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"Sa Machine Ailée" et autres histoires

Posté : 20 juil. 2019, 22:37
par Sandentwins
Tabeul of Containts
Sa Machine Ailée: juste là.
Entre la Mer et le Ciel: Page 3
Chaleur Familière: Page 4
Nos Chemins sous la Lune: Page 5
Un Serpent dans le Verger: Page 7
Salamandre: Page 9
Ni Richesse, ni Révélation: Page 10

Serres de Lune: Page 10
Frères d'une Mer Lointaine: Page 10
Fantômes perdus en mer: Page 11
Il Faut Deux Ailes aux Condors: Page 11
Relever le Soleil: Page 12
Natures Contraires: Page 12

Après la Pluie: Page 13
Le Périple d'un Héros: Page 16
Where the Abyss and the Surface Touch: Page 17
Liars Must Be Punished: Page 17
Buried in the Cinders: Page 17
Viper and Mongoose: Page 17
Where the Ocean Guides Him: Page 17
The Condor's Last Flight: Page 18
Malgré les Blessures: Page 26
The Daughter of the Sands: Page 27
Everything is Coming Together: Page 32

Série Le Chant du Grand Condor
Série Les Fantastiques Aventures Polyromanesques de la Team Condor


J'avais envie de partager quelques-unes de mes fanfictions anglophones, mais je me suis dit que tout le monde ne parlait pas forcément anglais. Et donc, pour ne pas trop tricher, je me suis dit que j'allais en traduire quelques-unes, à commencer par ma toute première: His Winged Machine. Ca me fera un petit exercice d'écriture.

Accrochez-vous, ca part sur du bien barré.

:condor: Sa Machine Ailée :condor:

:condor: Chapitre 1: Chaleur :condor:

Esteban ne se souvient de rien. Juste d'une lumière, d'un bruit, et du monde qui s'écroule autour de lui.

Il ne peut pas facilement décrire sa situation. Il ne peut situer ses propres sentiments, les sensations de son corps...c'est impossible. C'est comme...comme si on l'avait enroulé dans une épaisse couverture, qui l'étouffait et bloquait toute sensation extérieure. Il ne voit rien, n'entend rien. Il ne peut pas bouger.

Ses oreilles sifflent, comme si quelque chose de terrible approchait. Il a un mauvais pressentiment, un horrible pressentiment à propos de tout ça. Il n'aime pas ça. Il déteste ça! Faites que ça s'arrête, laissez-le partir! Laissez-le tranquille!

Il essaie de bouger. De voir où il se trouve. Mais il ne peut pas. Il est comme paralysé, incapable de bouger un muscle, son corps ne lui obéit plus. Il essaie de sentir ses mains, ses jambes, mais il ne peut pas.

Il commence à paniquer.

C'est une sensation étrange, comme s'il était dans un rêve. Il ne peut pas bouger, et ne fait que suivre ce que son esprit imagine pour lui. Il peut à peine se sentir lui-même, et le peu qu'il sent lui est étranger. Mais plus le temps passe, et plus il se rend compte que ce n'est pas un rêve, mais un cauchemar qui l'engloutit peu à peu.

Il fait sombre. Il sait ça, mais il ne peut pas le voir. Dans son état, il ne peut voir aucune lumière, même si elle l'enveloppait entièrement. A-t-il seulement encore des yeux pour voir? Il n'en sait rien, et il a peur, et il ne peut s'empêcher d'y penser. Il sait qu'il n'a pas mal, mais comment en être sûr? Quand bien même il ne peut sentir aucune douleur, il se persuade qu'il a mal.

Il a peur, horriblement peur. Mais dans les confins de cette peur et de ce cauchemar, il sent quelque chose monter. Un sentiment qui crie, qui appelle, qui supplie et se rebelle.

Je ne veux pas mourir!

~~~~~

Il n'a conscience ni de son corps, ni de sa position. Il se sent bizarre, et vide à la fois. C'est si bizarre… Tout son corps n'est plus qu'une vague sensation.

Il se rend compte qu'il est dans un rêve, et essaie d'en prendre le contrôle. De bouger les bras, d'avancer, mais il échoue. Il ne sait pas où sont ses bras, mais il sait qu'ils ne sont pas à leur place. Et il déteste ça.

Il se souvient de la bizarrerie des rêves: un étranger devient un ami proche, un visage inconnu devient le sien. Il se dit que cette sensation est quelque chose du même genre, que tout ceci est la faute d'un rêve, où rien n'a de sens mais son esprit est convaincu du contraire. Il n'a pas à s'inquiéter, car il sait qu'il va se réveiller, que cette illusion va disparaître. Il ne s'inquiète pas. Il ne s’inquiétera plus.

Il essaie de se réveiller. De prendre conscience qu'il rêve, et d'en sortir. De laisser le poids de la réalité le rappeler à l'ordre, de sentir à nouveau la gravité, de retrouver son corps.

Et il y arrive, au bout d'un long effort. Il se souvient de la gravité, et peut la sentir– mais il la sent trop, beaucoup trop, et il a peur et ne sait pas ce qui se passe, et– et–

Et il sait où sont ses bras, et ses jambes, et c'est comme un seau d'eau glacée au visage, et il se réveille dans un sursaut, et– il ne voit rien autour, il n'entend rien, mais il sent quelque chose– il sent une chaleur qui caresse son dos et ses bras, qui le revigore et le met en train. Il ne sait s'il est allongé, assis, ou debout– il est juste là, il ne sait pas les détails, il n'est pas sûr de pouvoir savoir. Tout est si bizarre et inconnu, et peut-être qu'il ne saura jamais.

Cette chaleur se répand. Elle se répand dans tout son corps, et il se sent déjà mieux. Il la sent bouger en lui, comme un fluide; il reprend conscience de son corps, il se sent à travers cette chaleur à la fois étrangère et familière. De son dos, elle court jusqu'au bout de ses doigts tendus, qui pointent à ses côtés. Elle court le long de son cou, prenant un temps beaucoup plus long qu'il n'aurait cru, comme si son cou avait doublé, triplé de longueur. Il sent sa nuque, ses joues, son nez beaucoup plus long qu'il ne se rappelle. La chaleur descend le long de son dos, de ses hanches, et en un rien de temps atteint ses pieds, qu'il trouve beaucoup trop lourds. Il se dit qu'il est toujours en train de rêver, mais la chaleur est bien réelle, et elle le réveille encore plus.

Il décide de ne pas s'en faire, et de continuer. Il est en train de se réveiller, et ça prend du temps. Peu à peu, le reste de son corps s'active, poussé par cette chaleur montante, et il ressent plus en détail. Il sent la force de ses bras tendus, la lourdeur dans son abdomen, la puissance que recèle le bas de son dos et qui ne demande qu'à sortir et éclater. Il ne sait pas que faire de ces impressions, de cette forme qu'il ne reconnaît pas. Il rêve encore, il n'a pas peur; mais c'est alors qu'il entend des voix, qu'il sent quelque chose, et qu'il se rend compte que ce n'est pas un rêve.

Il se souvient. Il était...lui et ses amis étaient en train d'explorer, de chercher un indice menant à la cinquième Cité d'Or...et puis il y a eu cet accident, et...et…

Et il ne se souvient plus. Au delà de ça, il n'y a plus rien, et ça l'inquiète. Il essaye de se souvenir, s'y force, mais n'y arrive pas. Et il s'inquiète de plus belle. Même ses souvenirs d'avant ça semblent lui échapper. Les choses qu'il a vécues, les noms de ses connaissances, les endroits qu'il a vus ne sont que des bribes lointaines, comme les souvenirs d'un autre qu'il voit dans son propre esprit. Il n'aime pas du tout ça.

Les voix reviennent. Il les connaît; qui donc parle? Il sait ça, il peut se le rappeler, il peut…

Une autre sensation arrive. Ce n'est ni un son, ni une image, mais il la reconnaît. Il sait qu'il doit obéir. Sans y réfléchir à deux fois, il baisse la tête, ouvre la bouche, et s'immobilise.

Il y a quelqu'un. Quelqu'un avec lui, près de lui, en lui, et il veut être dégoûté, mais il n'y arrive pas. Il n'y arrive plus.

L'arrière de sa tête le gratte. C'est comme si quelqu'un touchait un point précis de son cerveau. Et soudain il tressaillit, et bouge, et ses doigts s'étirent et sa bouche se ferme et sa tête se lève et la chaleur dans son dos se rassemble et s'accumule et soudain elle explose et c'est alors qu'il bouge, qu'il devient plus léger que l'air, que– qu'il s'envole, qu'il vole!! Il est plus léger que la lumière, la lumière dont il est fait, la lumière qui l'anime, et ce sentiment familier lui revient alors pour le rassurer–et c'est là qu'il comprend, mais son esprit lui dit que ce n'est pas ça, que ce n'est pas tant où il est que qui il est. Il connaît ce sentiment, mais c'est bien plus fort que ce dont il se souvient, et c'est alors que ses sens se réveillent et qu'il sait où il se trouve et ce qu'il fait, et pour la première fois depuis son réveil, il sait ce qui se passe.

Il vole. Il vole comme autrefois, comme lors de ses voyages dans le Condor. Mais cette fois, il n'y a pas de levier dans ses mains, pas de siège contre son dos, pas de sol où poser ses pieds. Il vole, mais pas comme autrefois; car si la vitesse, l'altitude, l'adrénaline sont les mêmes qu'avant, elles sont aussi beaucoup plus intenses. Et tout cela lui revient en mémoire.

Il n'est plus le pilote. Il n'a jamais ressenti ça aux commandes du Condor. Maintenant, il ressent ce que sa machine ressent. Et tout commence à faire sens dans son esprit, tout commence à devenir vrai.

Esteban est désormais une machine.

« Je suis le Grand Condor. »



N'hésitez pas à laisser vos remarques et commentaires! Pas la peine de suggérer une suite, celle-ci est déjà écrite, et arrive bientôt en français.
Petite illustration qui fait plaisir:
condorswap.png

Re: (Fanfiction) Sa Machine Ailée

Posté : 21 juil. 2019, 14:49
par Sandentwins
Pour changer, un peu de bonheur dans tout ce délire.

:condor: Chapitre 2: Voix :condor:

Esteban. Un simple orphelin espagnol, embarqué dans un voyage vers le Nouveau Monde, enfant élu destiné à trouver les sept Cités d'Or, descendant du peuple d'Atlantide, témoin de tant de merveilles et de moments inoubliables…

...était maintenant un gigantesque oiseau de métal volant à la vitesse du son.

Décidément, parmi toutes les bizarreries qu'il a pu vivre au cours de son existence, celle-ci était sans doute au sommet. Il avait beau se creuser la tête, il ne pouvait savoir pourquoi c'était arrivé, ou comment, ou même s'il dormait toujours.

Ça faisait un moment qu'il était dans l'air. Une fois le choc passé, les sensations familières ont vite pris le dessus, et sa vitesse de croisière calma quelque peu son esprit. Une telle surprise l'a simplement pris de court, et s'il voulait affronter ces événements bizarres, il devrait d'abord calmer son esprit agité.

Là, là. Tout va bien. L'air est frais, le vent souffle, le soleil est chaud. On se calme. Très bien.

Bien. Maintenant que c'est fait…

Au nom de tous les Grands Sages, qu'est-ce qui se passe ici!?!

Comment!? Comment est-ce que sa conscience a pu faire pour se retrouver dans un gigantesque véhicule d'orichalque!? Ça devrait même pas être possible! Quel esprit dérangé a pu pondre un plan aussi tordu, quel démon l'a rendu possible!? Mais qu'est-ce qui se passe, enfin!?!??!

Non, on se calme, Esteban. On se calme. Flipper ne te mènera à rien. C'est forcément un rêve, ou une hallucination...oui, ça devait être ça. Comment son âme aurait-elle pu s'éloigner de son corps de chair et de sang, et s'attacher ainsi au Grand Condor? Peut-être que ce n'est même pas le vrai Grand Condor! Ça va passer, et il se réveillera dans son vrai corps, perdu et déstabilisé mais réveillé. C'était un bon plan. Pour l'instant, autant suivre le rêve, sans le laisser prendre le dessus. Il se réveillerait forcément à un moment, pas vrai? Autant y prendre plaisir.

Et à sa grande surprise, c'était chose facile. Il volait, par la malpeste! Il volait!! Il n'avait jamais vécu ça ailleurs qu'en pilotant le Condor, mais maintenant il était aux premières loges! Aussi léger qu'une plume, il fendait les cieux et tranchait les nuages comme une lame dans de la soie chinoise, sans que rien ne l'arrête ou ne le ralentisse. Il n'y avait pas de sol sous ses pieds, rien que la caresse du vent sous ses...ailes, et le soleil qui lui réchauffait le dos, lui rendait énergie et force.

Il n'avait aucune idée de comment cela était arrivé, mais...peut-être que ce ne serait pas si mal? Il s'imagina sa vie en tant que Grand Condor: toujours en mouvement, s'élevant et se posant avec le soleil, passant une moitié de son temps en l'air et l'autre à se reposer en attendant le jour. Il n'aurait pas besoin de manger ou de dormir, juste de suivre ce que le soleil lui disait de faire, ce que ce...cette sensation dans son cerveau lui ordonnait de faire. Ce ne serait pas si mal...il pourrait s'y habituer. Il avait l'aventure dans le sang, après tout, et même s'il n'avait plus de sang à proprement parler, il n'abandonnerait pas son but. Il trouverait les Cités d'Or, avec l'aide de…

De…

...par tous les dieux. Il venait tout juste de comprendre ce qu'était cette sensation dans sa tête...ou plutôt, qui elle était.

