Tout était comme la première fois, une paralysie totale de la moindre partie de son corps se trouvant sous son cou. Comme avant, elle ne vit que du noir et ne pouvait être autre chose qu'une simple spectatrice silencieuse et immobile. Pour elle, il n'y avait qu'une seule différence, le sifflement, qui, auparavant était insupportable semblait à présent beaucoup plus faible.
Le lendemain, vers la fin de la matinée, Zia réveilla Sofia en douceur tandis que les deux garçons s'assuraient que le feu de camp était bien éteint avant de quitter leur lieu de repos sans inquiétude. Les élus montèrent les premiers puis ils furent suivis de Sofia et de Tao. Une fois à bord, Esteban inséra le disque dans son emplacement et procéda à l'envol de la bête métallisée. La montée dans les cieux fit trembler Sofia puis l'émerveilla. Pour elle, ce fut quelque chose d'extraordinaire. On aurait dit une petite fille qui découvrait, au pied du sapin de Noël, dans un emballage brillant, la poupée qu'elle avait tant voulu. Les trois amis ne purent retenir un petit rire en voyant le petit nez de leur invitée collé à la vitre et ses grands yeux écarquillés .
Un peu plus tard, les habitants du village du Nouveau Soleil voyaient leurs sauveurs poser pieds à terre.
Ayant repéré l'oiseau d'or, un villageois avait couru prévenir Viracocha qui se trouvait en pleine discussion avec sa promise et des amis. En entendant ces propos surprenants, le petit groupe avait accouru jusqu'à la place centrale du village.
L'homme à la cape bleue s'inquiétait ; Si le Condor était ici, cela signifiait qu'une chose relativement grave avait dû se produire. Qu'avait-il pu se passer ? Quand il fût devant l'oiseau doré, il prit tout de suite les trois enfants dans ses bras, les voyant tous en bonne santé, peut-être un peu préoccupé. Il ne comprit rien.
« Les enfants mais que faites-vous là ? Il était convenu que vous alliez trouver les autres cités et que l'on se retrouve à la taverne de Rico.
- Je sais mais...
- Mais quoi ? Qu'est ce qu'il y a Esteban ? Que se passe-t-il ?
- On a... Comment dire... Rencontré un petit problème...
- Quel genre de problème ?
- Un problème du genre... Celui-là... »
En disant cela, Esteban et ses amis s'étaient écartés afin de dévoiler aux yeux de leur capitaine la présence d'une quatrième personne.
Celle-ci se tenait en retrait, intimidée par toute cette agitation. Ne sachant où regarder, elle se concentra sur ses pieds d'un air craintif et confus en tenant entre ses mains un petit livre. Mendoza la dévisagea d'un œil suspicieux puis regarda le trio qui semblait tout aussi hébétés que lui. Pour mettre fin à ce long silence, Esteban s'approcha de la jeune fille en robe verte et lui prit la main.
« Je vous présente Sofia, on l'a rencontré hier soir dans... Dans le Condor. Elle y était inconsciente et comme on ne savait pas trop quoi faire, on a préféré venir vous voir pour vous demander de l'aide.
- Comment ça "dans le Condor" ?
- En fait... On n'en sait pas plus. On discutait tranquillement autour du feu et d'un coup... Pouf ! Elle a atterri dans le cockpit et on l'a trouvé comme ça.
- Tout ce que je peux ajouter à ce que Tao vient de dire c'est qu'avant d'être dans cette espèce d'oiseau elle était dans sa chambre chez ses grands-parents, en Catalogne.
- Elle ne se souvient de rien d'autres Mendoza...
- Me... Mendoza ?? »
Sofia s'était enfin exprimée et avait relevé la tête en direction du marin.
« Vous vous appelez vraiment Mendoza ??
- Pourquoi ? Cela vous poserait-il un problème jeune fille ?
- Je... Mon nom de famille est également Mendoza. »
Cette révélation passa comme un éclair à travers la foule. L'homme à la cape était comme statufié. Et vu le regard sévère qu'il lui lança, Sofia se sentit comme traversée par la lame de l'épée qui pendait à la ceinture de l'homme en face d'elle. Cette lame de fer blanc était cachée dans son fourreau mais il était clair que le fil de ce glaive était très fin et par conséquent très tranchant. Nul doute qu'il serait entré dans la chair comme un couteau dans du beurre.
Paniquée, Sofia tenta de clarifier la situation même si cela était difficile d'expliquer quelque chose qu'elle ne comprenait pas elle-même... Ne sachant trop que dire de plus mis à part qu'elle était apparemment issus d'une longue lignée de marin, Sofia tendit le carnet quelle tordait nerveusement entre ses mains. Elle ajouta que tout avait commencé à cause de ce journal, qu'elle avait trouvé dans le grenier de ses grands-parents avec des dizaines d'autres objets puis par curiosité, avait tenté de le lire.
En voyant le petit livre, le capitaine s'en saisit et sortit de sa botte un autre carnet tout à fait similaire, à ceci près que celui-ci était encore en quasi parfait état. Il en examina les couvertures attentivement. La même reliure de cuir, le même dessin inscrit la basane, le même petit cordon pour le maintenir fermer, les tailles étaient également identiques pour les deux carnets. A la suite de ces petites observations, Mendoza se rendit compte que même si les deux lui appartenaient, l'un était bien plus vieux que l'autre.
« Et comment avez-vous pu arriver jusqu'ici, si comme vous l'avez dit vous étiez chez vos grands-parents ?
- Je vous l'ai dit señor... Je n'en sais strictement rien, j'ai juste tenté de traduire un quipu et après je me suis...
- Un quipu ?
- Oui, j'en ai trouvé un en même temps que le journal.
- Comment avez-vous pu le traduire ? A ma connaissance, seule Zia y parvient.
- J'ai simplement suivi ce que le livre emprunté à mon grand-père indiquait... Et après je me suis évanouie... Je ne comprends pas ce qui se passe je voudrais juste rentrer chez moi... »
Sofia se mit à pleurer dans les premiers bras qui s'offraient à elle. Autrement dit ceux de Mendoza. Tout de même méfiant, il tenta de consoler l'enfant qu'il avait contre lui. Il lui assura qu'ils passeraient la journée à essayer de comprendre ce qui se passait mais, pour le moment, elle devait se calmer afin de pouvoir réfléchir à toute solution quelle qu'elle soit.
Quant à elle, elle se sentait étonnamment en confiance dans les bras qui l'entourait et, écoutant les bonnes paroles, elle finit par se calmer et reprit son souffle avant de s'écarter en douceur.
Sofia reprit l'exemplaire du carnet qu'elle avait emmené avec elle, elle l'ouvrit pour en sortir le quipu préalablement caché entre la dernière page et la couverture pour le montrer. De peur que quelque chose d'autre n'arrive, Sofia défendit quiconque d'y toucher et, grâce à un bâton, inscrivit au sol ce qu'elle avait prononcé en éludant volontairement des mots.
En analysant, Tao comprit que les enfants du Soleil et de la Lune devaient être Esteban et Zia et donc par déduction que le cœur pur devait être Sofia. Seulement pour lui comme pour les autres le reste demeurait incompréhensible.