. Elle lui dit:
Mac: Tout est bien entre nous. Tu m'as donné une nouvelle vie. Merci! Je serai toujours ton amie. Viens nous voir!
:Mendoza: : Sois heureuse, chica!
Roxanne ensuite. Elle lui donna un baiser sauvage, lui mordant la lèvre au passage, avant de lâcher:
Rox: Je veux une revanche, mon joli. Où tu veux, quand tu veux...
:Mendoza: : Ne sois pas trop sûre de toi, Rox'.
Morgane, enfin. L'étreinte d'une amante.
Morgane: Tu reviendras. Un jour. Il suffira de poser la main sur une des pierres de garde et de penser à moi. Pars en paix!
:Mendoza: : Je doute qu'elle ne s'attache un jour à mes pas. Mais je reviendrai, si je peux...
Théophraste, prêt pour l'aventure, l'attendait sur la plate-forme dans sa tenue de voyage, sa grande épée en main. Sur le pommeau de celle-ci, on pouvait voir gravé le mot Azoth*, bien connu des Fils d’Hermès et qui deviendra un jour un élément de sa légende.
Précédé du mage et de la petite fée, Mendoza eut une dernière surprise. Au lieu d'emprunter l'échelle, ils descendirent à l'intérieur de l'arbre, au niveau de ses énormes racines qui s'enchevêtraient dans la terre nourricière.
Ici se trouvait une unique porte décorée de runes que Morgane ouvrit d'un geste du doigt. Une salle voûtée, faiblement éclairée, baignée par l'humidité et par une odeur entêtante d'humus. Au centre, il y avait un piédestal de pierre. La Dame du lac se concentra quelques instants et ouvrit les bras. Le portail apparut dans un flamboiement de lumière sinople. Elle annonça:
Morgane: Tout est prêt, vous n'avez qu'à monter les marches et franchir le portail. Je vais lancer l'ouverture. À bientôt, tous deux!
L'alcine déclara qu'elle détestait les au revoirs, et plus encore les adieux. Elle remonta sans plus attendre.
Les deux hommes échangèrent un regard et avancèrent de concert pour s'engouffrer dans le téléporteur. Ils disparurent.

À suivre...

*
*Innamoramento: L'amour naissant en Italien.
*Azoth: https://fr.wikipedia.org/wiki/Azoth
Modifié en dernier par TEEGER59 le 11 juil. 2020, 10:31, modifié 1 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
Avatar du membre
Este
Maître Shaolin
Maître Shaolin
Messages : 1709
Enregistré le : 02 avr. 2020, 15:06
Genre : Homme
Localisation : Kûmlar
Âge : 16
Contact :

Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par Este »

Super chapitre ! Et Mac alors !
Saison 1 : 18/20 :D
Saison 2 : 13/20 :roll:
Saison 3 : 19/20 :-@ :-@ :-@
Saison 4 : 20/20 :-@ :-@ :-@ :-@ :-@

Perso préféré : Laguerra
Couple préféré : Mendoza et Laguerra
Répondre