~~~~~

Tao soupira, reposant sa tête contre le pare-brise du cockpit. Mais comme la vibration familière du Condor ne le laissa pas tranquille plus de deux secondes, il se releva dans son siège, les yeux fixés sur l'horizon. Restant à contempler le silence de mort qui s'était emparé de tout le groupe, sans chercher à le briser; sans doute avait-il peur de le faire, ou bien aucune envie. À côté de lui, Zia avait l'air pensive, les mains serrées sur le levier serpent. Mais elle n'en disait mot, n'en laissait rien paraître. Comme toujours, elle ne pensait qu'à leur devoir, leur but, sans rien laisser à l'hésitation ou aux sentiments. Mais la trace sèche des larmes sur ses joues laissait voir ce que ses mots se refusaient à dire, ce dont ses yeux se détournaient. Ç'avait été un choc pour tous, mais surtout pour elle, même si elle affirmait le contraire.

C'était dur de ne ressentir aucune douleur. Même le solide et rationnel Mendoza ne pouvait retenir cette douleur dans sa poitrine, qui lui serrait les côtes. Là où il aurait offert un sourire, un bon mot ou une réprimande, il ne pouvait rien donner sinon une peine résignée. Quand bien même il essayait de la réprimer, car un homme de sa trempe ne devrait pas pleurer, chaque seconde qui passait, chaque pensée qui lui traversait l'esprit, rendaient sa tâche plus difficile encore. Des souvenirs de sourires heureux, de mots enfantins pleins d'excitation, de petits pas pressés juste derrière lui lui revenaient sans cesse en mémoire, et le blessaient comme autant de pierres qu'on lui jetait dessus, serrant sa gorge et mouillant ses yeux. Malgré tout, il essayait de nier en bloc, de serrer les dents comme il l'avait toujours fait, et d’être cette valeur sûre dont tout le monde avait besoin.

Mais c'était dur d'ignorer les sanglots et les gémissements juste à côté de lui. Serrés ensemble comme à leur habitude, Pedro et Sancho avaient l'air d'avoir fini de pleurer, mais prêts à continuer au moindre mot. Dans le silence du cockpit, leurs voix attristées étaient les seules qu'on pouvait toujours entendre, en pleurs et hoquets attristés qui ne finiraient pas de sitôt, quand bien même cela faisait maintenant des heures que ça s'était passé. Peut-être bien qu'ils ne s'arrêteraient jamais; mais malgré les apparences, c'était peut-être une bonne chose. Le duo exprimait par leurs pleurs ce que les autres ne pouvaient ou ne voulaient pas évoquer. Si personne n'avait rien dit ou fait pour le dire, le silence total les aurait tous rendus fous. Quelle machination diabolique du destin! Pourquoi, dans leur misère, ne pouvaient-ils pas en parler librement, se dire à quel point ils étaient tristes, désespérés, dévastés? Était-ce seulement possible d'en dire quoi que ce soit? Comment exprimer ce qu'ils ressentaient? Comment rester calmes et raisonnés, quand leurs cœurs étaient emplis de deuil, quand un simple mot pourrait ramener les larmes aux yeux de tous? Comment un équipage d'autant de cultures pouvait-il seulement se dire à quel point ils se lamentaient?

C'était cruel. C'était si cruel qu'une telle chose leur arrive. À leur équipe, leur trio, à tout ce qu'ils avaient fait et vécu jusqu'alors. Ce jour-là, l'équipage du Grand Condor a perdu un de ses membres, et avec lui la passion de leur quête.

Ils voulaient abandonner. Oh, qu'ils voulaient abandonner, laisser tomber cette quête qui n'avait plus de sens pour eux. À quoi bon chercher les Cités d'Or, maintenant que l'un des deux élus était...disparu? Dans quel but continuer? Ils voulaient abandonner, mais ne pouvaient pas; car ils savaient ce que Zarès ferait s'ils lui laissaient la moindre avance. Les pistes qu'ils avaient trouvées et qu'il avait volées lui suffiraient à trouver la cinquième Cité avec quelques recherches, et même la...disparition d'un de leurs membres ne suffirait pas à stopper cet alchimiste damné dans son désir de s'emparer des merveilles des Cités pour s'en faire des armes. Ce qui voulait dire qu'ils ne pouvaient pas s'arrêter; pas même pour les rites.

Il n'y avait personne assis sur la banquette en face de Mendoza. Juste quelqu'un d'allongé. Quelqu'un que les autres ne voulaient pas regarder en face, ne serait-ce que pour se mentir à eux-mêmes.

Son corps était recouvert d'un large drap de lin blanc; les plis du tissu laissaient voir ses mains repliées sur sa poitrine. On lui avait fermé les yeux, nettoyé sa plaie. Si l'on jetait un œil sous le drap, on aurait pu penser qu'il dormait. Mais personne ne voulait s'y essayer. Personne ne voulait voir les choses en face, et admettre que c'était fini, fini pour de bon. Il n'était ni endormi, ni assommé, ni même gravement malade; il était...il…

Ils ne pouvaient pas le dire. Ils ne pouvaient pas dire ce mot; il portait un poids trop horrible, leur faisait comprendre que le danger était réel, que même une ancienne prophétie Muenne ne pouvait pas les sauver du monde au dehors. Pendant tout le temps de leur quête pour les mystérieuses Cités d'Or, les trois enfants s'étaient sentis au-delà des préoccupations mortelles. Les élus surtout avaient senti cette place que tout le monde leur donnait, cette aura qui les mettait au dessus des hommes. Peut-être qu'au fil du temps, ils avaient fini eux-mêmes par y croire. Ils découvraient leur potentiel, leurs pouvoirs, leurs racines mythiques au fil du voyage; ils avaient conscience de leur rôle, d'à quel point leur place comptait dans la grande machine dorée de leur héritage légendaire, qu'ils découvraient au fil de leurs pérégrinations. Ils avaient une noble mission à remplir, une quête à accomplir, et rien ne saurait les arrêter tant qu'ils n'avaient pas triomphé des obstacles. Rien ne pourrait jamais les arrêter.

Et puis, ce jour était arrivé; et avec lui, l'effroyable et cruelle réalisation que peu importe leur sentiment de puissance, ils n'étaient que des mortels. Et comme tous mortels, ils devaient se finir un jour ou l'autre. Ce jour-là, ils comprirent tous que ni prophétie ni destin ne pourraient les sauver des griffes froides et intransigeantes de la mort.

Sans prévenir, Zia se réveilla de sa transe comme d'un cauchemar, le cœur battant. Perdue et désorientée, un rapide coup d’œil lui redonna conscience des environs: elle était dans le Condor, et le pilotait vers le soleil couchant. Sous l'oiseau géant, le désert égyptien avait toujours l'air vide et désolé; mais une petite tache verte sous l'horizon montrait la maigre végétation d'une oasis. Elle prit cette nouvelle avec soulagement; ils n'avaient pas atterri depuis longtemps. Elle n'aurait su dire depuis combien de temps, car le temps n'avait plus de sens. La faute au soleil et au manque de sommeil, se disait-elle, quand bien même elle savait ce qui la rendait ainsi. Mais une fois encore, elle refusa de l'avouer; elle inspira profondément, et brisa le silence pour la première fois depuis des heures.

« Le soleil va bientôt se coucher. On devrait se poser pour la nuit. »

Sa voix tremblait légèrement. Près d'elle, Tao se releva également, rappelant sa joie habituelle, qui manquait à l'appel sur son visage.

« Mais donc...qu'est-ce qu'on fait pour– »

Tout le monde savait ce qu'il allait dire. Forcément. C'était sans doute son éducation, mais Tao était le plus direct d'entre eux en ce qui concerne le deuil. Il n'en avait pas vraiment l'habitude, ayant longtemps vécu seul, et ne comprenait pas vraiment toutes ces larmes, même celles qui lui rougissaient les yeux. Toutefois, avant qu'il n'aie pu finir sa phrase, Mendoza lui coupa la parole.

« On peut le laisser là pour le moment. C'est...c'est ce qu'il y a de plus simple. »

Zia pencha le serpent en avant, et le Condor se mit à descendre lentement vers l'oasis. La lumière rousse du crépuscule était faible, et le vieil oiseau ne pourrait pas continuer longtemps. Elle se demanda s'il était au courant du changement qui s'était produit dans leur équipage, si la disparition de son pilote habituel l'informait de ce qui s'était passé. C'était une idée sordide, évidemment, car cet oiseau n'était qu'une machine...mais avec tout ce qu'ils y avaient vécu, tous ces voyages qu'ils avaient faits dans tous ces pays, Zia laissait toujours le bénéfice du doute à cette créature d'orichalque. Après tout, qui lui disait qu'il n'y avait pas là un quelconque prodige du peuple de Mu?

« On y est presque. », souffla-t-elle à l'oiseau, comme à un animal blessé qu'elle ramassait pour l'amener au chaud. « Encore un petit effort. »

Sa voix se voulait douce et rassurante. Elle posa la main sur le tableau de bord, comme pour le caresser affectueusement; et à sa grande surprise, elle l'entendit alors.

Elle se retourna, pensant que Tao avait dit quelque chose. Mais il était toujours penché sur son baluchon, et de plus ça ne ressemblait même pas à sa voix. Elle regarda derrière elle, vit Mendoza se préparer à atterrir, Pedro et Sancho s'échanger des murmures. Elle haussa un sourcil, et se reconcentra sur sa descente. Elle n'avait pas les compétences de l'ancien pilote, et devait s'appliquer pour réussir.

C'est là qu'elle l'entendit à nouveau. Cette fois, ça venait de juste derrière elle; comme si on lui chuchotait à l'oreille, ou presque. C'était une voix, bel et bien une voix...mais celle de qui?

Elle retira sa main du tableau de bord, et la voix se tut aussi vite qu'elle vint. Durant une seconde, une fraction de seconde, ses pensées s'agitèrent. Et si…? Non, ce n'était pas possible. Ce n'était pas logique, c'était...elle s'imaginait des choses. Le manque de sommeil et les pleurs refoulés lui faisaient entendre des voix. Elle aurait presque crié aux débuts de la folie, comme disaient les Espagnols, mais elle savait qu'elle ne devenait pas folle. Pour s'en assurer, elle reposa une main sur les commandes, et le murmure revint.

Tu m'entends?

Cette voix…! C'était impossible! Ça ne pouvait pas...non, ça ne pouvait pas être la sienne!

Elle prit peur. Elle ne bougea pas, de peur qu'une quelconque horreur ne la frappe si elle essayait quoi que ce soit. Elle ouvrit de grands yeux, et se mit à imaginer toutes sortes de choses plus folles les unes que les autres. Ça ne se pouvait pas...c'était impossible!

Elle se pencha en avant, son corps hors de son contrôle. Elle ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Elle essaya de parler, et y parvint presque; mais avant qu'elle ne puisse prononcer le moindre mot, les lumières de l'écran s'éteignirent, et le serpent lui glissa hors des mains. Les commandes du Condor se turent, et Zia prit conscience de l'obscurité qui l'enveloppait. Le soleil s'était couché, et l'oiseau avait fait de même. Il avait atterri depuis longtemps, et les autres étaient déjà dehors.

Elle garda le silence, se releva. Ça ne servirait à rien de rester ici alors que tout le monde était dehors. Elle se glissa hors du bec du Condor, pour les aider à se poser.

Toutefois, ses yeux rencontrèrent le linceul blanc paisiblement étendu sur la banquette. Elle avait refusé ne serait-ce que de le regarder lorsqu'ils l'ont mis là...mais maintenant, elle avait l'impression que quelque chose se tramait. Quelque chose qu'elle ne comprenait pas, et qu'elle avait peur de comprendre.

Cette voix, qui lui avait parlé à l'instant. C'était la sienne. C'était la voix d'Esteban.




J'ai dit bonheur? ah ben j'ai menti. :3c

Re: (Fanfiction) Sa Machine Ailée

Posté : 21 juil. 2019, 15:19
par Xia
:lol: :lol: :lol:
J'aime beaucoup ! C'est bien écrit et très fluide. Hâte de lire la suite (en français, cela va de soi^^ :tongue: )

Re: (Fanfiction) Sa Machine Ailée

Posté : 21 juil. 2019, 19:41
par Sandentwins
:condor: Chapitre 3: Regrets :condor:

Les ténèbres l'entourent, et il ne sait pas qu'en penser.

Ce n'est pas si effrayant. Il n'a pas l'impression d'étouffement et d'effroi qu'il avait auparavant. Il n'a pas peur de mourir, peur que le monde ne l'étrangle dans son étreinte, peur de ne jamais sortir d'ici. Il n'a pas à s'inquiéter.

C'est comme un rêve. Un long rêve lucide et sombre. Il ne peut ni bouger, ni voir ce qui se passe alentour. Il ne sait pas depuis combien de temps il est ainsi, ou combien de temps il lui reste à attendre avant de pouvoir bouger à nouveau. Et pour occuper son esprit infatigable, il décide de réfléchir.

Esteban n'a jamais eu peur de la mort. Il s'est certes posé des questions, plusieurs fois, mais jusqu'à récemment il ne s'en inquiétait pas. Les histoires du monastère sur l'au-delà, avec leurs petits anges joufflus qu'il voyait dans les illustrés, savaient calmer son esprit d'enfant à chaque fois qu'il y pensait trop. Il se disait que s'il était une bonne personne de son vivant, il n'aurait pas à craindre pour le salut de son âme.

Mais quelque chose n'allait pas. Maintenant qu'il était aux premières loges, il voyait bien que quelque chose clochait dans sa vision de l'au-delà. Il n'y avait ni portails dorés ni petits anges pour l'accueillir; rien que l'obscurité et l'immobilité. Et à voir ce dont il avait l'habitude, c'était définitivement dérangeant. Mais d'une certaine façon, ça lui convenait. Il n'était pas n'importe qui, après tout: il était un enfant élu, porteur du Médaillon du Soleil, la clé des Cités d'Or. Bien qu'il ait vécu en Espagne toute sa vie, il n'y était pas né, et sa famille venait d'ailleurs. Une famille qu'il n'a jamais rencontrée et qu'il connaissait à peine, mais dont la culture et les croyances passaient outre celles de son éducation.

Parfois, il aurait aimé en savoir plus sur lui-même. Il aurait aimé avoir passé plus de temps avec son père, pour lui poser plus de questions. Il voulait en apprendre sur sa culture, leur culture, ne serait-ce que pour avoir quelque chose à quoi s'attacher. Il a si longtemps supporté les discours incessants de Tao sur la supériorité du peuple de Mu sur celui de l'Atlantide, ou à quel point les Atlantes étaient des moins-que-rien qui n'avaient rien pu laisser derrière eux pour prouver leur existence. Esteban n'en avait cure, pour être honnête, car de son point de vue, l'Atlantide n'était qu'une note de bas de page dans le chapitre de sa vie. Mais à voir le zèle et l'admiration de Tao pour sa patrie, à l'entendre parler de ses ancêtres avec des yeux pétillants, Esteban ne pouvait s'empêcher une certaine jalousie. Lui-même n'avait pas de patrie, pas de racines, et c'était là sa force; mais ça lui faisait bizarre de n'avoir aucune origine à revendiquer. Parfois il voudrait s'offenser aux insultes de son ami, défendre la culture et le savoir de ses ancêtres avec autant d'ardeur et de détermination. Et pourtant il se contentait de hausser les épaules, de dire qu'il n'en avait rien à faire, que ses origines ne changeaient rien à sa personne. Et son désir d'avoir une origine restait là, enfoui loin dans son âme, là où il ne pourrait pas le déranger.

Sauf pour les fois où il le faisait quand même, comme maintenant.

Peut-être que ce qui lui arrivait était naturel. Peut-être que ses ancêtres réincarnaient leurs âmes dans des objets à forme animale. Peut-être qu'il s'inquiétait pour rien, peut-être que ça faisait partie d'une longue tradition inhérente à qui il était et à ce qu'il devait faire. Et bien sûr, il ne pouvait pas savoir. Il ne pouvait pas savoir s'il devrait avoir peur ou non de son état.

Il ne pouvait pas savoir combien de temps cela durerait, ou combien de temps il resterait coincé ici.

Il ne pouvait pas savoir si ses amis savaient qu'il était là.

Ce serait donc une longue et silencieuse existence, dans le corps de son vieil ami de métal. Ça lui prendrait du temps pour s'y habituer. Pourrait-il seulement s'habituer à être un condor géant en orichalque? Oh, il avait vécu pire, il s'en remettrait.

Quelque chose lui chatouilla le dos, comme le toucher d'une plume. Elle se répandit comme une caresse, le long de son dos et de ses ailes, et il se réveilla à nouveau dans un souffle de lumière, comme s'il émergeait d'un profond sommeil. La sensation envahit rapidement le reste de son corps, et il reprit conscience de lui-même. Il sentait la terre sous ses pattes, le vent contre sa coque étincelante, les premiers signes de pluie qui s'annonçaient. Son corps était lourd, très lourd, mais empli d'une puissance phénoménale. Et il commençait tout juste à en apprendre les détails.

S'il aurait dû dire depuis combien de temps il était dans le Grand Condor, il aurait parié une semaine ou deux, à voir combien de fois il s'est réveillé dans un sursaut de soleil. Tout ce temps, il a observé sa vie plus qu'il ne l'a vécue, vu qu'il n'avait aucun contrôle sur son corps massif. Il fallait un pilote, et lui n'était qu'une machine, après tout. Mais il en a quand même appris beaucoup.

Il a appris à reconnaître les changements de temps, d'altitude. Il a appris à se situer dans le monde et dans la journée, en se basant sur la position du soleil et une sorte de boussole interne. Il ne pouvait pas voir, car les yeux sur sa tête n'étaient que décoration, mais il pouvait sentir ses alentours d'une manière pour l'instant inconnue. Sans doute voyait-il la lumière que tout lui renvoyait, sans doute était-il sensible aux températures. Il n'en était pas sûr, mais il avait l'éternité pour apprendre, et comptait bien s'en servir.

Pour être honnête, il avait hâte. Si apprendre à se connaître lui permettait d'aider la quête des Cités d'Or, alors il le ferait.

Le jour venait juste de se lever. Il n'avait pas bougé depuis quelque temps, ce qui voulait dire que ses amis resteraient ici un moment. Tout autour, il pouvait reconnaître un paysage qu'il a déjà vu, mais qu'il ne pouvait pas nommer. Il y était déjà venu, il le savait, mais pour le moment les souvenirs de sa vie (de la vie d'Esteban) n'étaient que des trucs tous flous à l'arrière de sa tête. Il n'était pas sûr de pouvoir s'en souvenir, vu que le Condor n'avait probablement pas de système de mémoire.

Ce qui ne voulait pas dire qu'il n'avait aucune mémoire. Certaines choses qui lui arrivaient lui semblaient familières, pour une raison inconnue. Esteban s'était dit que le Condor était un véhicule ancien, qu'il avait longtemps voyagé avant même qu'ils ne le trouvent, et bien plus depuis. En tout ce temps, c'était logique qu'il se construise une sorte de mémoire corporelle, s'il pouvait dire. De tous petits mouvements, réflexes, instincts qu'il suivait en vol. De petits riens qu'il avait compris lors de sa vie de pilote, et qui le rassuraient. Il savait ce qu'il fallait faire quand les pattes de l'oiseau tremblotaient en vol, quand ses plumes se dépliaient un peu trop, quand son moteur vibrait plus que d'habitude. Il savait ce que ça voulait dire. Mais malheureusement, son pilote actuel n'avait pas la même connaissance de la mécanique du Condor, ce qui lui laissait toutes sortes de sensations désagréables qu'il ne pouvait pas réparer de lui-même. Vraiment, c'était le seul inconvénient d'être machine plutôt que pilote, du moins à sa connaissance. Mais il avait confiance en Zia, et savait qu'elle ferait de son mieux pour le chevaucher et tout apprendre de son corps.

...argh. C'était vraiment trop bizarre de penser ça! Heureusement que personne ne pouvait entendre ses pensées, même s'il essayait très fort. Il se sentait assez seul, sans personne dans sa tête avec qui parler. Il devait trouver un moyen de dire aux autres qu'il était là, qu'il n'avait pas disparu. Peut-être que ça leur remonterait le moral, leur redonnerait envie de partir à l'aventure. Mais ça ne serait pas pour maintenant.

Car il venait tout juste de reconnaître cet endroit. Il savait où ils avaient atterri. Et il se doutait de qui ses amis étaient venus voir.

~~~~~

La vie n'était qu'un jeu cruel, n'est-ce pas? Un jeu cruel, tordu, ironique. C'était la seule raison d'un tel événement, selon Athanaos.

Il avait gardé espoir. Après avoir perdu son fils, son seul enfant pour plus de treize ans, il a finalement pu le revoir. Il a vu à quel point il avait grandi et mûri, il a entendu parler de ses aventures et de ses exploits. Sa maladie le rongeait alors, le forçait à se retirer du soleil et s'éloigner de son enfant pour chercher un remède, mais ils se sont promis de se revoir très bientôt. Il s'est accroché à cette promesse comme à un souvenir cher à son cœur; mais il n'a pas pu la tenir.

De toute sa vie, il ne s'est jamais imaginé mourir après son fils. Depuis toujours il a accepté l'inverse, et s'est tenu à cette idée. C'est peut-être pour cette raison qu'il a tenu à s'éloigner d'Esteban, pour que la séparation ne lui fasse pas trop de mal.

Quelle ironie du sort, qui aujourd'hui lui faisait haïr cette même décision de tout son être.

Il essuya ses larmes d'une main tremblante, sa gorge bloquée par quelque chose de lourd et tranchant. À son côté, Mendoza n'avait rien dit, sans doute par peur d'aggraver le tourment de son vieil ami. Ç'aurait été bien difficile, car Athanaos se sentait au plus bas qu'il lui soit possible d'atteindre. Les condoléances, les mots de réconfort ne seraient que tant de couteaux remués dans la plaie de son cœur. Sa dernière famille avait disparu, son seul enfant était mort, et il ne s'en remettrait probablement jamais. Mais il en avait besoin, il devait rester fort et garder la tête froide, sinon son désespoir pourrait bien l'achever encore plus vite.

Il releva la tête, et prit une longue inspiration sifflante. Il devait rester calme et raisonné, et ne pas prendre de mauvaises décisions sous l'influence du chagrin. Il devait agir avec la sagesse attendue d'un homme de son statut, de celui qui avait autrefois été le Grand Prêtre des Cités d'Or, de celui vers qui tout le monde se tournait en quête de conseils. Il devait le faire, et il le ferait.

Mendoza se tourna vers lui, son propre regard sombre caché sous son attitude détachée. À chacun son masque, Athanaos pensa.

« Tu sauras quoi faire? », il demanda doucement.

Athanaos réfléchit pendant un moment, puis acquiesça.

« Ça ne servirait à rien de le ramener en Espagne. Je vais...je vais m'occuper des rites ici-même. »

Mendoza hocha la tête solennellement. Cette perspective n'était pas la plus chaleureuse, mais ils devaient voir la vérité en face. Ils ne pouvaient pas continuer de voyager avec le corps d'Esteban, et utiliser son médaillon pour la quête des Cités était hors de question. Ce serait lui manquer de respect.

Il fallait bien que leurs aventures se terminent un jour, après tout.

« Tu voudrais l'amener sur la terre de tes ancêtres? », offrit-il, comme prétexte pour voyager un peu plus.

Athanaos fit non de la tête.

« Cette terre a disparu depuis longtemps. Nos ancêtres étaient des nomades, ils n'ont...ils ne se souciaient pas de savoir où on les enterrait. »

Ce qui rendait leur héritage si dur à retrouver, se dit-il.

« Je ne peux pas croire qu'une telle chose puisse se passer. C'est juste...c'est impensable! »

Il contrôlait sa voix, mais une rage sourde se cachait sous ses mots. Une rage qu'il essayait tant bien que mal de calmer, dans sa fatigue.

« Ils avaient une mission. L'accomplir était leur destin. Pourquoi la sagesse de Mu laisserait-elle la mort les arrêter? Ça n'aurait jamais...jamais dû arriver! »

« – Tu sais bien qu'on n'y pouvait rien. Rien du tout. »

« – Mais pourquoi? Dis-moi, Mendoza, pourquoi est-ce arrivé? Tout est fichu, maintenant, et les enfants ne pourront jamais arriver au bout de leur quête! »

Ils le savaient tous deux, bien sûr. Sans Esteban, ils ne pouvaient pas progresser, ce qui laissait l'avantage à Zarès. Si le double médaillon qu'il avait volé marchait réellement, rien ne l'empêcherait d'ouvrir les Cités lui-même, et d'amener le chaos sur le monde.

À quoi bon continuer, alors?

« Rien n'est sûr. », rassura Mendoza. « Il doit forcément y avoir une autre solution. Le Médaillon du Soleil doit certainement laisser quelqu'un d'autre le porter. »

« – Mais si ce n'est pas le cas? Tu m'as dit qu'il s'est terni au moment où il y a renoncé. Son destin était scellé, lui seul pouvait le porter. »

« – Pourtant, il est passé de main en main au fil des générations, bien avant sa naissance. »

« – Il n'acceptera personne d'autre. Crois-moi, je connais les règles cachées. »

Ils ne se regardèrent pas. Ce serait inutile.

« Ce médaillon est le sien. Il faut...il devra reposer avec lui. »

Mendoza tenta de savoir quoi dire, quoi répondre. Mais il ne trouva rien. Il ne voulait pas manquer de respect à Athanaos.

« J'en informerai les autres. », céda-t-il. « On procédera à la cérémonie ici. Et après...on verra bien. »

Il se releva lentement, et posa une main sur l'épaule d'Athanaos. Puis, pris d'un élan d'amitié, il le prit dans ses bras pour tenter de le réconforter.

« Sois brave, mon ami. »

Athanaos sentit à nouveau les larmes lui monter aux yeux. Mais il se retint, et lui rendit son étreinte.

« Merci. »

Ils se séparèrent après un long moment, et Mendoza quitta la pièce, lui laissant un dernier regard. Lentement, celui d'Athanaos se tourna vers le corps déposé devant lui, toujours de blanc couvert. Au vu de cette silhouette cachée qu'il connaissait si bien, sa gorge se serra à nouveau, et il ne put retenir ses larmes.

« Qu'est-ce que je vais faire, maintenant? »

Re: (Fanfiction) Sa Machine Ailée

Posté : 21 juil. 2019, 23:23
par Akaroizis
Tu as vraiment une très bonne plume, j'applaudis, chapeau bas ! De nombreux talents présents en cette personne. o/

Re: (Fanfiction) Sa Machine Ailée

Posté : 22 juil. 2019, 00:44
par Sandentwins
:condor: Chapitre 4: Boucles :condor:

Il se souvient de la première fois qu'il a fait voler le Condor.

Quand il n'était encore qu'un enfant de douze ans qui ne savait rien du monde, qui suivait les ordres de Mendoza sans broncher. Il se souvient de la première fois qu'il a pris le levier en main et fait s'envoler le Condor. Il se souvient de la poussée d'adrénaline, de son cœur tremblant d'appréhension, de chaque petite secousse de l'engin qui lui faisait craindre un crash. Il se rappelle tenir le serpent entre ses doigts et sentir le poids, la puissance de la machine si grande et imposante autour de lui, contenue dans ses petites mains. Ce pouvoir qu'il avait lui donnait plus de vertige encore que l'altitude ou la vitesse de leur décollage, alors qu'ils s'échappaient loin des soldats de Pizarro, de plus en plus haut vers le soleil levant. Pour la première fois, il a dirigé le grand oiseau d'or, il a fait déplier ses ailes et prendre la route du ciel, vers la liberté, vers les nuages, vers leur but.

Ça lui semblait si loin. Comme une éternité, un souvenir si lointain qu'il s'en rappelait à peine. Il a grandi depuis, il a appris à se servir du Condor, à contrôler son pouvoir et à guider cette bête géante là où il voulait. Mais malgré tout, il se souvenait de son premier vol, et de toutes les choses nouvelles qu'il avait rencontrées.

Peut-être que c'est ça qui l'aidait à mieux supporter le choc de cette expérience nouvelle.

Il entendait souvent dire qu'il y avait une première fois à tout. Mais il n'entendait jamais dire qu'il y avait une seconde, une troisième, des tas d'autres fois. Il avait décollé une première fois, une deuxième fois, une troisième fois sous sa nouvelle forme ailée, mais il ne saurait dire combien de décollages il aurait encore à vivre. S'il voulait apprendre à bouger plus librement, il devait s'assurer que son état serait permanent.

À voir que son fardeau s'était allégé d'une personne, ce serait sûrement le cas.

Ça ne l'étonnait pas plus que ça. Il n'avait plus beaucoup de sentiments, donc le choc, le dégoût et la peur ne lui faisaient rien. Une machine n'avait pas de sentiments, forcément. Ça ne lui semblait en rien bizarre; car il n'avait aucun moyen de savoir. Et dans un sens, c'était pour le mieux. Après tout, il avait autre chose à faire que de s'inquiéter pour son sort, son existence ou ce qu'il en restait. Et même si en effet il a un peu flippé au début, c'était au final dans une moindre mesure qu'à quel point il l'aurait imaginé. Mais bon, il fallait se dire qu'il n'avait jamais imaginé cette situation auparavant, tout simplement car c'était quelque chose d'inimaginable, et car personne de sensé ne s'imaginerait réincarné dans le corps d'un aéroplane géant.

Quand bien même ce genre de choses arrive, il semble bien.

Mais il avait assez flippé, de toutes façons. Il devait se concentrer sur ce qu'il voulait faire. Et ce qu'il voulait faire, là maintenant, c'était bouger.

Il ne pouvait rien faire contre cette sensation, ce désir de bouger quand on le pilotait. Quand on lui ordonnait d'aller à gauche, il devait aller à gauche. Quand on lui ordonnait d'atterrir, il devait déplier ses jambes et se préparer à atterrir. Son pilote avait droit de décision sur lui, et il ne pouvait pas lui dénier ce droit. C'était logique, bien sûr; mais Esteban se souvenait des multiples fois où le Condor s'était piloté lui-même. Dès qu'ils approchaient du chemin d'une nouvelle Cité d'Or, le Condor lui barrait les commandes et faisait ce qu'il avait en tête, et Esteban lui faisait confiance. Il avait une certaine affinité avec les objets de technologie Muenne, d'une manière qu'il ne comprenait pas encore. Mais maintenant qu'il avait le temps d'essayer, il était déterminé à le faire.

Pour le moment, il volait au dessus d'une terre vide qu'il ne reconnaissait pas. Ça faisait au moins quelques heures, et il ne recevait aucune commande sinon des corrections mineures de sa trajectoire. Il savait plus ou moins où ses passagers se trouvaient, et tout le monde était posé pour le moment. C'était parfait.

Il se concentra. Il tenta de prendre conscience de son corps. Sa tête, ses ailes, sa queue, ses jambes repliées, ses entrailles métalliques remplies d'énergie. Le soleil brillait, lui donnait sa vigueur; le vent était frais et vif autour de lui, portant son corps massif. Il sentait la puissance de son réacteur, qui réchauffait sa queue. Il ne pouvait pas sentir ses cheveux, ses muscles, ses mains, même s'il avait l'impression de pouvoir le faire; il ne s'était pas encore fait au changement. Mais il n'en eut cure, et se concentra sur sa tâche.

Ses ailes. Ses plumes. La partie de son corps la plus mobile, là où il devrait commencer. Il se concentra, ne pensa plus qu'à cette impression de pouvoir dans ses entrailles, se concentra sur les rouages et les joints de ses épaules et leur mouvement. Il pouvait y arriver. Il devait y arriver.

Il s'ordonna de bouger. Et à sa grande surprise, il réussit.

Quelque chose changea à l'arrière de sa tête, et le cockpit s'agitait alors qu'il forçait le serpent à revenir dans son antre. L'instant d'après, ses ailes se relevèrent juste assez, et son corps se redressa. Comme par réflexe, ses plumes suivirent, guidant son ascension dans le ciel ensoleillé, dans une secousse de rouages et de puissance solaire. Il savait ce qu'il faisait, bizarrement, et se dit que le Condor puisait dans sa mémoire corporelle pour l'aider dans son envol. Il savait compenser son angle de vol avec assez de puissance de feu supplémentaire, et trouver le bon dosage demandait un peu de manipulation. Mais il savait le faire; d'une manière qui lui échappait, il savait comment faire, comme s'il l'avait déjà fait des centaines de fois. Il devait y croire. Il en était capable!

Ça s'agitait de plus en plus dans le cockpit. Ses passagers s'étaient réveillés, en pleine panique devant ce changement soudain. Esteban le prit comme une bonne nouvelle, car il pourrait maintenant leur montrer ce dont il était capable, et peut-être même les amener à comprendre ce qui se passait.

Il sentit les mains de Zia sur le tableau de bord, qui pressaient l'emblème du soleil et essayaient de reprendre le contrôle. L'envie lui prit de la laisse faire, de rester à sa place et de lui rendre les commandes, mais il refusa et continua de s'élever. Il corrigea sa trajectoire, désormais volant presque à la verticale, et sentit les passagers se faire coller à leurs sièges alors qu'il montait aussi vite que possible. Il n'avait qu'une seule chance de réussir, et savait qu'il ne pourrait pas continuer longtemps avant que son élan ne se dissipe et que la gravité reprenne le dessus. À cette pensée, il eut des échos de vertige, mais les repoussa comme il repoussait l'air en dessous de lui avec son réacteur, montant encore et encore plus haut. Il savait le faire. Il l'avait déjà fait, il pouvait le refaire!

Il se prépara, replia ses plumes, et battit des ailes comme un véritable oiseau. Elles se collèrent à son corps, alors que son ventre faisait face au ciel, et pendant une seconde tout sembla basculer. Il ne volait plus, il flottait en l'air, porté par son propre élan. S'il avait encore des yeux, il les aurait fermés doucement, et laissé cette sensation l'envahir tout entier. C'était la manœuvre la plus spectaculaire qu'il connaissait, une dont il avait le secret.

Avant que la gravité ne le rattrape, il ouvrit les ailes et releva son bec, tombant à la verticale. La gravité le précipita en bas, pesant plus fort encore sur sa coque, comme il n'avait jamais ressenti auparavant. Mais il ne se laissa pas faire: levant les ailes, il reprit en un rien de temps une position horizontale, avec une poussée de vitesse qui enfonça ses passagers au plus profond de leurs sièges. Comme il avait envie de crier d'excitation! Cette boucle incroyable était son petit tour, sa manœuvre fétiche qu'il avait perfectionnée de son côté, durant ces longs moments d'attente entre deux étapes. Ses amis étaient à la fois impressionnés et terrorisés par ses prouesses, car la voltige aérienne était mille fois plus dangereuse que tout ce que la navigation pouvait offrir. Et comme hélas les ceintures de sécurité n'existeraient pas avant une poignée de siècles, Esteban devait s'y faire.

Mais pour le coup, il avait dû le faire. C'était un besoin urgent, un désir qui s'éveillait des confins endormis de son esprit. Il avait dû le faire, sinon son âme n'aurait jamais trouvé le repos. Peu à peu, il ralentit, revenant à une vitesse de croisière, et seulement maintenant laissa Zia reprendre le contrôle.

Mais à la place de ses mains, il sentit autre chose se connecter à lui.

Comment t'as fait ça!?

Ce n'était pas sa voix, du moins pas vraiment. Il n'avait pas d'oreilles pour entendre, donc il se dit qu'il s'agissait d'autre chose. Il essaya de se concentrer, de lui répondre comme il l'avait fait avant. De laisser son esprit toucher au sien.

« J'en sais rien. Mais j'en avais besoin. »

Il ne savait pas si elle pouvait l'entendre ou le comprendre. Mais il se devait d'essayer. Peu après, une réponse lui parvint; il ne l'entendait pas, mais la sentait, comme s'il venait juste de se découvrir un sixième sens.

Esteban? C'est vraiment toi?

Oui! C'était vraiment lui! C'est ce qu'il voulait leur faire comprendre!

« Zia, je suis là! Je suis là! »

Mais comment? Comment tu peux…? Tu es...tu n'es plus là!

« J'en ai aucune idée. Je ne sais pas du tout ce qui s'est passé. Mais je suis là, maintenant! Je suis le Grand Condor! »

Il se dit que ça n'avait sans doute aucun sens, mais est-ce qu'on pouvait l'en blâmer?

Je ne comprends pas...

« Crois-moi, moi non plus. Mais je suis là. Je suis vraiment là. »

Le silence tomba, suivi d'une agitation qui s'emparait des passagers alors qu'ils apprenaient la nouvelle. Sans nul doute était-elle surprenante, et il était heureux de voir l'effet qu'elle avait sur eux. Il aimait avoir un petit effet sur les gens, même s'il ne l'avouerait jamais.

Tao ne te croit pas.

« Très bien. Comment est-ce que je peux lui prouver que c'est moi? »

Je n'en sais rien. Mais tu t'es montré très convaincant avec tes acrobaties.

Il s'en sentit flatté. Mais il savait que son ami tout en science et logique aurait besoin d'être convaincu. Reprenant le contrôle, que de toutes façons personne n'avait vraiment, il déplia ses pattes et descendit lentement sur la terre ferme, avec toutefois plus d'hésitation qu'en tant que pilote. Il n'aimait pas vraiment le grattement de ses serres sur le sol, c'était assez bizarre. Mais il parvint à ralentir puis s'arrêter, levant les ailes et baissant la tête pour es laisser sortir.

Il sentit sa tête s'alléger, se vider. Zia était toujours là, sa main sur le tableau de bord comme si elle avait peur de le quitter. Et il la comprenait. Il ne voulait pas être seul non plus, car pour le moment il ne voyait pas très bien se qui se passait autour de lui.

« Je suis content que tu sois là. »

~~~~~

Je suis content que tu sois là.

Cette voix n'était ni un son, ni une impression. C'était quelque chose que Zia comprenait plus intensément encore, à un niveau qu'elle seule pouvait atteindre. Un niveau de concentration qu'elle n'avait pas pu atteindre ces derniers temps, maintenant que la quête des Cités d'Or s'était finie. Mais maintenant que l'espoir dans son cœur avait repris quelque peu, elle savait plus ou moins quoi faire et comment. Car maintenant, une chose était sûre.

Esteban était vivant. Il a survécu, et son âme, son esprit était dans le Grand Condor.

« Moi aussi. », dit-elle au bout d'un long temps. « Comment tu te sens? Tu peux me voir? »

Je ne vois rien. Je sens...des choses. Je te sens en moi...ah, c'est si glauque à dire!

Elle ne put retenir un petit rire. Il semblait bien qu'Esteban avait toujours son innocence d'enfant. Elle regarda autour d'elle, comme pour essayer de le voir flotter quelque part dans le cockpit, mais ne vit que les motifs solaires de la décoration.

Je sens la chaleur du soleil sur mon corps. Je ne sais pas où nous sommes, mais je sens que les autres sont dehors. Je...pense savoir dans quelle région du monde nous sommes? C'est bizarre, je ne comprends pas encore très bien. Mais j'y arriverai, fais-moi confiance.

« Je sais que tu vas y arriver. Tu as toujours plein de bonnes idées, pas vrai? Tu t'en sortiras. »

C'est gentil de ta part! Pour le moment, je vais essayer de me repérer, de voir ce que je peux faire. Ça va me prendre un moment.

« Fais attention. »

Elle laissa aller le tableau de bord, et la voix disparut à nouveau, sans doute pour revenir plus tard. Elle n'en savait rien, mais elle le saurait bientôt. Ne serait-ce que pour continuer à lui parler.

Le cœur battant d'excitation, elle se hâta de rejoindre les autres dehors.



Bonus:
pickle.png
"Je me suis transformé en Condor, Zia! Je suis Condorsteban!!"

Re: (Fanfiction) Sa Machine Ailée

Posté : 22 juil. 2019, 16:41
par Sandentwins
:condor: Chapitre 5: Vitesse :condor:

Ça fait quoi, du coup?

Cette question surprit Esteban. Ça faisait une heure qu'il volait sur une même lancée, donc il se sentait un peu assoupi.

« Quoi, ça fait quoi? »

Tu sais bien. M'oblige pas à le dire.

Si Esteban avait encore des épaules, il les aurait haussées.

« C'est...effrayant. D'abord tu es là, et puis...tu l'es plus. »

Hein? Non, pas ce truc là! L'autre truc.

« Tao, je connais des milliers de 'trucs'. Sois plus précis? »

Ça fait quoi d’être dans le Condor?

Pour être honnête, il n'en avait aucune idée. Ce n'était pas simple à décrire comme sentiment, autant ce que c'était que ce que ce n'était pas. Encore maintenant il en était confus, donc il ne savait pas quels mots choisir pour renseigner son ami.

« C'est...bizarre. Je sais que là, tu es dans ma tête. Je sais qu'on est à une demi-lieue au dessus du sol, qu'il est deux heures onze de l'après-midi, et que d'après la pression atmosphérique, il va bientôt pleuvoir. »

Ben dis donc! Tu peux savoir tout ça?

« Un peu! J'ai sans doute une horloge interne, ou alors c'est grâce au soleil. »

Honnêtement, il aimait bien une telle admiration. Il ne s'en sentait ni embarrassé ni gêné, et ça l'apaisait un peu.

Donc, tu peux sentir si le Condor s'approche d'une Cité d'Or?

« Sois pas bête, Tao. Si je savais où sont les Cités, on les aurait trouvées depuis longtemps. »

Et c'était bien dommage. Le Condor avait toujours su où aller et que faire...donc pourquoi ne pouvait-il pas, maintenant qu'il le contrôlait à son tour? Devait-il se rapprocher? N'y avait-il aucun raccourci sur le chemin menant aux Cités? Le chemin importe autant que la découverte, il le savait bien...mais le chemin en question était un petit peu trop étroit pour laisser passer un oiseau de sa taille, désormais!

Il se demanda si ça en valait vraiment la peine. Ils ne pouvaient pas...abandonner, pas vrai? Ils ne pouvaient pas laisser Zarès s'emparer des Cités et de l'héritage du peuple de Mu! Ça serait la fin du monde, voire pire encore!

Esteban, tu penses encore à quelque chose.

La voix de Zia l'interrompit dans ses pensées.

« Hein? Non, c'est pas vrai. », mentit-il.

Si, c'est vrai. Tu savais que tes lumières se mettent à clignoter quand tu réfléchis?

Non, il n'en savait rien. Comme quoi il avait encore beaucoup à découvrir.

« C'est bizarre que tu puisses voir mes pensées comme ça. J'aime pas trop. »

Ne t'inquiète pas, je ne vois rien. Je sais juste que tu te préoccupes.

« J'espère bien que t'en vois rien! »

Avoir des gens dans sa tête n'était pas vraiment la meilleure des choses. Mais même quand il essayait de s'en dégoûter, il ne pouvait pas. Était-ce une bonne ou une mauvaise chose? Il n'en savait rien, et ne voulait pas savoir. Il changea rapidement de sujet.

« Et donc, on va où? »

À Gizeh. On a encore une chance d'arrêter Zarès avant qu'il n'atteigne la prochaine cité, et on compte bien en profiter.

« Tu crois qu'il peut y arriver? Il a déjà le Sceptre d'Horus avec lui, il pourra ouvrir les portes du temple. Et si le double médaillon fonctionne réellement, rien ne pourra l'arrêter! »

C'est là que tu entres en jeu, Esteban.

Il sentit sa main se poser sur son tableau de bord.

Tu crois que tu peux aller plus vite? Si on le dépasse, on pourra l'arrêter.

« Plus vite? Je crois...je vais essayer. Emmène-moi plus haut, il me faut plus de lumière. »

Il sentit qu'on lui commandait de replier ses plumes et de pousser sur sa queue. Obéissant, il monta dans les airs, au dessus des rares nuages du désert, et sentit le soleil lui caresser le dos. Il lui conférait énergie et vigueur, et le besoin de les dépenser. Un besoin qui rejaillissait de ses entrailles mécaniques, lui rappelant ces jours d'ennui au monastère qui lui donnaient l'envie, la nécessité de bouger, d'utiliser toute son énergie d'enfant turbulent. Il laissa cette sensation s'emparer de lui, démanger chaque once de son corps, jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus; là, et seulement là, il força sur sa queue autant que possible, et fonça dans le ciel.

Tout son potentiel trouvait enfin une issue. Cette furieuse poussée de vitesse colla son équipage à leurs sièges, alors que le vent fouettait son bec avec violence et que ses ailes tranchaient l'air comme des rasoirs acérés. Il n'a jamais pu amener le Condor à une telle vitesse, mais maintenant il y arrivait! Il était rapide, incroyablement rapide, plus rapide que le son, et tout en dessous de lui n'était qu'un brouillard flou d'ocre et de sable. Il fila comme une étoile, courut comme un éclair sur une mer tempétueuse, comme si rien ne pouvait plus l'arrêter. Et il adorait ça, il en adorait chaque instant! Il voulait rire, crier, hurler d'excitation; mais quand il voulut ouvrir son bec, il en sortit un glatissement de rapace, un cri qui déchira le ciel de son écho comme pour appeler sa meute.

Il n'était que vitesse. Il n'était que vent. Il était la lumière du soleil, rapide et sans relâche. Il battit à nouveau des ailes, et fit un tonneau en l'air comme un oiseau fou, pris d'une terrible envie de montrer à tous ce qu'il savait faire. Cette puissance, cette accélération étaient ce qu'il avait jamais connu de mieux au monde. Et pendant un instant, un court instant, il repensa à tout ce qu'il avait vécu, ce qu'il était devenu, et oublia le reste. Il n'y avait plus rien à quoi penser, plus de Cités d'Or, plus de Zarès, plus rien du tout; juste la vitesse, le soleil, et lui-même.

Mais sa course folle fut interrompue d'un coup sec. Il sentit le serpent se faire tirer en arrière, et son esprit suivit aveuglément, repliant ses plumes et se retournant si vite que ses passagers en furent presque éjectés. Il se stabilisa comme il pouvait, l'énergie de sa course dissipée brutalement, et parvint à se maintenir en l'air.

« Ça veut dire quoi, ça!? », tonna-t-il. « Pourquoi t'as freiné!? »

Parce que tu allais beaucoup trop vite! On est arrivés, mais encore un peu et on serait en mer en ce moment!

Pendant une seconde, il voulut lui dire qu'il s'en fichait bien. Ça l'énervait de se faire stopper en plein vol, mais il n'allait pas le dire à voix haute. Il reprit plus lentement, survolant la beauté des pyramides égyptiennes. La piste des Cités d'Or.

Tu sens quelque chose?

« Pas vraiment. », répondit-il, encore grognon. « S'il y a quelque chose, c'est trop faible pour que je le repère. Je fais quoi, j'atterris? »

Il entendit alors la voix de Mendoza.

Pas tout de suite. Reste vigilant, ouvre les yeux. On ne sait pas ce que ce traître nous réserve.

Aucun signe de la nef volante de l'ennemi en vue. Il resta en l'air pendant un moment, surveillant les alentours; mais après un temps de vol sans but, il décida quand même de se poser derrière quelques roches, pour se cacher.

« Peut-être qu'on l'a devancé. Pourquoi on ne passerait pas devant lui? »

Et si c'était ça, ce qu'il veut? Il pourrait très bien nous suivre, il l'a déjà fait!

Sans compte qu'on n'a plus ton médaillon, Esteban. Si on en avait besoin?


« Comment ça, vous ne l'avez plus? Pourquoi? Vous en avez fait quoi!? »

Il s'était mis sur la défensive à ces mots. Mais à son ennui justifié, ils ne purent répondre que par malaise. Il dut s'y prendre à deux fois pour savoir pourquoi.

« ...désolé. Je...je le pensais pas. »

Non, c'est pas grave… On aurait dû te le dire.

On a fait ce qu'on pensait être juste.


Et il ne pouvait pas leu en vouloir. Alors qu'il s'amusait à voler, prendre le soleil et se poser tout plein de questions, ses amis étaient en larmes, en deuil, en doute quant à leur quête. Et ça lui faisait bizarre d'être celui qu'on pleurait.

« C'est pas grave. On n'a pas besoin d'ouvrir les portes de la Cité, il faut juste empêcher Zarès de le faire. Ce sera pas difficile. »

Mais il a le double médaillon! Comment on va faire?

« Tu oublies qu'il a besoin de nous. Tout ce qu'il a fait depuis le début, c'est nous suivre alors qu'on progresse. Tu crois vraiment qu'il va s'embêter à résoudre toutes les énigmes et les pièges qu'on a passés? Brutal comme il est, il barrerait sa propre route en essayant de la forcer! »

Le silence régna pendant un moment. Puis Mendoza parla à nouveau.

Tu as raison. On a de la chance que tu sois aussi optimiste, Esteban.

« Bah...il faut bien que quelqu'un le fasse. »

S'il avait encore des lèvres, il aurait souri.

« Séparons-nous. Je couvre le ciel, vous l'attendez aux portes du temple. Si sa nef approche, je m'en occupe. »

Tu es sûr que ça ira? Tu l'as dit toi-même, le Condor n'est pas fait pour se battre.

« J'ai peut-être pas d'arme, mais j'ai plus d'un tour dans ma manche. Je veux dire, dans mes plumes. »

Il ouvrit son bec pour les laisser sortir, restant aux aguets. Juste avant de descendre, Zia posa toutefois sa main sur ses commandes.

Tu le prends plutôt bien, Esteban. Tu es sûr que tout va bien?

Sa question le surprit.

« Ben...oui, bien sûr. Pourquoi? »

...sans raison. Fais attention, s'il te plaît.

Et elle sortit. Esteban leur laissa un moment pour se préparer, avant de décoller et de se cacher sous les nuages. Aux aguets, en alerte.

« Vas-y, Zarès. Montre-toi, espèce de lâche. »

~~~~~

« Tu crois qu'Esteban s'en sortira? »

« – Il est malin. On doit lui faire confiance. »

« – Je sais bien...mais c'est pas ça qui m'inquiète. »

L'équipe suivait l'étroit chemin qui menait au temple enfoui de Saqqarah, d'après les inscriptions trouvées sur le Sceptre d'Horus. Si leur intuition était bonne, ils auraient tout de même besoin du Sceptre lui-même en guise de clé des portes, une clé que l'ennemi avait sur lui en ce moment. Tout ce qu'ils pouvaient faire, c'était improviser et attendre.

Mendoza avait sorti son épée, jetant des regards méfiants tout autour. Sancho et Pedro étaient terrifiés par la possible présence de créatures dangereuses rôdant dans cette vallée. Tao relisait les instructions du Sceptre qu'il avait griffonnées à la hâte dans son livre. Quant à Zia, elle suivait le groupe, jetant des regards inquiets vers le ciel. Entre les rares nuages, elle pouvait voir l'éclat doré du Condor qui la rassurait. Mais elle restait horriblement inquiète. Inquiète au sujet de leur quête, de la prochaine Cité, et d'Esteban. Au sujet du futur, et de ce qu'ils feraient.

S'ils échouaient à arrêter Zarès et ses plans diaboliques, alors le monde qu'ils connaissaient serait détruit. Mais s'ils réussissaient? Ils ne pourraient pas continuer non plus. Pas sans Esteban et son médaillon. La prophétie avait besoin des deux élus, et pas autrement. Elle ne pourrait pas porter le poids de cette responsabilité sur ses seules épaules, quand bien même c'était là sa destinée. Elle avait besoin de son ami, de son compagnon pour réussir; mais maintenant qu'il avait disparu, que faire?

Non, se dit-elle. Esteban n'avait pas disparu. Son esprit était avec eux, dans le Condor, et elle ne devait pas en parler en si graves termes. Il était bien là, il pouvait lui parler comme avant. Il pourrait la guider et l'accompagner, et la soutenir. Dans un sursaut de nostalgie, elle se souvint de leur toute première rencontre, dans le navire qui les a ramenés vers le Nouveau Monde il y a deux ans. Il avait été si gentil et amical avec elle, alors qu'elle l'avait toujours vu comme une étrange entité distante, née de la superstition des gens de Barcelone. Et la vérité l'avait rassurée.

Il n'avait pas disparu, pensa-t-elle. Son corps avait changé, mais il était toujours là. Il n'était pas là, en train de marcher avec eux dans la vallée, mais il était toujours vivant. C'est ce qui comptait le plus, ce dont elle devait se rappeler...quand bien même c'était dommage pour ses idées secrètes de son avenir. De leur avenir.

« Tout va bien, Zia? »

La voix de Tao la réveilla de ses pensées.

« Fais attention. Ça glisse par ici. »

Un regard en bas lui confirma ça. Mieux valait ne pas tomber.

« D'accord. Ne t'inquiète pas. »

Il acquiesça. Mais juste au cas où, il lui offrit son bras, et elle s'y accrocha.

Guidant le groupe, Mendoza s'arrêta soudain.

« Par la malpeste! »

Tous se tournèrent dans la direction où il regardait. En face d'eux, les larges portes de pierre brune étaient grandes ouvertes.

« On est arrivés trop tard! Il nous a pris de court! »

« – On peut encore l'arrêter! Vite, rattrapons-le! »

« – Pas si vite, Tao! Tu ne vois pas? Ni lui ni sa nef ne sont dans les parages! Ça fait longtemps qu'il est parti, là où le Sceptre l'a mené! »

« – Alors il faut qu'on se dépêche! Retournons au Condor, on peut encore- »

Le reste de ses paroles fut couvert de bruit. Au-dessus d'eux, un terrible vacarme détonna, faisant trembler la terre et voler la poussière. Ils levèrent les yeux, et virent un éclat doré se précipiter vers l'horizon, traversant les nuages comme un coup de canon.

« Esteban!!! »






Enfin on entre dans le scénario.
J'ai appris un nouveau mot, tiens. Le glatissement, c'est le cri de l'aigle. Comme quoi, c'est un bon exercice.

Re: (Fanfiction) Sa Machine Ailée

Posté : 23 juil. 2019, 01:10
par Sandentwins
Vous l'attendiez, et il apparait enfin, j'ai nommé :Ambrosius: !


:condor: Chapitre 6: Poursuite :condor:

Il ne sait pas ce qu'il fait, et même s'il le savait, c'était désormais trop tard pour reculer.

Au moment où il a repéré les premiers signes du ballon d'air chaud dans le ciel lointain, il n'a pas réfléchi. Il avait allumé son moteur, et il avait foncé à travers les nuages, chassant ce qui aurait pu bien être un mirage. Il n'a pas eu le temps d'analyser la situation, de se demander si ça en valait la peine, ou même de réfléchir à un plan. Il a juste décollé. Comme si son instinct dépassait sa pensée.

Il déchirait le ciel, comme un éclair se ruant sur un navire, ses ailes sifflant si fort que les oiseaux s'en détournèrent de leur vol. Il volait plus vite encore qu'il ne l'avait jamais fait, son accéléromètre déboussolé. Son corps pouvait-il seulement supporter un vol aussi rapide? Il ne voulait pas s'en soucier, car il était fixé, très fixé sur son objectif. Et bien qu'il ne soit pas sûr de sa capacité à ressentir, il savait qu'il était définitivement en colère.

Il dépassa les nuages, la brume, et le ballon géant apparut alors, un poisson de toile portant le bateau à travers les cieux. Les rubans de vapeur qui le suivaient guidaient Esteban dans sa course, le guidaient vers l'ennemi, vers le traître et sa machine. Il y arriverait. Il le rattraperait! Il y croyait, il y croyait!!

Mais malheureusement, ça ne se passerait pas comme prévu. Avant qu'il ne puisse s'écraser sur la nef, celle-ci changea soudainement de cap et s'éloigna, et le bec d'Esteban ne toucha que de l'air. Il s'en retourna presque dans son élan! Il se stabilisa et essaya de ralentir, tout son élan gâché à pousser les nuages. Il se maintint à une hauteur raisonnable, gardant les ailes recourbées pour ne pas retomber.

En dessous de lui, la nef se relevait, secouée mais indemne. Il se souvint des armes d'Ambrosius, et se demanda si son plan hâtif avait quoi que ce soit d'une bonne idée. S'il tirait et brisait sa coque? Il ne pouvait pas risquer le coup! Rapidement, il redressa ses ailes et contourna la nef, essayant de la désorienter. Il devait reprendre le dessus, sinon quoi il perdrait cette bataille.

Sur le pont, la petite équipe d'Ambrosius, Gaspard et Laguerra avaient remarqué c qui se tramait. Une attaque de plein fouet du Condor aurait tôt fait de les surprendre, à tous les coups; Esteban aurait l'avantage. Il vit les canons se tourner vers lui, et se rua encore plus vite, évitant les tirs ennemis et faisant trembler les voiles.

Et si c'était la solution? S'il provoquait assez de vent, il pourrait secouer la nef au point de la faire tomber, et gagnerait cette bataille. Il devait la renverser au plus vite! Rapidement, il se releva et fila dans les airs, laissant le soleil de midi alimenter son corps. Du coin de sa vision intégrale, il vit la nef monter à son tout, essayant tant bien que mal de le rattraper, de résister au jet de son réacteur qui la repoussait. Lorsqu'il sentit l'énergie de ses ailes s'affaiblir, il retourna tout son corps dans une boucle spectaculaire, pattes en l'air à nouveau, et visualisa sa cible. Parfait: tout ce qui lui restait à faire était de pousser, et la nef s'écroulerait sous sa rage. Il ralluma son réacteur, et plongea comme un faucon sur sa proie, le vent fouettant ses plumes.

Il était à plus d'une lieue d'altitude, si haut qu'il ne voyait pas le sol. Tout était flou et vague autour de lui, et la lumière ne pouvait rebondir sur rien. Il ne voyait que sa cible, une vague tache dorée dans les ténèbres, et le soleil au dessus de lui. Il fonça et fonça encore, son bec acéré prêt à déchirer le ballon, à renvoyer ce maudit navire droit dans le sol. Il fonça, concentré sur sa proie, prêt à frapper et…

Et…

Et-

et soudain il tombe, et il n'a rien à quoi s'accrocher, et le vent le fouette de toutes parts, et il crie et il a peur et soudain il y a une lumière et il fonce et le sol se rapproche et il accélère et le soleil l'aveugle et son cœur bat fort et il essaye de le rattraper et sa voix se brise et–

–et il se met à crier, et dévie sa course, comme si son corps ne lui obéissait plus. Le vent repousse la nef, mais ce n'est pas le coup destructeur qu'il voulait, c'est une maigre brise mais avant qu'il ne puisse rien faire il s'envole loin d'ici comme le pire des lâches. Il force sur sa queue et décolle loin d'ici, loin d'Ambrosius, vers la sécurité.

Il prit une longue bouffée de soleil, essayant de se calmer. Qu'est-ce qui s'était passé? Qu'est-ce qu'il a fait? Heureusement qu'il s'est arrêté, sinon il se serait écrasé contre la nef. Il avait eu peur au dernier moment...mais peur de quoi? Il n'en savait rien, c'était comme...une illusion. Une sensation pire encore que le vertige.

Il se rendit compte d'à quel point il avait été stupide, et casse-cou. Une attaque surprise, vraiment!? Le Condor n'était pas fait pour attaquer, ç'aurait été trop risqué! Et avec toutes les manigances qu'Ambrosius pouvait sortir? Ç'aurait été du suicide! S'il pensait avoir affaire à un vaisseau de bois qui se briserait sous le choc de l'orichalque, il sous-estimait son ennemi! Qu'il était bête, mais bête!! À quoi il jouait, enfin!?

Il devait retrouver ses amis. Il est parti sans un mot, et ils devaient s'inquiéter, ou pire! Heureusement qu'il pourrait y arriver avant le coucher du soleil. Il respira une grande bouffée de lumière, et fila dans le ciel.

Tout de même...c'était quoi, cette sensation bizarre?

« J'ai vraiment besoin d'aide. », se dit-il.

~~~~~

« Je n'y crois pas... »

À l'horizon, l'éclat doré du Condor avait disparu aussi vite qu'il était venu. Comme si le duel aérien improvisé n'avait jamais eu lieu.

« Mais c'est de la folie! », tonna Laguerra, essayant de repérer l'oiseau au loin. « Ils nous attaquent de front, maintenant! À quoi donc pensent ces gamins!? »

Derrière elle, Ambrosius avait à peine bougé, toujours sous le choc. Mais lentement, son visage barbu se fendit d'un sourire.

« Eh bien, c'est là une perspective intéressante. », fit-il.

« – Intéressante? Pourquoi, vous pensez qu'ils trament quelque chose? »

« – N'as-tu rien remarqué? »

Il la regarda avec cette pointe de folie dans ses petits yeux, à laquelle elle ne répondit que par confusion.

« Remarqué quoi? Je...je ne vous suis pas. »

« – Le Condor! Le cockpit était vide! Je l'ai vu, il n'y avait personne aux commandes! »

« – Et alors? », grommela Gaspard, ressortant de sous le pont. « Qu'est-ce que ça change? »

« – Ne comprenez-vous pas, idiots? Le Condor se déplaçait de lui-même! Un vaisseau se pilotant lui-même, avec une telle précision! C'est au-delà de tout ce que j'ai jamais pu voir! »

Il se pencha sur la barrière du navire, fixant le point où le Condor avait disparu.

« Ce n'est pas un contrôle à distance. Il faudrait une gigantesque puissance mentale pour déplacer une telle masse, surtout à une telle distance... »

« – Mais alors...qu'est-ce que c'est? »

Le petit homme réfléchit pendant un moment, avant de se ruer vers son laboratoire. Il chercha parmi ses livres et parchemins, mettant encore plus de désordre dans sa bibliothèque, avant de trouver ce qu'il voulait. Il feuilleta le volume et en lit une page, qui le fit ricaner.

« C'est ça! C'est vraiment arrivé! »

Les deux autres le rejoignirent, toujours sans comprendre ses délires.

« Mais quoi? Qu'est-ce qui se passe? Expliquez-vous! »

Mais Ambrosius ne dit rien, refermant le livre pour le garder.

« Ce qui se passe, mes chers amis...est quelque chose qui rend la partie beaucoup plus intéressante. »

Re: (Fanfiction) Sa Machine Ailée

Posté : 23 juil. 2019, 15:41
par Sandentwins
Attention les gens, on arrive à mon chapitre préféré.

:condor: Chapitre 7: Sacrilège :condor:

Mais à quoi tu pensais, Esteban? Tu aurais pu tous nous mettre en danger!

« Je t'ai dit que j'étais désolé, c'est bon! »

Si Esteban avait encore des poumons, il aurait soupiré d'agacement.

Tu dois faire plus attention! Tu ne peux pas nous laisser au milieu du désert comme ça! Pense un peu aux conséquences de ta gaminerie!

Voyons, Mendoza! Il a déjà assez subi comme ça. Ne sois pas si dur avec lui.


Il appréciait la défense de Zia, mais elle ne lui remonta pas le moral comme il l'espérait. Il essaya de ne pas y penser alors qu'il volait vers le sud, là où il avait repéré la nef d'Ambrosius.

Tu dois comprendre que tu ne peux pas faire tout ce qui te passe par la tête. On doit rester ensemble, et ce qui t'est arrivé n'y change rien.

« Je sais bien. Je t'ai dit, je ne sais pas ce qui m'a pris. »

Ç’avait été comme un rêve. Il avait eu conscience de ses actions, mais ne s'était plus senti aux commandes de ses mouvements. Tout avait eu du sens pour lui, et d'un seul coup plus du tout. Et il ne savait pas comment le dire aux autres, sans qu'ils le croient devenir fou. Peut-être que ce n'était qu'une impression, après tout.

Il devait se maîtriser.

« Donc...où est-ce qu'on va, maintenant? Car si j'ai bien compris, il a beaucoup d'avance sur nous. »

On peut l'intercepter et lui barrer la route. S'il le faut, on le battra.

« C'est pas exactement ce que tu ne voulais pas que je fasse? Sacrée logique, dis donc. »

Il sentait bien que Mendoza n'avait pas l'habitude te telles remarques de sa part. Lui-même non plus, d'ailleurs. Mais qu'est-ce qu'il y pouvait? Son assaut raté l'agaçait, et il ne pouvait plus balancer de cailloux au loin, crier ou taper du pied pour marquer sa frustration. Toute cette immobilité lui collait aux plumes, et il n'avait plus que ses mots pour la libérer. Un peu qu'il haïssait ça.

Il se demandait à quel point il se contrôlait encore lui-même, et à quel point l'influence du Condor avait déteint sur lui. Le Condor avait-il une âme? Non, c'était stupide. Et pour être honnête, ça lui fichait les jetons. Mieux valait ne pas trop y penser, et suivre les ordres de son pilote. Fermer son esprit, ne rien dire, n'être qu'une machine avec une fonction et un but. S'il continuait de parler, il finirait par dire quelque chose d'horrible tôt ou tard, et il le regretterait.

Il s'en remettait donc au pilotage de Zia. Et ce n'était pas un procédé si dur. Bien qu'il aie toujours conscience de ce qui se passait et d'où il était, il pouvait tomber dans une sorte de demi-sommeil, où tout était flou et confus autour de lui. Finalement, c'était pas si mal d'avoir quelqu'un d'autre pour piloter son corps. Il n'avait pas à regarder où il allait; juste à y aller. Même si ça le gênait encore un peu, ce n'était pas un problème. Il l'avait accepté.

Il avait accepté que son destin ne lui appartenait plus, maintenant.

Ils volèrent jusqu'au crépuscule, sans aucun signe de leur cible. Esteban se sentit faiblir alors que le soleil descendait, et il se laissa atterrir près d'un campement de caravanes marchandes. Il s'est pas mal servi de ses ailes, aujourd'hui, et bien qu'il ne ressente aucune fatigue, un peu de repos ne lui ferait pas de mal.

Repose-toi, Esteban. Nous reviendrons au matin.

« Je sais. Bonne nuit. »

Il replia ses ailes, et regarda les autres partir vers le campement. Une douce brise sablée lui touchait le dos; il sentait les minuscules grains de sable glisser le long de son corps, et s'accumuler sous sa queue. Entre les rares nuages, la pleine lune brillait de sa douce lumière dorée.

« Ce serait bien de pouvoir voler sous la pleine lune. », se dit-il. « Après tout, la lumière de la lune est celle du soleil... »

Lors de ses voyages, il a rencontré beaucoup de cultures et de croyances. Et nombre d'entre elles avaient une certaine fascination pour le Soleil, et vénéraient sa chaleur et ses rayons bienfaisants. Même dans le puissant monothéisme espagnol, le culte du soleil restait une superstition dont il avait personnellement fait les frais. Et aux côtés du puissant Soleil, on trouvait parfois une douce, calme, discrète Lune en guise d'épouse, de mère ou de compagnon. Fascinant à quel point les mille cultures du monde se ressemblaient malgré leurs différences. Peut-être que c'était ça, l'héritage du peuple de Mu, et des cultures qu'ils avaient influencées et engendrées.

Alors que le soleil descendait derrière l'horizon, il se sentit tout assoupi, comme chaque nuit. Il se prépara au moment où ses forces l'abandonneraient d'un coup, où il n'aurait aucun choix sinon tomber dans un profond sommeil, sans bouger ni ressentir, jusqu'à ce que le soleil se lève à nouveau et lui confère sa force. Un cycle familier, qui ne changerait jamais.

Peut-être qu'il ne finirait jamais non plus.













































« De toutes façons, ce sera un moment magique. J'ai tellement hâte! »

« – Moi aussi...mais je m'inquiète toujours. »

« – Vraiment? Pourquoi, as-tu peur de ce qu'on dira de nous? »

« – Il faut voir les choses en face. Les gens d'ici ne m'aiment pas vraiment...qu'est-ce qui me dit qu'ils changeront pour lui? »

« – Tu sais bien qu'ils n'oseront jamais. Je ne les laisserai pas faire. Donne-leur du temps, et ils verront à quel point tu es quelqu'un de formidable. Ils te verront comme moi je te vois. Et ils se tairont, et nous aurons enfin une vie normale. »

« – Je me demande vraiment ce que j'ai fait pour te mériter, mon cœur. »

« – Tout d'abord, tu as soudainement oublié comment naviguer lorsque tu t'es retrouvé devant une côte inoffensive. Puis tu as fait comme si de rien n'était, comme si tout allait bien. Et depuis, je n'ai fait que m'en assurer. »

« – C'est vrai que c'est une façon unique de voyager. Mais va pas croire que mon expérience m'a quittée, au contraire! Tu vas voir, trésor, je te montrerai tout ce qu'on peut montrer! »

« – Vraiment? »

« – Vraiment!! J'ai hâte de te montrer tout ce que j'ai vu dans mes voyages. Les magnifiques dunes chinoises! Les lacs miroir du nord! Les temples hindous avec leurs milliers de statues!! »

« – Voyons, ne me gâche pas la surprise! Tu sais bien que je peux attendre, ma gazelle. Après tout, j'attends déjà la venue de Wayra. »

« – Je sais. Et ne va pas croire que je ne lui en montrerai rien. Dès qu'il arrive, on embarquera tous les trois, vers l'aventure! »

« – Dès qu'il arrive? Ce serait risqué… Ne pouvons-nous pas attendre quelque temps, et garder l'aventure pour plus tard? »

« – ...je savais que tu dirais ça. »

«  – Es-tu fâché? »

« – Non, non, pas du tout, mon cœur! Je ne peux pas me fâcher contre toi. Pas après tout ce que tu as fait pour moi. »

« – Je ferai tout ce qu'il te faudra. Tu sais que je donnerais ma vie pour toi, pour que nous restions ensemble. »
























































Le soleil lui caressa le dos, et il se réveilla d'un coup.

~~~~~

« C'est plus ou moins la fin de notre quête, du coup? »

Zia ne répondit pas, la tête baissée. Tao lui jeta un coup d’œil, caressant toujours les plumes de Pichu, faisant roucouler l'oiseau.

« J'y crois pas. On a fait tout ce chemin pour rien! », marmonna-t-il. « C'est pas juste. On devrait faire quelque chose! On a toujours une chance! »

« – Esteban parti. », répondit Pichu d'un air triste. « Cités d'Or parties. »

« – Je sais bien, ça. Mais c'est pas la fin de tout! »

« – Ça l'est, Tao. », rétorqua Zia. « On ne peut pas continuer sans lui. »

« – Mais il est toujours avec nous! Il est juste là! Il...il est pas mort! »

Elle frissonna au mot, et détourna son regard.

« Il n'est pas mort. », répéta Tao. « On l'a pas perdu...au final, il est toujours avec nous. »

Zia ne répondit pas. Il pouvait voir qu'elle y pensait. Qu'elle se souvenait. Et il se souvint aussi, se souvint de cet horrible moment.

« On a cru le perdre, mais il est toujours là. Et l'espoir aussi. »

« – Mais ce n'était pas sensé se passer! On devait le faire ensemble, et maintenant c'est impossible! Même si son âme est toujours là, on ne pourra plus progresser dans notre quête! »

« – On trouvera bien. Il y a toujours une solution! Et s'il n'y en a pas...on la trouvera quand même! »

Il jeta un œil hors de la petite tente où ils avaient passé la nuit. Au loin, le corps en repos du Grand Condor baignait dans les premiers rayons du soleil, brillant toujours de son activation matinale. Un gigantesque engin d'orichalque, si petit vu d'ici. Sous cette perspective, même le rondouillard Pichu volant devant lui avait l'air d'un géant.

« On pourra reprendre notre aventure. Tu vas pas me dire que nos ancêtres n'ont pas prévu cette éventualité! Tu imagines, avec leur sagesse? »

« – Rrk, souvenez-vous du peuple de Mu! »

Même si elle n'était pas d'humeur à sourire, Zia appréciait son optimisme. Elle en aurait plus besoin que jamais.

« Et j'imagine que tu as un plan? »

Tao réfléchit pendant un moment, regardant le condor déployer ses ailes et lever la tête. Une âme humaine aux commandes d'une machine, c'était juste incroyable! Tant de nouvelles possibilités s'ouvraient, et lui donnaient de nouvelles idées! Il pensait déjà à toutes sortes d'expériences, de tests et d'opérations pour analyser toutes les possibilités de cette découverte.

« Je crois bien que j'ai une idée... »

Au loin, le Condor repliait ses plumes, comme s'il battait des ailes. Mais son corps ne pouvait effectuer de tels mouvements: il était trop lourd, pas assez flexible. Et pour être honnête, Esteban n'avait pas la meilleure coordination du monde. Si seulement on pouvait alléger son corps et le rendre plus facile à diriger…

Zia se rapprocha, regardant également l'oiseau. Elle se posait encore tant de questions, se demandait ce que ça pouvait faire d'être une telle machine. Elle connaissait des légendes de réincarnation en animaux, en humains ou même en étoiles...mais jamais en objets. Et elle ne savait qu'en penser.

Pichu se posa sur le bras de Tao, tourné vers lui. Celui ci rendit son regard, pensif; mais une seconde plus tard, la révélation se fit.

« Mais bien sûr! »

Sa voix surprit Zia.

« Ça y est! Je sais quoi faire! »

Il retourna dans la tente, prit son livre et le feuilleta avec frénésie.

« Vraiment? », demanda-t-elle, confuse mais soulagée.

« – Vraiment! Je sais ce qu'il faut qu'on fasse: on va lui construire un nouveau corps! Un qui soit encore mieux! »

Sa réponse la prit par surprise, surtout quand il lui mit le livre sous le nez, lui montrant des croquis et signes qu'elle pouvait à peine lire.

« Comment est-ce que tu comptes construire tout un corps? Et en quoi ça va l'aider? »

« – Tu ne vois pas? Si on a besoin du médaillon d'Esteban pour continuer, lui a besoin d'un cou pour le porter. Ce qui veut dire qu'il lui faut un nouveau vaisseau! Un plus petit, qui peut aller là où le Condor est trop gros pour rentrer! En même temps, tu me diras que c'est un peu partout. »

Il n'avait pas tort. Mais quelque chose n'allait pas dans tout ça.

« Je ne sais pas... », hésita-t-elle. « C'est presque un sacrilège. »

« – Un sacrilège? Comment ça? »

Elle réfléchit un moment.

« Esteban est… Je ne sais pas ce qui lui arrive, ni pourquoi, mais c'est quelque chose qu'on ne peut pas comprendre. Toi et moi, nous avons vu ce qui s'est passé ce jour-là. J'ai peur que si on ne joue avec l'ordre des choses, le malheur nous frappera tous. »

Le sourire de Tao s'estompa quelque peu.

« C'est vrai que...quand tu le dis comme ça, j'ai l'air d'un alchimiste fou. »

Il y repensa un peu, sa voix plus basse.

« Mais peut-être que...ça fait partie du plan? Peut-être que c'est ce qui devait arriver? »

« – Comment ça? Tu...tu n'insinues quand même pas que depuis le début...Esteban devait…? »

Sa gorge se serra. C'était impossible! Le destin n'était pas si cruel, si inhumain, au point de faire de cet événement tragique un point essentiel de leur quête! Le peuple de Mu n'aurait jamais prévu ainsi, voulu ainsi!

Et si c'était bel et bien le cas...alors qu'est-ce que ça voulait dire pour eux? Devrait-elle également subir un tel sort? Les dieux avaient-ils fait d'elle un dommage collatéral? Était-ce ce pourquoi elle avait lutté, survécu, ce pourquoi elle était née?

« Zia? Est-ce que...tout va bien? »

Il tendit la main vers elle, pour essayer de la réconforter. Mais d'une claque soudaine, elle la repoussa.

« Comment oses-tu? Comment peux-tu dire de telles choses!? Sa mort ne vaut donc rien pour toi!? »

« – Hein? Mais...mais non, c'est pas ça, je te jure! »

« – Pourtant on aurait cru! »

Elle essuya une larme du coin de son œil.

« Il est toujours là, mais...on l'a vu. Il est mort, Tao, on l'a vu mourir! Et notre quête est morte avec lui! Et toi, tu dis que ce n'est pas grave, que son âme n'est...n'est qu'une broutille à se trimbaler! »

Sa voix tremblait, malgré la rage qu'elle essayait de cacher; ses mains tremblaient aussi.

« On a vu son corps être enterré, Tao. On était...on pleurait tous, on se demandait pourquoi ça lui est arrivé, et aujourd'hui encore je porte ce deuil. Même si l'âme d'Esteban est avec nous...il y a des choses qui ne s'en vont pas. Il y a des choses que je ne peux pas oublier. »

Elle tenta de se sécher les yeux, mais chaque seconde qui passait rendait sa tâche de plus en plus difficile. Alors elle laissa tomber, et les laissa couler. Ça l'aiderait, pensa-t-elle. Ça ne l'a pas aidée quand son père est mort, mais peut-être que cette fois ce serait différent. Elle souhaitait de tout son cœur que ça l'aide à avancer.

Elle pleura en silence, ses jambes au sol, sa tête baissée sous le poids de tout ce qui s'y passait. Sa gorge était serrée par le silence qui régnait dans la tente, et que la voix de Tao brisa un moment plus tard.

« Excuse-moi, Zia. Je…je ne savais pas que tu ressentais tout ça. »

Elle eut besoin d'un moment pour se calmer, garder la tête froide et relevée. Ce n'était rien de facile.

« Ce n'est pas grave. », dit-elle simplement. « Désolée d'avoir crié. »

Il s'assit en face d'elle, et posa une main réconfortante sur son épaule. Elle accepta l'invitation, et le prit dans ses bras, sa gorge toujours secouée de faibles hoquets. Doucement, il lui caressa le dos, essayant comme il pouvait de la rassurer.

« Je sais bien que je ne devrais plus y penser. Mais...je ne peux pas oublier ce jour. Cette peur que j'ai ressentie… J'ai vraiment cru que c'était la fin... »

« – Moi aussi...mais je t'en veux pas. Je comprends que tu veuilles y penser. »

Il détourna le regard, comme honteux.

« C'est encore trop tôt. J'aimerais bien le prendre avec autant de sérieux que toi. Mais...c'est comme ça. J'aimerais pleurer avec toi, mais je n'y arrive pas. »

« – Ce n'est pas ta faute. »

Ils gardèrent la tête baissée, ne sachant pas quoi dire. Lentement, ils se séparèrent, et Tao se releva, offrant sa main.

« On devrait aller lui parler. Au final, c'est sa décision. Et même s'il ne le dit pas...je doute qu'il l'ait bien pris. »

« – Je le comprends. Ça a dû être horrible... »

L'idée lui donna des frissons.

Au dehors, les choses bougeaient. Tout le monde se réveillait, et il faudrait reprendre la route.

« Allez, viens. », offrit-il. « On va retrouver les autres. On a pas mal de route à faire. »

Elle acquiesça, et le suivit hors de la tente.

Re: (Fanfiction) Sa Machine Ailée

Posté : 23 juil. 2019, 17:35
par Akaroizis
À quand le mariage ? :lol: